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16/05/2024 | FRANCE | N°23/02271

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 16 mai 2024, 23/02271


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 16 Mai 2024
58G

RG n° N° RG 23/02271

Minute n°





AFFAIRE :

[C] [O]
C/
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE
S.A. AIG EUROPE
S.A. KEOLIS BORDEAUX METROPOLE






Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : Me Patrice BIDAULT
Me Laure COOPER
Me Louis TANDONNET



COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Fanny CALES, juge,r>statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publique du 14 Mars 2024

JUGEMENT :

Réputé contradi...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 16 Mai 2024
58G

RG n° N° RG 23/02271

Minute n°

AFFAIRE :

[C] [O]
C/
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE
S.A. AIG EUROPE
S.A. KEOLIS BORDEAUX METROPOLE

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : Me Patrice BIDAULT
Me Laure COOPER
Me Louis TANDONNET

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Fanny CALES, juge,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publique du 14 Mars 2024

JUGEMENT :

Réputé contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [C] [O]
née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 4]

représentée par Me Louis TANDONNET, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 6]

défaillante

AIG EUROPE SA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Patrice BIDAULT, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Laure COOPER, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A. KEOLIS BORDEAUX METROPOLE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Me Patrice BIDAULT, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Laure COOPER, avocat au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 8 février 2017 Madame [O] était victime d’une chute sur le trottoir après être descendue d’un bus de ville dont la société KEOLIS BORDEAUX METROPOLE est concessionnaire.

Le 18 juin 2020, elle assignait la société KEOLIS BORDEAUX METROPOLE en référé afin de voir un expert désigné pour établir ses préjudices et sollicitait une provision.

La Compagnie AIG EUROPE SA intervenait volontairement à la procédure de référé au soutien de son assuré la société KEOLIS BORDEAUX METROPOLE.

Le 28 septembre 2020, le juge des Référés ordonnait une expertise mise à la charge du docteur [J] et déboutait la demanderesse de sa demande de provision, KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et son assureur AIG EUROPE ayant contesté toute responsabilité dans cet accident.

Le 14 juin 2022, le Docteur [J] déposait son rapport définitif d'expertise.

Le 12 août2022, AIG EUROPE a adressé une offre d’indemnisation à Mme [O] en précisant qu’elle ne constituait pas une reconnaissance d’un droit à indemnisation, continuant à contester la responsabilité de son assuré.

Le 13 Mars 2023, Madame [O] a fait délivrer à la société KEOLIS BORDEAUX METROPOLE ainsi qu’à la compagnie AIG EUROPE SA une assignation tendant à la liquidation de son préjudice à hauteur de la somme totale de 114.710.75 €.

Par acte délivré le 6 juin 2023, la requérante a appelé dans la cause la CPAM de la Gironde. Les 2 dossiers ont été joints.

Selon conclusions notifiées par RPVA le 28 Juin 2023, Madame [O] a saisi le Juge de la mise en état d’un incident tendant à la condamnation des défenderesses au paiement d’une indemnité provisionnelle de 72.521.50 €.

Par ordonnance en date du 25/10/2023, le juge de la mise en état a rejeté la provision sollicité par Mme [C] [O] et renvoyé l’affaire à la mise en état.

La C.P.A.M. de la Gironde n’a pas constitué avocat. Il sera statué par jugement réputé contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23/01/2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 14/03/2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 09/11/2023, Mme [C] [O] demande au tribunal, au visa des dispositions des articles 1240,1241, 1242 du code civil ensemble et des articles 1 et 3 de la loi du 5/07/1985, de :
- constater son droit à indemnisation ;
- condamner solidairement SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA au paiement de la somme de 114.710,75 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18/06/2020 jusqu’à parfaite exécution, se répartissant selon les éléments suivants :
• Postes de préjudices patrimoniaux :
o Aide humaine temporaire 41.437,50 €
• Postes extrapatrimoniaux :
o Déficit Fonctionnel Temporaire 19.973,25 €
o Préjudice Esthétique temporaire 2.000 €
o Souffrances Endurées 20.000 €
o Déficit Fonctionnel Permanent 24.300 €
o Préjudice Esthétique 2.000 €
o Préjudice Agrément 5.000 €

- solidairement la compagnie AIG EUROPE et la SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au terme des conclusions en réplique notifiées par voie électronique le 22/08/2023, la SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA demandent au tribunal de :
AU PRINCIPAL,
- DEBOUTER Madame [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elle ne rapporte pas la preuve d’une chute à la descente du bus.
RECONVENTIONNELLEMENT,
- LA CONDAMNER à payer à AIG EUROPE et à la société KEOLIS BORDEAUX METROPOLE, une somme de 3.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
- LA CONDAMNER aux entiers dépens.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- LIMITER à 72.521.50 € le montant total des indemnités susceptibles être allouées à Madame [O], suivant offre acceptée par cette dernière le 22.09.2022
A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE :
- REDUIRE tout au plus à ce même montant l’indemnité susceptible d’être allouée à Madame [O] en réparation de ses divers préjudices suivant le détail ci-après :
- tierce personne : 23.20,50 €
- déficit fonctionnel temporaire : 15.736.50 €
- souffrances endurées : 10.000,00 €
- préjudice esthétique temporaire : 500,00 €
- déficit fonctionnel permanent : 22.080,00 €
- préjudice esthétique permanent : 1.000,00 €

- DIRE n’y avoir lieu à une quelconque indemnisation au titre du préjudice d’agrément.
- DEBOUTER Madame [O] du surplus de ses prétentions.

Vu l’article 514 du Code de procédure civile,
- ECARTER l’exécution provisoire comme n’étant pas compatible avec la nature
de l’affaire.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le droit à indemnisation de Mme [C] [O]

Sur l’implication du bus

Mme [C] [O] soutient avoir chuté en descendant du bus de sorte que ce dernier est impliqué dans son accident ouvrant ainsi le droit à son indemnisation par SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et son assureur AIG EUROPE SA. Elle indique que son état d’ébriété n’est pas une faute de nature à exclure son droit à indemnisation.

SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA concluent au débouté des demandes de Mme [C] [O] en soutenant que celle-ci a chuté non à la descente du bus mais après quelques pas sur le trottoir ; chute s’expliquant par son état d’ébriété ou l’emprise de stupéfiants ou de médicaments, ainsi que sous le poids des paquets qu’elle transportait.

Aux termes de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui lui sont propres ».

Par ailleurs, est impliqué dans un accident de la circulation le véhicule qui a joué un rôle quelconque dans sa réalisation, ce qui est notamment le cas de l’autobus immobilisé à un arrêt dont un voyageur fait une chute en descendant.

En l’espèce, Mme [C] [O] indique dans sa déclaration en date du 14/02/2017 avoir chuté en descendant du bus à l’arrêt Allende sur la ligne 34 aux alentours de 14h45 précisant que le bus était éloigné du trottoir et que la rampe n’était pas abaissée pour faciliter la descente. Mme [C] [O] maintient des déclarations identiques dans son dépôt de plainte du 16/02/2018.

Toutefois, le chauffeur du bus atteste le 27/02/2017 avoir déposé la demanderesse à l’arrêt indiqué, qu’elle est tombée sur le trottoir à l’extérieur du bus après quelques pas, celle-ci étant chargée de colis. Il confirme que la rampe n’était pas abaissée en raison de l’absence de personne handicapée dans le bus.

Or dans le cadre de l’enquête pénale, M. [T] [X], témoin entendu par téléphone par les services enquêteurs, indique qu’il se trouvait à l’arrêt Allende, qu’il a remarqué à l’ouverture des portes une femme semblant fortement alcoolisée ou sous l’emprise de stupéfiants, chuter sur le sol en descendant du bus.

Ainsi, les déclarations constantes de la victime sont corroborées par le témoignage d’un tiers n’ayant aucun intérêt à l’issue de la procédure de sorte qu’il y a lieu de considérer que la chute a bien eu lieu à la descente du bus, l’implication de ce véhicule étant établi.

Sur la faute de la victime

L’article 3 de de la loi du 5 juillet 1985 dispose que les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.

En l’espèce, bien qu’il soit conclu à un comportement désordonné de la victime, soit en raison de la prise de toxiques ou de médicaments, force est de constater que cette intoxication volontaire, à supposer établie par d’autres éléments de preuve, n’est pas la cause exclusive de l’accident, la victime portant de nombreux colis et la rampe d’accès n’ayant pas été abaissée pour faciliter la descente.

En l’absence de faute inexcusable cause exclusive de l’accident imputable à Mme [C] [O], il y a lieu de considérer que son droit à indemnisation est entier.

Il convient en conséquence de condamner SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA à indemniser son entier préjudice.

Sur la fixation du préjudice de Mme [C] [O] conformément à l’offre du 12/08/2022

SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA concluent à la fixation du préjudice de Mme [C] [O] à hauteur de 72.521,50 euros conformément à l’offre acceptée par le conseil de la victime selon lettre officielle du 22/09/2022.

Conformément aux dispositions d’ordre public de la procédure d’offre en matière d’accident de circulation des articles L. 211-8 et suivants du code des assurances, l’offre d’indemnisation ne peut engager l’assureur que si elle est acceptée par la victime ou ses ayants droits.

En l’espèce, il est vrai que AIG EUROPE SA a formulé une offre d’indemnisation pour le cas où le droit à indemnisation de Mme [C] [O] serait reconnu et que cette offre a été acceptée par lettre officielle du conseil de la victime le 22/09/2022. Toutefois, il n’est aucunement justifié d’une transaction signée par la victime de nature à rendre parfaite l’offre émise.

Le préjudice de Mme [C] [O] ne saurait donc être fixé conformément à l’offre du 12/08/2022.

Sur la liquidation du préjudice de Mme [C] [O]

Le rapport du Docteur [J] indique que Mme [C] [O], née le [Date naissance 2]/1973, sans profession au moment de l’accident, a présenté suite aux faits un arrachement osseux au niveau de la malléole externe à la cheville droite traitée par le port d’une attelle et injection d’anticoagulants, la prescription d’anti-inflammatoires et antalgiques, d’une canne anglaise et d’un fauteuil roulant outre une aide à domicile et plusieurs séances de kinésithérapie.

Les suites sont marquées par l’apparition d’une déminéralisation osseuse et une algodystrophie nécessitant la prescription de nombreux traitement médicamenteux et anticoagulants, la réalisation d’examens médicaux, l’utilisation de matériel médicaux (fauteuil roulant, botte de marche), d’aide à domicile et de nombreuses séances de rééducation.

Après consolidation fixée au 1er/10/2019, l’expert retient un déficit fonctionnel permanent de 12 % en raison d’une limitation fonctionnelle très importante des mouvements de la cheville droite et des douleurs entrainant une boiterie, un œdème malléolaire, outre une fragilisation émotionnelle survenant dans un contexte d’état antérieur connu.

Au vu de ce rapport, le préjudice corporel de Mme [C] [O] sera évalué ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

1° - Préjudices patrimoniaux

a - Préjudices patrimoniaux temporaires

- Dépenses de santé actuelles (DSA)

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.

Il s’évince du relevé de débours de la CPAM que cette dernière a exposé entre le 08/02/2017 et le 18/05/2020 pour le compte de son assurée sociale Mme [C] [O] un total de 15.847,92 euros au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, de transport et d’appareillage, somme qu'il y a lieu de retenir.

Mme [C] [O] ne fait état d'aucune dépense restée à sa charge.

- Assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante

Il s’agit du préjudice lié à la nécessité, pour la victime, du fait de son handicap, d’être assistée par une tierce personne, spécialisée ou non s’agissant notamment du ménage, des actes de la vie courante, d’une incitation ou simple surveillance nocturne.
Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.

Si Mme [C] [O] sollicite un taux horaire de 25 euros et les défenderesses offrent la somme de 14 euros de l’heure, il sera retenu un taux horaire de 18 euros s’agissant d’une aide nécessaire qui ne requiert aucune qualification spécialisée.

Les parties s’accordent sur le besoin conformément aux conclusions de l’expert :
- 2 heures par jour pendant 615 jours (8/02/2017 au 15/10/2018) ;
- 1 heure et demie par jour pendant 225 jours (16/10/ 2018 au 28/05/2019) ;
- 5 heures par semaines pendant 18 semaines (29/05/2019 au 1er/10/2019) ;

Ce poste de préjudice sera réparé à hauteur de la somme de 29.835 euros.

2° - Préjudices extra-patrimoniaux

a - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire (DFT)

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Calculée sur la base de 27 euros par jour pour un DFT à 100%, il doit être arrêté au regard des conclusions de l'expert à :

- 12.453,75 euros pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 75 % pour la période du 08/02/2017 au 15/10/2018 (615 j) ;
- 3.037,50 euros pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 50 % pour la période du 16/10/2018 au 28/05/2019 (225 j) ;

- 850,50 euros pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 25 % pour la période du 29/05/2019 au 1er/10/2019 (126 j) ;

Soit un total de 16.341,75 euros.

- Souffrances endurées (SE)

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

L'expert les a évalués à 4/7 pour le traumatisme initial, les répercussions invalidantes d’un syndrome algoneurodystrophique et les répercussions psychiatriques avec dégradation thymique d’évolution favorable.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 20.000 euros.

- Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.)

Ce préjudice correspond à l’atteinte à l’apparence physique avant la date de consolidation.

L'expert a retenu un préjudice esthétique temporaire pour l'utilisation d'un fauteuil roulant pendant plusieurs mois.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 2.000 euros.

b - Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent (D.F.P.)

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence. Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent 12 % en raison d’une limitation fonctionnelle très importante des mouvements de la cheville droite et des douleurs entrainant une boiterie, un œdème malléolaire, outre une fragilisation émotionnelle survenant dans un contexte d’état antérieur connu.

Il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 24.300 euros soit 2.025 euros du point d'incapacité correspondant au niveau moyen retenu pour ce taux de déficit vu l'âge de la victime à la date de consolidation (46 ans).

- Préjudice d’agrément (P.A.)

Il vise à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs. Ce poste inclut la limitation de la pratique antérieure.

L'expert retient une gêne à la pratique de la danse.

Néanmoins, Mme [C] [O] ne verse aucune pièce tendant à établir qu’elle pratiquait cette activité de manière régulière avant l’accident.

Dès lors, elle est déboutée de sa demande à ce titre.

- Préjudice esthétique permanent (P.E.P.)

Ce poste de préjudice vise à réparer l’atteinte à l’apparence physique après la date de consolidation.

L'expert a retenu un préjudice esthétique permanent de 1/7 en raison d'une boiterie séquellaire.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 2.000 euros.
Au total, les divers postes de préjudices seront récapitulés comme suit :

Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance CPAM
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

- DSA dépenses de santé actuelles
15 847,92 €
0,00 €
15 847,92 €
- ATP assistance tierce personne
29 835,00 €
29 835,00 €

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFTP déficit fonctionnel temporaire partiel
16 341,25 €
16 341,25 €

- SE souffrances endurées
20 000,00 €
20 000,00 €

- PET préjudice esthétique temporaire
2 000,00 €
2 000,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
24 300,00 €
24 300,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
2 000,00 €
2 000,00 €

- PA préjudice d'agrément
0,00 €
0,00 €

- TOTAL
110 324,17 €
94 476,25 €
15 847,92 €

Sur l'imputation de la créance des tiers payeurs et la réparation des créances

Il convient de rappeler qu’en vertu des principes posés par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifiée par l’article 25 III et IV de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 :
- les recours subrogatoires des caisses et tiers payeurs contre les tiers responsables s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel,
- conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu’en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence à la caisse subrogée,
- cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice

En l’espèce, la créance des tiers payeurs s’imputera ainsi :

- la créance de 15.847,92 euros exposés par la CPAM pour des frais médicaux, pharmaceutiques et d’appareillage s’imputera sur les dépenses de santé actuelles ;

Après imputation de la créance des tiers-payeurs (15.847,92 euros), le solde dû à Mme [C] [O] et à la charge in solidum de SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE de son assureur, AIG EUROPE SA, s’élève à la somme de 94.476,25 euros.

Conformément à l’article 1231-7 du code civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, date de fixation du préjudice, et non à compter du 18/06/2020.

L’organisme social n'a formulé aucune demande, ce qui laisse présumer qu'il a été ou sera désintéressé dans le cadre des dispositions du Protocole de 1983 ou de celui prévu à l’article L. 376-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale modifié par la loi du 21 Décembre 2006.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Succombant à la procédure, SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA seront condamnés aux dépens.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [C] [O] les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner in solidum SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA à une indemnité en sa faveur de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit prévue par l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

DIT que le bus appartenant à SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et assuré par SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE est impliqué dans la survenance de l’accident de Mme [C] [O] du 8 février 2017 ;

DIT que le droit à indemnisation de Mme [C] [O] est entier ;

FIXE le préjudice subi par Mme [C] [O], suite à l’accident dont elle a été victime le 8 février 2017, à la somme totale de 110.324,17 euros selon le détail suivant :

Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance CPAM
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

- DSA dépenses de santé actuelles
15 847,92 €
0,00 €
15 847,92 €
- ATP assistance tierce personne
29 835,00 €
29 835,00 €

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFTP déficit fonctionnel temporaire partiel
16 341,25 €
16 341,25 €

- SE souffrances endurées
20 000,00 €
20 000,00 €

- PET préjudice esthétique temporaire
2 000,00 €
2 000,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
24 300,00 €
24 300,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
2 000,00 €
2 000,00 €

- PA préjudice d'agrément
0,00 €
0,00 €

- TOTAL
110 324,17 €
94 476,25 €
15 847,92 €

CONDAMNE in solidum SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA à payer à Mme [C] [O] la somme de 94.476,25 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après imputation de la créance des tiers payeurs à hauteur de 15.847,92 ;

DECLARE le jugement commun à la CPAM de la Gironde ;

CONDAMNE in solidum SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA aux dépens ;

CONDAMNE in solidum SA KEOLIS BORDEAUX METROPOLE et AIG EUROPE SA à payer à Mme [C] [O] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les sommes allouées ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;

REJETTE pour le surplus les autres demandes des parties.

Le jugement a été signé par Fanny CALES, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02271
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;23.02271 ?
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