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03/06/2024 | FRANCE | N°21/03157

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 03 juin 2024, 21/03157


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Juin 2024
88H

RG n° N° RG 21/03157

Minute n°





AFFAIRE :

Caisse CPAM DE PAU
C/
SAS [6]






Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL [5]
Me François DEAT
la SCP NORMAND ET ASSOCIES



COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth

LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition

DEBATS :

à l’audience publique du 08 Avril 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition a...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Juin 2024
88H

RG n° N° RG 21/03157

Minute n°

AFFAIRE :

Caisse CPAM DE PAU
C/
SAS [6]

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL [5]
Me François DEAT
la SCP NORMAND ET ASSOCIES

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition

DEBATS :

à l’audience publique du 08 Avril 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

CPAM DE PAU prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSE

SAS [6] prise en la personne de représentant légal domicilié es qualités audit siège en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Maître Juliette BARRE de la SCP NORMAND ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, Me François DEAT, avocat au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 13 avril 2010, M. [X] [N] a été victime d’un accident sur son lieu de travail. Il conduisait une nacelle élévatrice parallèlement à un bâtiment en construction lorsque la nacelle a basculé sur la voie publique, entraînant la chute puis le décès de son conducteur.

Par jugement en date du 18 novembre 2019, le Tribunal correctionnel de Bordeaux a déclaré la SAS [6], entreprise chargée du gros gros oeuvre sur ce chantier, responsable de l’entier préjudice de M. [X] [N] et de ses ayants-droits. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Agen a servi des prestations au titre de la législation du travail au bénéfice des ayants-droits de Monsieur [X] [N].

Par acte d’huissier délivré le 20 avril 2021, la CPAM de la Gironde a fait assigner la SAS [6] devant le tribunal judiciaire afin d’obtenir, dans le cadre de l’exercice de son recours subrogatoire, sa condamnation au remboursement des prestations versées dans l’intérêt de M. [X] [N] et de Mme [I] [N] [V], soit :
- 1 442,50 euros au titre des frais d’obsèques,
- 535 203,53 euros correspondant à la rente accident du travail versée à la veuve de Monsieur [X] [N], Madame [I] [N].
- 1 578,83 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion dont 480,83 euros pour Monsieur [X] [N] et 1098 euros pour Madame [I] [N].

Par conclusion notifiées par voie électronique le 22 octobre 2021, la SA [6] a saisi le juge de la mise en état de fins de non-recevoir.

Par ordonnance du 25 mai 2022, le juge de la mise en état a :
- écarté les fins de non recevoir tirées de la prescription, de l’absence d’intérêt et de qualité à agir et dit que les demandes formées par la CPAM de PAU sont recevables,
- renvoyé l’affaire à la mise en état,
- joint les dépens de l’incident aux dépens du fond,
- dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2023, la CPAM de PAU demande au tribunal de :
Vu l’article L.376-1 du Code de la Sécurité sociale,
Vu l’article L 451-1 du Code de la Sécurité Sociale,
Vu les pièces versées au débat,
- dire et juger les demandes de la CPAM de PAU recevables et bien fondées,
Pour feu Monsieur [X] [N]
- condamner la SAS [6], tiers responsable, sous la garantie éventuelle de son assureur, à payer à la CPAM de PAU, la somme de 1.442,50 € au titre des prestations versées
pour le compte de son assurée sociale,
- condamner la SAS [6], tiers responsable, sous la garantie éventuelle de son assureur, à payer à la CPAM de PAU, la somme de 480,83 € au titre de l’indemnité forfaitaire,
en application des articles 9 et 10 de l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 ;

Pour Madame [I] [N] [V]
- condamner la SAS [6], tiers responsable, sous la garantie éventuelle de son assureur, à payer à la CPAM de PAU, la somme de 215.879,56 € au titre des arrérages échus « rente AT » versés pour le compte de son assurée sociale,
- condamner la SAS [6], tiers responsable, sous la garantie éventuelle de son assureur, à payer à la CPAM de PAU les arrérages à échoir de la « rente ayant droit » au fur et
à mesure qu’ils seront exposés à moins qu’elle ne préfère se libérer de son obligation par le versement immédiat du capital représentatif de 319.323,97 €.
- condamner la SAS [6], tiers responsable, sous la garantie éventuelle de son assureur, à payer à la CPAM de PAU, la somme de 1.162 € au titre de l’indemnité forfaitaire, en application des articles 9 et 10 de l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 ;
En tout état de cause
- dire qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil ;
- dire que ces sommes seront assorties des intérêts de retard au taux légal à compter de la décision à intervenir en application des dispositions de l’article 1231-6 du Code Civil ;
- débouter la SAS [6] de toutes ses demandes,
- condamner la SAS [6], tiers responsable, sous la garantie éventuelle de son assureur à payer la somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi
qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [H] [P] sur le fondement de
l’article 699 du Code de procédure civile ;
- ordonner l’exécution provisoire.

En défense, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2023, la SAS [6] demande au tribunal de :
- recevoir la société [6] en ses conclusions et l’y dire bien fondée ;
- débouter la caisse de sa demande au titre de la rente et des arrérages,
- constater que la société [6] s’en rapporte à la sagesse du Tribunal s’agissant des sommes suivantes :
• 1.442,50 € au titre des prestations versée pour le compte des frais funéraires ;
• 480,83 € au titre de l’indemnitaire forfaire, en application des articles 9 et 10 de l’ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 ;
• 1.098 € au titre de l’indemnité forfaitaire, en application des articles 9 et 10 de l’ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996.
A titre trés subsidiaire,
- juger que le quantum de la rente ne pourra excéder la somme de 319.323,97 euros,
- condamner la caisse primaire d’assurance maladie de Pau à la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la caisse primaire d’assurance maladie de Pau aux dépens.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 8 avril 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale que “si la lésion dont est atteint l’assuré social est imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants-droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent livre.
Les caisses primaires d’assurance maladie sont tenues de servir à la victime ou ses ayants droit les prestations et les indemnités prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l’auteur de l’accident, dans les conditions ci-après ; ce recours est également ouvert à l’Etat et aux institutions privées lorsque la victime est pupille de l’éducation surveillée, dans les conditions définies par décret.
Si la responsabilité du tiers auteur de l’accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à concurrence de la part d’indemnité mise à la charge du tiers qui répare l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, à l’exclusion de la part d’indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques par elle endurées et au préjudice esthétique et d’agrément. De même, en cas d’accident suivie de mort, la part d’indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur est acquise”.

Par jugement du 18 novembre 2019, le tribunal correctionnel de Bordeaux a déclaré la SAS [6] coupable des faits d’homicide involontaire par personne morale dans le cadre du travail, commis le 13 avril 2010 au préjudice de M. [X] [N]. Sur l’action civile, le tribunal a déclaré la SAS [6] responsable des préjudices subis par les ayants droit de M. [X] [N] et leur a alloué diverses sommes en réparation de leur préjudice moral outre la somme de 10.694,75 € au titre des frais d’obsèques et des frais de sépulture.

Ce jugement est aujourd’hui définitif et la SAS [6] ne conteste pas être tenue au remboursement des prestations versées aux ayants droit dans les conditions prévues à l’article L.451-1 susvisé.

À la suite du décès de son assuré social, la CPAM de PAU a versé les prestations suivantes :
- 1.442,50 € au titre des frais d’obsèques
- 215.879,56 € au titre des arrérages échus de la rente ayant droit du 14 avril 2010 au 31 octobre 2022
- 319.323,97 € au titre du capital de la rente ayant droit.

Elle sollicite la condamnation de la SAS [6] au remboursement de ces sommes ainsi qu’au paiement d’une indemnité forfaitaire de gestion pour un montant de 480,83 € et de 1.162 €.

La SAS [6] s’oppose à la demande en rappelant que le recours de la caisse est un recours subrogatoire et qu’elle ne peut solliciter le remboursement de montants supérieurs à ceux reçus par les bénéficiaires de ses prestations, ce qui implique de calculer l’assiette du recours. En l’espèce, les ayants droit n’ont formulé devant le tribunal correctionnel de Bordeaux aucune demande au titre de leur préjudice économique de telle sorte qu’il n’a pas été liquidé. La SAS [6] considère dès lors qu’il appartient au tribunal de déterminer l‘assiette du recours puis d’imputer les sommes versées par l’organisme social. Or, la CPAM de PAU n’a produit aucune pièce justificative permettant de justifier et chiffrer les indemnités dont elle réclame le remboursement et elle devra être déboutée de ses demandes. À titre subsidiaire, elle demande au tribunal de limiter le recours subrogatoire de la caisse à la somme de 319.323,97 € représentant le capital représentatif de la rente ayant droit. Elle ne s’oppose pas au remboursement de la somme de 1.442,50 € au titre des frais d’obsèques.

Il est constant qu’en application de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale, la caisse de sécurité sociale n’est admise à exercer un recours subrogatoire qu’à due concurrence de la part d’indemnité mise à la charge du tiers responsable, et par conséquent, s’agissant des ayants droit, dans la limite de l’indemnité qui leur est personnellement allouée. Il en résulte que l’assiette du recours de la caisse doit être déterminé avant l’imputation des sommes versées par l’organisme social.

En l’espèce, la caisse a versé des prestations relatives à l’indemnisation du préjudice patrimonial des ayants droit.

S’agissant des frais d’obsèques, le préjudice a été liquidé par le tribunal correctionnel de Bordeaux qui a imputé la créance de la CPAM de PAU sur le montant des frais d’obsèques et de sépulture, de telle sorte que la CPAM de PAU est fondée à exercer un recours subrogatoire pour obtenir le remboursement de la somme de 1.442,50 €.

S’agissant de la rente ayant droit, il ne peut être contesté que la CPAM de PAU a versé la rente à laquelle elle était tenue par application des articles L.434-7 et suivants du code du travail. Cette rente, versée aux ayants droit en cas de décès de l’assuré social, a vocation à s’imputer sur le montant de l’indemnité leur étant allouée au titre de leur préjudice économique, et non sur les préjudices subis par la victime directe (pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent) comme le soutient la caisse. Mme [I] [N] [V] n’a formulé aucune demande à ce titre devant le tribunal correctionnel de Bordeaux et le préjudice des ayants droit n’a donc pas été liquidé. Il n’en demeure pas moins que par application des dispositions susvisées, le tribunal ne peut imputer la créance de la CPAM de PAU sans que le montant du préjudice économique de la veuve soit évalué.

Les attestations d’imputabilité produites par la CPAM de PAU ne permettent en aucune façon d’évaluer le préjudice économique des ayants droit. Elles permettent seulement de rattacher le versement de la rente au décès de l’assuré. Il est par ailleurs produit la notification d’attribution de la rente mentionnant le salaire annuel brut de référence du défunt au moment du décès. Il convient toutefois de rappeler que le préjudice économique de l’ayants droit est calculé sur la base du revenu annuel du foyer avant le dommage, de la part de consommation personnelle de la victime directe et des revenus que continue à percevoir le conjoint. Les documents produits par la caisse ne permettent pas de procéder à cette évaluation. Il sera d’ailleurs rappelé que dans son ordonnance du 25 mai 2022, le juge de la mise en état avait rappelé à la CPAM de PAU qu’elle ne versait aucun élément de nature à justifier de l’imputation de sa créance et l’invitait à mettre en cause Mme [I] [N].

La créance de la CPAM de PAU ne peut donc être imputée et elle sera déboutée de la demande formée au titre de la rente ayant droit.

La SAS [6] sera en définitive condamnée à rembourser à la CPAM de PAU la somme de 1.442,50 € au titre des frais d’obsèques et funéraires. La caisse est en outre bien fondée, par application de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale, à solliciter le paiement d’une indemnité forfaitaire de gestion égale à 480,83 €.

Il y a lieu de dire que les sommes dues porteront intérêts de retard au taux légal à compter du présent jugement, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil.

Succombant à la procédure, la SAS [6] sera condamnée aux dépens.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles. Elles seront déboutées de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de rappeler que par application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Rappelle que par jugement du 18 novembre 2019, le tribunal correctionnel de Bordeaux a déclaré la SAS [6] responsable des préjudices subis par M. [X] [N] et ses ayants droit à la suite de l’accident du travail dont il a été victime le 13 avril 2010 ;

Condamne la SAS [6] à payer à la CPAM de PAU la somme de 1.442,50 € en remboursement des frais d’obsèques et funéraires versés aux ayants droit de son assuré social, outre une indemnité forfaitaire de gestion d’un montant de 480,83 € ;

Dit que ces sommes porteront intérêts de retard au taux légal à compter du présent jugement avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;

Déboute la CPAM de PAU du surplus de sa demande ;

Condamne la SAS [6] aux dépens et dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Ainsi fait et jugé les an, mois et jour susdits.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/03157
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;21.03157 ?
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