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15/05/2024 | FRANCE | N°21/09124

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 15 mai 2024, 21/09124


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 15 Mai 2024
60A

RG n° N° RG 21/09124

Minute n°






AFFAIRE :

[S] [K]
C/
Compagnie d’assurance PACIFICA, IRCEM PREVOYANCE, CPAM DE LA GIRONDE








Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL ARPEGES CONTENTIEUX
Me Emilie CAMBOURNAC
la SELARL MESCAM & BRAUN




COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats, du délibéré et de la mise à disposition :<

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Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition: Madame Elisabeth...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 15 Mai 2024
60A

RG n° N° RG 21/09124

Minute n°

AFFAIRE :

[S] [K]
C/
Compagnie d’assurance PACIFICA, IRCEM PREVOYANCE, CPAM DE LA GIRONDE

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL ARPEGES CONTENTIEUX
Me Emilie CAMBOURNAC
la SELARL MESCAM & BRAUN

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats, du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition: Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 06 Mars 2024,

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [S] [K]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Marie MESCAM de la SELARL MESCAM & BRAUN, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES

Compagnie d’assurance PACIFICA
[Adresse 8]
[Localité 7]

représentée par Maître Flore ANDREBE de la SELARL ARPEGES CONTENTIEUX, avocats au barreau de BORDEAUX

I
RCEM PREVOYANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Me Emilie CAMBOURNAC, avocat au barreau de BORDEAUX

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 11]
[Localité 4]

défaillante

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 14 janvier 2018, Mme [K] était victime d’un grave accident de la circulation sur la commune du PIAN MEDOC (33) alors qu’elle était passagère du véhicule conduit par son compagnon Monsieur [D], assuré auprès de la compagnie PACIFICA.

Suite à l’accident, elle présentait :
- Une fracture de l’extrémité inférieure du radius droit associée à une luxation de l’articulation
radio ulnaire distale ouverte Gustilo II,
- Des fractures des côtes,
- Un déplacement du sternum.
Une ITT de 2 mois était fixée.

Mme [K] regagnait son domicile le 16 janvier 2018 avec prescription de soins et anti-douleurs.

Le 26 février 2018, elle était hospitalisée en ambulatoire au CHU de BORDEDAUX pour l’ablation de la broche.

Le 15 mai 2018, une scintigraphie osseuse était réalisée et mettait en évidence l’existence d’une algodystrophie post-traumatique sévère du poignet droit. Il persistait une absence de mobilité du poignet droit ainsi que des doigts.

Elle était hospitalisée de jour du 22 juillet au 6 novembre 2019 au centre de rééducation fonctionnelle [10] à [Localité 9].

Exerçant la profession d’aide ménagère lors de l’accident, elle était placée en arrêt de travail à compter du 15 janvier 2018 et régulièrement renouvelé.
Suite à l’avis de la médecine du travail, elle faisait l’objet d’un licenciement pour inaptitude.

Des opérations d’expertise étaient organisées dans un cadre amiable avec la compagnie PACIFICA. Des provisions étaient versées.

Le rapport d’expertise définitif était transmis le 7 mai 2021, fixant notamment un DFP de 30 %.

En l’absence de réponse de l’assureur à sa demande de provisions complémentaires, Mme [K] a, par actes délivrés les 19 et 24/11/2021, et le 17/01/2023 fait assigner devant le présent tribunal la Compagnie PACIFICA pour voir indemniser son préjudice ainsi que, en qualité de tiers payeurs, la CPAM de la Gironde et l’IRCEM PREVOYANCE.

Par ordonnance du 23/03/2022, le juge de la mise en état condamnait la compagnie PACIFICA à verser à Mme [K] une provision de 100 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23/01/2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 06/03/2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 09/10/2023, Mme [K] demande au tribunal de :
- fixer le préjudice subi à la somme de 920 897, 58 €,
- fixer la créance des tiers payeurs à la somme de 174 885, 93 €,
- condamner en conséquence la Compagnie PACIFICA à lui payer, après déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions déjà versées, la somme de 625 011, 65 € à titre de réparation de son préjudice,
- condamner la Compagnie PACIFICA à lui payer une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter la compagnie PACIFICA de sa demande en suspension de l’exécution provisoire.

Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 22/05/2023, la compagnie d’assurances PACIFICA demande au tribunal de :
- Liquider les préjudices subis par Mme [S] [K], avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions perçues, dans les conditions suivantes :
• Dépenses de santé actuelles : 28.361,93 € ;
soit un solde de 14,50 € après imputation de la créance des tiers payeurs ;
• Assistance tierce personne temporaire : 3.458 € ;
• Pertes de gains professionnels actuelles : 22.617,69 €, soit un solde de 2.261,43 € après imputation de la créance des tiers payeurs ;
• Frais de véhicule adapté : débouté,
Subsidiairement : 3.727,50 € ;

Infiniment subsidiairement : 9.985 € ;
• Assistance tierce personne définitive : 71.055,52 € ;
• Pertes de gains professionnels futures : débouté ;
A titre subsidiaire : 199.834,66 € ;
soit un solde de 77.226,11 € après imputation de la créance des tiers payeurs ;
• Incidence professionnelle : 30.000 €,
soit un solde nul après imputation de la créance des tiers payeurs, si aucune indemnité n’est allouée au titre des pertes de gains professionnels futures ;
• Déficit fonctionnel temporaire : 9.250 € ;
• Souffrances endurées : 12 .000 € ;
• Déficit fonctionnel permanent : 80.550 €,
• Préjudice esthétique permanent : 1.500 € ;
- Déduire la créance de la CPAM de la Gironde à hauteur de 167045,80 € au titre de ses débours définitifs et la créance de l’IRCEM PREVOYANCE à hauteur de 7840,13 €, et les imputer poste par poste sur les indemnités définitives allouées à Mme [S] [K] soumises au recours subrogatoire des tiers payeurs ;
- Déduire du montant des indemnités définitives allouées à Mme [S] [K], les provisions d’ores et déjà perçues à hauteur de 121000 € ;
- Débouter Mme [S] [K] de sa demande indemnitaire sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que de sa demande de condamnation aux dépens.
- Ecarter l’exécution provisoire de droit

Au terme des conclusions notifiées par voie électronique le 23/02/2023, l’IRCEM PREVOYANCE sollicite de :
- CONDAMNER la compagnie PACIFICA à payer à l’IRCEM PREVOYANCE, la somme totale de 7840,13 € outre intérêts au taux légal courant à compter de la signification du jugement à intervenir,
- CONDAMNER la compagnie PACIFICA à payer à l’IRCEM PREVOYANCE, la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
- CONDAMNER la compagnie PACIFICA aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Emilie CAMBOURNAC

La CPAM de la Gironde n’a pas constitué avocat. Il sera statué par jugement réputé contradictoire.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur l’implication du véhicule assuré par la compagnie PACIFICA et le droit à indemnisation de Mme [K]

Aux termes de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, “Les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui lui sont propres”.

En l’espèce, la compagnie PACIFICA, assureur du conducteur, ne conteste pas le droit à indemnisation entier de Mme [K] et être tenue à cette indemnisation. Il convient en conséquence de la condamner à indemniser son entier préjudice.

Sur la liquidation du préjudice de Mme [K]

Le rapport du Dr [Z] indique que Mme [K] née le [Date naissance 3]1975, exerçant la profession d’aide ménagère au moment des faits, a présenté suite aux faits :
- Une fracture de l’extrémité inférieure du radius droit associée à une luxation de l’articulation
ulnaire distale ouverture Gustilo II,
- Des fractures des côtes,
- Un déplacement du sternum.

Après consolidation fixée au 20 janvier 2020, l’expert retient un déficit fonctionnel permanent de 30 % en raison de la raideur du poignet de la main coté dominant.

Au vu de ce rapport, le préjudice corporel de Mme [K] sera évalué ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

I - Préjudices patrimoniaux :

A - Préjudices patrimoniaux temporaires :

Dépenses de santé actuelles (DSA) :

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.
Il s’évince du relevé de débours de la CPAM que cette dernière a exposé entre le 14/01/2018 et le 20/01/2020 pour le compte de son assuré social Mme [K] un total de 28347, 43 € € (frais hospitaliers, frais médicaux et pharmaceutiques) qu'il y a lieu de retenir.

Mme [K] fait état des dépenses demeurées à sa charge qu'il convient de retenir à hauteur de 14,50 € (franchise mentionnée sur le décompte de la Cpam ).

Dès lors, ce poste de préjudice sera fixé à la somme totale de 28 361,93 €.

2 - Frais divers (F.D.) :

Assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.

Il s’agit du préjudice lié à la nécessité, pour la victime, du fait de son handicap, d’être assistée par une tierce personne, spécialisée (infirmière, kinésithérapeute...) ou non s’agissant notamment du ménage, des actes de la vie courante, d’une incitation ou simple surveillance nocturne...
Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.

En l’espèce, l' expert a fixé le besoin à :
- 5 heures par semaine du 17 janvier 2018 au 17 avril 2018, (3 mois)
- 2 heures par semaine du 18 avril 2018 au 20 janvier 2020,
s’agissant d’une aide pour les taches ménagères.

Ces conclusions ne sont pas contestées par les parties.

Si le fait que Mme [K] ait bénéficié d’une aide familiale au lieu d’avoir recours à une aide professionnelle ne peut justifier de voir diminuer les sommes demandées à ce titre, il sera néanmoins relevé qu’il s’agissait d’une aide ne requérant aucune qualification spécialisée de sorte que sera retenu un taux horaire de 18€.

Ainsi, ce poste de préjudice sera réparé pour les périodes concernées, à hauteur de la somme de 3 800 euros.

Perte de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) :

Elles concernent le préjudice économique de la victime imputable au fait dommageable, pendant la durée de son incapacité temporaire.

En l’espèce, à l’occasion de l’accident, Mme [K] exerçait la profession d’aide ménagère. Elle était placée en arrêt de travail à compter du 15 janvier 2018 et régulièrement renouvelé jusqu’à la consolidation. A compter du 1er novembre 2019, elle était placée en invalidité de catégorie 1.

Mme [K] fait état d’une perte de gains professionnels de 22 617,28 € qui n’est pas contestée par la compagnie PACIFICA.

Il ressort de la notification des débours définitifs versée aux débats que la CPAM a engagé une somme de 11 704, 98 € au titre des indemnités journalières qu’elle a versées à son assuré social du 15/01/2018 au 31/10/2019, somme qui s’impute sur ce poste de préjudice.
Il convient également de relever qu’elle a perçu la somme de 7 840,13 € de la prévoyance IRCEM et la somme de 866, 30 € au titre des arrérages échus de la pension d’invalidité (du 01/11/2019 au 20/01/2020.

Après imputation des créances des tiers payeurs, le solde revenant à Mme [K] est donc de 2 205,87 euros.

Mme [K] sollicite la réactualisation de cette somme au titre de la dépréciation monétaire. Il convient d’accueillir cette demande, cette réactualisation étant de droit.

Vu la réactualisation au jour de l’audience, portant la somme revenant à Mme [K] à la somme réactualisée de 2 513,57 €, ce poste de préjudice sera en conséquence réparé à la somme globale de 22 924,98 €.

B - Les préjudices patrimoniaux permanents :

Sur le barème de capitalisation applicable

Mme [K] sollicite l’application du barème de capitalisation proposé et publié par la Gazette du Palais le 31 octobre 2022 qui retient un taux d’actualisation -1%. La compagnie PACIFICA concluent à l’application du barème BCRIV 2021 (Barème de Capitalisation de Référence pour l’Indemnisation des Victimes).

Le barème publié par la gazette du palais du 31 octobre 2022 présente l’avantage d’être fondé sur une espérance de vie actualisée reposant sur les données démographiques disponibles les plus récentes ainsi que sur des données financières économiques actualisées.
L’application de cette table de capitalisation avec un taux d’actualisation de 0 % apparaît la plus pertinente pour permettre un réparation du préjudice sans perte ni profit notamment vu l’âge de la demanderesse. Il convient en conséquence de retenir ce barème de capitalisation.

Dépenses de santé futures (DSF) :

La CPAM a d'ores et déjà pu évaluer le montant des frais futurs prévisibles. Il convient de retenir cette créance à hauteur de 3 573,69 €.

Perte de gains professionnels futurs ( P.G.P.F.)

Elle résulte de la perte de l’emploi ou du changement d’emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle.

En raison des séquelles constatées, l'expert a retenu l'impossibilité à la poursuite de l'activité professionnelle exercée en qualité de femme de ménage et à la nécessité de reconversion dans une activité professionnelle ne nécessitant pas l'usage de la main droite ou des deux mains.

Mme [K] fait valoir qu'elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude, et a été placée en invalidité de catégorie 1 puis de catégorie 2 à compter du 26 juillet 2022. Elle expose que la médecine du travail dans le cadre des visites de reprise le 5 et 21 juillet 2021 concluait que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Néanmoins, la compagnie PACIFICA fait valoir que le médecin expert a précisé que Mme [K] restait capable pour des activités de surveillance, activité ne nécessitant l'utilisation d'une seule main de type accueil ou réception téléphonique. Elle relève ainsi qu'il n'y a pas d'impossibilité à "tout" emploi.

Cependant, la nature des séquelles de Mme [K], l'empêchant de se servir de sa main dominante, quelle que soit l'activité, rend la reprise de toute activité professionnelle et donc la ,perception de gains professionnels très illusoire au vu par ailleurs de l'âge et du niveau d'études de cell-ci. Il n'est en tout état de cause pas contesté que Mme [K] ne pourra plus exercer sa profession et subi de fait une perte de gains professionnels futurs à ce titre.

Il n'est pas contesté que le revenu annuel de Mme [K] s'élevait avant l'accident à 11 063 €. Il convient de retenir la réactualisation de cette somme à la somme de 12 242,31 € telle que sollicitée par Mme [K].

- Sur la perte échue du 20/01/2020 au 15/05/2024 : 52 926,12 €
- sur la capitalisation à compter du 15/05/2024 : selon euro de rente à un taux de 0% à 64 ans âge de départ probable à la retraite pour une femme de 48 ans au15/05/ 2024 : 15.641 x 12242,31 € = 191 481,97 €.

Il sera en conséquence alloué une indemnité totale de 244 408,09 €, sur laquelle s’imputera la créance de la CPAM au titre des arrérages échus et du capital invalidité pour un total de 122 553,4 €.

Incidence professionnelle (I.P)

Elle correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l’activité professionnelle antérieure plus fatiguante ou pénible traduisant une dévalorisation sur le marché du travail.

L'expert a retenu l'incapacité à exercer sa profession antérieure et la nécessité d'une reconversion professionnelle.
Mme [K] fait valoir qu'elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude et n'a pas retrouvé d'activité professionnelle. Elle justifie ainsi de son exclusion du marché du travail et de la perte de la valeur sociologique de celui-ci.

Ses séquelles s'agissant de l'impossibilité d'utiliser sa main droite ou les deux mains, ayant conduit l'expert à fixer un DFP de 30 %, permettent de caractériser une dévalorisation certaine sur le marché du travail pour l'avenir.

Néanmoins, la demande formée par Mme [K] fondée sur une méthode de calcul en vertu de laquelle elle multiplie son revenu antérieur au taux de DFP n'apparait pas opportune en ce qu'elle reviendrait à indemniser deux fois le DFP.

Il convient en conséquence, vu les éléments constitutifs caractérisés de ce poste de préjudice, la situation professionnelle de Mme [K] et son âge, de lui allouer la somme de 40 000 € au titre de l'incidence professionnelle.

Assistance par tierce-personne (ATP) :

Ces dépenses sont liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne.

En l’espèce, selon l’expert, l’état de santé de Mme [S] [K] a justifié un besoin en tierce personne de 2 heures par semaine à titre viager pour les actes ménagers et les actes ponctuels nécessitant l’utilisation des deux mains.

Mme [K] fait valoir l’assistance quotidienne de ses fils notamment pour l’entretien du jardin, les courses, le port de charges ( casserole, pack d’eau et lait). Elle demande à ce titre de revoir le besoin en tierce personne à 4 heures par semaine à titre viager pour un taux horaire qu’elle fixe à 22 €.

En l’état, et vu les séquelles de Mme [K] à savoir une raideur du poignet droit, et une grande limitation dans sa capacité de préhension avec sa main dominante, le besoin de Mme [K] en tierce personne apparait supérieur à celui fixé par les conclusions du médecin expert. Il pourra ainsi être retenu un besoin à hauteur de 4h par semaine.

Par ailleurs, l’aide assurée n’ayant justifié jusqu’à présent aucune aide spécialisée, il convient de retenir un taux de 18 €.

Soit, calculées sur des années de 52 semaines comme sollicité par Mme [K] :
- au titre des arrérages échus du 20/01/2020 au 15/05/2024, la somme de : 20 356,51 €
- au titre de la capitalisation : la somme de : 4 708,57 € par an x 38.107 (euro de rente viager bénéficiaire de 48 ans) : 179 429, 48 €

soit la fixation de ce poste de préjudice à la somme totale de 199 785,99 €.

Les frais de véhicule adapté

La nécessité d’un véhicule adapté résulte en général du rapport d’expertise médicale. L’indemnisation ne consiste pas dans la valeur totale du véhicule adapté, mais seulement dans
la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait ou se serait satisfait la victime.

En l’espèce, ce poste n’a pas été envisagé par l’expert, néanmoins Mme [K] sollicite l’indemnisation au titre du coût d’acquisition du véhicule adapté à savoir un véhicule à boîte automatique et du renouvellement de ce véhicule tous les 5 ans dont elle estime que le surcoût est évaluable à 2000 € par rapport au véhicule équivalent en boite manuelle (sur le modèle d’une Peugeot 306).

Il n’est pas contesté que Mme [K] subisse des séquelles pouvant entraver la conduite d’un véhicule à savoir une raideur du poignet droit limitant ses actions de préhension et le passage des vitesses. Ainsi, bien que non précisé par le médecin expert, le besoin en équipement d’une boite automatique est justifié et cohérent au vu de la nature des séquelles retenues. Elle justifie par ailleurs disposer du permis de conduire mais ne justifie pas disposer d’un véhicule ayant dû être adapté depuis la consolidation.

Dès lors, il n’y a pas lieu d’indemniser l’acquisition du véhicule mais uniquement le surcoût engendré par l’adaptation du véhicule en boîte automatique lors de son acquisition.

Sur la base d’un surcoût de 2 000 € et d’un changement de véhicule tous les 7 ans, soit un surcoût annuel de 285,71 €, somme à capitaliser de manière viagère à compter de l’âge de 55 ans (x 31.646), soit 7 ans après la date de la première adaptation/acquisition, il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 2 000 € (surcoût de la première acquisition) + 285,71 € x 31.646 = 11 041,58.

Il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 11 041,58 €.

II - Préjudices extra-patrimoniaux :

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

Déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Calculée sur la base de 27€ par jour pour une DFT à 100%, il doit être arrêté au regard des conclusions de l'expert à :
- 81 € correspondant au déficit fonctionnel temporaire total (100%) du 14 au 16/01/2018,
- 9 909 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 50 % (catégorie 3) du 17/01/2018 au 20/01/2020,
soit un total de 9 990 €.

Souffrances endurées (SE) :

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

L'expert les a évalué à 4/7 en raison notamment de la nature des lésions, des soins, des traitements ainsi que de la longueur d’évolution et de l’algodystrophie sévère.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 16 000 €.

B - Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

Le déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) :

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence. Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 30% pour les raisons ci avant rappelées.

Il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 80 550 € soit 2 685 € du point d'incapacité correspondant au niveau moyen retenu pour ce taux de déficit vu l'age de la victime à la date de consolidation.

Préjudice esthétique permanent ( P.E.P.):

L'expert a retenu une préjudice esthétique permanent de 1,5/7 en raison de l'utilisation de l'orthèse en sécurité à l'extérieur de son domicile ainsi que du flessum irréductible à 50° de son poignet et de sa main.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 1 500 €.

Sur la créance des tiers payeurs et la répartition des créances:

Dès lors que le droit à indemnisation de demandeur est partiel, il convient d’appliquer les principes suivants posés par les articles L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale et 31 de la loi n° 85-677 du 5 Juillet 1985 modifiée par l’article 25 III et IV de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007:
- les recours subrogatoires des caisses contre les tiers et les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.
- conformément à l’article 1252 ancien du Code Civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation.

- lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales, en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.
- lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie, en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable , pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une indemnisation partielle.

- cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.
- cependant en cas d’accident du travail ou trajet -travail , il résulte de l’article L434-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part ,le déficit fonctionnel permanent. Il s’en déduit que dans la mesure où le montant de la rente excède celui des pertes de revenus et l’incidence professionnelle, elle répare nécessairement, en tout ou en partie, le déficit fonctionnel permanent . En l’absence de préjudice patrimonial, les arrérages échus et le capital représentatif de la rente versée à la victime en application de l’article L434-1 du code de la sécurité sociale s’imputent sur l’indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.

La créance des tiers payeurs au titre des prestations évoquées ci avant pour chaque poste de préjudice s’imputera conformément au tableau ci-aprés:

Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance CPAM
Créance Mutuelle
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
28 361,93 €
14,50 €
28 347,43 €

- ATP assistance tierce personne
3 800,00 €
3 800,00 €

-PGPA perte de gains actuels
22 924,98 €
2 513,57 €
12 571,28 €
7 840,13 €
permanents

- DSF dépenses de santé futures
3 573,69 €
0,00 €
3 573,69 €

- frais de véhicule adapté
11 041,58 €
11 041,58 €

- ATP assistance tiers personne
199 785,99 €
199 785,99 €

- PGPF perte de gains professionnels futurs
244 408,09 €
121 854,69 €
122 553,40 €

- IP incidence professionnelle
40 000,00 €
40 000,00 €

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFTT déficit fonctionnel temporaire total
81,00 €
81,00 €

- DFTP déficit fonctionnel temporaire partiel
9 909,00 €
9 909,00 €

- SE souffrances endurées
16 000,00 €
16 000,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
80 550,00 €
80 550,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
1 500,00 €
1 500,00 €

- TOTAL
661 936,26 €
487 050,33 €
167 045,80 €
7 840,13 €
Provision

121000

TOTAL après provision

366050,33

Après déduction de la créance des tiers-payeurs (174885,13 €) et déduction des provisions versées à hauteur de 121000 €, le solde dû à Mme [K] et à la charge de la compagnie PACIFICA, s’élève à la somme de 366 050,33 €.
Le solde dû à l'IRCEM PREVOYANCE s'élève à la somme de 7 840,13 €.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du Code Civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Sur les autres dispositions du jugement

Succombant à la procédure, la compagnie PACIFICA sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de Me CAMBOURNAC.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [K] et de l’IRCEM PREVOYANCE les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner la compagnie PACIFICA à une indemnité de 3000 € en faveur de Mme [K] et de 1000 € en faveur de l’IRCEM , au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit prévue par l’article 514 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Dit que le droit à indemnisation de Mme [K] est entier

Fixe le préjudice subi par Mme [K], suite à l’accident dont elle a été victime le 14 /01/ 2018 à la somme totale de 661 936,26 € suivant le détail suivant :

Evaluation du préjudice
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
28 361,93 €
- ATP assistance tierce personne
3 800,00 €
-PGPA perte de gains actuels
22 924,98 €
permanents

- DSF dépenses de santé futures
3 573,69 €
- frais de véhicule adapté
11 041,58 €
- ATP assistance tiers personne
199 785,99 €
- PGPF perte de gains professionnels futurs
244 408,09 €
- IP incidence professionnelle
40 000,00 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
temporaires

- DFTT déficit fonctionnel temporaire total
81,00 €
- DFTP déficit fonctionnel temporaire partiel
9 909,00 €
- SE souffrances endurées
16 000,00 €
permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
80 550,00 €
- PE Préjudice esthétique permanent
1 500,00 €
- TOTAL
661 936,26 €

Condamne la Compagnie PACIFICA à payer à Mme [K] la somme de 366 050,33 € au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après déduction des provisions versées et de la créance des tiers payeurs ;

Condamne la compagnie PACIFICA à payer à l’IRCEM PREVOYANCE la somme de 7 840,13 € au titre des prestations versées pour le compte de son assuré social, Mme [K] ;

Condamne la compagnie PACIFICA à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile:
- 3 000 € à Mme [K]
- 1 000 € à l’IRCEM PREVOYANCE ;

DIT que les sommes allouées ci dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement

CONDAMNE la compagnie PACIFICA aux dépens, et dit que Me CAMBOURNAC pourra recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;

REJETTE les autres demandes des parties.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/09124
Date de la décision : 15/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-15;21.09124 ?
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