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22/05/2024 | FRANCE | N°22/04186

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 22 mai 2024, 22/04186


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 22 Mai 2024
64A

RG n° N° RG 22/04186


Minute n°






AFFAIRE :

[T] [I]
C/
[R] [H], [P] [H] épouse [H]




Grosse Délivrée
le :
à Avocats : Maître Pierre BLAZY de la SELARL BLAZY & ASSOCIES
Me Philippe DE FREYNE




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,
r>Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Greffier présent lors des débats :...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 22 Mai 2024
64A

RG n° N° RG 22/04186

Minute n°

AFFAIRE :

[T] [I]
C/
[R] [H], [P] [H] épouse [H]

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : Maître Pierre BLAZY de la SELARL BLAZY & ASSOCIES
Me Philippe DE FREYNE

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Greffier présent lors des débats : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS :

A l’audience publique du 13 Mars 2024,

JUGEMENT:

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [T] [I]
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6] (BELGIQUE)
de nationalité Belge
[Adresse 7]
[Localité 3]

représentée par Me Philippe DE FREYNE, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

Monsieur [R] [H]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Pierre BLAZY de la SELARL BLAZY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

Madame [P] [H] épouse [H]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Pierre BLAZY de la SELARL BLAZY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

FAITS ET PROCEDURE

Madame [I] est propriétaire en indivision avec son frère suite au décès de leur mère, d’une parcelle située commune de [Localité 3] lieu dit [Localité 5], voisine de celle qui appartenait aux consorts [H]. Pour accéder à son habitation, elle dispose d’un chemin d’accès sur sa parcelle, bordant une mare alimentée par le trop plein des eaux de l’étang qui appartenait aux consorts [H].

L’exutoire de cette mare s’effectuait normalement à travers une buse qui traversait le chemin d’accès (passage permettant l’écoulement des eaux).

A la suite d’intempéries au mois de Mai 2020, une partie du talus du chemin d’accès, coté mare, s’est effondré.

Des travaux ont été réalisés par Monsieur [H] aux fins de remise en état de l’exutoire de la mare.

Madame [I] a effectué des démarches amiables aux fins d’obtenir le financement des travaux de remise en état par les époux [H] de la canalisation se trouvant sous le chemin de terre, et pour pouvoir démarrer les travaux de remise en état du talus.

Suite au refus des époux [H], sur saisine de Madame [I], le Tribunal judiciaire de Bordeaux statuant en référé, par ordonnance du 06/04/2021 a ordonné une mesure d’expertise judiciaire confiée à Madame [U] [G] aux fins notamment de décrire les désordres et d’en rechercher la cause.

En septembre 2021, les époux [H] ont vendu leur propriété, en conservant la présente instance.

Le rapport définitif de Madame [U] [G] a été adressé aux parties et au greffe du tribunal le 05/03/2022.

Par acte signifié le 07/06/2022, Madame [I] a assigné les époux [H] devant la présente juridiction, en réparation du dommage subi.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30/01/2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 13/03/2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par RPVA le 17/01/2024, Madame [I], es qualité de représentante de l’indivision successorale [I] et en son nom propre, sollicite du tribunal de :

- condamner les consorts [H] à lui verser la somme de 38 028,57 € avec intérêts à compter de l’assignation,
- débouter les époux [H] de leurs demandes,
- les condamner à lui payer la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles,
- condamner les consorts [H] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 05/10/2023, les époux [H] sollicitent du tribunal de :
- débouter Madame [I] de l’ensemble de ses demandes,
- ordonner une contre-expertise judiciaire,
- subsidiairement : écarter la responsabilité des époux [H]
- infiniment subsidiaire : ordonner le partage de responsabilité entre Madame [I] et les consorts [H], et débouter Madame [I] de sa demande d’idemnisation à hauteur de 38 028,57 €,
- en tout état de cause :
condamner Madame [I] à leur verser la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles
condamner Madame [I] aux dépens

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la demande de nouvelle expertise formée par les consorts [H],

Au terme de l’article 232 du code de procédure civile, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien.

En l’espèce, les consorts [H] font grief au rapport d’expertise d’être erroné en ce qu’il a retenu pour cause principale de l’effondrement du talus, le non-entretien des dispositifs de restitution des eaux de l’étang appartenant aux époux [H].
Ils versent aux fins de contestations des conclusions du rapport d’expertise judiciaire, un rapport d’expertise unilatérale réalisé par le cabinet BV expertise mandaté par leurs soins aux fins d’avis technique sur les désordres affectant le chemin d’accès. Le dit rapport conclut pour sa part en un cumul de défaut d’entretien et de mise en place de système d’évacuation partagé entre Madame [I] et les consorts [H].

Par ailleurs, il contestent le déroulé des opérations d’expertise et notamment le fait que la 2ème réunion se soit déroulée en visioconférence.

Il convient de relever d’une part que l’expert a répondu aux arguments invoqués par les consorts [H] dans le cadre des dires adressés après dépôt du rapport provisoire. De plus, la 2ème réunion en visioconférence n’avait vocation qu’à faire le point sur les investigations avec les différentes parties intervenantes. L’expert s’est effectivement déplacé sur les lieux pour procéder à ses constatations. En tout état de cause, aucune demande de nullité du rapport n’est formulée.

Enfin, et postérieurement à l’expertise judiciaire, des travaux de réfection ont été réalisés de sorte que les lieux ont été modifiés et les constatations pouvant éventuellement être réalisés seraient dès lors inopérantes à identifier les désordres initiaux.

Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande des consorts [H] aux fins de voir ordonner une nouvelle expertise judiciaire avec la même mission.

II- Sur la demande en réparation formée par Madame [I]

a- sur la responsabilité des consorts [H]:

Aux termes de l’article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L’article 1244 du code civil prévoit que le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction.

En l’espèce, Madame [I] invoque plusieurs manquements de la part des consorts [H] constatés par l’expert judiciaire s’agissant du défaut d’entretien de leur étang et du dispositif de régulation du niveau d’eau étant précisé que les désordres subis par son fond sont imputables à ces défauts d’entretien.
Elle s’oppose à toute reconnaissance de sa responsabilité en exposant d’une part que la création de l’étang était postérieur à celle du chemin, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché l’inadaptation de la canalisation permettant l’écoulement des eaux sous le chemin. D’autre part, elle conteste toute fissuration du fait du nivellement de son chemin.
Enfin, elle sollicite à voir écarter l’exonération du fait de la force majeure au motif qu’il n’était pas établi de causalité entre les évènements pluvieux de Mai 2020 et les désordres subis par son fond.

Les consorts [H] contestent pour leur part les conclusions du rapport d’expertise judiciaire et notamment font valoir l’instabilité du chemin de terre du fait du réhaussement réalisé par Madame [I] suite à un précédent effondrement. Ils invoquent également l’inadaptation de la canalisation du chemin et sollicitent à voir établir la responsabilité de Madame [I] à ce titre. Enfin, ils sollicitent à voir écarter leur responsabilité au titre de la force majeure alléguant que les évènements pluvieux survenus en Mai 2020, sont la cause exclusive du dommage.

En l’état, en l’absence de bâtiment, il n’y a pas lieu à faire application des dispositions de l’article 1244 du code civil invoqué par les consorts [H].

Les conclusions du rapport d’expertise judiciaire établissent que l’effondrement du talus est lié au non-entretien des dispositifs de restitution des eaux de l’étang sur la propriété des époux [H]. Pour parvenir à ces conclusions, l’expert retient notamment :
- un niveau de rétention des eaux insuffisant lié au non fonctionnement du moine,
- un déversoir mal-conçu,
- l’absence de fossé de drainage en pied de digue pour canaliser les eaux
- trop d’apports de matières organiques (feuilles, et branches des arbres, déchets verts) dans la zone tampon, venant combler peu à peu la zone et l’embouchure de la canalisation sous le chemin
- l’absence de nettoyage et d’entretien de l’entrée de la canalisation.

Les conclusions du rapport d’expertise unilatérale versées par les consorts [H] ne contestent pas ces premiers éléments mais exposent que les désordres peuvent également s’expliquer en partie par l’inadaptation du chemin d’écoulement des eaux sous le chemin ou le réhaussement du chemin par Madame [I]. Ces conclusions sont intervenus néanmoins après démolition et reconstruction de l’entrée du pont.
De plus, il n’est pas contesté que la création de l’étang était postérieure à celle du chemin de sorte qu’il ne peut être reproché à Madame [I] de ne pas avoir modifié son terrain en conséquence des modifications apportées par les consorts [H].

S’agissant du réhaussement du chemin reproché à Madame [I], et qu’elle conteste, faisant état d’un simple comblement d’ornières, les deux rapports d’expertise établissent clairement que l’effondrement est lié à l’engorgement de la zone de déversoir. C’est cet engorgement, causé par des difficultés d’évacuation, qui est venu creuser le pied du talus et fragiliser la berge.

Enfin, est invoqué l’impact des évènements pluvieux de mai 2020 qui ont fait l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle. Néanmoins, pour être une cause exonératoire de responsabilité, la cause de force majeure doit être imprévisible, irrésistible et étrangère. Or, les négligences constatées par l’expert sont par nature préexistantes aux évènements pluvieux de Mai 2020. L’impact d’un apport majoré des eaux pluviales dans l’étang et la zone tampon n’est pas imprévisible ou irrésistible en ce que ces zones ont pour objectif premier la rétention d’eau. Si les évènements pluvieux ont pu aggraver la situation de l’étang, il appartenait aux consorts [H] en premier lieu d’entretenir les lieux conformément à leur utilisation.

Par conséquent et vu l’ensemble de ces éléments, il convient de constater la responsabilité des consorts [H] s’agissant du sinistre causé au fond appartenant à l’indivision successorale représentée par Madame [I].

b- sur le montant du préjudice sollicité,

En l’espèce, Madame [I] sollicite à titre de réparation la condamnation des époux [H] au paiement d’une somme de 38 028,57 € s’agissant de :
- 30.276,72 euros au titre des frais réparatoires, (devis SINICO)
- 4.641,60 euros au titre des frais d'expertise,
- 1.800,00 euros au titre des factures VETILLARD,
- 762,00 euros de complément de facture VETILLARD (entrepreneur intervenu lors des opérations d'expertise),
- 50,00 euros au titre de la facture Sud Gironde,
- 78,16 euros de frais d'assignation,
- 420,09 euros de Constat d'Huissier,

Les époux [H] contestent le montant de la somme demandée au motif que le devis serait imprécis et les postes de préjudice surévalués. Ils sollicitent qu’un nouveau devis soit versé.

Il ressort de l’expertise que c’est le devis formulé par l’entreprise J SINICO et versé par les défendeurs eux-mêmes qui permet à l’expert de chiffrer le montant des travaux à la somme de 30 276,72 € TTC. L’expert a pu estimer à ce titre que les travaux exposés selon ce devis permettront de rétablir l’écoulement des eaux et de conforter le talus du chemin en rétablissant la voie carrossable.

La demande à ce titre apparait donc justifiée.
S’agissant de l’intervention de l’entreprise VETILLARD et “SUD GIRONDE”, aucune facture n’a été versée aux débats.
Enfin, les autres frais réclamés seront indemnisés au titre d’autres dispositions (notamment les dépens et frais d’expertise).

Par conséquent, il convient de condamner les époux [H] à verser à Madame [I], es qualité de représentante de l’indivision, la somme de 30.276,72 € en réparation du préjudice subi par l’indivision successorale.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du Code Civil, et vu la demande de Madame [I], les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’assignation.

III- Sur les autres demandes,

Succombant à la procédure, les époux [H] seront condamnés aux dépens, dans lesquels seront inclus les frais antérieurs à l'engagement de l'instance relatifs à l’instance de référé expertise ayant préparé la présente instance.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [I] les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner les époux [H] à une indemnité en sa faveur de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

REJETTE la demande de nouvelle expertise formée par les consorts [H] ;

REJETTE la demande des consorts [H] aux fins de voir écarter leur responsabilité ou de voir ordonner un partage de responsabilité avec Madame [I] ;

DECLARE Monsieur [R] [H] et Madame [P] [H] entièrement responsables du sinistre subi par l’indivision successorale représentée par Madame [I]

CONDAMNE Monsieur [R] [H] et Madame [P] [H] à verser à Madame [I], es qualité de représentante de l’indivision successorale, la somme de 30.276,72 € en réparation du préjudice subi par l’indivision successorale ;

DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’assignation ;

CONDAMNE Monsieur [R] [H] et Madame [P] [H] à verser à Madame [I] la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE Monsieur [R] [H] et Madame [P] [H] aux dépens, en ce compris les frais de la procédure de référé et les frais d’expertise ;

REJETTE toute autre demande.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/04186
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;22.04186 ?
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