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11/04/2024 | FRANCE | N°22/04020

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 11 avril 2024, 22/04020


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 11 Avril 2024
64B

RG n° N° RG 22/04020


Minute n°





AFFAIRE :

[I] [O]
[K] [J]
C/
S.A.S. RENTFORCE

INTER VOLONT
S.A. MMA IARD
S.A. MMA IARS ASSURANCES MUTUELLES






Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL BIAIS ET ASSOCIES
la SELAS CABINET LEXIA
Me Valérie LE BRAS



COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et

de la mise à disposition :

Madame Fanny CALES, juge,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publiqu...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 11 Avril 2024
64B

RG n° N° RG 22/04020

Minute n°

AFFAIRE :

[I] [O]
[K] [J]
C/
S.A.S. RENTFORCE

INTER VOLONT
S.A. MMA IARD
S.A. MMA IARS ASSURANCES MUTUELLES

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL BIAIS ET ASSOCIES
la SELAS CABINET LEXIA
Me Valérie LE BRAS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Fanny CALES, juge,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publique du 08 Février 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Monsieur [I] [O] agissant ès qualité de représentant légal de sa fille mineure [P] [O] née le [Date naissance 3] 2010 à [Localité 13] (64) de nationalité française, demeurant [Adresse 4]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [K] [J] Madame [J] divorcée [O] agissant ès qualité de représentant légal de sa fille mineure [P] [O] née le [Date naissance 3]/2010 à [Localité 13] (64) de nationalité française, demeurant [Adresse 4]
née le [Date naissance 5] 1980 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 7]

représentés par Maître Victoire DEFOS DU RAU de la SELAS CABINET LEXIA, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSE

S.A.S. RENTFORCE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 9]
[Localité 6]

représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

PARTIE INTERVENANTE

S.A. MMA IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 10]

représentée par Maître Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Valérie LE BRAS, avocat au barreau de PARIS

S.A. MMA IARS ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 10]

représentée par Maître Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Valérie LE BRAS, avocat au barreau de PARIS

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Monsieur [I] [O] était salarié de la SAS RENTFORCE, société de location de véhicules et matériels de BTP, employé en qualité de responsable des agences de [Localité 12] et d’[Localité 15].

Il a été victime d’un grave accident du travail le 23 avril 2014 lui occasionnant une paraplégie incomplète.

La CPAM de la Gironde a pris en charge l’accident au titre de la législation des accidents professionnels.

M. [O] a été déclaré consolidé le 12 juin 2016 avec un taux d’IPP de 90 %.

Dans ces conditions, M. [O] a fait assigner la société RENTFORCE aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur.

Par jugement en date du 26 mars 2018, le Tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde a reconnu l’existence de la faute inexcusable, ordonné la majoration de la rente et ordonné une expertise judiciaire.

Par arrêt en date du 22 avril 2020, la Cour d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement.

Dans ce contexte, [P] [O], mineure représentée par ses parents [I] [O] et [K] [J] divorcée [O], a, par acte délivré le 25 mai 2022 fait assigner devant le présent tribunal la SAS RENTFORCE afin d’obtenir réparation de son préjudice d’affection et des troubles dans ses conditions d’existence causés par l’accident de son père.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 novembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 08 février 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de leur assignation, [I] [O] et [K] [J] divorcée [O] agissant en qualité de représentant légaux de leur fille [P] [O], demandent au tribunal, au visa des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
- condamner la société RENTFORCE au paiement des sommes suivantes :
* 50.000 euros au titre du préjudice d’affection ;
* 50.000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence ;
- dire que ces indemnités produiront intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ;

- la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens et prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19/06/2023, la société RENTFORCE demande au tribunal de :
- dire que les sociétés MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES relèveront indemne la société RENTFORCE des condamnations prononcées à son encontre, étant assureurs au moment de l’accident survenu le 23 avril 2014 ;
- ramener à de plus justes proportions la demande indemnitaire formulée au titre du préjudice d’affection de [P] [O] et la fixer à une somme ne pouvant excéder 15.000 euros,
- ramener à de plus justes proportions la demande indemnitaire formulée au titre des troubles dans les conditions d’existence de [P] [O] et la fixer à une somme ne pouvant excéder 5.000 euros,
- ramener à de plus justes proportions la demande indemnitaire formulée au titre de l’article 700 du CPC.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27/03/2023, les compagnies d’assurance MMA ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD demandent au tribunal de
- RAMENER à de plus justes proportions la demande indemnitaire formulée au titre du préjudice d'affection de la jeune [P] [O] et la fixer à la somme de 15 000 € ;
- RAMENER à de plus juste proportions la demande indemnitaire formulée au titre des troubles dans les conditions d'existence de la jeune [P] [O] et la fixer à la somme de 5 000 €.
- RAMENER à de plus juste proportions la demande indemnitaire formulée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur l’intervention volontaire

Dès lors que les prétentions des MMA, assureurs de la société RENTFORCE, se rattachent par un lien suffisant aux prétentions de [P] [O], demanderesse, constituées par les demandes en réparation des conséquences de l’accident de son père, il convient d’accueillir l’intervention volontaire de l’assureur, conformément aux dispositions de l’article 325 du code de procédure civile.

II- Sur les demandes en réparation,

a - Sur le principe du droit à réparation,

En application des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. L’article 1241 du code civil prévoit par ailleurs, que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

En l’espèce, il est constant que le père de la demanderesse a été victime d’un accident de travail le laissant lourdement handicapé. Par jugement en date du 26 mars 2018, le Tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde a reconnu l’existence de la faute inexcusable de l’employeur RENTFORCE à l’origine de cet accident.
Le droit à réparation à ce titre de la requérante n’est par ailleurs pas contesté, les parties défenderresses ne contestant pas être tenues à cette indemnisation.

b- Sur l’appréciation des préjudices subis,

Sur la demande au titre du préjudice d’affection

Le préjudice d’affection constitue le préjudice moral subi par certains proches, parents ou non, justifiant d’un lien affectif réel, au contact de la souffrance de la victime directe. Il n’est pas nécessaire que ces souffrances aient un caractère exceptionnel pour être indemnisées.

En l’espèce, [P] [O] sollicite une somme de 50.000 euros invoquant un préjudice découlant de cette faute en ce qu’elle a souffert de voir son père hospitalisé puis handicapé, outre l’angoisse et les inquiétudes liées au handicap et à la durée de convalescence. Elle ajoute que la relation père-fille a été détériorée au cours de cette période et qu’elle a difficilement accepté le handicap.

En défense, la société RENTFORCE ne nie pas l’existence de ce préjudice. De même, les assurances MMA ne contestent pas la réalité du préjudice et offrent une somme de 15.000 euros.

Ainsi, la réalité du préjudice d’affection de [P] à la suite de l’accident de son père n’est pas contestée. Elle ne verse cependant aucune pièce tendant à justifier de l’étendue de son préjudice.

Toutefois, les liens familiaux proches, l’âge de [P] au moment de l’accident, l’importance des blessures, la durée de la convalescence et les séquelles de son père, justifient d’allouer à [P] [O], la somme de 20.000 euros.

Sur la demande au titre des troubles dans les conditions d’existence

Ce poste vise l’indemnisation des bouleversements que la survie douloureuse de la victime directe entraîne sur le mode de vie de ses proches au quotidien.

La demanderesse sollicite une somme de 50.000 euros en réparation du bousculement dans ses conditions de vie en raison du handicap de son père. Elle soutient qu’elle a été privée des activités habituelles exercées en famille pendant la convalescence de son père, qu’elle ne peut plus partager des activités sportives ou de loisirs avec lui, que l’espoir d’un projet familial plus conséquent est anéanti et qu’elle ne connaîtra pas le plaisir de la vie avec frère et soeur.

La société RENTFORCE et les MMA offrent une somme de 5.000 euros en indiquant qu’il n’est pas justifié de la résidence de [P] à la suite du divorce de ses parents, que son père peut encore conduire un véhicule et se déplacer avec une canne anglaise sur de courtes distances et qu’il continue par ailleurs la pratique du golf avec un paragolfeur.

En l’espèce, la réalité de ce poste n’est pas contestée. Il est versé plusieurs attestations de témoins indiquant que le handicap a entraîné soit la cessation, soit la limitation et la gêne à l’exercice de nombreuses activités sportives et de loisirs.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de réparer les troubles dans les conditions d’existence de [P] par une somme de 20.000 euros.

La société RENTFORCE et les MMA IARD sont donc condamnées in solidum à payer à [P] [O], mineure représentée par ses parents [I] [O] et [K] [J] divorcée [O], la somme de 20.000 euros au titre du préjudice d’affection et 20.000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence.

Conformément à l’article 1231-7 du code civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Sur la demande de relevé indemne

Les MMA IARD ne contestent ni leur garantie, ni l’étendue de celle-ci. Il y a donc lieu de faire droit à l’appel en garantie de la société RENTFORCE en faisant droit à sa demande de relevé indemne par son assureur de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Succombant à la procédure, la société RENTFORCE et les MMA seront condamnées aux dépens.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner in solidum la société RENTFORCE et les MMA à une indemnité en sa faveur de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il convient de rappeler que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

ACCUEILLE l’intervention volontaire de MMA IARD et de MMA ASSURANCES MUTUELLES ;

CONDAMNE in solidum la société RENTFORCE et MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES à payer à [P] [O], mineure représentée par ses parents [I] [O] et [K] [J] divorcée [O], la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice d’affection à la suite de l’accident de son père en date du 23 avril 2014 ;

CONDAMNE in solidum la société RENTFORCE et MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES à payer à [P] [O], mineure représentée par ses parents [I] [O] et [K] [J] divorcée [O], la somme de 20.000 euros en réparation de ses troubles dans les conditions d’existence à la suite de l’accident de son père en date du 23 avril 2014

CONDAMNE in solidum MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES à relever indemne son assurée la société RENTFORCE de toutes condamnations ;

CONDAMNE la société RENTFORCE et MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES aux dépens ;

CONDAMNE in solidum la société RENTFORCE et MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES à payer à [P] [O], mineure représentée par ses parents [I] [O] et [K] [J] divorcée [O], la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les sommes allouées ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

REJETTE pour le surplus les autres demandes des parties.

Le jugement a été signé par Fanny CALES, prédident et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/04020
Date de la décision : 11/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-11;22.04020 ?
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