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06/05/2024 | FRANCE | N°19/06726

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 06 mai 2024, 19/06726


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 06 Mai 2024
60A

RG n° N° RG 19/06726

Minute n°





AFFAIRE :

[C] [N]
C/
S.A. MAAF SANTE
S.A. MAIF
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU LOT ET GARONNE





Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SARL CHAMBOLLE & ASSOCIES
la SCP DOMERCQ - LHOMY
Me Jean GONTHIER



COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Louise L

AGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publique du 04 Mars 2024

...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 06 Mai 2024
60A

RG n° N° RG 19/06726

Minute n°

AFFAIRE :

[C] [N]
C/
S.A. MAAF SANTE
S.A. MAIF
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU LOT ET GARONNE

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SARL CHAMBOLLE & ASSOCIES
la SCP DOMERCQ - LHOMY
Me Jean GONTHIER

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publique du 04 Mars 2024

JUGEMENT :

Réputé contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEUR

Monsieur [C] [N]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Julie RAVAUT de la SARL CHAMBOLLE & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES

S.A. MAAF SANTE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
Chauray
[Adresse 8]

défaillante

S.A. MAIF prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Karine LHOMY de la SCP DOMERCQ - LHOMY, avocats au barreau de PAU, Me Jean GONTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU LOT ET GARONNE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]

défaillante

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [C] [N] a été victime le 21 juin 1995 d’un grave accident de la circulation, ayant été percuté par le véhicule conduit par Mme [Z], assurée auprès de la MAIF.

Il a présenté à la suite de cet accident :
- un traumatisme crânien avec un score de Glasgow initial à 7,
- une hémorragie sous arachnoïdienne,
- un traumatisme du membre inférieur droit qui aura pour conséquence une amputation de ce membre au niveau du fémur,
- un traumatisme du membre inférieur gauche avec fracture ouverte,
- un traumatisme du membre supérieur gauche avec fracture de l’humérus et traumatisme abdominal.

Une expertise amiable a été diligentée et confiée au Dr [X] qui a retenu :
- une IPP de 68 %,
- une date de consolidation au 1er septembre 2016,
- une ITT du 21 juin 1995 jusqu’à consolidation,
- des souffrances endurées de 6/7,
- un préjudice esthétique de 5/7,
- un préjudice d’agrément,
- des frais futurs :
. renouvellement de la prothèse,
. des deux cannes,
. bas de contention,
. fauteuil roulant,
. aménagement du logement,
. aménagement du véhicule,
. téléphone portable au domicile,
. aide ménagère 7h/semaine.

Par jugement en date du 9 février 1999, le présent tribunal a liquidé le préjudice à la somme totale de 561 022,08 F.

Dans les suites, M. [C] [N] a fait l’objet d’une hospitalisation au Centre Maguelone du 10 au 27 janvier 2017 dans le cadre de l’essai d’une prothèse par genou électrique. Il a en outre fait valoir une aggravation de son état.

C’est dans ces conditions qu’il a de nouveau saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux lequel a, par ordonnance du 8 janvier 2018, ordonné une expertise médicale confiée au professeur [X].

Le professeur [X] a déposé son rapport le 27 novembre 2018.

Par actes délivrés les 10 et 17 juillet 2019, M. [C] [N] a fait assigner la MAIF et la CPAM du Lot-et-Garonne devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir indemniser son préjudice en aggravation à hauteur de 243 059,91 euros.

Par acte délivré le 28 août 219, il a en outre fait assigner la compagnie Maaf santé. Les deux procédures ont été jointes par mention au dossier.

Par ordonnance d’incident du 3 décembre 2019, le juge de la mise en état a débouté M. [C] [N] de sa demande de provision et joint les dépens de l’incident à ceux du fond.

Par jugement du 8 septembre 2021, le tribunal a :
- sursis à statuer sur les demandes des parties liées à la liquidation des préjudices de M. [C] [N],
- ordonné une expertise médicale et désigné le docteur [D] pour y procéder,
- sursis à statuer sur les dépens et les frais irrépétibles.

L’expert a déposé son rapport le 24 mars 2023.

Par conclusions récapitulatives n°3 notifiées par voie électronique le 18 septembre 2023, M. [C] [N] demande au tribunal de :
Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,
Vu les dispositions des articles L211-9 et suivants du Code des assurances,
Vu le rapport d’expertise en aggravation du Pr [X]
Vu le rapport d’expertise en aggravation du Dr [D],
- constater l’aggravation des préjudices de Monsieur [C] [N] consécutifs à l’accident dont il a été victime le 21 juin 1995
- dire et juger que son droit à indemnisation consécutif à cette aggravation est entier
- condamner la compagnie MAIF à indemniser Monsieur [C] [N] de l’intégralité de ses préjudices comme suit :

poste de préjudice
montant total
créance CPAM
créance MAAF SANTE
solde victime
DSA
9.089,66 €
8.289,16 €
742 €
58,50 €
FD
6.432 €

6.432 €
ATP
49.556 €

49.556 €
DFT
1.266 €

1.266 €
SE
4.000 €

4.000 €
TOTAL
70.343,66 €
8.289,16 €
742 €
61.312,50 €

- débouter la compagnie d’assurances MAIF de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- condamner la compagnie d’assurances MAIF à payer à Monsieur [N] la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
- condamner la compagnie d’assurances MAIF aux entiers dépens.
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution.

En défense, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 octobre 2023, la MAIF demande au tribunal de :
Vu le jugement du Tribunal judiciaire de BORDEAUX du 08-09-2021,
Vu le rapport [D],
- Dire et juger que l'aggravation de lӎtat de Monsieur [N] est celle retenue par
le rapport [D] (gonarthrose et ses conséquences directes),
- En conséquence lui allouer une indemnisation comme suit :
* DSA franchise : 58,50 €
* Frais divers : 3 831 € (médecin conseil) 2 601 € (frais de transport)
* DFTT : 468 € et DFTP : 715 €
* SE : 3.000 €
- Dire et juger n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- Modérer toute application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 4 mars 2024au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour.

La CPAM de LOT ET GARONNE et la SA MAAF SANTE n’ont pas constitué avocat. Il sera statué par jugement réputé contradictoire.


MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur le droit à indemnisation de M. [C] [N] au titre de l’aggravation

Il convient de rappeler que M. [C] [N] a été victime d’un accident le 21 juin 1995 et que le préjudice résultant de cet accident a été liquidé par jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 9 février 1999.

Faisant valoir une aggravation de son état, il a saisi le présent tribunal de la liquidation des préjudices en résultant par actes délivrés les 10 et 17 juillet 2019.

Le tribunal a par jugement du 8 septembre 2021 ordonné une expertise médicale confiée au docteur [D]. Au terme de ses opérations d’expertise, le docteur [D] a retenu une aggravation pour une gonarthrose gauche datée du 24 juin 2016 et évalué les préjudices en résultant. L’existence de cette aggravation n’est pas contestée par les parties. M. [C] [N] est par conséquent en droit d’obtenir l’indemnisation intégrale du préjudice résultant de l’aggravation.

Sur la liquidation du préjudice de M. [C] [N]

Il résulte du rapport d’expertise déposé par le docteur [D] que M. [C] [N], né le [Date naissance 2] 1949, a présenté à la suite de l’accident dont il a été victime le 21 juin 1995 une amputation fémorale droite, un genou gauche instable et une cheville gauche enraidie, un syndrome restrictif pulmonaire séquelles de complication thrombo-embolique, des séquelles de fractures des os du membre supérieur gauche, une anosmie et agueusie.

M. [C] [N] a été indemnisé du préjudice résultant de l’accident par jugement du 9 février 1999 sur la base notamment d’un DFP de 68% et d’un besoin en assistance par tierce personne de 7 heures par semaine.

Le docteur [D] indique dans son rapport que c’est à partir de 2016 qu’il a consulté pour une gonarthrose gauche. En 2017, il sera procédé à un premier essai d’un genou électrique de type GENIUM. C’est en avril 2017 que sera diagnostiqué une maladie de [M] justifiant un traitement par Modopar. La maladie de [M] va progressivement se dégrader avec un hémisyndrome parkinsonien droit.

En avril 2022, M. [C] [N] a été hospitalisé pour un sepsis urinaire avec rétention sur adénome prostatique pour lequel il bénéficiera d’une chirurgie urologique courant 2022. Les suites seront marquées par des complications urinaires avec port prolongé de sonde à demeure et surtout une dégradation importante de son état général et une perte d’autonomie l’obligeant à utiliser de plus en plus son fauteuil roulant.

L’expert note sur le plan neurologique, l’apparition d’un tremblement controlatéral et des signes d’aggravation de la maladie de [M] sur le plan des déplacements chez une victime amputée de cuisse avec un appareillage identique depuis plus de 15 ans.

Le docteur [D] considère que l’état de M. [C] [N] s’est dégradé d’un point de vue clinique si l’on compare l’autonomie et l’examen clinique de 2018 à celui qu’il a réalisé le 19 janvier 2023. Il considère toutefois que si l’on se compare à l’expertise de référence, l’évolution de son amputation et de son appareillage du membre inférieur droit ne présage pas d’une aggravation médico-légale.

Il considère qu’il n’y a pas de lien de causalité direct entre l’accident et l’acquisition d’un genou électrique GENIUM et indique que la victime a conservé son genou C-Leg avec un certificat attestant de la bonne qualité de l’appareillage.

L’expert considère par contre que l’état clinique du genou gauche s’est aggravé d’un point de vue médico-légal avec apparition secondaire d’une gonarthrose évoluée justifiant des explorations paracliniques et une infiltration avec viscosupplémentation. Cette aggravation est imputable à l’accident. Il considère toutefois qu’aucun élément ne permet de dire que cette gonarthrose a évolué vers une perte d’autonomie et à l’origine de la dégradation fonctionnelle de la victime, la seule limitation de 5° de flessum du genou gauche ne pouvant être à l’origine de la dégradation récente de la victime en lien avec l’épisode septique dans un contexte de maladie neurologique d’aggravation progressive.

Il retient en conséquence au titre de l’aggravation en lien direct et certain avec l’accident l’épisode de gonarthrose gauche et évalue les préjudices en résultant de la manière suivante :
- DFTP à 10% du 24 juin 2016 au 9 janvier 2017
- DFTT du 10 janvier 2017 au 27 janvier 2017 période d’hospitalisation pour essai d’un genou électrique
- DFTP à 10% du 28 janvier 2017 au 12 avril 2017
- consolidation le 12 avril 2017
- pas de nouveau DFP
- souffrances endurées de 2/7 pour l’infiltration et la viscosupplémentation
- pas d’autre chef de préjudice imputable.

Au vu de ce rapport et de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par M. [C] [N] sera réparé ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985,“Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.
Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle.
Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice”.

I - Préjudices patrimoniaux :

A - Préjudices patrimoniaux temporaires :

1 - Dépenses de santé actuelles (DSA) :

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.

La créance de la CPAM de LOT ET GARONNE au titre des dépenses de santé prises en charge pour le compte de M. [C] [N] s’élève à la somme de 8.230,66 €. La créance de la SA MAAF SANTE s’élève à la somme de 742 €.

M. [C] [N] sollicite le remboursement des franchises médicales restées à charge pour un montant de 58,50 € qu’accepte de régler la MAIF.

DSA : 9.031,16 €.

2 - Frais divers (F.D.) :

Honoraires du médecin conseil.

Les honoraires du médecin conseil de la victime sont une conséquence de l’accident. La victime a droit au cours de l’expertise à l’assistance d’un médecin dont les honoraires doivent être intégralement remboursés sur production de la note d’honoraires, sauf abus.

Il est sollicité le remboursement des honoraires du docteur [O] qui a assisté M. [C] [N] lors des opérations d’expertise pour un montant de 3.831 qu’accepte de régler la MAIF.

Frais de déplacement

M. [C] [N] sollicite le paiement d’une indemnité de 2.601 € au titre des frais de déplacement engagés pour se rendre à différents rendez-vous médicaux ainsi qu’aux opérations d’expertise. La MAIF accepte de prendre en charge cette indemnité.

FD : 6.432 €.

B - Les préjudices patrimoniaux permanents :

1 - Dépenses de santé futures (DSF) :

La CPAM de LOT ET GARONNE présente une créance d’un montant de 458.828,37 € au titre de frais futurs. Ces frais n’ont pas été retenu par l’expert et il n’est pas démontré leur lien direct et certain avec la seule aggravation. Cette créance ne sera en conséquence pas retenue.

2 - Assistance par tierce-personne (ATP) :

Ces dépenses sont liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne.

M. [C] [N] sollicite à ce titre le paiement d’une indemnité de 49.556 euros correspondant à un besoin en assistance par tierce personne de 2 heures par semaine.

Il explique que l’aggravation de son état justifie qu’il soit aidé pour la mise en place du manchon de sa prothèse, tâche actuellement accomplie par son épouse, besoin retenu et quantifié par le docteur [X] dans son rapport de 2018 à 2 heures par semaine. Il considère que ce besoin est en lien direct et certain avec l’accident, puisque s’il présente aujourd’hui une maladie de [M] et une aggravation de son état, il doit être aidé pour le port de sa prothèse qui découle directement de l’accident.

La MAIF s’oppose à toute indemnisation de ce chef, considérant que l’expert n’a pas retenu ce besoin et que le besoin en assistance par tierce personne est imputable à l’apparition d’une pathologie neurologique indépendante de l’accident.

Dans son rapport, l’expert a exclu un besoin en assistance par tierce personne, en indiquant en réponse à un dire que “dans la logique du docteur [O], comment un flessum de 5° pourrait être responsable d’une perte d’autonomie justifiant l’attribution d’une aide humaine complémentaire ? En l’absence de nouveau DFP l’expert exclut totalement l’attribution d’une aide humaine complémentaire dans un contexte de maladie neurologique évolutive”.

Il ne peut être discuté que l’aggravation liée à la seule gonarthose n’entraîne pas un besoin supplémentaire en assistance par tierce personne. Pour autant, il convient de constater que la demande porte non sur une aggravation physiologique, mais sur une aggravation situationnelle, M. [C] [N] faisant valoir qu’en raison de la dégradation de son état de santé, il n’est plus en mesure de mettre en place seul sa prothèse.

Le préjudice initial de M. [C] [N] a été liquidé par jugement du 9 février 1999 sur la base des conclusions d’une expertise judiciaire ayant retenu un besoin en assistance d’une aide ménagère de 7 heures par semaine. À cette date, M. [C] [N] n’était pas atteint d’une maladie de [M] et le besoin d’aide pour la mise en place de la prothèse n’était pas connu. Le docteur [D] décrit de façon circonstanciée dans son rapport l’évolution de l’état de santé de M. [C] [N] au regard de l’apparition de cette maladie et la survenue d’un sepsis urinaire en 2022 ayant contribué à la dégradation de cet état. Cette dégradation a entraîné une perte d’autonomie que l’expert n’impute pas à l’accident mais qui constitue une aggravation situationnelle au regard de l’état de santé qu’il présentait en 1996 lorsque son préjudice a été liquidé.

M. [C] [N] justifie par ailleurs suffisamment que son état de santé nécessite la présence d’une aide à domicile pour la mise en place du manchon et de la prothèse en produisant le certificat médical établi à cette fin par son médecin traitant le 31 août 2018. Il ne peut être contesté que le port d’une prothèse est imputable à l’accident. Il est donc établi que l’aggravation situationnelle de M. [C] [N] entraîne un besoin en assistance par tierce personne dans la mise en place quotidienne de cette prothèse.

Ce besoin sera évalué comme demandé à 2h par semaine et le point de départ de l’indemnisation de ce préjudice sera fixée au 31 août 2018, date du certificat médical du médecin traitant.

Le besoin sera indemnisé sur la base d’un taux horaire de 18 € et de 58,8 semaines par an pour tenir compte des congés et jours fériés.

Il sera ainsi alloué :
- arrérages échus du 31 août 2018 au 1er octobre 2023 : 264 semaines x 2 heures x 18 € : 9.504 euros
- capitalisation à compter du 1er octobre 2023 : 2h x 58,8 semaines x 18 € x 13,621 (euro de rente viager pour un homme âgé de 74 ans barème de capitalisation 2022 publié par la Gazette du Palais) : 28.832,93 €

ATP : 38.336,93 €.

3- Les frais de logement adapté

M. [C] [N] sollicite la prise en charge d’un monte escalier lui permettant l’accès au premier étage de son immeuble pour un montant de 12.310 €.

Comme le souligne la MAIF, cette demande n’est pas reprise au dispositif des écritures. Il n’y a donc pas lieu d’examiner cette demande en application de l’article 768 du code de procédure civile.

II - Préjudices extra-patrimoniaux :

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

1 - Déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subi par la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de qualité de vie.

L’expert a retenu les périodes de déficit fonctionnel temporaire suivantes :
- DFTP à 10% du 24 juin 2016 au 9 janvier 2017
- DFTT du 10 janvier 2017 au 27 janvier 2017 période d’hospitalisation pour essai d’un genou électrique
- DFTP à 10% du 28 janvier 2017 au 12 avril 2017

Il est sollicité l’indemnisation de ce préjudice sur la base d’une indemnité de 28 € par jour que la MAIF demande au tribunal de réduire à 26 €.

Il sera alloué une indemnité de 27 € par jour de nature à indemniser intégralement ce préjudice, soit :
- DFTT : 18 jours x 27 € : 486 €
- DFTP à 10% : 275 jours x 27 € x 10% : 742,50 €

DFT : 1.228,50 €.

2 - Souffrances endurées (SE) :

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

L’expert a retenu des souffrances endurées de 2/7 pour l’infiltration et la viscosupplémentation.

L’indemnité réclamée à hauteur de 4.000 € n’apparaît pas excessive et il sera fait droit à la demande.

SE : 4.000 €.

Les divers postes de préjudices seront récapitulés comme suit :

- dépenses de santé actuelles DSA: 9.031,16 €
- frais divers FD: 6.432 €
- ATP : 38.336,93 €
- déficit fonctionnel temporaire : 1.228,50 €
- souffrances endurées: 4.000 €

TOTAL: 59.028,59 €

Imputation de la créance de l’organisme social:

La créance des tiers payeurs au titre des prestations en nature prises en charge pour le compte de leur assuré social s’élève aux sommes suivantes :

- CPAM de LOT ET GARONNE : 8.230,66 €
- SA MAAF SANTE : 742 €

TOTAL : 8.972,66 €.

Elle s’imputera sur le poste de préjudice “dépenses de santé actuelles” qu’elle absorbe en partie.

L’organisme social a été ou sera désintéressé dans le cadre des dispositions du Protocole de 1983 ou de celui prévu à l’article 376-1 alinéa 6 du Code de la Sécurité Sociale modifié par la loi du 21 Décembre 2006.

Après déduction de la créance des tiers-payeurs, le solde dû à M. [C] [N] s’élève à la somme de 50.055,93 €.

Conformément à l’article 1231-7 du Code Civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Sur les autres demandes

Succombant à la procédure, la MAIF sera condamnée aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [C] [N] les frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ancienneté de l’accident justifie que l’exécution provisoire soit ordonnée.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Dit que le droit à indemnisation de M. [C] [N] au titre de l’aggravation du 24 juin 2016 est entier ;

Fixe le préjudice subi par M. [C] [N] à la somme totale de 59.028,59 € selon le détail suivant :

- dépenses de santé actuelles DSA: 9.031,16 €
- frais divers FD: 6.432 €
- ATP : 38.336,93 €
- déficit fonctionnel temporaire : 1.228,50 €
- souffrances endurées: 4.000 € ;

Condamne la MAIF à payer à M. [C] [N] la somme de 50.055,93 € au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Déclare le jugement commun à la CPAM de LOT ET GARONNE et à la SA MAAF SANTE ;

Condamne la MAIF aux dépens ;

Condamne la MAIF à payer à M. [C] [N] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi fait et jugé les an, mois et jour susdits.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/06726
Date de la décision : 06/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-06;19.06726 ?
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