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22/05/2024 | FRANCE | N°20/01340

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 22 mai 2024, 20/01340


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 22 Mai 2024
63A

RG n° N° RG 20/01340

Minute n°






AFFAIRE :

S.A. CLINIQUE [15], [W] [C]-[J], S.A. CNA Insurance Company (Europe)
C/
l’ONIAM, [R] [E], CPAM DE LA GIRONDE, PAVILLON PREVOYANCE


Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES
la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES
Me Daniel DEL RISCO
Me Brun

o ZANDOTTI




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du dél...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 22 Mai 2024
63A

RG n° N° RG 20/01340

Minute n°

AFFAIRE :

S.A. CLINIQUE [15], [W] [C]-[J], S.A. CNA Insurance Company (Europe)
C/
l’ONIAM, [R] [E], CPAM DE LA GIRONDE, PAVILLON PREVOYANCE

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES
la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES
Me Daniel DEL RISCO
Me Bruno ZANDOTTI

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 13 Mars 2024,

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

S.A. CLINIQUE [15] prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 10]
[Localité 4]

représentée par Me Daniel DEL RISCO, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [W] [C]-[J]
né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A. CNA Insurance Company (Europe) prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 8]

représentée par Me Daniel DEL RISCO, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEURS

l’ONIAM pris en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 16]
[Adresse 6]
[Localité 11]

représentée par Maître Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

Monsieur [R] [E]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocats au barreau de BORDEAUX

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 14]
[Localité 4]

représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX

PAVILLON PREVOYANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 9]
[Localité 4]

défaillant

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 16 décembre 2016, M. [W] [C]-[J], qui présentait des douleurs mécaniques du genou gauche, a subi une intervention chirurgicale à la Clinique [15] pour la mise en place d’une prothèse totale de genou gauche. L’intervention a été réalisée par le docteur [E].

Devant l'évolution défavorable, M. [C]-[J] a été pris en charge par le CHU de [Localité 4] ou une ponction réalisée le 24 avril 2017 a mis en évidence un staphyloccocus lugdunensis méticillino sensible. Le 26 avril 2017, deux jours après, il a été opéré pour réalisation d'un changement de la prothèse totale du genou gauche.

Face a une nouvelle évolution défavorable, M. [C]-[J] a à nouveau été pris en charge par le CHU de [Localité 4], au terme d'une deuxième ponction réalisée le 1er septembre 2017, il a été mis en évidence un Staphylococcus épidermis. M. [C]-[J] a été opéré le 13 septembre 2017 pour dépose de la prothèse avec pose d'un spacer fixe.
Le 22 janvier 2018, il a à nouveau été opéré pour une nouvelle pose de la prothèse.

M. [W] [C]-[J] a saisi la CCI laquelle a désigné les docteurs [L] et [Y] aux fins d’expertise médicale. Les experts ont déposé leur rapport le 3 octobre 2018.

Dans son avis du 24 janvier 2019, la CCI a considéré que M. [W] [C]-[J] avait été victime d’une infection nosocomiale acquise à la Clinique [15] et dit que l’indemnisation de M. [W] [C]-[J] incombait à la compagnie CNA Insurance, assureur de la clinique [15].

Par courrier du 11 mars 2019, la Clinique [15] a fait savoir à M. [W] [C]-[J] que son assureur ne formulerait aucune offre.

L’ONIAM s’est substitué à l’assureur et a adressé le 19 novembre 2019 à la CNA Insurance un avis de sommes à payer valant titre exécutoire pour un montant de 11.473,75 € correspondant aux sommes versées à M. [W] [C]-[J].

Par acte délivré les 31 janvier, 3 et 4 février 2020, la CNA Insurance Company a fait assigner l’ONIAM, le docteur [R] [E] et le CHU de [Localité 4] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir :
- juger que le titre de recettes n°3178 est entaché d’illégalité interne comme externe ;
- prononcer l’annulation du titre de recettes n°3178
- dire et juger que le docteur [E] est responsable d’un défaut de prise en charge du processus d’infection,
- condamner le docteur [E] à la relever et garantir indemne de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son encontre, et ce à hauteur de 50% des conséquences dommageables liées à l’infection,

- dire et juger que M. [W] [C]-[J] a fait l’objet de deux infections distinctes ;
- dire et juger que le CHU de [Localité 4] est responsable de la seconde infection subie par M. [W] [C]-[J] ;
- condamner le CHU de [Localité 4] à prendre en charge les préjudices de M. [W] [C]-[J] en lien avec la seconde infection ;
- subsidiairement, si le tribunal devait ordonner l’exécution provisoire, subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie ;
- en tout état de cause, condamner l’ONIAM à lui verser la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision du 13 mai 2020, la Commission de Contrôle et d’Indemnisation a missionnées a désigné le docteur [L] pour procéder à une seconde expertise après consolidation de M. [C]-[J]. Le docteur [L] a rendu un rapport définitif daté du 5 août 2020, lequel évalue l'ensemble des préjudices de M. [C]-[J] et notamment le déficit fonctionnel permanent chiffre à 5 %.

Par ordonnance en date du 1/09/2020, le juge de la mise en état a :
- dit que le tribunal judiciaire de Bordeaux était incompétent pour statuer sur les demandes dirigées contre le CHU de [Localité 4] et a renvoyé la SA CNA Insurance Company à se pourvoir devant la juridiction administrative ;
- dit que le tribunal judiciaire de Bordeaux était compétent territorialement pour statuer sur les demandes de la SA CNA Insurance Company dirigées contre l’ONIAM;
- condamné la SA CNA Insurance Company à payer au CHU de [Localité 4] la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Par acte d’huissier délivré les 2 et 4 mars 2022, M. [C]-[J] a fait assigner devant la présente juridiction la clinique [15], la CPAM de la Gironde et la mutuelle Pavillon Prévoyance afin d'obtenir la condamnation de la clinique [15] à indemniser de l'ensemble de ses préjudices. L'affaire enrôlée suite à cette assignation a été jointe au dossier ouvert suite à l'assignation délivrée par la compagnie CNA.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30/01/24 et l’affaire a été appelée à l’audience du 13 mars 2023 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

La mutuelle Pavillon Prévoyance n’a pas constitué avocat. Il sera statué par jugement réputé contradictoire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 25 mai 2023, M. [W] [C]-[J] demande au tribunal de :
- Constater qu’il a été victime d’une infection nosocomiale au décours de l’intervention du docteur [E] à la Clinique [15] Ducos le 16 décembre 2016, indemnisable au titre de la responsabilité sans faute de la Clinique [15] Ducos,
A titre principal :
- Condamner la Clinique [15] Ducos à lui verser les sommes suivantes :
* Préjudices patrimoniaux :
o Frais divers : 39.374,17€,
o Frais de véhicule adapté : 24.525,12€,
* Préjudices extrapatrimoniaux :
o Déficit fonctionnel temporaire : 16.408,50€
o Souffrances endurées : 40.000€
o Préjudice esthétique temporaire : 4.000€
o Déficit fonctionnel permanent : 10.500€
o Préjudice d’agrément : 10.000€
o Préjudice esthétique permanent : 2.000€
- Déduire de ces sommes la provision d’un montant de 11.413,75€
- Assortir lesdites sommes des intérêts de droit y afférents à compter de l’assignation
A titre subsidiaire, si le tribunal devait constater que la Clinique [15] et le Docteur [E] ont une responsabilité partagée dans son préjudice, la Clinique sera condamnée à indemniser ses préjudices in solidum avec le Docteur [E] au stade de la contribution à la dette,
En tout état de cause,
- Statuer ce que de droit sur les demandes formées par la compagnie CNA à l'encontre de l'ONIAM et réciproquement institutionnellement formée par la CPAM
- Déclarer le jugement à intervenir commun à l’organisme social.
- Condamner la Clinique [15] Ducos aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3.500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 1er juin 2023, la CPAM de la Gironde demande au tribunal, au visa de l’article L.376-1 du Code de la Sécurité sociale, de :
Vu les articles L1142-1 et suivants du Code de la santé publique,
Vu les pièces du dossier,
- DÉCLARER la CLINIQUE [15] responsable de l’infection nosocomiale contractée par Monsieur [W] [C]-[J] le 16 décembre 2016 et de tous les préjudices qui en ont résulté pour la CPAM DE LA GIRONDE ;
- DÉCLARER que le préjudice de la CPAM DE LA GIRONDE est constitué par les sommes exposées dans l'intérêt de son assuré social, Monsieur [W] [C]-[J], à hauteur de la somme de 62.270,53 € ;
- CONDAMNER SOLIDAIREMENT la CLINIQUE [15] et son assureur, la Compagnie CNA HARDY à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 62.270,53 € en remboursement des prestations versées pour le compte de son assuré social ;
- CONDAMNER SOLIDAIREMENT la CLINIQUE [15] et son assureur, la Compagnie CNA HARDY à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de .162,00 € au titre de l'indemnité forfaitaire en application des dispositions des articles 9 et 10 de l'Ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 ;
- DECLARER que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal ;
- FAIRE application des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil ;
- CONDAMNER SOLIDAIREMENT la CLINIQUE [15] et son assureur, la Compagnie CNA HARDY à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens ;
- DIRE N’Y AVOIR LIEU à écarter l’exécution provisoire de droit.

Au terme de ses conclusions responsives notifiées par voie électronique le 20/04/2023, l'ONIAM demande au tribunal de :
- DEBOUTER la COMPAGNIE D’ASSURANCE CNA de l’ensemble de ses demandes d’annulation du titre n°1378 émis par l’ONIAM le19 novembre 2019 ;
- CONSTATER que le Directeur de l’ONIAM est compétent pour émettre des titres exécutoires en recouvrement de créances subrogatoires ;
- CONSTATER le bien-fondé de la créance de l’ONIAM objet du titre n°1378 émis le 19 novembre 2019;
- CONSTATER la régularité formelle du titre n°1378 émis par l’ONIAM le 19 novembre 2019;
- DIRE ET JUGER que l’ONIAM est parfaitement fondé à solliciter la somme de 11.413,75 € en remboursement des indemnisations versées à Monsieur [C]-[J] en substitution de l’assureur, objet du titre ;
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le tribunal annulerait le titre contesté pour un motif de légalité externe :
- CONDAMNER la COMPAGNIE D’ASSURANCE CNA à régler à l’ONIAM la somme de 11.413,75 € en remboursement des indemnisations versées à Monsieur [C]-[J] en substitution de l’assureur.
En toute hypothèse :
- CONDAMNER à titre reconventionnel la COMPAGNIE D’ASSURANCE CNA aux intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2019 (date de réception du titre par la COMPAGNIE D’ASSURANCE CNA) et capitalisation des intérêts par période annuelle sur les sommes dues
- CONDAMNER à titre reconventionnel la COMPAGNIE D’ASSURANCE CNA à régler à l’ONIAM la somme de 1.712,10 € correspondant à 15% de la somme de 11.413,75 €, au titre de la pénalité prévue à l’article L.1142-15 du code de la santé publique ;
- CONDAMNER la COMPAGNIE D’ASSURANCE CNA à régler à l’ONIAM de 3.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 20 avril 2023, la compagnie CNA Insurance et la clinique [15] demandent au tribunal de :
- juger que le titre des recettes n°3178 est entaché d’illégalité interne comme externe
- prononcer l’annulation du titre de recette n°3 178
- juger que le docteur [E] est responsable d’un défaut de prise en charge du processus infectieux
- condamner le docteur [E] à relever et garantir indemne la Compagnie CNA de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son encontre, et ce à hauteur de 50% des conséquences dommageables liées à l’infection
- juger que Monsieur [C] [J] a fait l’objet de deux injections distinctes et constater l'existence d'une seconde infection subie par Monsieur [C] [J] au sein du CHU de [Localité 4]
- rejetter les demandes de l'ONIAM, en ce compris la demande de remboursement des frais d'expertise et la demande au titre de la pénalité
- rejetter les demandes de la CPAM
- dire n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la décision à intervenir
Subsidiaire si le Tribunal devait ordonner l’exécution provisoire
- subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions au sens des dispositions de l’article 514-5
En tout état de cause
- condamner l’ONIAM à verser aux requérants la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 17 mai 2023, le docteur [E] demande au tribunal de :
Vu l’article R 6111-6 du Code de la Santé publique
Vu l’article L 1142-1 du Code de la Santé publique
Vu l’article 1353 du Code civil
Vu l’article 521 du Code de procédure civile
Vu l’article 514-1 du Code de procédure civile
Vu la loi du 4 mars 2002
Vu l’article 700 du Code de procédure civile
Vu les articles A 444-31 et suivants du Code de commerce
A titre principal
- CONSTATER l’absence de responsabilité du docteur [E]
- DEBOUTER la compagnie CNA de l’ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre du docteur [E]
A titre subsidiaire, si la juridiction de céans venait à retenir la responsabilité du docteur [E],
- ECARTER toutes condamnations provisoires du jugement à intervenir et qui seraient mises à la charge du Docteur [E]
A titre infiniment subsidiaire, si la juridiction de céans venait à retenir la responsabilité du docteur [E] et prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
AUTORISER le docteur [E] à consigner l’ensemble des sommes auxquelles il serait tenu sur le compte Séquestre du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de Bordeaux dans l’attente d’un jugement définitif sur la responsabilité du Docteur [E].
En tout état de cause :
- DEBOUTER toutes les parties de leurs demandes plus amples ou contraires à l’encontre du docteur [E],
- CONDAMNER la compagnie CNA à verser au docteur [E] une indemnité globale et forfaitaire de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile
- CONDAMNER la compagnie CNA aux entiers dépens dont distractions au profit de la SCP BAYLE JOLY
- DIRE qu’en cas d’exécution forcée les sommes retenues par l’huissier par application des articles A 444-31 et suivants du Code du Commerce seront supportées par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du Code de procédure civile

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité médicale de la clinique [15] concernant l'ensemble des préjudices de M. [C]-[J]

Au terme des de l'article L1142-1 I alinéa 2 du code de la Santé Publique, les établissements, services et organismes de santé sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales « sauf s’il rapportent la preuve d’une cause étrangère ».

M. [C]-[J] soutient que les experts désignés par la Commission de Contrôle et d’Indemnisation ont conclu de manière particulièrement claire que l'infection contractée par lui est associé aux soins de mise en place de la prothèse réalisée le 16 décembre 2016 et qu'il s'agit d'une infection nosocomiale. Il rappelle que l'infection nosocomiale est une maladie contractée dans l'établissement de soins, que les symptômes de la maladie apparaissent pendant que l'intéressé se trouve dans l'établissement ou non. Elle soutient qu'en cas de plaie opératoire, l'infection est reconnue comme nosocomiale si elle survient dans le délai de 30 jours suivant l'intervention, délai qui peut être porté jusqu'à un an en cas de pose de prothèse ou d'implant. Concernant l'hypothèse d'une seconde infection contractée lors de son hospitalisation au CHU, M. [C]-[J] souligne que les experts ne l'ont pas retenue, concluant à une infection unique, et qu'ils ont été suivis par la Commission de Contrôle et d’Indemnisation.

La clinique [15] et la compagnie CNA Insurance ne contestent pas les conclusions du rapport d'expertise selon lesquelles M. [C]-[J] a contracté une infection au sein de la clinique lors de son hospitalisation pour pose d'un implant le 16 décembre 2016. Ils soutiennent en revanche que le docteur [E] a commis des manquements dans le cadre du suivi postopératoire qui a fait perdre au patient des chances d'être pris en charge plus précocement et de voir les conséquences de cette infection moindre, perte de chance qu'ils chiffrent à 50 %. Par ailleurs, la clinique [15] et la compagnie CNA Insurance soutiennent que les deux germes mis en évidence le 24 avril 2017 suite à la première ponction réalisée au CHU puis le 1er septembre 2017 suite à la deuxième ponction faisant suite à l'intervention chirurgicale réalisée au CHU le 26 avril 2017 sont des germes différents, ce qui démontre que M. [C]-[J] a souffert successivement de deux infections différentes, la seconde étant imputable aux CHU. La clinique [15] et la compagnie CNA Insurance invoquent cet égard l'analyse du docteur [G] [T], infectiologue, qui établit la nature différente des deux infections.

La responsabilité de l'établissement de soins pour une infection contractée lors de la prise en charge au sein de cet établissement est, au terme des dispositions susvisées, une responsabilité de plein droit, sauf pour l'établissement de soins à justifier d'une cause étrangère.
La clinique [15] et la compagnie CNA Insurance ne contestent pas que M. [C]-[J] ait contracté une infection lors de son hospitalisation du 16 décembre 2016 au sein de la clinique, mais contestent la validité du titre exécutoire délivré par l’ONIAM, laquelle sera examinée dans un deuxième temps, ainsi que l'imputabilité de l'ensemble des préjudices de M. [C]-[J] à cette première infection. Ils ne concluent pas au rejet des demandes formées par M. [C]-[J] au motif de fautes du docteur [E] qui constituerait une cause extérieure mais sollicitent la condamnation du docteur [E] à les relever indemne.
Le rapport d'expertise des docteurs [L] et [Y] en date du 3 octobre décrit une infection mise en évidence lors de la ponction du 24 avril 2017 réalisée au niveau de la prothèse et conclue sans contestation possible au caractère nosocomial de l'infection. Il convient en conséquence de condamner la clinique [15], conformément aux demandes de M. [C]-[J], à réparer l'ensemble des conséquences de cette infection.
S'agissant de la deuxième infection mise en évidence lors de la ponction du 1er septembre 2017, la clinique [15] et la compagnie CNA Insurance produisentun avis critique du socteur [G] [T] qui conclut que M. [C]-[J] a présenté deux épisodes d'arthrite septique du genou gauche correspondant à des germes distincts et à deux infections nosocomiales distinctes, imputables chacune à un établissement hospitalier distinct. Néanmoins, quelque soit la valeur de cette analyse proposée par un expert privé sans avoir procédé à des opérations d'expertise contradictoires permettant à toutes les parties de s'exprimer, force est de constater que ces conclusions ne contreviennent pas aux constatations des socteur [L] et [Y]. Ces derniers précisent en effet dans leur rapport la nature des germes mis en évidence lors de ponction, à savoir un Staphylococcus lugdunensis meticcilo sensible lors de la première ponction du 24 avril 2017 et un Staphylococcus épidermis résistant à la méticilline lors de la deuxième ponction du 1er septembre 2017.
Néanmoins, cette seule donnée quant à la nature différente des deux germes ne suffit pas à écarter l'imputabilité des deux infections à l'hospitalisation initiale au sein de la clinique [15] du 16 décembre 2016 dès lors que la prise en charge de M. [C]-[J] au sein du CHU à compter de sa ponction du 24 avril 2017, notamment pour l'opération du 26 avril 2017, était la conséquence directe de l'infection initiale. Les docteurs [L] et [Y] n’ont pas retenu l'imputabilité des préjudices au CHU, qui était représenté aux opérations d'expertise. De la même manière, la Commission de Contrôle et d’Indemnisation, dans son avis du 24 janvier 2019, a retenue l'infection contractée au sein de la clinique [15] comme étant à l'origine de l'ensemble des préjudices de M. [C]-[J].
En tout état de cause, même si la deuxième infection était jugée comme non consécutive et donc non imputable à la première, les responsables d’un même et unique préjudice doivent être condamnées solidairement à réparer, chacun en totalité, l’ensemble des préjudices de la vicitme, et ce même si un ordre de juridiction statue indépendement de l’autre. Force est de constater qu’en l’espèce les experts n’ont pas pu identifier des préjudices autonomes en lien avec l’une ou l’autre infection, les 2 infections ayant touché le siège de la prothèse.
Dès lors, il convient de déclarer la clinique [15] entièrement responsable des préjudices de M. [C]-[J] consécutifs à l'infection contractée lors de son hospitalisation du 16 décembre 2016.
Sur la demande de relevé indemne formée par la clinique [15] et la compagnie CNA Insurance à l'encontre du docteur [E]
La clinique [15] et la compagnie CNA Insurance soutiennent que le rapport d'expertise des dr [L] et [Y] a mis en évidence le défaut de prise en charge du docteur [E] mais n'en a pas tiré les conséquences. Ils soutiennent que les experts ont constaté que lorsque M. [C]-[J] a quitté la clinique [15] le 19 décembre 2016, il présentait une CRP très élevée à 189 mg par litre, ce qui est anormal de sorte qu'ils se sont interrogés sur la responsabilité du docteur [E], les signes infectieux étant suffisamment significatifs quant à la suspicion d'un sepsis. Ils soutiennent que les signes cliniques étaient suffisants pour faire évoquer une infection et justifiaient a minima une surveillance, d'autant plus que l'état du patient était fébrile.
La clinique [15] et la compagnie CNA Insurance ajoutent que lors de la visite du 30 janvier 2017, le docteur [E] a commis une faute en considérant l'évolution comme favorable sans s'alarmer des signes d'infection. Il invoquent la note du docteur [G] [T] et soutiennent que cette dernière peut être retenue comme élément de preuve dès lors qu'elle est versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire des parties.
Le docteur [E] conteste toute faute, relevant que la température du patient était redescendue à un niveau correct au moment de sa sortie. Il ajoute que le taux de CRP à 189 le jour de sa sortie ne constitue pas à lui seul un signes clinique anormal. Il ajoute que lors de sa consultation du 30 janvier 2017, la CRP était revenue à 27 mg par litre, soit une valeur normale à ce stade, et que l'ensemble des constatations qu'il a faites témoignaient alors d'une évolution normale.

Le rapport d'expertise des docteurs [L] et [Y] indique en effet que lors de sa sortie le 19 décembre 2016, M. [C]-[J] présentait une CRP très élevée à 189 mg par litre pour une normale 5 mg par litre, ce qui est un indicateur d'une inflammation, et ajoutent que la CRP serait montée à 300 mg par litre peu de temps après au centre des grands chênes. Ils indiquent néanmoins que les premiers signes certains de l'infection remontent au 17 avril, date de la ponction. Les experts ne constatent par ailleurs aucune anomalie dans la température du patient qui était redescendue à moins de 38° le jour de sa sortie. Au total, les experts ne retiennent aucune faute dans suivi du socteur [E] le jour de la sortie du patient, de la même manière qu'il ne décrivent aucun manquement lors de la consultation du 30 janvier 2017. L'analyse du rapport unilatéral du docteur [G] [T], qui ne développe pas les éléments cliniques dont disposait le docteur [E] le jour de la sortie, ne saurait suffire à remettre en cause l'appréciation des experts. Il convient de rappeler que le docteur [Y] est spécialisé en hygiène ce qui suppose une compétence particulière en infectiologie.

Dès lors, à défaut de preuve d'une faute du docteur [E] dans le suivi postopératoire de son patient, il convient d'écarter la demande de relevé indemne formée par la clinique [15] et la compagnie CNA Insurance.

Sur la demande de nullité du titre exécutoire par L’ONIAM

Aux termes de l’article L1142-14 du Code de la santé publique, “lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé, d'un service de santé ou d'un organisme mentionné à l'article L. 1142-1 ou d'un producteur d'un produit de santé mentionné à l'article L. 1142-2, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance.”
Aux termes de l’article L1142-14 du Code de la santé publique, “lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé, d'un service de santé ou d'un organisme mentionné à l’artice 1142-1 ou d'un producteur d'un produit de santé mentionné à l’article L1142-2, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance.”
Aux termes de l’article L1142-15 du Code de la santé publique, en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée ou expirée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise.
Aux termes de l’alinéa 5 de l’article L1142-15 du Code de la santé publique, en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue.

La clinique [15] et la compagnie CNA Insurance soutiennent que le titre exécutoire émis par L’ONIAM est irrégulier dès lors que si le protocole d'indemnisation de M. [C]-[J] a été porté à la connaissance de la CNA, ce n'est qu'au moment de l'émission du titre exécutoire auquel il était annexé en pièce jointe et non préalablement à la communication dudit titre. Ils ajoutent que, contrairement aux dispositions de l'article 4 alinéa 2 du titre Ier du décret du 7 novembre 2012 les bases de la liquidation n'étaient pas indiquées alors qu'elles doivent l'être pour toute créance liquide faisant l'objet d'un ordre de recouvrement.

L’ONIAM soutient à l'inverse que les dispositions de l'article L 1142-15 du code de la santé publique n'imposent pas une communication du protocole transactionnel avec la victime préalablement à la procédure de mise en œuvre de recouvrement par l’ONIAM. Elle soutient qu'en tout état de cause, elle a informé tant la victime que l'assureur défaillant de son accord de principe avant de signer un protocole transactionnel avec M. [C]-[J]. Concernant les bases de liquidation de la créance, l’ONIAM soutient qu'elles peuvent résulter du titre exécutoire lui-même ou des pièces qui y sont jointes. Elle rappelle qu'en l'espèce, était joint au titre exécutoire non seulement l’avis de Commission de Contrôle et d’Indemnisation mais également le protocole transactionnel qui détaillait les sommes allouées à M. [C]-[J] comme provision au titre de plusieurs postes de préjudice.

Il est exact que les dispositions de l'article L1244-15 du code de la santé publique imposent que la transaction conclue avec la victime soit portée à la connaissance du responsable et le cas échéant de son assureur. Néanmoins, aucune disposition n'exige que cette transaction soit communiquée à l'assureur avant l'émission du titre exécutoire. Force est de constater qu'en l'espèce, l’ONIAM verse un courrier daté du 11 juillet 2019 adressé à CNA Insurance l'informant de ce que, suite au refus de prise en charge des préjudices de M. [C]-[J] notifié par cette compagnie d'assurance par courrier du 11 mars 2019, l’ONIAM avait notifié à M. [C]-[J] un accord pour la prise en charge de son dossier dans le cadre de la substitution.

Selon l’article 24 du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, “toute créance liquidée faisant l’objet d’une déclaration ou d’un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation”.

S'agissant des bases de liquidation de la créance, elles ont été communiquées à la clinique [15] et la compagnie CNA Insurance dès lors que le titre exécutoire était accompagné de l'avis de la Commission de Contrôle et d’Indemnisation du 24 janvier 2019, faisant suite aux opérations d'expertise où étaient représentés la clinique [15] et son assureur, mais également le protocole transactionnel accepté par la victime le 20 septembre 2019, lequel détaillait les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire, à titre de provision, des souffrances endurées, à titre de provision, et du préjudice esthétique temporaire à titre de provision.

Dans ces circonstances, aucune nullité de forme du titre exécutoire ne saurait être prononcée.

D'autre part, aucun motif de nullité interne du titre exécutoire ne saurait être retenu dès lors que la responsabilité de la clinique [15] est entière quant aux conséquences de l'infection nosocomiale contractée le 7 décembre 2016 pour les motifs ci-avant développés.

Dès lors, il convient d'écarter la demande d'annulation du titre exécutoire.

Sur la liquidation du préjudice de M. [W] [C]-[J]

Le rapport du docteur [L] en date du 5 août 2020 expose que M. [C]-[J], né en [Date naissance 13] 1948, présente suite à l'infection de sa prothèse de genou, une légère boiterie à la marche et une inégalité de longueur du membre inférieur gauche inférieur d'un centimètre. Après consolidation fixée au 16 mai 2019, le docteur [L] retient un déficit fonctionnel permanent de 10 % dont 5 % imputables à l'infection de la prothèse.

Au vu de ce rapport, le préjudice corporel de M. [W] [C]-[J] sera évalué ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

I - Préjudices patrimoniaux :

A - Préjudices patrimoniaux temporaires :

Dépenses de santé actuelles (DSA) :

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.
Ils’évince du relevé de débours de la CPAM que cette dernière a exposé entre le 17 avril 2017 et le 10 avril 2019 une somme total de 62 270,53 € correspondant aux frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques et de transports imputables, au terme de l'attestation d'imputabilité, à l’infection.

M. [W] [C]-[J] ne fait pas état des dépenses demeurées à sa charge.

2 - Frais divers (F.D.) :

Assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.

Il s’agit du préjudice lié à la nécessité, pour la victime, du fait de son handicap, d’être assistée par une tierce personne, spécialisée (infirmière, kinésithérapeute...) ou non s’agissant notamment du ménage, des actes de la vie courante, d’une incitation ou simple surveillance nocturne...
Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.

Il sera retenu un taux horaire de 18€ s’agissant d’une aide nécessaire qui ne requiert aucune qualification spécialisée. De plus, il n'y a pas lieu de recalculer le montant horaire pour prévoir une indemnisation 413 jours par an pour tenir compte des congés payés, le M. [C]-[J] ne justifiant pas avoir pour cette période salarié quelqu'un dans le cadre d'un emploi direct.

L' expert a fixé le besoin à 2 heures par jour pendant la période du déficit fonctionnel temporaire de classe III soit 591 jours selon le calcul commun des parties, et 1 heure par jour pendant la période de DFT de classe II, soit 331 jours selon le calcul commun des parties. Le poste aide tierce personne sera en conséquence fixée à la somme de 27 234 € (591 × 2 × 18 + 331 × 18), somme qui sera arrondie à la somme de 28 884,73 € conformément à l'offre de la clinique [15] et la compagnie CNA Insurance.

B - Les préjudices patrimoniaux permanents :

M. [W] [C]-[J] sollicite l’application du barème de capitalisation proposé et publié par la Gazette du Palais le 31 octobre 2022 qui retient un taux d’actualisation de -1%.
Le barème publié par la gazette du palais du 31 octobre 2022 présente l’avantage d’être fondé sur une espérance de vie actualisée reposant sur les données démographiques disponibles les plus récentes ainsi que sur des données financières économiques actualisées. L’application de cette table de capitalisation avec un taux d’actualisation de 0 % apparaît la plus pertinente pour permettre un réparation du préjudice sans perte ni profit. Il convient en conséquence de retenir ce barème de capitalisation.

Les frais de véhicule adapté

Bien que le rapport d'expertise du docteur [L] ne se prononce pas explicitement sur le besoin ou non d'un aménagement du véhicule, il est constant que les séquelles dont souffre M. [C]-[J] lié à un verrouillage du genou gauche avec phénomènes de dolorisation justifient le recours à un véhicule avec boîte automatique.

M. [C]-[J] justifie de la revente de son véhicule à boîte manuelle acheté neuf en 2013 au mois d'octobre 2019. Il sollicite une somme de 20 890 € correspondant à la différence entre le prix d'achat d'un véhicule neuf de la même gamme et le prix de revente de son véhicule (30 390 - 9 500).

La clinique [15] et la compagnie CNA Insurance ne s'expriment pas sur ce poste de préjudice.

Il convient de retenir la moitié du surcoût lié au changement de véhicule, le changement de véhicule étant bien imputable à l’accident mais M. [C]-[J] ayant la possibilité de remplacer son ancien véhicule par un véhicule doté d'une boîte automatique d'occasion, soit 10 445 euros.

Pour l'avenir, il convient de retenir un surcoût de 1700€ et d’un changement de véhicule tous les 6 ans à compter de 2030 faute de justification d'une acquisition du nouveau véhicule antérieure au présent jugement, soit un surcoût annuel de 283,33 €, somme à capitaliser de manière viagère à compter de l’âge de 82 ans (x 7,403).

Il convient dès lors de fixer ce poste de préjudice à la somme de 12 542,49 € :
(2 097,49 + 10 445).

II - Préjudices extra-patrimoniaux :

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

Déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.
Calculée sur la base de 27 € par jour pour une DFT à 100%, il doit être arréte au regard des conclusions de l'expert à :
- 4 455 € correspondant au déficit fonctionnel temporaire total (100%) d’une durée totale de 165 jours selon le calcul commun des parties
- 7 978,50 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 50 % d’une durée totale de 591 jours selon le calcul commun des parties
- 2 234,52 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 25 % d’une durée totale de 331 jours selon le calcul commun des parties
- 99,90 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 10 % d’une durée totale de 37 jours selon le calcul commun des parties
soit un total de 14 767,65 €.

Souffrances endurées (SE) :

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

L'expert les a évalué à 4/7 en raison des nombreuses interventions.

M. [W] [C]-[J] considère que ce poste dervait être évalué à 5/7 au regard non seulement des 3 opérations chirurgicales, mais également de la durée de déficit fonctionnel temporaire élevé.

Au regard des 3 interventions chirgicales évoquées dans l’exposé des faits, de la durée de déficit temporaire total et partiel retenu et de l’ensemble des soins exposés par les experts, l’évaluation des souffrances endurées par le docteur [L] n’apparaît pas déraisonnable.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 20 000 €.

Préjudice esthétique temporaire ( P.E.T.)

L'expert a retenu une préjudice esthétique temporaire de 2/7 pendant la période de DFT de classe III et de1.5/7 pendant la période de DFT de classe II.

Il est constant que M. [W] [C]-[J] a dû se déplacer avec 2 béquilles pendant les 591 jours de DFT de classe III et avec une canne pendant les 331 jours de DFT de classe II.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 4 000 €.

B - Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

Le déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) :

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence. Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 10% dont 5% imputables à l’infection, ayant retenu une limitation fonctionnelle du genou avec raideur, une légère boiterie la marche, une inégalité de longueur du membre inférieur gauche inférieur d'un centimètre.

M. [W] [C]-[J] sollicite que le taux de DFP soit ramené à 7%, exposant que ses douleurs se sont aggravées ce qui l'a amené à consulter à nouveau un spécialiste pour envisager un nouveau changement de prothèse.

La clinique [15] propose une liquidation sur la base de 5%.

Si M. [W] [C]-[J] justifie d'une nouvelle consultation d'un rhumathologue en novembre 2022, lequel relate des douleurs du genou "qui semblent se majorer depuis cet été", cet élément n'est pas objectivement constaté par ce spécialiste.

Il convient de fixer l'indemnité à ce titre à la somme globale de 8 000 €, laquelle comprend les troubles dans les conditions d’existence et les douleurs séquellaires.

Préjudice esthétique permanent ( P.E.P.):

L'expert a retenu une préjudice esthétique permanent de 0,5/7 .
Il est constant que M. [W] [C]-[J] présente une cicatrice au droit du genou mais également une légère boiterie.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 2 000 €.

Préjudice d’agrément ( P.A.) :

Il vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

M. [W] [C]-[J] invoque une limitation de son périmètre de marche alors qu’il pratiquait avant son opération tous les jours de la marche pour se maintenir en forme.

Les limitations majorées de M. [W] [C]-[J] sont effectivement de nature à diminuer ses possibiltés de marche quotidienne.
Néanmoins, ce dernier ne verse aucune pièce tendant à établir qu’il pratiquait avant l’accident médical une marche quotidienne, ce qui ne peut se déduire de ses seules affirmations.

Dès lors, il ne sera fixée aucune somme à ce titre.

Sur la créance des tiers payeurs et la répartition des créances:

La créance des tiers payeurs au titre des prestations évoquées ci avant pour chaque poste de préjudice s’imputera conformément au tableau ci-aprés :


Evaluation du préjudice
Créance
CPAM
Créance
victime
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
62 270,53 €
62 270,53 €

- ATP assistance tiers personne
28 884.73€

28 884.73€
permanents

- frais de véhicule adapté
12 542,49 €

12 542,49 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFT déficit fonctionnel temporaire
14 767,65 €

14 767,65 €
- SE souffrances endurées
20 000,00 €

20 000,00 €
- PET préjudice esthétique temporaire
4 000,00 €

4 000,00 €
permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
8 000,00 €

8 000,00 €
- PE Préjudice esthétique permanent
2 000,00 €

2 000,00 €
- PA préjudice d'agrément
0,00 €

0,00 €
- TOTAL
152 465.40 €
62 270,53 €
90 194.87€
Provision

11 413,75 €
TOTAL aprés provision

78 781.12€

Après déduction de la créance des tiers-payeurs (62 270,53€) et déduction de la provision versée par l'ONIAM, le solde dû à M. [W] [C]-[J] et à la charge in solidum de la compagnie CNA Insurance et de la clinique [15], s’élève à la somme de
78 781,12 €.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du Code Civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement. Les conditions de l'article 1231-6 du Code civil relatives aux intérêts à compter de la mise en demeure ne sont en effet pas remplies dès lors que la somme due à la victime n'était pas déterminée dans son montant antérieurement à la décision de justice.

Sur les demandes de la CPAM de la Gironde

Les defendeurs contestent la créance invoquée par la CPAM, soutenant qu’il n’est pas justifié du lien de causalités entre les prestations dont le remboursement est sollicité et l’infection autrement que par un document établi par elle -même.

Néanmoins, l’attestation d’imputabilité émise par un médecin conseil de la caisse liste précisément chacune des prestations en lien avec les conséquences de l’infection telles qu’elles sont décrites par le rapport d’expertise.

C'est donc à bon droit que la CPAM de la Gironde demande en application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, la condamnation de la compagnie CNA Insurance et de la clinique [15], tiers responsable, à lui rembourser la somme de 62 270,53€ au titre des frais exposés pour son assurée social et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Elle est en outre bien fondée dans sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion telle que prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

En outre, il convient de faire application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil conformément à la demande.

Sur les demandes reconventionnelles de l’ONIAM

Aux termes de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, “En cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l’assureur ou le responsable à verser à l’office une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue”.

L’ONIAM sollicite sur ce fondement la condamnation de la MACSF au paiement d’une pénalité de 15 %, soit la somme de 1 712,10 €.

Après avoir notifié à l’ONIAM et à M. [C]-[J] par courrier du 11 mars 2009 un refus de garantie, la compagnie CNA Insurance et la clinique [15] n'ont pas remis en cause, dans le cadre de leur conclusion devant le présent tribunal, la responsabilité de plein droit de la clinique pour l'infection nosocomiale. Ils concluent à la nullité du titre exécutoire émis par l’ONIAM portant sur des provisions mais ne concluent pas au rejet des demandes formées à leur encontre par M. [C]-[J], sollicitant simplement un relever indemne par le docteur [E] à hauteur de 50 % et une limitation des sommes allouées à la victime au regard de la 2d infection qu’ils considèrenet comme imputable au CHU.

Dans ces circonstances, il convient de faire application des dispositions de l'article L1142-15 du code de la santé publique et d'accueillir la demande formulée par l’ONIAM au titre de la pénalité prévue par ce texte à hauteur de 1 712,10 €.

Par ailleurs, la somme de 11 473,75 € ayant fait l’objet d’une mise en demeure adressée par l’ONIAM à la cie CNA le 19/11/19 reçue le 6/12/2019, il convient de prévoir, en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015, et ce avec capitalisation dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil.

Sur les autres dispositions du jugement

Succombant à la procédure, la compagnie CNA Insurance et la clinique [15] seront condamnées aux dépens.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [W] [C]-[J], de l’ONIAM et de la CPAM de la Gironde les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner in solidum la compagnie CNA Insurance et la clinique [15] à une indemnité en leur faveur au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La demande à ce titre du docteur [E] sera en revanche rejetée.

Par ailleurs, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit prévue par l’article 514 du code de procédure civile, laquelle n’est pas incompatible avec la nature de l’affaire. Au regard du principe de responsabilité de plein droit de la clinique pour les infections nosocomiales contractées en son sein, il n’y a pas lieu de subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie qui aboutirait à priver le requérant du bénéfice de l’exécution provisoire.


PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant par décision mise à disposition au Greffe,

Dit que la Clinique [15] est responsable de toutes les conséquences de l’infection nosocomiale contractée en son sein par M. [W] [C]-[J] le 16 décembre 2016 ;

Fixe le préjudice subi par M. [W] [C]-[J], suite à cette infection à la somme totale de 152 465.40 € suivant le détail suivant :


Evaluation du préjudice
Créance
CPAM
Créance
victime
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
62 270,53 €
62 270,53 €

- ATP assistance tiers personne
28 884.73€

28 884.73€
permanents

- frais de véhicule adapté
12 542,49 €

12 542,49 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFT déficit fonctionnel temporaire
14 767,65 €

14 767,65 €
- SE souffrances endurées
20 000,00 €

20 000,00 €
- PET préjudice esthétique temporaire
4 000,00 €

4 000,00 €
permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
8 000,00 €

8 000,00 €
- PE Préjudice esthétique permanent
2 000,00 €

2 000,00 €
- PA préjudice d'agrément
0,00 €

0,00 €
- TOTAL
152 465.40 €
62 270,53 €
90 194.87€
Provision

11 413,75 €
TOTAL aprés provision

78 781.12€

Condamne la clinique [15] à payer à M. [W] [C]-[J] la somme de 78 781,12 € au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après déduction des provisions versées par l’ONIAM et de la créance des tiers payeurs ;

Rejette la demande d’annulation du titre n°1378 émis par l’ONIAM à l’encontre de la compagnie CNA Insurance le 19/11/2019 ;

Condamne la compagnie CNA Insurance, assureur de la clinique [15] à payer à l’ONIAM:
- une somme de 1712,10 € à titre de pénalité
- une somme représentant les intérêts au taux légal sur la somme de 11 413,75 € depuis le 6/12/19, et ce avec capitalisation dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne in solidum la compagnie CNA Insurance et la clinique [15] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 62 270,53 € au titre des prestations versées pour le compte de son assuré social, M. [W] [C]-[J] ;

Condamne in solidum la compagnie CNA Insurance et la clinique [15] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 ;

Rejette la demande de relevé indemne formée par la clinique [15] et la compagnie CNA Insurance contre le docteur [E] ;

Condamne in solidum la compagnie CNA Insurance et la clinique [15] à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
- 2 500 € à M. [W] [C]-[J],
- 1 000 € à la CPAM de la Gironde
- 2 000 € à l’ONIAM ;

Dit que les sommes allouées ci dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement avec application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil au profit de la CPAM de la Gironde et de l’ONIAM ;

Condamne in solidum la compagnie CNA Insurance et la clinique [15] aux dépens et dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ou à l’assortir de garanties ;

Rejette les autres demandes des parties.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01340
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;20.01340 ?
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