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22/05/2024 | FRANCE | N°20/00530

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 22 mai 2024, 20/00530


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 22 Mai 2024
63A

RG n° N° RG 20/00530

Minute n°






AFFAIRE :

[P] [D]
C/
l’ONIAM, [L] [Y], MACSF ASSURANCES, CPAM DE [Localité 9], MUTUELLE INTERIALE, MUTUELLE PAVILLON PREVOYANCE


Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES
la SELARL MESCAM & BRAUN


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COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à di...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 22 Mai 2024
63A

RG n° N° RG 20/00530

Minute n°

AFFAIRE :

[P] [D]
C/
l’ONIAM, [L] [Y], MACSF ASSURANCES, CPAM DE [Localité 9], MUTUELLE INTERIALE, MUTUELLE PAVILLON PREVOYANCE

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES
la SELARL MESCAM & BRAUN

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 13 Mars 2024,

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [P] [D]
née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Maryannick BRAUN de la SELARL MESCAM & BRAUN, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

L’ ONIAM prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Adresse 11]

représentée par Maître Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

Monsieur [L] [Y]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Maître Philippe LIEF de l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX

Compagnie d’assurances MACSF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Philippe LIEF de l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX

CPAM DE [Localité 9] prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 10]
[Adresse 10]

représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX

MUTUELLE INTERIALE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]

défaillante

MUTUELLE PAVILLON PREVOYANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]

défaillante

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 15 mai 2008, Madame [P] [D] épouse [R] a été opérée pour une décompression de la moelle épinière par laminectomie au niveau des cervicales C3 à C5. Le diagnostic d’une myélopathie cervicarthrosique avait été posé suite à une consultation du docteur [W], neurologue, le 31 mars 2008 et suite à la réalisation d’un I.R.M. du 15 avril 2008 ayant mis en évidence un hyper signal médullaire témoin d’une souffrance parenchymateuse de la moelle cervicale.

Par actes d’huissier en date des 9 et 13 février 2012, Madame [P] [D] a fait assigner devant le juge des référés son médecin généraliste, le docteur [Y], l’assureur de ce dernier, la MACSF ainsi que l’ONIAM et, en qualité de tiers payeurs, la MFP services. Par ordonnance en date du 12 mars 2012, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux statuant en référé a ordonné une mesure d'expertise médicale de Madame [P] [D] confiée au docteur [K] afin de déterminer les éventuelles responsabilités et d’évaluer ses préjudices.

Le 30 novembre 2013, l'expert judiciaire a déposé son rapport d'expertise définitif. Au terme de son analyse, cet expert retenait un retard entre la symptomatologie de juin 2004 et le diagnostic de syndrome Gordon postérieur évoquant une myélopathie du 31 mars 2008. L’expert indiquait qu’il était possible de retenir un délai entre la symptomatologie pour laquelle le docteur [Y], le 1er juin 2004, avait demandé l’avis du docteur [A], qui avait lui-même évoqué la nécessité d’un avis neurologique le 14 juin 2004, et le diagnostic posé par le docteur [W] le 31 mars 2008 sur l’existence de syndromes évoquant une myélopathie. L’expert retenait également que le docteur [Y] n’avait pas évoqué une symptomatologie neurologique qui aurait pu lui faire retenir une aggravation des signes neurologiques entre l’année 2007 et le 31 mars 2008, date de sa consultation auprès du docteur [W], neurologue. L’expert judiciaire retenait par ailleurs une atteinte à l’intégrité physique et psychique de 53 % consécutive à une tetraparésie et à des troubles vésico-sphinctériens.

Estimant que son médecin généraliste, le docteur [Y], avait commis des fautes à l’origine d’un retard de diagnostic, Madame [P] [D] a, par actes d'huissier délivrés le 26 décembre 2019, fait assigner devant le présent tribunal le docteur [L] [Y] et la MACSF pour voir indemniser son préjudice ainsi que, en qualité de tiers payeurs, la CPAM de [Localité 9], la mutuelle Intériale et la mutuelle Pavillon de Prévoyance.

Par jugement avant dire droit en date du 28 avril 2021, le présent tribunal a ordonné une nouvelle expertise médicale et invité Madame [P] [D] à mettre en cause l’ONIAM pour que les opérations d’expertise soient contradictoires à son égard.

Le tribunal a considéré que le rapport d’expertise du docteur [K] ne permettait pas d’éclairer entièrement la juridiction sur :
- les conséquences de l’absence de consultation par Madame [D] d’un neurologue au mois de juin 2004 et le degré de probabilité qu’il ait pu, à cette date là, être diagnostiqué une myélopathie cervicarthrosique avec possibilité d’en limiter durablement les conséquences
- les conséquences de l’absence de perception par le docteur [Y] d’une aggravation des troubles neurologiques de Madame [D] à compter du 31 mars 2007, à supposer que
cette absence de perception soit fautive, et le degré de probabilité, à cette date, que soit diagnostiquée une myélopathie cervicarthrosique avec possibilité d’en limiter durablement les conséquences”

Par acte d’huissier en date du 23 mai 2021, Mme [D] a fait assigner en intervention forcée l’ONIAM devant la présente juridiction afin que les opérations d'expertise soient contradictoires à son égard.. Les deux affaires ont été jointes par mention dossier.

L’expert désigné, le docteur [F], rendait son rapport définitif le 17 novembre 2021. Sur le plan de la responsabilité, l’expert retenait :
- un retard de diagnostic et de traitement entre 2004 et mars 2008, à l’origine d’une perte de chance de 10% d’éviter l’évolution de la myélopathie cervicarthrosique.
- un accident médical non fautif suite à l’opération du 15 mai 2008 en raison de l’aggravation cordonale postérieure, à l’origine pour la patiente d’une part de 15% dans le tableau neurologique

Par ailleurs, il évaluait les postes de préjudice de la manière suivante :
Consolidation le 15 novembre 2008,
DFTT sur les périodes d’hospitalisation en rééducation,
DFTP à 60% sur le reste de la période,
Des souffrances endurées à 4/7,
Un préjudice esthétique temporaire à 3/7,
Une ATP temporaire à raison de 20h/semaine,
Une incapacité professionnelle,
Un DFP de 45%,
Un préjudice d’agrément,
Un préjudice sexuel,
Une ATP permanente à raison de 78 heures par mois,
Une nécessité d’aménager son véhicule et son logement à l’aide d’une douche à l’italienne.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 13/10/2023, Madame [P] [D] demande au tribunal de :
Vu l’article L. 1.142-2-1-I du Code de la santé publique,
- Juger que le retard de diagnostic du docteur [Y] est constitutif d’une faute,
- Juger que le retard de diagnostic et de soins dont a été victime Madame [D] est constitutif d’un préjudice de perte de chance de 10%,
- Evaluer le préjudice subi par Madame [D] à la somme de 1.312.590, 20 €,
- Constater qu’aucune provision n’a été versée,
- Constater que la créance de la CPAM s’élève à la somme de 25.615,29 € avant application du
coefficient de perte de chance,
- Condamner le docteur [Y] et son assureur la MACSF à payer à Madame [D], après déduction de la créance des tiers payeurs et de l’application d’un taux de perte de chance de 10%, la somme de 128.697, 49 € pour le préjudice subi par Madame [D],
- Condamner le docteur [Y] et son assureur la MACSF solidairement à payer une somme de 3.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens,
- Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 22/05/2023, la CPAM de [Localité 9] demande au tribunal, au visa de l’article L.376-1 du Code de la Sécurité sociale, de :
- DECLARER le docteur [L] [Y] responsable du préjudice subi par Madame [P] [D] et par la CPAM DE [Localité 9] ;
- DECLARER que le préjudice de la CPAM DE [Localité 9] est constitué par les sommes exposées dans l'intérêt de son assurée sociale, Madame [P] [D], à hauteur de la somme de 84.083,50 euros ;
- CONDAMNER IN SOLIDUM le docteur [L] [Y] et son assureur,d la MACSF à verser à la CPAM DE [Localité 9] la somme de 25.615,29 € en remboursement des prestations versées pour le compte de son assurée sociale ;
- CONDAMNERd IN SOLIDUM le docteur [L] [Y] et son assureur, la MACSF à verser à la CPAM DE [Localité 9] la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire en application des dispositions des articles 9 et 10 de l'Ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996; - DIRE que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal ;
ORDONNER la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil ;
- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- CONDAMNER IN SOLIDUM le docteur [L] [Y] et son assureur, la MACSF à verser à la CPAM DE [Localité 9] la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens.

Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 17/02/2023, le docteur [Y] et la MACSF demandent au tribunal de :
Vu les dispositions de l’article L.1142-1-I du Code de la santé publique,
Vu les rapports d’expertise du professeur [K], du docteur [X] et du docteur [V],
Vu l’avis critique du professeur [J] [E], expert neurochirurgien,
A titre principal,
- Mettre hors de cause le docteur [Y] ;
- Débouter Madame [D] de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre du
docteur [Y] et de la MACSF ;
- Condamner reconventionnellement Madame [D] au paiement de la somme de 3.000 €
par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers
dépens ;
- Rejeter l’intégralité des demandes de la CPAM.
A titre subsidiaire,
- Fixer l’assiette des préjudices subis par Madame [R] à hauteur de 367.547,46 Euros, comprenant les postes de préjudices évalués comme suit :

Postes de préjudices Evaluation du préjudice Dû à Madame [D] Dû aux tiers payants
DSA 13.826,31 € 0,00 € 13.826,31 €
FD 0,00 € 0,00 €
ATPT 5.828,50 € 5.828,50 €
ATPP 221.404,68 € 221.404,68 €
FVA 4.431,28 € 4.431,28 €
PGPF 0,00 € 0,00 €
IP 0,00 € 0,00 €
DFT 2.708,00 € 2.708,00 €
DFP 122.175,00 € 122.175,00 €
SE 8.000,00 € 8.000,00 €
PA 0,00 € 0,00 €
PEP 0,00 € 0,00 €
PS 3.000,00 € 3.000,00 €
TOTAL 381.373,77 € 367.547,46 € 13.826,31 €

- Appliquer un taux de perte de chance de 10 %, portant le préjudice global à indemniser par le
docteur [Y] et la MACSF au bénéfice de Madame [R] à la somme de 36.754,74 euros.
- Appliquer un taux de perte de chance de 10 %, portant le préjudice global à indemniser par le
docteur [Y] et la MACSF au bénéfice de la CPAM à la somme de 1.382,63 €.
- Rejeter la demande de la CPAM fondée sur les articles 9 et 10 de l’ordonnance n°96-51 du 24
janvier 1996 ;

Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 24/02/2023, l’ONIAM demande au tribunal de :
Vu l’article L.1142-1 II du code de la santé publique,
Vu l’article D.1142-1 du code de la santé publique,
- Constater qu’aucune demande n’est formulée à l’encontre de l’ONIAM.
- Prononcer la mise hors de cause de l’ONIAM.
En tout état de cause,
- Dire et juger que le dommage subi par Madame [D] dans les suites de l’intervention du 15 mai 2008 n’est pas anormal au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci. - Constater que les seuils de gravité ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas atteints.
- Dire et juger que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
- Prononcer la mise hors de cause de l’ONIAM.
- Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité médicale du docteur [L] [Y]

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1142-1 I et R. 4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.

Il est ainsi admis que la responsabilité du médecin, qui n’est tenue qu’à une obligation de moyens dans la réalisation des actes médicaux sus visés, ne peut être engagée qu’en cas ce faute dont il résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.

Par ailleurs, il est constant que c’est au patient qui invoque une perte de chance d’éviter les conséquences d’une maladie ou de limiter sensiblement ses risques de séquelles de rapporter la preuve que ses chances de guérison ou de subir des séquelles moindres ont été réduites par la faute du médecin.

Madame [P] [D] rappelle que le diagnostic d’une myélopathie cervicarthrosique n’a été posé qu’à la fin du mois de mars 2008 lorsqu’elle a consulté un neurologue, le docteur [W], auquel l’avait adressé le docteur [Y]. Elle souligne qu’au mois de juin 2004, le docteur [Y] l’avait adressé au docteur [A], spécialiste en médecine physique et de réadaptation, lequel avait confirmé les dysesthésies qu’elle présentait au niveau des 2 mains avec sensations d’engourdissement plus ou moins douloureuses, également constatées par le docteur [Y]. Elle soutient que ce dernier a préconisé une consultation auprès d’un neurologue mais que son médecin généraliste, le docteur [Y], qui a continué à la suivre, ne l’a pas adressé à un neurologue, et ne lui a pas non plus fait procéder à des examens complémentaires type scanner ou IRM voire EMG. Elle ajoute que c’est au médecin de démontrer qu’il l’a orientée vers un neurologue et précise que, même si son refus de voir un neurologue était établi, ce qui n’est pas le cas, il appartiendrait au docteur [Y] de démontrer qu’il l’a informée des conséquences de son refus.
Elle rappelle que ce défaut d’orientation a été considéré comme fautif par le docteur [K], 1er expert judiciaire désigné, mais également par le docteur [F] qui a relevé l’absence de tentative de convaincre sa patiente de consulter un neurologue et l’absence d’avis des conséquence d’une absence de consultation.

Madame [P] [D] sollicite que son préjudice soit réparé sur base d'une perte de chance de
10 % d'éviter l'aggravation de son état, tel que la retenue le docteur [F].

La CPAM DE [Localité 9] s’associe aux observations de Madame [P] [D].

Le docteur [Y] et son assureur concluent à titre principal part au rejet des demandes formées à leur encontre.

Ils invoquent un avis écrit du docteur [E], neurochirurgien, expert inscrit sur la liste nationale des experts agréés par la Cour de cassation, selon lequel la nécessité d’un avis neurologique en 2004 tel qu’identifié par le docteur [A] ne permet pas de conclure à la présence, dès cette date, d’une compression médullaire.

Le docteur [Y] et son assureur soutiennent que c’est Madame [P] [D] qui n’a pas souhaité consulter un neurologue, ce qu’elle n’a pas nié, l’historique de ses soins pour ses nombreux problèmes de santé démontrant une mauvaise compliance aux soins. Ils ajoutent que dans son rapport, le docteur [F] a bien retenu qu'il était impossible d'affirmer qu'au mois de juin 2004 des examens d'imagerie auraient montré une souffrance de la moelle par compression ostéopathique.

Les défendeurs soutiennent que les consultations au cours de l’année 2007 portaient sur les affections respiratoires, des lombalgies et des problèmes dépressifs mais non sur des problèmes neurologiques. Ils ajoutent que le docteur [K] n’a pas retenu l’absence de perception de cette aggravation par le docteur [Y] comme une faute.

En tout état de cause, le docteur [Y] et son assureur considèrent qu’aucun lien de causalité ne peut être établi entre les fautes qui lui sont reprochées par Madame [P] [D] et les troubles consécutifs à sa maladie et à son opération du 15 mai 2008. Ils soutiennent qu’en 2004, le diagnostic d’une myélopathie cervicarthrosique n’était pas envisageable alors que Madame [P] [D] présentait des symptomatologies complexes, notamment d’un point de vue psychiatrique, dans un contexte de mauvaise compliance aux soins. Il ajoute qu’en 2007, selon les experts eux-même, il n’est pas certain que des examens complémentaires auraient alors permis de découvrir une compression de la moelle épinière moins importante. Ils soutiennent que l'éventualité favorable de subir moins de séquelles voire aucunes n'est pas certaine.

Les défendeurs invoquent par ailleurs une absence de séquelles, évoquant à cet égard la note du professeur [E] neurochirurgien, selon laquelle ce n'est pas en opérant quelques mois plus tôt ou quelques mois plus tard que le résultat pouvait être différent.

Il résulte de l’historique des faits relatés par le rapport d'expertise du docteur [K] que le docteur [Y] a adressé Madame [D] au docteur [A] le 1er juin 2004 alors qu’elle se plaignait « depuis plusieurs mois de dysesthésies au niveau des 2 mains, sensations d’engourdissement plus ou moins douloureuses ». Il mentionnait un antécédent de hernie discale opérée. L’analyse du docteur [A] formalisée par un écrit daté du 14 juin 2004 mentionnait notamment une “absence de fourniment mais des picotements, ne sent pas bien les doigts, avec comme antécédents une opération d’une hernie discale”. Cet écrit précisait également “lettre donnée pour voir neuro”

Le docteur [K] relèvait que le docteur [Y] ne justifiait pas avoir adressé sa patiente à un neurologue et ne justifiait pas non plus, avoir, conformément aux dispositions de l’article R4127–36 du code de la santé publique, informé cette dernière des conséquences de son refus, le docteur [Y] soutenant que c’est la patiente qui a refusé d’aller voir un neurologue et que l’historique son dossier médical révèle une mauvaise compliance soins.

Le rapport d'expertise du docteur [F] indique que selon le docteur [Y], il n’a pas remis de lettre à sa patiente pour une consultation de neurologie car cette dernière “en avait marre” et que “cela suffisait comme cela.” L'expert retient de la même manière qu'il est regrettable que le médecin généraliste n'ait pas convaincu sa patiente de la nécessité de cette consultation de neurologie.

S’agissant de l’absence de perception par le médecin généraliste de l’aggravation de la symptomatologie neurologique de Madame [D], le rapport du docteur [K] retenait que selon le courrier du docteur [W] en date du 31 mars 2008, la patiente présentait depuis “un an” des sensations de décharges électriques fugaces aux membres supérieurs, cette symptomatologie s’étant précisée avec des douleurs en ceinture “depuis quatre à cinq mois”, des phénomènes d’engourdissement des quatre membres, une sensation de maladresse du membre inférieur gauche et des troubles de l’équilibre. L’historique relevé par le rapport du docteur [K] fait apparaître qu’entre le 31 mars 2007 et la consultation du 14 février 2018 où il a prescrit une radio du rachis cervical, le docteur [Y] n’a mentionné aucune consultation ou prescription pour ce motif, tel que cela ressort de l’historique des actes de soins du cabinet du docteur [Y]. Le docteur [K] en concluait qu’en l’absence de motif de consultation orientée sur le rachis cervical, la perception d’une aggravation des troubles neurologiques entre 2007 et le 31 mars 2008 pouvait être considérée comme difficile dans un tableau somatique complexe, intriqué à des troubles psychologiques. À cet égard, l’expert précisait qu’il serait erroné d’évoquer que le tableau clinique présenté par la patiente permettait, au regard du seul antécédent portant sur le rachis cervical, de poser aisément le diagnostic de compression cervicale alors même que la pathologie était déjà complexe antérieurement aux faits. Le docteur [K] précisait qu’il y avait des lombalgies et des paresthésies, notamment à la main droite, mais aussi dans la région péribuccale, source d’une hospitalisation en septembre 1999. Il est par ailleurs constant que avant de poser son diagnostic, le docteur [W], après avoir vu la patiente le 31 mars 2008, évoquait en premier lieu l’hypothèse d’une sclérose en plaques, sans toutefois éliminer l’hypothèse d’une myélopathie. Le docteur [K] ne considèrait donc pas comme fautif de la part du docteur [Y] l’absence de perception d’une aggravation des troubles neurologiques de Madame [D] à cette période.

Le rapport d'expertise du docteur [F] indique de son côté qu'à la consultation de l'automne 2007, alors que Madame [D] avait dû abandonner son activité professionnelle de santé, il était regrettable qu'aucun examen neurologique n’ait été réalisé par le médecin généraliste et qu'aucun examen d'imagerie I.R.M. n’ait été demandé, et ce même si le trouble dépressif compliquait le tableau. Dans l'historique des faits, le docteur [F] indique que la symptomathologie s'était complétée courant 2007 sans préciser dans quelle mesure le médecin généraliste aurait été amené à constater l'aggravation de ces symptômes.

Dès lors, rien ne permet de retenir une faute du docteur [Y] quant à l'absence d'identification de l'aggravation des symptômes neurologiques de Madame [D] ou d’exploration de ces symptômes par un IRM à compter de la fin de l'année 2007. Madame [D] n’invoque d’ailleurs plus explicitement ladite faute dans ses conclusions.

En revanche, aux termes des dispositions de l'article R 4127-36 du code de la santé publique « Lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.»
Il est constant que le docteur [Y] a déclaré lors des deux expertises judiciaires qu'il n'avait pas adressé sa patiente à un neurologue après avoir reçu l'avis du docteur [A] car cette dernière “en avait marre”, et ce dans un contexte dépressif. Néanmoins, le fait de ne pas avoir adressé sa patiente à un neurologue en lui laissant le temps de réfléchir et, surtout, de ne pas avoir analysé la patiente sur les conséquences d'une absence de consultation neurologique permettant de former un diagnostic sur sa symptomatologie constitue une faute, quand bien même Madame [D] se montrait habituellement peu compliante aux soins.

L’avis écrit du docteur [E] ne remet pas en cause a nécessité d’une consultation neurologique en 2004. D’autre part, la relativisation par ce dernier de l’enjeu lié à la date de l’opération est indifférent dès lors que le docteur [F] évalue la perte de chance de présenter la même symptomatologie si elle avait été prise en charge par un neurologue et correctement traitée, ce qui aurait précisément pu permettre d’éviter une opération.

D’autre part, l'affirmation du docteur [F], expert judiciaire, selon laquelle « il est impossible d'affirmer qu'en 2004 les examens d’imagerie auraient montré une souffrance de la moelle par compression disco ostéophytique” ne rend pas l'absence d'orientation vers un neurologue moins fautive. Cette considération explique la conclusion de l'expert selon laquelle « plus de célérité n'aurait pas à coup sûr évité l'évolution de cette myélopathie cervicarthrosique. Nous dirons qu'’elle a perdu une chance de meilleure évolution que nous chiffrons à 10 %.”

En l'absence d'éléments permettant de remettre en cause l'appréciation du docteur [F], plus précise que celle de docteur [K] quant aux conséquences de l'absence d'orientation de la patiente vers un neurologue à compter de l'année 2004, il convient de retenir une faute du docteur [Y] qui a fait perdre à Madame [D] 10 % de chances d'éviter l'ensemble des préjudices liés à son tableau neurologique actuel.

Sur la demande de mise hors de cause de l’ONIAM

Au terme des dispositions de l’article L1142-1 II du CSP,
“Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.”
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.
Le critère d’anormalité doit être regardé comme rempli :
- si les conséquences de l’intervention sont notablement plus graves que celles auxquelles aurait été exposé le patient en l’absence d’intervention
- si les conséquences de l’intervention ne sont pas notablement plus graves mais que le risque qui s’est réalisé présentait une probabilité faible.

L’ONIAM sollicite sa mise hors de cause, indiquant que la complication opératoire présentée par Madame [D] suite à son opération orthopédique du 15 mai 2008 n'a pas eu des conséquences anormales au regard de son état de santé prévisible en l'absence d'opération. L’ONIAM ajoute que les seuils de gravité pour une indemnisation par la solidarité nationale ne sont pas atteints, l'expert ayant conclu que l'accident médical non fautif à l'origine de douleurs cordonnales postérieures intervenait pour 15 % dans le tableau neurologique actuel soit, concernant le déficit fonctionnel permanent, un taux de 6,75 % (45 % X 15 %) inférieur au seuil de 25 % édicté. Il ajoute que Madame [D] n'a pas subi d'arrêt de ses activités professionnelles dès lors qu'elle ne travaillait pas et que le déficit fonctionnel temporaire supérieure à 50 % n’a en tout état de cause duré que 5 mois et 19 jours, soit moins de six mois.

Le rapport d'expertise médicale du docteur [F] retient, comme le faisait le docteur [K], que lors de l'opération de décompression médullaire par laminectomie au niveau des cervicales C3 et C5 pour traiter la myélopathie cervicarthrosique finalement réalisée le 15 mai 2008 par le Docteur [O], Madame [D] a subi une aggravation cordonnale postérieure qui constituait un accident médical non fautif, la chirurgie intentée comportant toujours un risque d'aggravation, surtout lorsque le canal est très serré. Il précise que la place de cette complication non fautive intervient pour 15 % dans le tableau neurologique actuel.

Il est constant que Madame [D] ne formule aucune demande contre l’ONIAM, qui n'a été appelé aux opérations d'expertise menée par le docteur [F] qu'à la demande du tribunal, le jugement avant-dire droit du 28 avril 2021 invitant Madame [D] à mettre en cause l’ONIAM pour le cas où l'expert serait amené à retenir un accident médical non fautif à l'origine de tout ou partie de ses préjudices.

Au vu des préjudice retenus dans le rapport d'expertise du docteur [F] et de la part de participation de l'accident médical non fautif au tableau clinique, rien ne permet d'envisager une indemnisation par l’ONIAM au titre de l'accident médical non fautif. Force est de constater que Madame [D] ne sollicite d'ailleurs rien à l'encontre de l’ONIAM.

Dans ces circonstances, il convient de mettre hors de cause l’ONIAM comme il le sollicite.

Sur la liquidation du préjudice de Madame [P] [D]

Le rapport du docteur [Y] retient que Madame [P] [D] née le [Date naissance 1] 1957, ayant cessé son activité professionnelle d'auxiliaire de vie au mois de mai 2007, souffre d'une myélopathie cervicarthrosique mise en évidence tardivement et opérée le 15 mai 2008.
Après consolidation fixée au 15 novembre 2008, soit 6 mois après l'opération, l’expert retient un déficit fonctionnel permanent de 45 % en raison de des douleurs cordonnales à type de brûlures au niveau du membre supérieur droit, de l'épaule au coude et des difficultés à la marche nécessitant une canne.

Au vu de ce rapport, le préjudice corporel de Madame [P] [D] sera évalué ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

I - Préjudices patrimoniaux :

A - Préjudices patrimoniaux temporaires :

Dépenses de santé actuelles (DSA) :

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.
Ils’évince du relevé de débours de la CPAM datée du 28 mars 2022 que cette dernière a exposé
entre le et le 25 novembre 2008 un total de 25 615,29 € (frais hospitaliers et médicaux) qu'il y a lieu de retenir, et non 84 083 euros comme elle le soutient à tord. L'attestation d'imputabilité du 25 mars 2022, qui se fonde sur le rapport d'expertise médicale du docteur [F] retenant une consolidation au 1 novembre 2008, ne retient comme dépenses de soin imputables que le coût des hospitalisations entre le 15 mai et le 1er juillet 2008 et des frais de kinésithérapie entre le 2 juillet et le 25 novembre 2008.

La proposition moindre des défendeurs à l’égard ela CPAM ne s’appuie sur aucun élément.

Madame [P] [D] sollicite que soit pris en charge au titre de ce poste de préjudice les dépenses retenues par le rapport d'expertise médical non remboursées par la sécurité sociale correspondant à deux protections urinaires par jour et à l'usage de lingettes désinfectantes à chaque auto-sondages 7 par jour).

Les défendeurs s'opposent à cette demande et font valoir que le rapport d'expertise médicale ne retient pas ce besoin comme imputable à la maladie neurologique révélée tardivement.

Le rapport d'expertise du docteur [F] liste parmi les doléances la nécessité d'évacuer les urines par auto-sondages et de porter des protections en raison de la survenue de fuites entre les sondages. Néanmoins, l'expert ne reprend pas dans son analyse des troubles postérieurs à l’opération une incontinence et ne retient dans la liste des préjudices imputables aucun élément au titre des dépenses de santé actuelles et futures. L'attestation d'imputabilité du médecin-conseil de la CPAM de [Localité 9] ne retient pas de dépenses de soins au-delà des séances de kinésithérapie achevées à la fin de l'année 2008.

Aucun dire n’a été adressé à l’expert à cet égard par l’avocat de Mme [D];

Dans ces circonstances il n'y a pas lieu de retenir de dépenses de soins à charge de Madame [D].

2 - Frais divers (F.D.) :

Honoraires du médecin conseil.

Les honoraires du médecin conseil de la victime sont une conséquence de l’accident. La victime a droit au cours de l’expertise à l’assistance d’un médecin dont les honoraires doivent être intégralement remboursés sur production de la note d’honoraires, sauf abus.

Les défendeurs contestent la demande présentée à ce titre par Madame [D] au motif que les factures ne mentionnent pas qu'elles sont acquittées et que les paiements ont été faits à l'avocat de la victime.

Néanmoins, les pièces produites par Madame [D] à ce titre font bien apparaître qu'elle a dû exposer des frais de médecin-conseil, depuis le début de la présente procédure, pour un total de 6 404 euros, somme qu'il convient de retenir.

Frais de déplacement

Madame [P] [D] produit un récapitulatif de ses déplacements pour se rendre aux divers rendez-vous médicaux et de kinésithérapie auprès du docteur [Y] le 1er juin 2004 et le 14 février 2008 puis pour l'ensemble des rendez-vous médicaux et d'imagerie en lien avec son opération du 15 mai 2008, et ce à compter du 14 février 2008 et jusqu'au 28 août 2008.

Les défendeurs soutiennent que ces frais de déplacement auraient nécessairement dû être exposés par Madame [D], même si sa maladie neurologique avait été mise en évidence plus tôt.

Le manquement du docteur [Y] est bien à l'origine d'une perte de chance pour Madame [D] d'éviter une aggravation neurologique de son état ayant justifié l'intervention du 15 mai 2008. Dans ces circonstances, l'ensemble des déplacements imputables à cette opération constitue bien le préjudice indemnisable sur lequel s'applique un taux de perte de chance de 10 %.

Seul la consultation du docteur [Y] du 1er juin 2004 (6,2 km aller-retour) ne peut pas être considérée comme la conséquence du défaut d'orientation de la patiente vers un neurologue lors de cette même consultation.

Le listing des autres déplacements de Madame [D] pour la période du 14 février 2008 au 28 août 2008 est pour le reste cohérent au regard de l'ensemble des soins imputables décrits par l'expert. De plus, Madame [D] justifie du véhicule utilisé ainsi que du barème kilométrique.

Dès lors, pour un total de 1 392,20 km (1 398,4 - 6,2), l'indemnité au titre des frais de déplacement sera fixée à la somme de 843,67 € correspondant au barème kilométrique applicable, soit 1 392,20 km x 0,606.

Assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.

Il s’agit du préjudice lié à la nécessité, pour la victime, du fait de son handicap, d’être assistée par une tierce personne, spécialisée (infirmière, kinésithérapeute...) ou non s’agissant notamment du ménage, des actes de la vie courante, d’une incitation ou simple surveillance nocturne...
Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.

Madame [D] sollicite que ce poste de préjudice soit arrêté à un besoin de 20 heures par semaine, telle que retenu par le rapport d'expertise du docteur [F], et ce du 14 juin 2004 jusqu'au 15 novembre 2008.

Les défendeurs sollicitent au contraire que ce poste de préjudice soit calculé sur une base de 20 heures par semaine, comme retenu par l'expert, mais uniquement pour la période du 15 mai 2008 au 15 novembre 2008. Le rapport d'expertise du docteur [F] retient un besoin d'aide tierce personne avant consolidation à hauteur de 20 heures par semaine, sans toutefois préciser sur quelle période, de la même manière qu'il ne précise pas à compter de quelle date il fait partir le déficit fonctionnel temporaire.

Le rapport d'expertise du docteur [K] décrivait une aggravation des préjudices à compter de la fin de l'année 2007 et faisait courir le déficit fonctionnel temporaire à compter du 15 avril 2008, date de l'hospitalisation de Madame [D] au CHU de [Localité 8] pour deux jours aux fins d'exploration neurologique. En revanche, le docteur [K] qui évaluait la nécessité d'une tierce personne à 3 heures par jour ne précisait pas pour quelle période. Dans ces circonstances, il convient de retenir un besoin en aide humaine avant la consolidation à hauteur de 20 heures par semaine et ce pour la période du 15 avril au 15 novembre 2008, soit pendant 30,5 semaines.

Il sera retenu un taux horaire de 18 € s’agissant d’une aide nécessaire qui ne requiert aucune qualification spécialisée
Ce poste de préjudice sera en conséquence fixée à la somme de 10 980 € (30,5 × 20 × 18).

Total frais divers : 10 980 + 843,67+ 6 404 = 18 227,67 €.

B - Les préjudices patrimoniaux permanents :

Sur le barème de capitalisation applicable

Madame [P] [D] sollicite l’application du barème de capitalisation proposé et publié par la Gazette du Palais le 31 octobre 2022.

Ce barème publié par la gazette du palais du 31 octobre 2022 présente l’avantage d’être fondé sur une espérance de vie actualisée reposant sur les données démographiques disponibles les plus récentes ainsi que sur des données financières économiques actualisées.

L’application de cette table de capitalisation avec un taux d’actualisation de 0 % apparaît la plus pertinente pour permettre un réparation du préjudice sans perte ni profit. Il convient en conséquence de retenir ce barème de capitalisation.

Frais divers et assistance par tierce-personne (ATP) :

S'agissant des frais divers futurs, il convient d'accueillir la demande de Madame [D] au titre des frais de déplacement pour se rendre aux opérations d'expertise auprès du docteur [K] puis aux opérations d'expertise auprès du docteur [F] pour un total de 754 km, soit une somme de 496,52 € (754 × 0,606 + 39,60 de péage).

S'agissant du besoin en aide tierce personne, le rapport du docteur [F] retient un besoin, après consolidation, à hauteur de 78 heures par mois.
Madame [D] sollicite une liquidation sur cette base.
Les défendeurs considèrent ce chiffrage trop élevé alors que le compte rendu d'hospitalisation à la Tour de gassies du mois de novembre 2010 mentionnait qu'elle n'avait besoin d'être aidée que pour les tâches ménagères.

Le rapport d'expertise du docteur [F], retient un besoin d'aide humaine type auxiliaire de vie à hauteur de 78 heures par mois. Il était précisé dans les doléances de la patiente qu'elle utilisait une canne pour marcher et un fauteuil roulant pour se déplacer au-delà de 100 mètres, qu'elle faisait sa toilette quotidienne seule mais avait besoin d'une aide pour l'aider pour la douche et qu'elle mentionnait tous les jours 2 à 3 heures pour l'aide aux ménages, les courses et la préparation des repas.

Le rapport d'expertise du docteur [K] retenait un besoin d'aide ménagère, de transport et d'accompagnement administratif à hauteur de 3 heures par jour, soit 90 heures par mois, sans préciser si c'était valable uniquement pour l'avenir.

Les fils de Mme [D] ont attesté d’une aide apportée également pour l’entretien de son jardin.

Dès lors, il convient de retenir un besoin hauteur de 78 heures par mois à titre viager, comme sollicitée par Madame [D]. Ce poste de préjudice sera en conséquence fixé à la somme de 631 277,71€ correspondant à :

261 144,00 € pour la période échue du 15 novembre 2008 au 15 mai 2024 (15,5 x 12 x 78 x18)
370 133,71 € correspondant la capitalisation viagère d'une somme de 16 848 euros (78 x 12 x18 ) pour une femme âgée de 66 ans à la date du jugement (x 21,969)

Total frais divers et ATP futurs : 631 774,23 €.

Les frais de véhicule adapté

Madame [D] invoque la nécessité d'une boîte automatique, ce que ne conteste pas les défendeurs. Elle justifie de l'acquisition d'un véhicule adapté au mois de décembre 2011. Les parties s'accordent sur un surcoût de 1000 € mais s'opposent sur la durée de remplacement du véhicule (cinq ans pour la requérante et sept ans pour les défendeurs) ainsi que sur le barème de capitalisation.

Sur la base d’un surcoût de 1000 € lors de l'achat initial en 2011 et d’un nécessaire changement de véhicule tous les 5 ans, soit un surcoût annuel de 200 € par an, il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 6 612 € , conformément à la demande, correspondant à :
1 000 € pour le surcoût de l'achat initial
5 612 € correspondant la capitalisation viagère d'une somme de 200 € à compter de l'année 2016 à l'âge de 59 ans

Perte de gains professionnels futurs ( P.G.P.F.)

Madame [D] soutient avoir démissionné de son poste d’auxiliaire de vie au mois de mai 2007 et être dans l’impossibilité, au vu de ses séquelles, de reprendre un emploi. Elle sollicite une indemnisation sur la base d'un revenu mensuel net avant l'accident de 96,50 €.

Les défendeurs contestent cette demande, faisant valoir qu'il n'est pas établi que Madame [D] exerçait encore sa profession avant 2006 et qu'elle n'apporte pas la preuve de son impossibilité de reprendre un travail.

Le rapport d'expertise du docteur [F] précise qu'elle a démissionnée de son emploi d'aide à domicile au mois de mai 2007 et qu'elle a été déclarée en invalidité à plus de 80 % par la sécurité sociale.

Les séquelles retenues par le rapport d'expertise du docteur [F] entraînent nécessairement, pour Madame [D] qui exerçait une activité manuelle d'aide à la personne de manière partielle, après la consolidation, une impossibilité de poursuivre cette activité professionnelle ou de se reconvertir.

Dès lors, il convient de réparer sa perte de revenus postérieur la consolidation sur la base d'un revenu annuel de 1158 €, comme demandé, ce qui correspondant aux revenus de l'année 2005 imposés au titre de l'année 2006, soit une somme de :
17 949,00 € pour la période échue du 15 novembre 2008 au 15 mai 2024 (15,5 x 1 158)
25 440,10 € correspondant la capitalisation viagère d'une somme de 1 158 € par an pour une femme âgée de 66 ans à la date du jugement (x 21,169).

Total : 43 389,10 €.

Incidence professionnelle (I.P)

Madame [D] sollicite une somme de 60 000 € faisant valoir qu'elle se trouve du fait de ses séquelles exclue du marché du travail, et ce depuis l'âge de 50 ans, préjudice pour lequel elle demande une somme de 30 000 €. Elle ajoute que l'absence d'activité professionnelle l'a contraint à un désœuvrement et une dévalorisation personnelle et sociale raison pour laquelle sollicite une somme additionnelle de 30 000 €.

Les défendeurs s'opposent à cette demande, considérant qu'elle ne justifie pas avoir cessé de travailler en 2007 et être exclue du marché du travail.

La perte du statut social et des satisfactions liées à l’emploi est indemnisable au titre de l’incidence professionnelle même en cas de compensation de la perte de gains professionnels futurs.

Madame [D] ne produit pour justifier de sa situation professionnelle qu'une lettre datée du 24 mai 2007 adressée à une personne inconnue indiquant qu'elle présente sa démission pour raisons de santé ainsi que son avis d'impôt sur les revenus au titre de l'année 2006.

Même si ses revenus modiques traduisent une activité professionnelle incomplète, il en ressort que Madame [D] bénéficiait tout de même d’une certaine insertion professionnelle dont elle est définitivement privée au regard des séquelles neurologiques. L'exclusion définitive du marché du travail et la dévalorisation sociale et personnelle qui en résultent justifient que ce poste de préjudice évalué à la somme globale de 20 000 €.

II - Préjudices extra-patrimoniaux :

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

Déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Madame [D] sollicite qu'elle soit calculée sur la base d'un déficit fonctionnel temporaire total durant les périodes d'hospitalisation d'une durée totale de 49 jours et d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 60 % le reste du temps entre le 14 juin 2004 et le 15 novembre 2008.

Les défendeurs proposent une indemnisation de ce poste de préjudice sur la base d'une hospitalisation d'une durée totale de 34 jours du 28 mai au 1er juillet 2008 et d'un déficit fonctionnel temporaire de 60 % du 2 juillet au 15 novembre 2008.

Le rapport d'expertise du docteur [F] retient un déficit fonctionnel temporaire total “correspondant aux périodes d'hospitalisation en rééducation avec un déficit fonctionnel temporaire partiel à 60 %”

Le rapport d'expertise du docteur [K] retenait de son côté un déficit fonctionnel temporaire total pour les différentes d'hospitalisation à compter du 15 avril 2008 et un déficit fonctionnel temporaire partiel de 65 % le reste du temps.

Les deux rapports d'expertise relèvent une aggravation nette de la symptomatologie neurologique à compter de la fin de l'année 2007.

Dans ces circonstances, il convient de calculer ce poste de préjudice sur la base d'un déficit fonctionnel temporaire total de 49 jours, comme demandé, correspondant aux périodes d'hospitalisation et de rééducation en centre de rééducation du 14 mai au 1er juillet 2008 et d'un déficit fonctionnel temporaire à 60 % de 137 jours, du 2 juillet au 15 novembre 2008

Calculée sur la base de 27 € par jour pour une DFT à 100%, il doit dès lors être arréte à :
1 323 € correspondant au déficit fonctionnel temporaire total (100%) d’une durée totale de 49 jours
2 219,40 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 60 % d’une durée totale de 137 jours
soit un total de 3 542,40 €.

Souffrances endurées (SE) :

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

Le rapport du docteur [F] les a évalués à 4/7.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 10 000 €.

B - Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

Le déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) :

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence. Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

Le rapport d'expertise du docteur [F] retient un déficit fonctionnel permanent de 45% pour les raisons ci avant rappelées.

Madame [D] sollicite que ce poste de préjudice soit fixé à une somme de 135 000 € au titre des diminutions fonctionnelles mais également de 20 000 € au titre de la perte de qualité de vie notamment au regard de la dimension familiale et sociale riche de la vie de Madame [D].

Les défendeurs soutiennent que les troubles dans les conditions d’existence et la perte de qualité de vie sont déja incluses dans le taux de déficit fonctionnel temporaire retenu par l’expert.

Le rapport d’expertise du docteur [F] retient dans ses conclusions un déficit fonctionnel permanent de 45 % aprés avoir évoqué notamment des douleurs cordonnales à type de brûlures au niveau du membre supérieur droit, de l'épaule au coude ainsi, que des difficultés à la marche nécessitant une canne avec une démarche déséquilibrée.

Les douleurs ressenties et les limitations fonctionnelles sont à l’origine d’une perte dans la qualités de vie attestées par les proches de Madame [D], notamment au regard de sa qualité de grand-mère, qui sont incluses dans l’évaluation de l’expert, lequel a tenu compte du phénomène douloureux et du retentissement de l’ensemble de ces limitations.

Dès lors, il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de globale de 135 000 €, qui comprend les troubles dans les conditions d’existence et les douleurs séquellaires.

Préjudice esthétique permanent ( P.E.P.):

Madame [D] soutient que si le docteur [F] n’a pas retenu dans ses conclusions de préjudice esthétique permanent, il a relevé une cicatrice cervicale droite de 4 cm et une cicatrice cerviacale postérieur de 12 cm.
Elle ajoute qu’elle marche avec une canne anglaise.

Les constations de l’expert caractérisent bien un préjudice esthétique, même s’il ne l’a pas retenu. Ce préjudice sera fixé à la somme de 5 000 € comme demandé.

Préjudice d’agrément ( P.A.) :

Il vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

L'expert retient un préjudice d’agrément sans le décrire .

Madame [P] [D] produit des photos et des attestations de ses proches qui font état de sa pratique antérieure d’activités spécifiques telles que le ski, le vélo, la randonnée ainsi que la gymnastique, activités rendues impossibles.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 100 00 €.

Préjudice sexuel

Ce préjudice comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle à savoir : le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir à l’accomplissement de l’acte sexuel qu’il s’agisse de la perte de l’envie ou de la libido, de la perte de capacité physique de réaliser l’acte ou de la perte de la capacité à accéder au plaisir ainsi que le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté de procréer.

L'expert retient un préjudice sexuel sans le décrire. Ce dernier est en effet nécessairement constitué par gêne positionelle au reagrd des séquelles.

Contrairement à ce qu’elle indique, Madame [P] [D] ne verse pas d’attestation de son ex époux.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 6 000 €.

Sur la créance des tiers payeurs et la répartition des créances:

Dès lors que le droit à indemnisation de Madame [D] est partiel, il convient d’appliquer les principes suivants posés par les articles L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale et 31 de la loi n° 85-677 du 5 Juillet 1985 modifiée par l’article 25 III et IV de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007:

- les recours subrogatoires des caisses contre les tiers et les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

- conformément à l’article 1252 ancien du Code Civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation

- lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales, en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

- lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie, en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une indemnisation partielle.

- cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.

-cependant en cas d’accident du travail ou trajet -travail , il résulte de l’article L434-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part ,le déficit fonctionnel permanent. Il s’en déduit que dans la mesure où le montant de la rente excède celui des pertes de revenus et l’incidence professionnelle, elle répare nécessairement, en tout ou en partie, le déficit fonctionnel permanent . En l’absence de préjudice patrimonial, les arrérages échus et le capital représentatif de la rente versée à la victime en application de l’article L434-1 du code de la sécurité sociale s’imputent sur l’indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.

La créance des tiers payeurs au titre des prestations évoquées ci avant pour chaque poste de préjudice s’imputera conformément au tableau ci-aprés :


Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance TP
Indemnité à la charge du responsable 10%
Somme revenant à la victime
Somme revenant aux TP
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
25 615,29 €
0,00 €
25 615,29 €
2 561,53 €

2 561,53 €
-FD frais divers (ATP temp comprise)
18 227,67 €
18 227,67 €

1 822,77 €
1 822,77 €

permanents

- frais de véhicule adapté
6 612,00 €
6 612,00 €

661,20 €
661,20 €

- ATP assistance tiers personne
631 774,23 €
631 774,23 €

63 177,42 €
63 177,42 €

- PGPF perte de gains professionnels futurs
43 389,10 €
43 389,10 €

4 338,91 €
4 338,91 €

- IP incidence professionnelle
20 000,00 €
20 000,00 €

2 000,00 €
2 000,00 €

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFT déficit fonctionnel temporaire
3 542,40 €
3 542,40 €

354,24 €
354,24 €

- SE souffrances endurées
10 000,00 €
10 000,00 €

1 000,00 €
1 000,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
135 000,00 €
135 000,00 €

13 500,00 €
13 500,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
5 000,00 €
5 000,00 €

500,00 €
500,00 €

- PA préjudice d'agrément
10 000,00 €
10 000,00 €

1 000,00 €
1 000,00 €

- préjudice sexuel
6 000,00 €
6 000,00 €

600,00 €
600,00 €

- TOTAL
915 160,69 €
889 545,40 €
25 615,29 €
91 516,07 €
88 954,54 €
2 561,53 €

Après déduction de la créance des tiers-payeurs (2 561,53 €), le solde dû à Madame [P] [D] et à la charge in solidum du docteur [Y] de son assureur, la MACSF, s’élève à la somme de 88 954.54 €.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du Code Civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Sur les demandes de la CPAM de [Localité 9]

L’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’en contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement des prestations versées ou devant être versées à la victime, la caisse d’assurance maladie recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l’organisme national d’assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu.

La CPAM de [Localité 9] est bien fondé à obtenir, e
n application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, la condamnation du docteur [Y] et de la MACSF à lui rembourser la somme de 2561.53€ correspondant à 10% des frais exposés pour son assurée social en lien avec ses troubles neurologiques et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Elle est en outre bien fondée dans sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion telle que prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,l’indemnité due se portant à 853,85 € (2 561,53 / 3).

Rien dans les conclusions des défendeurs ne permet de remettre en cause ces créances.

En outre, il convient de faire application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil conformément à la demande.

Sur les autres dispositions du jugement

Succombant à la procédure, le Dr [Y] et la MACSF seront condamnés aux dépens dans lesquels seront inclus les frais antérieurs à l'engagement de l'instance relatifs à l’instance de référé expertise ayant préparé la présente instance.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [P] [D] et de la CPAM de [Localité 9] les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner in solidum le docteur [Y] et la MACSF à une indemnité en leur faveur
au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’ONIAM ne sollicite de son côté aucune somme à ce titre.

Par ailleurs, l’ancienneté des faits justifie que l’exécution provisoire soit ordonnée.


PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, après en avoir délibéré, statuant par décision mise à disposition au greffe

Dit que le docteur [Y] a commis une faute ayant fait perdre à Madame [P] [D] 10% de chances d’éviter l’aggravation de ses troubles neurologiques

Fixe le préjudice subi par Madame [P] [D] en lieu avec son état neurologique à la somme totale de 915 160,69 € suivant le détail suivant :


Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance TP
Indemnité à la charge du responsable 10%
Somme revenant à la victime
Somme revenant aux TP
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
25 615,29 €
0,00 €
25 615,29 €
2 561,53 €

2 561,53 €
-FD frais divers (ATP temp comprise)
18 227,67 €
18 227,67 €

1 822,77 €
1 822,77 €

permanents

- frais de véhicule adapté
6 612,00 €
6 612,00 €

661,20 €
661,20 €

- ATP assistance tiers personne
631 774,23 €
631 774,23 €

63 177,42 €
63 177,42 €

- PGPF perte de gains professionnels futurs
43 389,10 €
43 389,10 €

4 338,91 €
4 338,91 €

- IP incidence professionnelle
20 000,00 €
20 000,00 €

2 000,00 €
2 000,00 €

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFT déficit fonctionnel temporaire
3 542,40 €
3 542,40 €

354,24 €
354,24 €

- SE souffrances endurées
10 000,00 €
10 000,00 €

1 000,00 €
1 000,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
135 000,00 €
135 000,00 €

13 500,00 €
13 500,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
5 000,00 €
5 000,00 €

500,00 €
500,00 €

- PA préjudice d'agrément
10 000,00 €
10 000,00 €

1 000,00 €
1 000,00 €

- préjudice sexuel
6 000,00 €
6 000,00 €

600,00 €
600,00 €

- TOTAL
915 160,69 €
889 545,40 €
25 615,29 €
91 516,07 €
88 954,54 €
2 561,53 €

Condamne in solidum le docteur [Y] et la MACSF à payer à Madame [P] [D] la somme de 88 954.54€ au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après application du taux de perte de chance et déduction de la créance des tiers payeurs

Condamne in solidum le docteur [Y] et la MACSF à payer à la CPAM de [Localité 9] la somme de 2561.53€ au titre des prestations versées pour le compte de son assuré social, Madame [P] [D], aprés application du taux de perte de chance

Condamne in solidum le docteur [Y] et la MACSF à payer à la CPAM de [Localité 9] la somme de 853,85€ au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996

Constate l’absence de demandes à l’égard de l’ONIAM et le met hors de cause

Condamne in solidum le docteur [Y] et la MACSF à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
- 3 000 € à Madame [P] [D],
- 1 000 € à la CPAM de [Localité 9] ;

Dit que les sommes allouées ci dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement avec application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil au profit de la CPAM de [Localité 9]

Condamne in solidum le docteur [Y] et la MACSF aux dépens, qui comprendront ceux de l’instance ayant donné lieu à l’ordonnance de référé du 12 mars 2012 et ses frais d’exécution ainsi que le coût des 2 expertises judiciaires

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision

Rejette les autres demandes des parties

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00530
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;20.00530 ?
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