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06/05/2024 | FRANCE | N°18/08999

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 06 mai 2024, 18/08999


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 06 Mai 2024
60A

RG n° N° RG 18/08999

Minute n°





AFFAIRE :

[Y] [F]
C/
CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE
MUTUELLE DES SAPEURS-POMPIERS DE [Localité 14]
Préfecture de Police
S.A. AXA FRANCE IARD



Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL CABINET AURELIE JOURNAUD
la SELARL RACINE



COMPOSITION DU TRIBUNAL :<

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Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et ...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 06 Mai 2024
60A

RG n° N° RG 18/08999

Minute n°

AFFAIRE :

[Y] [F]
C/
CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE
MUTUELLE DES SAPEURS-POMPIERS DE [Localité 14]
Préfecture de Police
S.A. AXA FRANCE IARD

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL CABINET AURELIE JOURNAUD
la SELARL RACINE

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition

DEBATS :

à l’audience publique du 04 Mars 2024

JUGEMENT :

Réputé contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEUR

Monsieur [Y] [F]
né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Maître Aurélie JOURNAUD de la SELARL CABINET AURELIE JOURNAUD, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES

CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 8]

représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX

MUTUELLE DES SAPEURS-POMPIERS DE [Localité 14] prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 11]

représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX

Préfecture de Police prise en la personne du préfet en exercice
Service des affaires juridiques et du contentieux,
Bureau du contentieux de la responsabilité,
[Adresse 9]
[Localité 7]

défaillante

S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 10] / FRANCE

représentée par Maître Annie BERLAND de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 24 avril 2017, M. [Y] [F] a été victime d’un accident de la circulation alors qu’il pilotait sa motocyclette sur la route départementale 201, en sortie de la commune de [Localité 12]. Il a été percuté par un véhicule conduit par M. [L] [P] circulant en sens inverse et qui tournait sur sa gauche pour emprunter un chemin.

La SA AXA FRANCE IARD, assureur du véhicule de M. [P], lui a opposé par courrier du 30 mars 2018 un refus d’indemnisation en raison des fautes commises par le conducteur, au motif qu’il conduisait sous l’empire de produits stupéfiants, à une vitesse excessive, sans assurance et sans être détenteur du permis requis pour le type de véhicule qu’il conduisait.

Estimant n’avoir pas commis de faute ayant un lien avec le dommage, M. [Y] [F] a, par acte d’huissier délivré les 5 et 8 octobre 2018, fait assigner la SA AXA FRANCE IARD, la CNMSS et la MSPP devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour voir reconnaître son droit à indemnisation intégrale de son préjudice et obtenir la désignation d’un expert médical.

Par jugement en date du 10 février 2021, le tribunal a :
- dit que le droit à indemnisation de M. [Y] [F] est entier,
- ordonné une expertise médicale de M. [Y] [F] et désigné le docteur [U] pour y procéder,
- condamné la SA AXA FRANCE IARD à payer à M. [Y] [F] une provision d’un montant de 10.000 € à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice,
- réservé les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
- déclaré le jugement commun à la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale et à la Mutuelle des sapeurs-pompiers de [Localité 14],
- ordonné l’exécution provisoire du jugement.

L’expert a déposé son rapport le 22 novembre 2021.

Par acte d’huissier délivré le 30 mai 2022, M. [Y] [F] a fait assigner la Préfecture de Police de [Localité 14] pour lui voir déclarer le jugement à intervenir commun. Les deux procédures ont été jointes.

Par conclusions aux fins de liquidation des préjudices n°4 notifiées par voie électronique le 8 décembre 2023, M. [Y] [F] demande au tribunal de :
Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,
Vu le jugement définitif du 10.02.2021,
- juger recevable et bien fondé [Y] [F] en l’ensemble de ses demandes.
- débouter AXA FRANCE IARD de l’ensemble de ses prétentions.
- liquider le préjudice consécutif à cet accident subi par [Y] [F] à la somme de 989.110,27 € (sauf MEMOIRE).
- fixer la créance des tiers payeurs à la somme de 135.842,76 € (sauf MEMOIRE).
- condamner AXA FRANCE IARD à payer à [Y] [F] la somme de 853.267,51 € (sauf MEMOIRE) en deniers ou quittances.

- condamner AXA FRANCE IARD à payer à [Y] [F] une somme de 10.000,00 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens d’instance avec distraction au profit de SELARL Cabinet Aurélie JOURNAUD prise en la personne de Maître Aurélie JOURNAUD, avocat au Barreau de Bordeaux, conformément aux dispositions des articles 699 et suivants du CPC.
- condamner AXA France IARD au doublement des intérêts ayant couru sur la totalité de l’évaluation des préjudices de Monsieur [F] en ce compris les créances des organismes sociaux et les provisions versées, à compter du 24.12.2017 et jusqu’à ce que le jugement à intervenir devienne définitif.
- juger que les intérêts échus produiront intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
- dire le jugement à intervenir commun à la CNMSS, à la MSPP et à la Préfecture de Police de [Localité 14].
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution.

En défense, dans ses conclusions responsives n°3, notifiées par voie électronique le 14 février 2024, la SA AXA FRANCE IARD demande au tribunal de :
Vu la loi du 5 juillet 1985 ;
Vu les articles L 211-9 et L 211-13 du Code des assurances ;
- ordonner le report de l’ordonnance de clôture à la date des plaidoiries.
- recevoir la société AXA France IARD en ses conclusions
- limiter aux sommes maximales suivantes en réparation des préjudices de Monsieur [F] :
* Dépenses de santé actuelles : 106,96€
* Frais de préparation et d’assistance à expertise : 1 755€
* Aide tierce personne : 5 112€
* Perte de gains actuels : 14 773,92€
* Perte de gains futurs : rejet / Subsidiairement : 56 314,78 €
* Incidence professionnelle : 70 000€
* Déficit fonctionnel temporaire : 19 215€
* Souffrances endurées : 50 000€
* Préjudice esthétique temporaire : 2000€
* Déficit fonctionnel permanent : 30 600€
* Souffrances endurées : 8 000€
* Préjudice d’agrément : 5 000€
- déduire de l’indemnisation allouée les provisions versées à Monsieur [F]
pour un montant de 20 000€
- débouter Monsieur [F] de sa demande de condamnation de la société AXA
au titre du doublement du taux d’intérêt légal,
- Subsidiairement, prononcer cette condamnation sur le montant des sommes offertes dans l’offre définitive qui lui a été faite le 10 novembre 2022 et pour la période entre le 19 avril 2022 au 10 novembre 2022
- En tout état de cause, prononcer cette condamnation sur le montant des sommes offertes dans les présentes conclusions sur le montant de la rente proposée ;
- débouter Monsieur [F] du surplus de ses demandes
- déduire de l’indemnisation les indemnités et rentes versées par l’employeur et où la caisse de sécurité sociale de Monsieur [F].


Selon ses conclusions notifiées le 1er mars 2024, la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale (la CNMSS) demande au tribunal de :
Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et l’article L.376-1 du Code de la Sécurité Sociale
- ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture au jour des plaidoiries ;
- déclarer la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale recevable et bien fondée en ses écritures, demandes, fins et prétentions ;
EN CONSEQUENCE,
- déclarer la SA AXA FRANCE IARD tenue d’indemniser le préjudice subi par la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale ;
- déclarer que le préjudice de la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale est constitué par les sommes exposées dans l'intérêt de son assuré social, Monsieur [Y] [F], à hauteur de la somme de 37.111,52 € ;
- condamner la SA AXA FRANCE IARD à verser à la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale la somme de 37.111,52 € en remboursement des prestations versées pour le compte de son assuré social ;
- condamner la SA AXA FRANCE IARD à verser à la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale la somme de 1.191 € au titre de l'indemnité forfaitaire en application des dispositions des articles 9 et 10 de l'Ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 ;
- déclarer que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal ;
- faire application des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil ;
- condamner la SA AXA FRANCE IARD à verser à la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens ;
- dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 juillet 2022, la Mutuelle des sapeurs-Pompiers de [Localité 14] demande au tribunal de :
Vu les dispositions de l’article L376-1 du Code de la Sécurité Sociale et la loi du 5 juillet 1985,
- déclarer la MUTUELLE DES SAPEURS POMPIERS DE [Localité 14] recevable et bien fondée en ses écritures, demandes, fins et prétentions ;
EN CONSÉQUENCE,
- déclarer la SA AXA FRANCE IARD tenue d’indemniser le préjudice subi par la MUTUELLE DES SAPEURS POMPIERS DE [Localité 14] ;
- déclarer que le préjudice de la MUTUELLE DES SAPEURS POMPIERS DE [Localité 14] est constitué par les sommes exposées dans l'intérêt de son assuré, Monsieur [Y] [F], à hauteur de la somme de 28.685,24 € ;
- condamner la SA AXA FRANCE IARD à verser à la MUTUELLE DES SAPEURS POMPIERS DE [Localité 14] la somme de 28.3685,24 € ;
- déclarer que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal ;
- faire application des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil ;
- condamner la SA AXA FRANCE IARD à verser à la MUTUELLE DES SAPEURS POMPIERS DE [Localité 14] la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens ;
- dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 4 mars 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour.

La Préfecture de police de [Localité 14] n’a pas constitué avocat. Il sera statué par jugement réputé contradictoire.


MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la révocation de l’ordonnance de clôture

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024. La SA AXA FRANCE IARD a notifié de nouvelles conclusions le 14 février 2024 et la CNMSS le 1er mars 2024. Les parties ne s’opposent pas à la révocation de l’ordonnance de clôture. Il y a lieu, en application des articles 802 et suivants du code de procédure civile, de révoquer l’ordonnance de clôture et de prononcer la clôture de l’instruction de l’affaire à la date des plaidoiries.

Sur la liquidation du préjudice de M. [Y] [F]

Il résulte du rapport d’expertise déposé par le docteur [U] que M. [Y] [F], né le [Date naissance 1] 1995, a présenté à la suite de l’accident dont il a été victime le 24 avril 2017 une fracture du fémur gauche, une fracture ouverte du tibia gauche et une fracture bi-malléolaire gauche.

L’expert a retenu :
- différentes périodes de DFTT et de DFTP
- consolidation le 16 avril 2021
- DFP de 12% pour une limitation de la flexion dorsale de la cheville et de la flexion de quelques degrés du genou gauche avec laxité ligamentaire, l’inégalité de longueur du membre inférieur gauche post-traumatique
- souffrances endurées de 6/7 pour les multiples interventions chirurgicales, les multiples hospitalisations, les prises d’antalgiques du fait des douleurs du membre inférieur gauche, les très nombreuses hospitalisations de jour de suivi en maladie infectieuse
- préjudice esthétique temporaire de 3,5/7 compte tenu des fixateurs externes, l’utilisation d’un fauteuil roulant manuel et des cannes anglaises, les pansements pour la période du 24 avril 2017 au 8 juillet 2019, date de l’ablation du fixateur externe
- préjudice esthétique définitif de 3/7 pour les multiples cicatrices et la boiterie
- les séquelles imputables ne lui permettent pas de reprendre la course à pied, le cross, le football, monsieur [F] ayant repris la musculation et la natation

- interruption totale des activités professionnelles du 24 avril 2017 au 16 avril 2021
- incidence professionnelle : inaptitude totale et définitive au poste de pompier compte tenu des séquelles imputables. Inaptitude aux postes nécessitant le port de charges lourdes supérieures à 20 kg, le travail en hauteur sur échelle et sur un toit compte tenu des séquelles de la cheville gauche, la station debout prolongée et accroupie, le travail sur terrain accidenté
- tierce personne avant consolidation : 3h par jour pendant la période de DFTP à 60% et 3h par semaine pendant la période de DFTP à 40%.

Au vu de ce rapport et de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par M. [Y] [F] sera réparé ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985,“Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.
Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle.
Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice”.

I - Préjudices patrimoniaux :

A - Préjudices patrimoniaux temporaires :

1 - Dépenses de santé actuelles (DSA) :

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.

La créance de la CNMSS au titre des frais médicaux pris en charge pour le compte de M. [Y] [F] s’élève à la somme de 37.111,52 €. La créance de la Mutuelle des Sapeurs Pompiers s’élève à ce titre à la somme de 22.845,24 €.

M. [Y] [F] sollicite le remboursement de la somme de 106,96 € au titre des franchises médicales et de frais de pharmacie restés à charge. La SA AXA FRANCE IARD accepte de régler cette somme.

DSA : 60.063,72 €

2 - Frais divers (F.D.) :

Honoraires du médecin conseil.

Les honoraires du médecin conseil de la victime sont une conséquence de l’accident. La victime a droit au cours de l’expertise à l’assistance d’un médecin dont les honoraires doivent être intégralement remboursés sur production de la note d’honoraires, sauf abus.

Il est sollicité le remboursement de la somme de 1.755 € au titre des honoraires du docteur [T], que la SA AXA FRANCE IARD accepte de prendre en charge.

FD : 1.755 €.

3- Assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.

Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.

L’expert a retenu un besoin avant consolidation de 3 heures par jour pendant la période de DFTP à 60% et de 3h par semaine pendant la période de DFTP à 40%

Il est sollicité le paiement d’une indemnité de 8.003,25 € sur la base d’un taux horaire de 25 € que la SA AXA FRANCE IARD demande au tribunal de réduire à 16 €.

Les parties s’accordent sur le nombre de jours à indemniser soit :
- au titre de la période de DFTP à 60% du 24 avril 2017 au 5 décembre 2017, déduction faite des périodes de DFTT : 21 jours
- au titre de la période de DFTP à 40% du 6 décembre 2017 au 1er novembre 2019, déduction faite des périodes de DFTT : 600 jours ou 85,71 semaines

Il sera retenu un taux horaire de 18 € s’agissant d’une aide nécessaire qui ne requiert aucune qualification spécialisée soit :
- période de DFTP à 60% : 21 jours x 3 heures x 18 € : 1.134 €
- période de DFTP à 40% : 85,71 semaines x 3 heures x 18 € : 4.628,34 €

ATPT : 5.762,34 €.

4 - Perte de gains professionnels actuels (PG.P.A.) :

Elles concernent le préjudice économique de la victime imputable au fait dommageable, pendant la durée de son incapacité temporaire.

Il est constant que M. [Y] [F] a été en arrêt de travail du 24 avril 2017 au 16 avril 2021, date de la consolidation, l’expert ayant considéré l’arrêt de travail imputable à l’accident. M. [Y] [F] exerçait au moment de l’accident l’activité de sapeur pompier de [Localité 14]. Il a signé le 29 octobre 2014 un contrat d’engagement de 5 ans à compter du 6 novembre 2014. Son salaire a été maintenu pendant cette période par la Préfecture de Police de [Localité 14].

M. [Y] [F] sollicite le paiement d’une indemnité de 30.433,50 € au titre de sa perte de gains professionnels actuels, sur la base d’un salaire mensuel de 1.755,56 € qu’il actualise à la somme de 2.063 € net par mois, soit une perte de 99.991,58 € dont il déduit le montant des salaires maintenus et les indemnités journalières versées par la Mutuelle des Sapeurs Pompiers.

La SA AXA FRANCE IARD calcule la perte de gains à la somme de 14.773,92 € sur la base d’un salaire mensuel moyen de 1.740 €.

L’accident est survenu le 24 avril 2017. Au regard des bulletins de salaire produits, le salaire net imposable de M. [Y] [F] (base de calcul des parties) sur les trois premiers mois de l’année 2017 s’est élevé à 1.752,59 €.

Il n’y a pas lieu d’actualiser le salaire lui-même mais l’indemnité allouée au titre de la perte de gains.

Les parties sont d’accord sur le nombre de jours à indemniser soit 1.454 jours et sur le calcul de la perte sur la base du salaire mensuel/30 jours.

Sur ces bases, la perte s’établit en conséquence à : 1.454 jours x 1.752,59 €/30 : 84.942,19 €. Il convient de déduire le montant des salaires maintenus soit 63.718,08 € et les indemnités versées par la Mutuelle des Sapeurs Pompiers pour 5.840 €. La perte s’établit en conséquence à 15.384,11 €. M. [Y] [F] est en droit de voir cette somme actualisée pour tenir compte de l’inflation, soit 17.853,90 € (convertisseur INSEE 2017/2023).

PGPA : 87.411,98 €.

B - Les préjudices patrimoniaux permanents :

1- Perte de gains professionnels futurs ( P.G.P.F.)

M. [Y] [F] sollicite le paiement d’une indemnité de 407.768,80 € au titre de ses pertes de gains futures. Il fait valoir qu’il a été déclaré inapte à la profession de sapeur pompier et qu’il a fait l’objet d’une radiation à la date du 31 juillet 2021. Il a engagé une reconversion professionnelle et a obtenu le diplôme de service de sécurité incendie et d’assistance à la personne, agent de service en juin 2022. Il n’a retrouvé un emploi qu’à compter du 23 octobre 2023.

Il calcule en conséquence sa perte de salaire sur la base d’un salaire moyen actualisé de 2.063 € du 16 avril 2021 au 23 octobre 2023. À compter du 23 octobre 2023, il capitalise sa perte de gains à titre viager.

La SA AXA FRANCE IARD s’oppose à la demande, considérant que M. [Y] [F] est tout à fait apte à trouver un emploi. A titre subsidiaire, elle calcule la perte de gains à la somme de 56.314,78 €.

Dans son rapport, l’expert a retenu s’agissant de l’incidence professionnelle “une inaptitude totale et définitive au poste de pompier compte tenu des séquelles imputables. Inaptitude aux postes nécessitant le port de charges lourdes supérieures à 20 kg, le travail en hauteur sur échelle et sur un toit compte tenu des séquelles de la cheville gauche, la station debout prolongée et accroupie, le travail sur terrain accidenté”.

M. [Y] [F] justifie avoir effectué une reconversion professionnelle et avoir retrouvé un emploi d’équipier intervention incendie industriel à compter du 23 octobre 2023 pour le compte de la société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY.

Il y a donc lieu de calculer la perte de salaire d’une part du 16 avril 2021, date de la consolidation, au 23 octobre 2023, puis à compter du 23 octobre 2023 à titre viager.

Le salaire mensuel de base s’établit comme indiqué plus haut à 1.752,59 € soit 58,41 € par jour.

Du 16 avril 2021 au 23 octobre 2023, il s’est écoulé 919 jours d’où une perte de 919 jours x 58,41 € : 53.678,79 €. M. [Y] [F] a perçu sur cette période des salaires pour un montant de 6.327,92 €. La perte s’établit en conséquence à 47.350,87 €. M. [Y] [F] est en droit de voir actualiser cette somme, soit une perte pour la période s’établissant à 54.952,64 €.

Il ressort du bulletin de salaire produit pour le mois de novembre 2023 que le salaire net de M. [Y] [F] s’établit à 1.644,56 €. Il subit en conséquence une perte mensuelle de 1.752,59 € - 1.644,56 € : 108,03 € qu’il convient d’actualiser soit une perte mensuelle de 125,37 € ou annuelle de 1.504,44 €. Cette perte sera capitalisée à titre viager sur la base du barème de capitalisation 2022 de la Gazette du Palais comme demandé soit 1.504,44 € x 69,882 : 105.133,27 €.

La perte globale de gains professionnels futurs s’établit en conséquence à 160.085,91 €. Il convient d’ajouter à ce poste de préjudice le montant des salaires maintenus soit 6.327,92 €.

PGPF : 166.413,83 €

2- Incidence professionnelle (I.P)

Elle correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l’activité professionnelle antérieure plus fatigante ou pénible traduisant une dévalorisation sur le marché du travail.

M. [Y] [F] sollicite le paiement d’une indemnité de 250.000 € au titre de l’incidence professionnelle, faisant valoir la perte de son emploi de pompier de [Localité 14] qui était sa passion, la nécessité de se reconvertir dans une activité professionnelle qu’il affectionne peu et une inaptitude et une gêne physique qu’il continuera à subir pendant près de 40 ans.

La SA AXA FRANCE IARD ne conteste pas l’existence d’une incidence professionnelle mais demande au tribunal de réduire la somme demandée à 70.000 €. Elle fait notamment valoir que M. [Y] [F] avait été engagé comme sapeur pompier pour une durée de 5 ans et que rien ne permet d’établir qu’il aurait pu renouveler son contrat au regard des délits commis lors de l’accident susceptibles d’entraîner des mentions à son casier judiciaire ainsi que la présence d’un antécédent judiciaire pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique en 2016.

Dans son rapport, l’expert a retenu s’agissant de l’incidence professionnelle “une inaptitude totale et définitive au poste de pompier compte tenu des séquelles imputables. Inaptitude aux postes nécessitant le port de charges lourdes supérieures à 20 kg, le travail en hauteur sur échelle et sur un toit compte tenu des séquelles de la cheville gauche, la station debout prolongée et accroupie, le travail sur terrain accidenté”. Ses séquelles entraînent un taux de déficit fonctionnel permanent de 12% pour une limitation de la flexion dorsale de la cheville et de la flexion de quelques degrés du genou gauche avec laxité ligamentaire, l’inégalité de longueur du membre inférieur gauche post-traumatique.

M. [Y] [F] exerçait au moment des faits l’activité de sapeur pompier. Il a fait l’objet d’une radiation à compter du 31 juillet 2021 et il doit être considéré que cette radiation est imputable à l’accident au regard des conclusions expertales. Quelque soit la situation de M. [Y] [F] au regard d’une éventuelle inscription de condamnations au bulletin n°2 de son casier judiciaire, il doit être constaté que l’accident dont il a été victime a mis un terme définitif à sa carrière de pompier professionnel et a entraîné la nécessité de se reconvertir professionnellement ce dont il justifie. Au regard des séquelles, M. [Y] [F] subit en outre une dévalorisation sur le marché du travail et une plus grande fatigabilité et pénibilité dans ses emplois futurs.

M. [Y] [F] était âgé de 26 ans à la date de consolidation. Au regard de l’ensemble de ces éléments, il lui sera alloué une indemnité de 100.000 € au titre de l’incidence professionnelle.

IP : 100.000 €.

II - Préjudices extra-patrimoniaux :

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

1 - Déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subi par la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de qualité de vie.

L’expert a retenu différentes périodes de déficit fonctionnel temporaire total et partiel. Il est sollicité l’indemnisation de ce préjudice sur la base d’une indemnité de 30 € par jour, que la SA AXA FRANCE IARD demande au tribunal de réduire à 25 €.

Il sera alloué une indemnité de 28 € par jour pour tenir compte de l’importance de la gêne subie par M. [Y] [F] pendant sa maladie traumatique au regard de l’importance de ses blessures.

Les périodes de DFTT et DFTP seront calculées ainsi qu’il suit :

DFTT
- du 24 avril au 30 mai 2017 : 37 jours
- le 16 juin 2017 : 1 jour
- du 22 juin au 5 décembre 2017 : 167 jours
- du 9 janvier 2018 au 20 février 2018 : 43 jours
- du 21 mars 2018 au 5 avril 2018 : 16 jours
- du 26 avril 2018 au 28 avril 2018 :3 jours
- le 23 mai 2018 : 1 jour
- du 1er juillet 2018 au 14 juillet 2018 : 14 jours
- du 31 juillet 2018 au 1er août 2018 : 2 jours
- les 27 septembre 2018, 16 octobre 2018 et 14 novembre 2018 : 3 jours
- du 22 novembre au 29 novembre 2018 : 8 jours
- les 3 janvier, 7 mars, 25 avril, 2 mai, 8 juillet, 11 juillet et 17 octobre 2019 : 7 jours
- du 6 janvier 2020 au 26 janvier 2020 : 21 jours
- les 14 avril et 18 août 2020 : 2 jours
- du 18 novembre au 9 décembre 2020 : 22 jours
- du 15 mars au 16 mars 2021 : 2 jours

Total : 349 jours

DFTP à 60% du 24 avril 2017 au 5 décembre 2017 : les parties s’accordent sur une période de 21 jours.

DFTP à 40% : du 6 décembre 2017 au 9 décembre 2020 : 1.100 jours dont il convient de déduire les périodes de DFTT soit 142 jours : 958 jours

DFTP à 20% du 10 décembre 2020 au 16 avril 2021 : les parties s’accordent sur une période de 126 jours

Il sera en conséquence alloué :
- DFTT : 349 jours x 28 € : 9.772 €
- DFTP à 60% : 21 jours x 28 € x 60% : 352,80 €
- DFTP à 40% : 958 jours x 28 € x 40% : 10.729,60 €
- DFTP à 20% : 126 jours x 28 € x 20% : 705,60 €

DFT : 21.560 €

2 - Souffrances endurées (SE) :

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

L’expert a évalué les souffrances endurées à 6/7 pour les multiples interventions chirurgicales, les multiples hospitalisations, les prises d’antalgiques du fait des douleurs du membre inférieur gauche, les très nombreuses hospitalisations de jour de suivi en maladie infectieuse.

Il est sollicité une indemnité de 50.000 € que la SA AXA FRANCE IARD accepte de régler.

SE : 50.000 €.

3- Préjudice esthétique temporaire ( P.E.T.)

M. [Y] [F] sollicite le paiement d’une indemnité de 3.500 € au titre du préjudice esthétique temporaire que l’expert a évalué à 3,5/7 compte tenu des fixateurs externes, l’utilisation d’un fauteuil roulant manuel et des cannes anglaises, les pansements pour la période du 24 avril 2017 au 8 juillet 2019, date de l’ablation du fixateur externe. La SA AXA FRANCE IARD offre une indemnité de 2.000 €.

Au regard de l’importance de ce préjudice et de son caractère temporaire, il sera alloué une indemnité de 3.000 €.

PET : 3.000 €.

B - Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

1 - Le déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) :

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence. Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours.

Le déficit fonctionnel permanent a été évalué à 12% pour une limitation de la flexion dorsale de la cheville et de la flexion de quelques degrés du genou gauche avec laxité ligamentaire, l’inégalité de longueur du membre inférieur gauche post-traumatique.

M. [Y] [F] sollicite le paiement d’une indemnité de 40.600 € comprenant une indemnité de 10.000 € au titre de la perte de la qualité de vie. La SA AXA FRANCE IARD propose le versement d’une indemnité de 30.600 € et s’oppose au versement d’une indemnité complémentaire.

M. [Y] [F] était âgé de 26 ans à la date de consolidation. Il sera indemnisé sur la base d’un point d’une valeur de 2.650 € incluant la perte de qualité de vie, soit une indemnité globale de 31.800 €.

DFP : 31.800 €.

2- Préjudice esthétique permanent ( P.E.P.):

L’expert a retenu un préjudice esthétique définitif de 3/7 pour les multiples cicatrices et la boiterie. La SA AXA FRANCE IARD accepte de régler l’indemnité sollicitée à hauteur de 8.000 €.

PEP : 8.000 €.

3- Préjudice d’agrément ( P.A.) :

Il vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

M. [Y] [F] sollicite le paiement d’une indemnité de 30.000 €, faisant valoir qu’il ne peut plus pratiquer la course à pied, le cross ni le football, ainsi que le rugby pour lequel il était licencié. La SA AXA FRANCE IARD offre une indemnité de 5.000 € au regard des justificatifs produits.

Dans son rapport, l’expert a indiqué que les séquelles imputables ne lui permettent pas de reprendre la course à pied, le cross, le football, monsieur [F] ayant repris la musculation et la natation.

M. [Y] [F] justifie qu’il était licencié de la fédération française de rugby avant l’accident. Il n’est produit aucun autre élément de nature à justifier de sa pratique régulière d’une autre activité sportive ou de loisirs. Il était âgé de 26 ans à la date de consolidation. Il lui sera alloué une indemnité de 10.000 € au titre du préjudice d’agrément.

PA : 10.000 €.

Les divers postes de préjudices seront récapitulés comme suit :

- dépenses de santé actuelles DSA: 60.063,72 €
- frais divers FD: 1.755 €
- ATPT : 5.762,34 €
- perte de gains actuels PGPA: 87.411,98 €
- perte de gains professionnels futurs PGPF:166.413,83 €
- incidence professionnelle IP: 100.000 €
- déficit fonctionnel temporaire : 21.560 €
- déficit fonctionnel permanent :31.800 €
- souffrances endurées: 50.000 €
- préjudice esthétique temporaire PET: 3.000 €
- préjudice esthétique permanent PEP: 8.000 €
- préjudice d’agrément: 10.000 €

TOTAL: 545.766,87 €

Imputation de la créance de l’organisme social:

La créance de l’organisme social s’imputera sur les postes de préjudices suivants :

prestations en nature : dépenses de santé actuelles DSA
prestations en espèce : perte de gains actuels PGPA et perte de gains professionnels futurs PGPF

Le détail de cette créance est le suivant :
- CNMSS : prestations en nature : 37.111,52 €
- Mutuelle des Sapeurs Pompiers de [Localité 14] : prestations en nature : 22.845,24 €, prestations en espèces: 5.840 €
- Préfecture de [Localité 14] : prestations en espèces : 63.718,08 € (PGPA) et 6.327,92 € (PGPF)

Ces créances s’imputeront de la manière suivante :

poste de préjudice
évaluation
tiers payeurs
solde victime
DSA
60.063,72 €
59.956,76 €
106,96 €
FD
1.755 €

1.755 €
ATPT
5.762,34 €

5.762,34 €
PGPA
87.411,98 €
69.558,08 €
17.853,90 €
PGPF
166.413,83 €
6.327,92 €
160.085,91 €
IP
100.000 €

100.000 €
DFT
21.560 €

21.560 €
SE
50.000 €

50.000 €
PET
3.000 €

3.000 €
DFP
31.800 €

31.800 €
PEP
8.000 €

8.000 €
PA
10.000 €

10.000 €
TOTAL
545.766,87 €
135.842,76 €
409.924,11 €
déduction provision
20.000 €

389.924,11 €

L’organisme social a été ou sera désintéressé dans le cadre des dispositions du Protocole de 1983 ou de celui prévu à l’article 376-1 alinéa 6 du Code de la Sécurité Sociale modifié par la loi du 21 Décembre 2006.

Après déduction de la créance des tiers-payeurs et des provisions versées à hauteur de 20.000 euros, le solde dû à M. [Y] [F] s’élève à la somme de 389.924,11 €.

Conformément à l’article 1231-7 du Code Civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, avec comme demandé capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Aux termes de l’article L 211-9 du code des assurances, une offre d’indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l’accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d’offre dans les délais impartis par l’article L 211-9 du code des assurances, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l’article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

Il est constant qu’en application de ces dispositions, l’assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime, dans les délais impartis, une offre d’indemnité qui doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice et qu’à défaut, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produira des intérêts de plein droit, au double du taux d’intérêt légal, à l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif et que l’offre manifestement insuffisante équivaut à l’absence d’offre.

M. [Y] [F] fait valoir que l’accident s’étant produit le 24 avril 2017, la SA AXA FRANCE IARD disposait d’un délai allant jusqu’au 24 décembre 2017 pour présenter une offre d’indemnisation. L’assureur n’a présenté aucune offre et n’a déposé des conclusions valant offre que par conclusions notifiées le 10 novembre 2022 alors que le rapport d’expertise définitif a été déposé le 18 novembre 2021. Il demande en conséquence le doublement des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2017 et jusqu’au jour du jugement devenu définitif.

La SA AXA FRANCE IARD s’oppose à la demande faisant valoir que si l’accident a eu lieu le 24 avril 2017, elle n’a été informée de l’identité de la victime que le 19 juillet 2017 et que le délai pour présenter une offre a été suspendu du 25 mai 2017 au 19 juillet 2017 conformément aux dispositions de l’article R.211-29 du code des assurances, que la société MMA, assureur de M. [Y] [F], a dénié sa garantie et que compte tenu des circonstances de l’accident elle a contesté le droit à indemnisation. Le tribunal ayant retenu que le droit à indemnisation de M. [Y] [F] était entier, elle a versé la provision de 10.000 euros dès le 23 février 2021. Elle considère en conséquence avoir satisfait à ses obligations. À titre subsidiaire, elle indique qu’elle n’a eu connaissance de la date de consolidation qu’au dépôt du rapport d’expertise le 18 novembre 2021, qu’elle a notifié des conclusions valant offre d’indemnisation dans ses conclusions du 10 novembre 2022 et que dès lors le délai n’a couru que du 18 avril 2022 au 10 novembre 2022.

Il est constant que l’accident est survenu le 24 avril 2017 et que l’assureur disposait d’un délai de 8 mois allant jusqu’au 24 décembre 2017 pour présenter une offre ce qu’il n’a pas fait.

La SA AXA FRANCE IARD justifie qu’elle n’a été destinataire du procès verbal de police que le 19 juillet 2017. Le délai de 8 mois a été suspendu par application de l’article R.211-29 du code des assurances du 25 mai 2017 au 19 juillet 2017, soit pendant 56 jours. En définitive, la SA AXA FRANCE IARD disposait d’un délai allant jusqu’au 17 février 2018 pour présenter une offre d’indemnisation.

Il est constant que l’obligation mise à la charge de l’assureur ne lui permet aucune appréciation quant au bien ou mal fondé du principe de l’offre qu’il est tenu de faire et que sa contestation du droit à indemnisation ne le dispense pas de présenter une offre. En l’espèce, aucune offre même provisionnelle n’a été présentée à M. [Y] [F] avant la notification de conclusions valant offre le 10 novembre 2022. Il y a lieu en conséquence d’ordonner le doublement de l’intérêt légal sur la totalité de l’offre de la SA AXA FRANCE IARD contenue dans ses conclusions du 10 novembre 2022, avant déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions versées, entre le 17 février 2018 et le 10 novembre 2022.

Sur les demandes de la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale

La CNMSS est fondée, en application des articles 31 de la loi du 5 juillet 1985 et L.376-1 du code de la sécurité sociale à exercer un recours subrogatoire pour obtenir le remboursement des prestations versées à son assuré social à la suite de l’accident dont il a été victime le 24 avril 2017.

Il ressort du décompte produit qu’elle a pris en charge des prestations en nature pour un montant de 37.111,52 € qui n’est pas discuté. La SA AXA FRANCE IARD sera en conséquence condamnée au remboursement de cette somme.

La CNMSS est également fondée à solliciter le paiement d’une indemnité forfaitaire de gestion d’un montant de 1.191 € telle que prévue aux articles 9 et 10 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 et L.376-1 du code des assurances. Il sera fait droit à la demande.

En outre, il convient de faire application des dispositions de l'article 1154 ancien devenu 1343-2 du Code civil.

Sur les demandes de la Mutuelle des Sapeurs Pompiers de [Localité 14]

La Mutuelle des Sapeurs Pompiers de [Localité 14] est fondée, en application des articles 31 de la loi du 5 juillet 1985 et L.376-1 du code de la sécurité sociale à exercer un recours subrogatoire pour obtenir le remboursement des prestations versées à son assuré social à la suite de l’accident dont il a été victime le 24 avril 2017.

Il ressort du décompte produit que sa créance s’élève à la somme de 22.845,24 € au titre des prestations en nature prises en charge et 5.840 € au titre des prestations en espèces versées. Cette créance n’est pas contestée. Elle est donc bien fondée à solliciter la condamnation de la SA AXA FRANCE IARD au remboursement de la somme de 28.685,24 €.

Sur les autres demandes

Succombant à la procédure, la SA AXA FRANCE IARD sera condamnée aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [Y] [F] les frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera de même alloué à la CNMSS et à la Mutuelle des Pompiers de [Localité 14] une indemnité de 500 € chacune.

Par ailleurs, l’ancienneté des faits justifie que l’exécution provisoire soit ordonnée.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Ordonne la révocation de l’ordonnance de clôture et fixe la clôture de l’instruction de l’affaire à la date des plaidoiries ;

Fixe le préjudice subi par M. [Y] [F], suite à l’accident dont il a été victime le 24 avril 2024, à la somme totale de 545.766,87 € selon le détail suivant :

- dépenses de santé actuelles DSA: 60.063,72 €
- frais divers FD: 1.755 €
- ATPT : 5.762,34 €
- perte de gains actuels PGPA: 87.411,98 €
- perte de gains professionnels futurs PGPF:166.413,83 €
- incidence professionnelle IP: 100.000 €
- déficit fonctionnel temporaire : 21.560 €
- déficit fonctionnel permanent :31.800 €
- souffrances endurées: 50.000 €
- préjudice esthétique temporaire PET: 3.000 €
- préjudice esthétique permanent PEP: 8.000 €
- préjudice d’agrément: 10.000 €

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à M. [Y] [F] la somme de 389.924,11 € au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions versées à hauteur de 20.000 €, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Ordonne le doublement de l’intérêt légal sur la totalité de l’indemnité offerte par la SA AXA FRANCE IARD dans ses conclusions valant offre du 10 novembre 2022, avant déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions versées, entre le 17 février 2018 et le 10 novembre 2022;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale les sommes suivantes :
- 37.111,52 € en remboursement des prestations versées à son assuré social
- 1.191 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement et avec capitalisation dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à la Mutuelle des Sapeurs Pompiers de [Localité 14] la somme de 28.685,24 €, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et capitalisation dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;

Déclare le jugement commun à la Préfecture de [Localité 14] ;

Condamne la SA AXA FRANCE IARD aux dépens et dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile .

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile:
- à M. [Y] [F], la somme de 4.000 €
- à la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale la somme de 500 €
- à la Mutuelle des Pompiers de [Localité 14] la somme de 500 € .

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision

Ainsi fait et jugé les an, mois et jour susdits.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/08999
Date de la décision : 06/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-06;18.08999 ?
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