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29/04/2024 | FRANCE | N°22/06543

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 29 avril 2024, 22/06543


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 29 Avril 2024
60A

RG n° N° RG 22/06543 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W4GV

Minute n°






AFFAIRE :

[R] [F]
C/
S.A. AIG EUROPE SA, Caisse Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5]








Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SCP INTERBARREAUX D’AVOCATS GUESPIN ET ASSOCIES
la SELARL PUYBARAUD - LEVY
la SELARL ROINE & ASSOCIES




COMPOSITION DU TRI

BUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Marie-Sylvie LHOMER, magistrat à titre temporaire,

Lors du délibéré et de la mise à disposition

Madame Louise LAGOUTTE, vice-présid...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 29 Avril 2024
60A

RG n° N° RG 22/06543 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W4GV

Minute n°

AFFAIRE :

[R] [F]
C/
S.A. AIG EUROPE SA, Caisse Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5]

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SCP INTERBARREAUX D’AVOCATS GUESPIN ET ASSOCIES
la SELARL PUYBARAUD - LEVY
la SELARL ROINE & ASSOCIES

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Marie-Sylvie LHOMER, magistrat à titre temporaire,

Lors du délibéré et de la mise à disposition

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Marie-Sylvie LHOMER, magistrat à titre temporaire,

greffier présent lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 26 Février 2024,

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [R] [F]
née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître William FUMEY de la SELARL ROINE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, Maître Rebecca LANDRIEAU de la SCP INTERBARREAUX D’AVOCATS GUESPIN ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES

S.A. AIG EUROPE SA prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]

représentée par Maître Sophie LEVY de la SELARL PUYBARAUD - LEVY, avocats au barreau de BORDEAUX

Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5] prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]

défaillante

FAITS ET PROCEDURE

Le 22 novembre 2019, Madame [R] [F], a été victime d’une chute dans un autobus de Transport [Localité 3] Métropole exploité par KEOLIS METROPOLE, assuré auprès de la Compagnie AIG EUROPE SA.

Elle a été dirigée vers un service d’urgences où il a été diagnostiqué un traumatisme du bassin sans gravité, et a donc regagné son domicile.

Madame [F], alors âgé de 79 ans, a ensuite consulté son médecin traitant qui a diagnostiqué une fracture avec tassement des vertèbres L2 et L3, ce qui a été confirmé part une radiographie en date du 27 novembre 2019, puis par un scanner.
Une hospitalisation a été nécessaire en service de chirurgie orthopédique, où il lui a été prescrit la pose d’un corset orthopédique.

Le droit à indemnisation de Madame [F] sur le fondement de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 n’est pas contesté de sorte qu’une expertise médicale a été organisée par l’assureur de KEOLIS METROPOLE. L’expert désigné, le docteur [V], a rendu un rapport en date du 16 décembre 2020 concluant à un déficit fonctionnel permanent de 12 %.
Aucune offre d’indemnisation n’est toutefois intervenue.

Par ordonnance du 30 août 2021 le juge des référés du tribunal judicaire de BORDEAUX a condamné la Compagnie AIG EUROPE SA à lui verser une provision de 18000€ à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.
Les sommes dues ont été versées. Toutefois, aucune offre d’indemnisation n’est intervenue.

Par actes d’huissier des 16 et 29 août 2022, Madame [F] a fait assigner la Compagnie AIG EUROPE SA devant le tribunal judicaire de BORDEAUX et la CAISSE PRIMAIRE d’ASSURANCE MALADIE de [Localité 5], aux fins d’obtenir l’indemnisation des préjudices subis dans les suites de l’accident du 22 novembre 2019. Il a été ordonné le versement d’une provision de 18000€ qui a été versée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 26 février 2024 au cours de laquelle elle a été retenue, puis mise en délibéré au 29 avril 2024, par mise à disposition au greffe.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 08 septembre 2023, Madame [F], demande au tribunal, aux visas de la loi du 5 juillet 1985, des dispositions des articles 1240 et suivants du Code civil, des articles L 211-9, L 211-13 et L 211-16 du Code des assurances et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
- JUGER que la société AIG EUROPE SA, en qualité d’assureur du tiers responsable de l’accident de la circulation survenu le 22 novembre 2019, est tenue à réparation intégrale des préjudices subis par Madame [R] [F]

- CONDAMNER la société AIG EUROPE SA à payer à Madame [R] [F] la somme de 44 440,53€ en réparation de son préjudice, correspondant déduction faite des débours définitifs présentés par l’organisme social et de la provision de 18 000€ versée en exécution de l’ordonnance de référé du 30 août 2021, à l’indemnisation des préjudices suivants :
A. PREJUDICES PATRIMONIAUX
1. PREJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES
a. ATP : 5 480€
2. PREJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS
ATP : 24 369,28€
B. PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
1. PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES
a. DFT : 3 031,25€
b. Souffrances endurées : 8 000€
c. Préjudice esthétique temporaire : 2 000€
2. PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS
a. DFP : 13 560€
b. Préjudice d’agrément : 5 000€
c. Préjudice esthétique permanent : 1 000€
- JUGER que les indemnités allouées à Madame [F] produiront intérêt au double du taux de l’intérêt légal à compter du jour de présentation de l’offre définitive et cela, du fait de l’absence d’offre formulée par AIG EUROPE SA à la suite de l’accident de la circulation survenu le 22 novembre 2019
- CONDAMNER la société AIG EUROPE SA à verser à Madame [R] [F] la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
- MAINTENIR le principe de l’exécution provisoire de droit

En défense, par conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, la Compagnie AIG EUROPE SA demande au tribunal, aux visas de la loi du 5 juillet 1985, de :
- LIQUIDER les préjudices de Madame [F] de la manière suivante :
Assistance par tierce personne temporaire 4.356,48 €
Assistance par tierce personne définitive 21.089,52 €
Déficit fonctionnel temporaire 3.012,50 €
Souffrances endurées (3/7) 6.000 €
Préjudice esthétique temporaire 150 €
Déficit fonctionnel permanent (12%) 13.560 €
Préjudice d’agrément Débouter
Préjudice esthétique permanent Débouter
- JUGER que des provisions à hauteur de 18.000 € ont été versées par la Compagnie AIG EUROPE SA à Madame [F] à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel,
- DEBOUTER Madame [F] de ses demandes plus amples ou contraires,
- JUGER que les présentes écritures constituent une offre d’indemnisation définitive du préjudice corporel de Madame [F] consécutif à l’accident de la circulation du 22 novembre 2019,
- LIMITER le doublement du taux de l’intérêt légal du 22 juillet 2020 à la date de signification des présentes écritures sur le montant de l’offre formulé à hauteur de 48.168,50 €,
- JUGER que la somme allouée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ne saurait excéder 1.500 €,
- STATUER ce que de droit au titre des dépens,
- DECLARER le jugement à intervenir opposable à la CPAM de [Localité 5].

La CPAM de [Localité 5], tiers payeur, régulièrement assignée, en application des dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat mais a communiqué le montant des prestations versées.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures devant le tribunal ci-dessus évoquées, auxquelles il est expressément renvoyé pour répondre aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

Par message transmis par RPVA en date du 17 janvier 2024 Madame [F] a sollicité le rabat de la clôture au jour des plaidoiries pour communiquer de nouvelles conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture du 17 janvier 2024

Selon l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.
Par notification par RPVA en date du 17 janvier 2024, Madame [F] indique que la Compagnie AIG EUROPE SA a transmis de nouvelles écritures le 13 décembre 2023 et qu’elle n’a pu prendre connaissance de celles-ci en raison d’un dysfonctionnement de sa clé RPVA, alors qu’elle souhaite apporter les réponses nécessaires dans de nouvelles conclusions.
A l’audience la Compagnie AIG EUROPE SA ne s’oppose nullement à la demande.

Dans ces conditions, le principe du contradictoire étant respecté, la clôture sera reportée au 26 février 2024, jour des plaidoiries.

Sur le droit à indemnisation de Madame [F]

Il convient de constater que le droit à indemnisation de Madame [F], en application de la loi du 5 juillet 1985, consécutif à l’accident survenu le 22 novembre 2019, dans un autobus de Transport [Localité 3] Métropole exploité par KEOLIS METROPOLE, assuré auprès de la Compagnie AIG EUROPE SA n’est pas contesté.

Sur la liquidation du préjudice corporel de Madame [F]

A la suite de l’accident du 22 novembre 2019, Madame [F] a présenté des douleurs continuelles, avec des difficultés pour effectuer les mouvements de la vie quotidienne, dont la marche.

Le déficit fonctionnel permanent est évalué à 12 %.

Il convient de liquider les préjudices de Madame [F] au regard du rapport d’expertise médicale du docteur [V] qui constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi.

I- Préjudices patrimoniaux de Madame [F]

A/ Pour la période antérieure à la consolidation

1° Dépenses de santé actuelles (D.S.A.)

Les dépenses de santé sont les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers, les frais d'hospitalisation et tous les frais paramédicaux.

Madame [F] ne présente aucune demande à ce titre.

Suivant décompte des débours définitifs établi par la CAISSE PRIMAIRE d’ASSURANCE MALADIE de [Localité 5], le 5 août 2021, les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, et d’appareillage engagés au bénéfice de Madame [F], consécutifs à l’accident du 22 novembre 2019, s’élèvent à la somme totale de 7926,57€.

Ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 7926,57€.

* Sur l’assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.

Il s’agit du préjudice lié à la nécessité, pour la victime, du fait de son handicap, d’être assistée par une tierce personne, spécialisée (infirmière, kinésithérapeute...) ou non s’agissant notamment du ménage, des actes de la vie courante, d’une incitation ou simple surveillance nocturne.
Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.

Il est sollicité la somme de 5480€ sur la base de 20€ mensuels.

La Compagnie AIG EUROPE SA propose la somme de 4 356,48 € sur la base d’un taux horaire de 16 €.

Il résulte du rapport d’expertise que Madame [F] a présenté une perte d’autonomie totale et partielle nécessitant l’aide d’une tierce personne.

Il sera retenu un taux horaire de 18 € s’agissant d’une aide nécessaire qui ne requiert aucune qualification spécialisée.

DATE DEBUT
DATE FIN
JOURS / SEM
HEURES
COUT
TOTAL
classe III
22/11/2019
26/11/2019
5
10
18
180
totale
27/11/2019
02/12/2019
6
12
18
216
classe III
03/12/2019
05/03/2020
94
188
18
3384
classe II
06/03/2020
20/11/2020
37,14
74,29
18
1337,14

TOTAL
5117,14

En conséquence, ce poste de préjudice sera réparé à hauteur de la somme de 5117,14 €.

B/ Pour la période postérieure à la consolidation

A titre liminaire, concernant les demandes incluant le calcul d’une capitalisation, il sera relevé que le barème publié par la gazette du palais en décembre 2022 présente l’avantage d’être fondé sur une espérance de vie actualisée reposant sur les données démographiques disponibles les plus récentes ainsi que sur des données financières économiques actualisées.

L’application de cette table de capitalisation avec un taux d’actualisation de 0 % apparaît dès lors la plus pertinente pour permettre un réparation du préjudice sans perte ni profit. Il convient en conséquence de retenir ce barème de capitalisation.

Dépenses consécutives à la réduction d’autonomie : l’Assistance Tierce Personne (A.T.P.)

Aprés consolidation, il s’agit d’indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans ses démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne.

Aprés consolidation le besoin en aide humaine est fixé par l’expert à hauteur de 2H par semaine à titre viager.

Ainsi, l’indemnisation de Madame [F] doit être fixée comme suit en retenant un taux horaire de 18 €, s’agissant d’une aide nécessaire qui ne requiert aucune qualification spécialisée :

Le coût annuel sera ainsi évalué :
18 € heure x 2 heures/ semaine x 52 semaines = 1 872 €.

Arrérages échus :
Il s’est écoulé 3,44 années entre la consolidation et la date de la présente décision.
Le préjudice sera évalué à la somme de 1 872 € x 3,44 = 6 441,73 €.

Arrérages à échoir pour une victime âgée de 84 ans à la date d’attribution de la rente :
1 872 € x 7.915 = 14 816,88 €.

En conséquence, ce poste de préjudice sera réparé à hauteur de la somme de (6 441,73 +
14 816,88) = 21 258,61 € .

II- Préjudices extra-patrimoniaux de Madame [F]

A/ Pour la période antérieure à la consolidation

1° Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.)

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Madame [F] demande la somme globale de 3 031,25 € en réparation des troubles subis dans ses conditions d’existence au cours de la période antérieure à la consolidation, fixée au 20 novembre 2020 par l’expert, sur la base de 25 € par jour au titre d’un déficit fonctionnel temporaire total.

La Compagnie AIG EUROPE SA propose une indemnisation d’un montant de 3 012,50 euros sur la base de 25 € par jour en réparation de ce préjudice.

Il résulte du rapport d’expertise que Madame [F] a connu une période de déficit fonctionnel temporaire total et trois périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel.

Au vu des constatations de l’expert et sur la base de 25 € par jour ainsi que requis au titre d’un déficit fonctionnel temporaire total, le préjudice de Madame [F] s’établit comme suit :

DATE DEBUT
DATE FIN
JOURS
TAUX
COUT
TOTAL
22/11/2019
26/11/2019
5
50%
25
62,5
27/11/2019
02/12/2019
6
100%
25
150
03/12/2019
05/03/2020
94
50%
25
1175
06/03/2020
20/11/2020
260
25%
25
1625

3012,50

soit au total la somme de 3 012,50 €, en réparation des troubles subis dans les conditions d’existence.

2° Souffrances endurées (S.E.)

Il s’agit d’indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation.
Madame [F] sollicite la somme de 8000€compte tenu des souffrances physiques et morales subies durant la période antérieure à la consolidation sur la base de l’évaluation faite par l’expert à hauteur de 3/7.

La Compagnie AIG EUROPE SA propose de limiter l’indemnité à la somme de 6000€.

L’expert a évalué les souffrances ressenties par la victime depuis l’accident jusqu’à la consolidation au taux de 3/7 compte tenu du traumatisme initial, des douleurs, des soins jusqu’à la consolidation et du mauvais vécu psychologique.

Au vu de ces constatations et de la durée de la période antérieure à la consolidation soit une année, les souffrances tant physiques que morales résultant de l’accident seront réparées sur la base d’une indemnité de 8 000 €.

4° Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.)

Ce poste de préjudice vient réparer ce qu’a subi la victime, pendant la maladie traumatique, notamment pendant l’hospitalisation, quant à l’altération de son apparence physique, même temporaire.

Madame [F] sollicite la somme de 2 000 € en réparation de son préjudice esthétique temporaire pour quatre mois de port d’un corset.

La Compagnie AIG EUROPE SA, qui ne conteste pas le principe de l’existence d’un préjudice, offre 150 € au regard de la courte durée du port du corset.

En l’espèce, l’expert ne relève aucun préjudice de ce type mais note qu’un corset a été posé à l’hopital en fin de mois de novembre 2019, prescrit pour 3 mois, ceci montrant l’imputabilité de ce traitement à l’accident. Ce corset a été porté jusqu’au 5 mars 2020. Il est par ailleurs joint au dossier un certificat médical du médecin traitant montrant qu’un second corset a été posé au mois de juin. Le rapport de consultation du chrirugien en date du 23 juillet 2020 relève que celle ci reste “toujours extrêmement douloureuse et dépendante du corset”, qui est donc toujours porté à cette date.

Cette altération de l’apparence physique de la victime dont l’existence n’est pas contestée, sera évalué à la somme de 1 500 €.

En conséquence, ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 1 500 €.

B/ Pour la période postérieure à la consolidation

1° Déficit Fonctionnel Permanent (D.F.P.)

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence. Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

Madame [F] sollicite le paiement de la somme de 13560 € au titre de ce poste de préjudice, sur la base d’une valeur du point estimée à 1130€, au taux de déficit fonctionnel permanent chiffré à 12% par l’expert.

La Compagnie AIG EUROPE SA ne s’oppose pas à l’attribution de cette somme.

L’expert a évalué les séquelles imputables à l’accident conservées par Madame [F] au taux de12%.

Sur la base de ces constatations, et au vu de l’accord des parties, afin de tenir compte des séquelles conservées par la victime dans ses conditions d’existence, il convient de fixer la valeur du point à la somme requise de 1130€, pour allouer à Madame [F] la somme de 13560€ en réparation de ce poste de préjudice.

2° Préjudice esthétique permanent (P.E.P)

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer les atteintes altérant définitivement l’apparence physique de la victime, la contraignant à se présenter ainsi à son propre regard ainsi qu’à celui des tiers.

Madame [F] demande d’évaluer ce poste de préjudice à la somme de 1 000 € sur la base des constatations de l’expert en faisant valoir qu’elle doit désormais se déplacer avec une canne.

La Compagnie AIG EUROPE SA s’oppose à l’indemnisation de ce poste de préjudice et fait valoir que l’usage de cette canne n’est pas imputable à l’accident.

Le docteur [V] n’a pas retenu l’existence de ce poste de préjudice. Il relève toutefois au vu du certificat de consolidation du docteur [H], médecin traitant, que “ la marche est désormais impossible sans l’aide d’une canne, avec un périmètre de marche de 50 mètres”.
Il n’est nullement démontré par l’expert, contrairement à ce que prétend l’assureur, que l’utilisation de la canne est en lien avec un état antérieur, soit une hernie discale.

Madame [F] subit depuis la consolidation un préjudice esthétique permanent du fait d’une difficulté à la marche et donc de l’emploi d’une canne.

Il y a lieu de fixer à la somme de 1 000 € le préjudice esthétique permanent de Madame [F], âgé d’un peu plus de 80 ans au jour de la consolidation.

3° Préjudice d’agrément (P.A.)

Ce poste de préjudice vise à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations de la pratique antérieure de ces activités en raison des séquelles conservées, supposant une appréciation in concreto au regard des habitudes de vie qui doivent être justifiées.
Ce préjudice d'agrément inclut la limitation de la pratique antérieure, qui est donc, à ce titre, indemnisable.

Madame [F] sollicite le paiement de la somme de 5 000 €.
Elle fait valoir qu’elle a du renoncer à ses activités culturelles et de loisir en raison de ses difficultés à marcher et notamment pour la garde de ses petits enfants, pour participer à des rencontres avec le voisinage, pour ses déplacements à la bibliothèque ou des sorties amicales, et encore pour sa participation aux services religieux. Elle verse au dossier les attestations de ses amis et voisins copropriétaires ainsi que celle du prêtre de sa parroisse, montrant que celle-ci participait aux activités décrites

La Compagnie AIG EUROPE SA conclut au rejet de la demande, et, sans contester la valeur des attestations produites, estime que celles ci ne sont pas suffisantes pour justifier de ces activités.
Elle ajoute que l’impossibilité de se déplacer est déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

L’expert note dans son rapport que Madame [F] ne subit aucun empêchement aux activités ciées, mais qu’elle est limitée dans les activités demandant un déplacement à pied du fait des douleurs ressenties.

La participation aux activités décrites, qui constituent des activités sociales et de loisirs, comme telles contribuent au maintien de relations humaines nécessaires à l’équilibre intellectuel psychologique et moral de l’individu en apportant un divertissement. Leur limitation du fait des difficultés à se déplacer, en ce qu’elle conduit à l’isolement, constitue un préjudice d’agrément.

Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 4 000 €.

Les divers postes de préjudices seront récapitulés comme suit :

PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

- DSA dépenses santé actuelles
7 926,57 €
0,00 €
7 926,57 €
- ATP assistance tierce personne
5 117,14 €
5 117,14 €

permanents

- ATP assistance tiers personne
21 258,61 €
21 258,61 €

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFTT déficit fonctionnel temporaire
3 012,50 €
3 012,50 €

- SE souffrances endurées
8 000,00 €
8 000,00 €

- PET préjudice esthétique temporaire
1 500,00 €
1 500,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
13 560,00 €
13 560,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
1 000,00 €
1 000,00 €

- PA préjudice d'agrément
4 000,00€
4 000,00€

- TOTAL
65 374,82 €
57 448,25 €
7 926,57 €

Sur l’imputation de la créance des organismes sociaux

Il convient de rappeler qu’en vertu des principes posés par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifiée par l’article 25 III et IV de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 :
- les recours subrogatoires des caisses et tiers payeurs contre les tiers responsables s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel,
- conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu’en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence à la caisse subrogée,
- cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.

En l’espèce, les prestations en nature, prises en charge à hauteur de 7 926,57 € par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5] s’imputent sur le poste de dépenses de santé actuelles.

En définitive, après imputation des créances des tiers payeurs et déduction faite des provisions amiable et judiciaire déjà versées, Madame [F] recevra la somme de 39 448,25 € en réparation de son préjudice corporel, consécutif à l’accident survenu le 22 novembre 2019, la répartition des sommes s’établissant comme précisée au sein du dispositif du présent jugement.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Madame [F] demande que les sommes allouées, après déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions versées, portent intérêts au double du taux légal à compter du 22 juillet 2020, soit 8 mois aprés l’accident.
Par ailleurs, elle indique que ces conclusions ne valent pas offre de l’assureur puisque ne présentant pas d’information relative au délai de rétractation, ce qui vaut absence d’offre, de telle sorte que le doublement de l’intérêt au taux légal doit porter sur l’ensemble des sommes allouées.

La Compagnie AIG EUROPE SA, qui ne s’oppose pas au principe du doublement des intérêts, soutient qu’elle a déposé des conclusions valant offre, que son offre d’indemnisation était justifiée en son montant, et que la sanction du doublement des intérêts doit s’appliquer uniquement sur le montant de l’offre formulée par l’assureur soit 48168,50 € et non sur les sommes qui seraient allouées par la juridiction.

Aux termes de l’article L. 211-9 du Code des assurances, une offre d’indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l’accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d’offre dans les délais impartis par l’article L. 211-9 du Code des assurances, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l’article L. 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

La pénalité s'applique soit, à l'offre complète proposée par l'assureur retardataire, soit, en l'absence d'offre complète, à l'indemnisation fixée par le juge avant imputation de la créance des organismes sociaux et avant déduction des provisions versées .

En cas d'offre irrégulière c'est-à-dire incomplète ou manifestement insuffisante, elle s'applique jusqu'à la décision devenue définitive.
En cas d'offre régulière mais tardive, elle s'applique à compter de la date à laquelle l'offre complète aurait dû être faite, jusqu'à la date de l'offre ainsi faite.
Le versement de provisions ne suffit pas à caractériser une offre provisionnelle complète portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice conformément aux prescriptions de l'article R211- 40 du code des assurances.
La charge de la preuve du caractère régulier de l'offre, dans son contenu comme dans son délai, incombe à l'assureur.

En l’espèce, il ne fait pas débat que l’assureur devait formuler une offre avant le 22 juillet 2020 soit 8 mois aprés l’accident.
La Compagnie AIG EUROPE ne justifie pas avoir formulé une offre complète avant cette date et il convient donc d’ordonner le doublement du taux de l’intérêt légal.

Il est constant que l’offre définitive peut être formulée en cours d’instance par voies de conclusions dès lors que cette offre comprend tous les éléments indemnisables du préjudice et n’est pas manifestement insuffisante.

Cette offre ainsi présentée n’avait pas à rappeler le délai de rétractation prescrit par l’article 211-16 du Code des assurances, celle-ci étant présentée dans le cadre d’une procédure en cours.

Il n’est pas allégué par ailleurs que l’offre présentée par voie de conclusion est incomplète ou insuffisante.

En conséquence, le doublement des intérêts portera sur la période du 22 juillet 2020 au jour de notification de l’offre par voie de conclusion, soit le 7 avril 2023, sur la somme offerte par l’assureur, soit 48 168.50 €.

Sur les autres demandes

Sur la demande de déclaration commune du jugement,

Il n’y a pas lieu de déclarer le jugement commun à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de [Localité 5], régulièrement assignée et qui, bien que non constituée, n’en a pas moins la qualité de partie à l’instance.

Sur l’exécution provisoire,

En application de l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit à moins, selon l’article 514-1 du même code, que le juge ne l’écarte s’il l’estime incompatible avec la nature de l’affaire.

En l’espèce, au vu de l’ancienneté des faits et de la nécessité de permettre l’indemnisation des préjudices, il convient de constater l’exécution provisoire du présent jugement dans toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [F] les frais exposés dans le cadre de la présente procédure pour faire valoir ses droits justifiant de lui allouer la somme de 2 000 € sur ce fondement.

Sur les dépens,

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Ainsi La Compagnie AIG EUROPE SA succombant, les dépens seront mis à sa charge en application de l’article susvisé.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant par mise à disposition au Greffe, les parties préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONSTATE que le droit à indemnisation de Madame [F], en application de la loi du 5 juillet 1985, consécutif à l’accident de la circulation survenu le 22 novembre 2019, impliquant un autobus de Transport [Localité 3] Métropole exploité par KEOLIS METROPOLE, assuré auprès de la Compagnie AIG EUROPE SA n’est pas contesté ;

FIXE le préjudice corporel de Madame [F] à la somme de 65374,82 €, décomposée comme suit :

Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance CPAM
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

- DSA dépenses santé actuelles
7 926,57 €
0,00 €
7 926,57 €
- ATP assistance tierce personne
5 117,14 €
5 117,14 €

permanents

- ATP assistance tiers personne
21 258,61 €
21 258,61 €

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFTT déficit fonctionnel temporaire
3 012,50 €
3 012,50 €

- SE souffrances endurées
8 000,00 €
8 000,00 €

- PET préjudice esthétique temporaire
1 500,00 €
1 500,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
13 560,00 €
13 560,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
1 000,00 €
1 000,00 €

- PA préjudice d'agrément
4000,00 €
4000,00 €

- TOTAL
65 374,82 €
57 448,25 €
7 926,57 €
Provision

18 000,00 €

TOTAL aprés provision

39 448,25 €

CONDAMNE la Compagnie AIG EUROPE SA, à payer à Madame [R] [F] la somme de 39 448,25 €, après imputation de la créance des tiers payeurs et déduction faite des provisions à hauteur de 18 000 €, en réparation de son préjudice corporel, consécutif à l’accident survenu le 22 novembre 2019 ;

CONDAMNE la MATMUT à payer à Madame [R] [F] les intérêts au double du taux de l’intérêt légal qui porteront sur la période du 22 juillet 2020 au jour de notification de l’offre par voie de conclusion, soit le 7 avril 2023, sur la somme de 48 168.50 € ;

CONDAMNE la Compagnie AIG EUROPE SA à payer à Madame [R] [F] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement dans toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la Compagnie AIG EUROPE SA aux dépens de l’instance;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/06543
Date de la décision : 29/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-29;22.06543 ?
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