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10/04/2024 | FRANCE | N°22/03101

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 10 avril 2024, 22/03101


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 10 Avril 2024
63A

RG n° N° RG 22/03101

Minute n°




AFFAIRE :

[I] [W]
C/
[X] [C], CPAM DE [Localité 3]




Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL CABINET ETCHE AVOCATS
la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS





COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président, r>Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, jug...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 10 Avril 2024
63A

RG n° N° RG 22/03101

Minute n°

AFFAIRE :

[I] [W]
C/
[X] [C], CPAM DE [Localité 3]

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL CABINET ETCHE AVOCATS
la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 14 Février 2024,

JUGEMENT:

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [I] [W]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Adresse 8]

représentée par Maître Fabienne PELLE de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocats au barreau de BORDEAUX, Maître Rémy LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocats au barreau de PARIS

DEFENDERESSES

Madame [X] [C]
de nationalité Française
domiciliée : chez
Clinique Mutualiste de [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Eugénie SIX de la SELARL CABINET ETCHE AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

CPAM DE [Localité 3] prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]

représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 25 avril 2017, Madame [W] était hospitalisée pour subir une coloscopie, l’examen étant pratiqué au sein de la Clinique [9], par le docteur [C].

L’intervention était rapidemment interrompue par le docteur [C] qui constatait une complication perforative. Madame [W] était opérée en urgence le jour-même par le docteur [U], chirurgien digestif, qui réalisait une résection resto-sigmoïdienne terminée par une colostomie iliaque gauche. Elle regagnait son domicile le 5 mai 2017. Le 30 août 2017, le docteur [U] rétablissait la continuité.

Madame [W] déclarant ressentir des douleurs abdominales ainsi qu’une fatigue permanente, elle saisissait la juridiction des référés aux fins de voir ordonner une expertise médicale.

Par ordonnance en date du 31 juillet 2020, le Tribunal judiciaire de Bordeaux statuant en référé a ordonné une mesure d'expertise médicale de Madame [W] confiée au docteur [V] afin dans un premier temps, d’apprécier l’existence d’une éventuelle faute médicale ou d’un aléa thérapeutique et dans un deuxième temps, d’évaluer ses préjudices, les frais étant avancés par le trésor public, la demanderesse étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.

Le 03 mars 2021, l'expert judiciaire a déposé son rapport d'expertise définitif.

Madame [W] a, par actes d'huissier délivrés le 19 avril 2022, fait assigner devant le présent tribunal le docteur [C] pour voir indemniser son préjudice ainsi que, en qualité de tiers payeurs, la CPAM de [Localité 3].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 14 février 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 05/07/ 2023, Madame [W] demande au tribunal de :
- CONDAMNER le Docteur [C] à lui payer les sommes suivantes en réparation de son préjudice :
$gt; 6 660,60 € au titre des préjudices patrimoniaux décomposés comme suit :
- 21,60 € au titre des dépenses de santé
- 87,00 € au titre des frais divers
- 6 552,00 € au titre de la tierce personne
$gt; 30 436,50 € au titre des préjudices extra patrimoniaux, décomposés comme
suit :
- 1 936,50 € au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 10 000,00 € au titre des souffrances endurées
- 4 000,00 € au titre du préjudice esthétique temporaire
- 5 000,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent
- 5 000,00 € au titre du préjudice d’agrément
- 1 500,00 € au titre du préjudice esthétique permanent
- 3 000,00 € au titre du préjudice sexuel
- de condamner le Docteur [C] aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Fabienne PELLÉ, avocat, par application des articles 699 et suivants du CPC,
- de rendre le jugement à intervenir commun à CPAM de [Localité 3],
- d’ordonner la capitalisation des intérêts légaux à compter de l’assignation par application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
- de ne pas écarter l’exécution provisoire de droit.
- de mentionner dans le jugement que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le présent jugement, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application du tarif des huissiers devra être supporté par le docteur [C] en sus de l’article 700 du CPC.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 25/01/2023, la CPAM de [Localité 3] demande au tribunal, au visa de l’article L.376-1 du Code de la Sécurité sociale, de :
- déclarer le docteur [C] responsable des préjudices résultant de la faute dans l’intervention chirurgicale du 25 avril 2017 dont a été victime Madame [I] [W] et des préjudices qui en ont résulté pour la CPAM DE [Localité 3],
- condamner le docteur [C] à verser à la CPAM DE [Localité 3] la somme de 14 281,25 € en remboursement des prestations versées pour le compte de son assurée sociale ;
- condamner ledocteur [C] à verser à la CPAM DE [Localité 3] la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire en application des dispositions des articles 9 et 10 de l'Ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996
- déclarer que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal ,
- faire application des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil
- condamner le docteur [X] [C] à verser à la CPAM DE [Localité 3] la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens ;
- ne pas écarter l’exécution provisoire de droit.

Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 05/05/2023, le docteur [C] demande au tribunal de :
- débouter Madame [W] de ses demandes,
- à titre subsidiaire : fixer le montant de l’indemnisation de la manière suivante :
* tierce personne : 3 480 €
* déficit fonctionnel temporaire : 1 474,30 €
* souffrances endurées : 4 500 €
* préjudice esthétique temporaire : 300 €
* déficit fonctionnel permanent : 3 000 €
* préjudice esthétique permanent : 1 500 €
* préjudice sexuel : 1 000 €
* préjudice d’agrément : 800 €

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A - Sur la responsabilité médicale de le docteur [C]

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1142-1 I et R. 4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.

Il est ainsi admis que la responsabilité du médecin, qui n’est tenue qu’à une obligation de moyens dans la réalisation des actes médicaux sus visés, ne peut être engagée qu’en cas de faute dont il résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.

En l’espèce, Madame [W] soutient que lors de la coloscopie réalisée par le docteur [C], elle a subi une perforation intestinale qu’elle impute à une absence de maitrise du geste opératoire par cette dernière. Elle invoque ainsi la nature d’accident médical fautif à l’encontre du praticien.

Le docteur [C] s’oppose à cette qualification et invoque le fait que cette perforation était une complication connue de l’intervention de coloscopie, qu’aucune erreur n’a été réalisée dans la phase préopératoire, que sa prise en charge était conforme aux règles de l’art et qu’elle bénéficiait d’une grande expérience du geste technique écartant de sa part toute faute médicale.

Le rapport d'expertise du docteur [V] retient pour sa part que, si la perforation est en soi une complication connue de la coloscopie, aléa inhérent à l’acte, cette hypothèse ne peut être retenue car la perforation subie par la requérante est inhabituelle, notant à ce propos qu’elle se trouvait “au niveau de la charnière resto-sigmoïdienne sur la quasi circonférence du restum qui est ouvert en 2, les deux extrémités ne tenant que par le mésorectum”. Il relevait d’ailleurs n’avoir jamais été confronté à une lésion si importante qui s’expliquerait par une poussée anormalement forte du coloscope alors que ce type d’examen devait être pratiqué avec douceur.

Ainsi, l’aspect totalement inhabituel de section de la quasi-totalité de la circonférence du rectum permettait d’évoquer deux complications :
- un baro-traumatisme dûe à une insufflation extrèmement importante donc mal surveillée
ou
- une tension sur l’intestin beaucoup trop importante explicable par une absence de maitrise du geste donc une maladresse.
Ces deux complications supposent une faute dans la réalisation du geste médical.

L’attestation du docteur [U] versée par le docteur [C] évoque que cette perforation est un aléa en raison du lieu de la blessure. De plus, selon ses conclusions, la perforation subie ne peut avoir été causée par un excès d’insufflation.
Cependant, elle n’écarte qu’une seule des deux fautes invoquée.

Cet élément apporté par le docteur [C], à savoir l’attestation d’un collègue chirurgien docteur [U], ayant réalisé l’intervention en urgence en suite directe de la réalisation de la perforation, ne permet pas de contester les conclusions de l’expert qui sont par ailleurs suffisament détaillées et révélatrices de la gravité de la lésion et des circonstances de sa réalisation.

Par ailleurs, le fait que la conduite adoptée une fois la perforation reconnu tout comme les conditions de l’intervention et autres actes suivants, aient été réalisés conformément aux bonnes pratiques, n’enlèvent pas au dommage premier son caractère d’accident médical fautif.

Par conséquent, il convient de considérer que la perforation subie par Madame [W] a été causée par une maladresse dans le geste médical et donc qu’il s’agit d’un accident médical fautif imputable au docteur [C]. Elle sera donc déclarée responsable et tenue de l’indemnisation du préjudice subi par Madame [W].

B- Sur la liquidation du préjudice de Madame [W]

Le rapport du docteur [V] indique que Madame [W] née le [Date naissance 1]/1962 , sans profession au moment des faits, a présenté suite aux faits : une perforation au niveau de la charnière resto-sigmoïdienne sur la quasi circonférence du rectum, ayant nécessité en urgence une résection resto-sigmoïdienne terminée par une colostomie iliaque gauche qui sera maintenue du 25/04/2017 au 29/08/2017.

Après consolidation fixée au 29/10/2017, l’expert retient une IPP de 3%.

Au vu de ce rapport, le préjudice corporel de Madame [W] sera évalué ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

I - Préjudices patrimoniaux :

- Préjudices patrimoniaux temporaires :

Dépenses de santé actuelles (DSA) :

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.
Ils’évince du relevé de débours de la CPAM que cette dernière a exposé entre le 25/04/2017 au 12/09/2017, pour le compte de son assuré social Madame [W] un total de 14 281,25 € (frais hospitaliers, frais médicaux et pharmaceutiques) qu'il y a lieu de retenir

Madame [W] justifie par ailleurs des frais restés à sa charge au titre des facturations de la polyclinique JEAN VILLAR :
- 10,80 € du 16/07/2017
- 10,80 € du 29/08/2017.

Dès lors, ce poste de préjudice sera fixé à la somme totale de 14 302,85 €.

2 - Frais divers (F.D.) :

Madame [W] fait valoir qu’elle a assumé les frais de copie de dossier médical à hauteur de 19,10 euros.
Faute de demande contraire, il convient de faire droit à sa demande d’indemnisation à ce titre.

Frais de déplacement

Madame [W] justifie des frais de déplacements exposés pour la réalisation de l’expertise judiciaire qui s’est déroulée à [Localité 4] à sa voir :
* Billet de train aller/retour : 66,00 €
* Ticket de bus/ métro : 1,90 €
TOTAL = 67,90 €

Il sera fait droit à cette demande.

Assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.

Il s’agit du préjudice lié à la nécessité, pour la victime, du fait de son handicap, d’être assistée par une tierce personne, spécialisée (infirmière, kinésithérapeute...) ou non s’agissant notamment du ménage, des actes de la vie courante, d’une incitation ou simple surveillance nocturne...
Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.

En l’espèce, il apparait que Madame [W] a bénéficié de l’assistance de son fils pour les tâches ménagères le temps de sa convalescence.

Il sera retenu un taux horaire de 18 € s’agissant d’une aide nécessaire qui ne requiert aucune qualification spécialisée. Il n’y a pas lieu par ailleurs de tenir compte des incidences fiscales en ce qu’elles ne dépendent pas de la présente décision de justice.

L' expert ayant fixé le besoin à 2 heures par jour du 05/05/2017 au 29/08/2017, il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 4 212 €.

II - Préjudices extra-patrimoniaux :

a - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

Déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Calculée sur la base de 27 € par jour pour une DFT à 100%, il doit être arrêté au regard des conclusions de l'expert à la somme totale de 1 752,30 € , soit :
- 297,00 € correspondant au déficit fonctionnel temporaire total (100%) pour la période du 25/04/2017 au 05/05/2017 et 216 € du 29/08/2017 au 06/09/2017 (hospitalisations) ;
- 1 096,20 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 35 % pour la période du 05/05/2017 au 29/08/2017;
- 143,10 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 10 % pour la période du 06/09/2017 au 29/10/2017.

Souffrances endurées (SE) :

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

L'expert les a évalué à 3/7. Il est fait état du traumatisme initial, des deux hospitalisations pendant plusieurs jours, de la résection recto sigmoidienne et du fait d’avoir du subir et garder une colostomie pendant plusieurs mois sans préparation psychologique, et des soins nécessités par cette colostomie.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 8 000 €.

Préjudice esthétique temporaire ( P.E.T.)

L'expert a retenu une préjudice esthétique temporaire de 2.5/7 en raison du port de la colostomie pendant plusieurs mois.
Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 1 500 €.

b - Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

Le déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) :

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d’existence. Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

Madame [W] fait état de séquelles physiques : douleurs à la ceinture abdominale lors des déplacements et de séquelles psychologiques.

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 3 % en raison des conséquences de la résection recto sigmoidienne et des doléances de Madame [W] s’agissant des douleurs et de la souffrance psychologique. Il relève néanmoins que les conséquences fonctionnelles à long terme de la résection sont négligeables et que l’impétuosité des selles dont Madame [W] a fait état avant déja été notée lors de la coloscopie en 2007.

Il est fait part par ailleurs que Madame [W] présente des troubles variés rassemblés sous le vocable de fibromyalgie ce qui la rend plus vulnérable aux aléas de la vie.
L’examen clinique ne relevait pas d’anomalie de l’appareil loco-moteur ou de la motricité.

Il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 4 200 € vu l'age de la victime (55 ans) à la date de consolidation.

Préjudice esthétique permanent ( P.E.P.):

L'expert a retenu une préjudice esthétique permanent de 1,5/7 en raison des cicatrices au nvieau de l'abdomen (2 cicatrices : cicatrice de la colostomie de 2cm et cicatrice du drain de 1 cm).

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 1 500 €.

Préjudice d’agrément ( P.A.) :

Il vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

L'expert ne retient pas d'impossibilité de pratiquer des sports, Néanmoins, Madame [W] fait état de sa gêne dans la pratique du tango dont elle justifie de la pratique.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 1000€.

Préjudice sexuel

Ce préjudice comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle à savoir : le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir à l’accomplissement de l’acte sexuel qu’il s’agisse de la perte de l’envie ou de la libido, de la perte de capacité physique de réaliser l’acte ou de la perte de la capacité à accéder au plaisir ainsi que le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté de procréer.
L'expert retient un préjudice sexuel par une atteinte à sa féminité et une perte de la libido.
Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 1 000 €.

Sur la créance des tiers payeurs et la répartition des créances:

Dès lors que le droit à indemnisation de demandeur est partiel, il convient d’appliquer les principes suivants posés par les articles L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale et 31 de la loi n° 85-677 du 5 Juillet 1985 modifiée par l’article 25 III et IV de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007:

- les recours subrogatoires des caisses contre les tiers et les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.
- conformément à l’article 1252 ancien du Code Civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation.

- lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales, en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.
- lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie, en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable , pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une indemnisation partielle.

- cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.

- cependant en cas d’accident du travail ou trajet -travail , il résulte de l’article L434-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part ,le déficit fonctionnel permanent. Il s’en déduit que dans la mesure où le montant de la rente excède celui des pertes de revenus et l’incidence professionnelle, elle répare nécessairement, en tout ou en partie, le déficit fonctionnel permanent . En l’absence de préjudice patrimonial, les arrérages échus et le capital représentatif de la rente versée à la victime en application de l’article L434-1 du code de la sécurité sociale s’imputent sur l’indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.

La créance des tiers payeurs au titre des prestations évoquées ci avant pour chaque poste de préjudice s’imputera conformément au tableau ci-aprés:

Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance CPAM
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
14 302,85 €
21,60 €
14 281,25 €
-FD frais divers
87,00 €
87,00 €
0,00 €
- ATP assistance tierce personne
4 212,00 €
4 212,00 €
0,00 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFTP déficit fonctionnel temporaire
1 752,30 €
1 752,30 €

- SE souffrances endurées
8 000,00 €
8 000,00 €

- PET préjudice esthétique temporaire
1 500,00 €
1 500,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
4 200,00 €
4 200,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
1 500,00 €
1 500,00 €

- PA préjudice d'agrément
1 000,00 €
1 000,00 €

- préjudice sexuel
1 000,00 €
1 000,00 €

- TOTAL
37 554,15 €
23 272,90 €
14 281,25 €
Provision

0,00 €

TOTAL aprés provision

23272,9

Après déduction de la créance des tiers-payeurs (14 281,25 €), le solde dû à Madame [W] et à la charge du docteur [C] s’élève à la somme de 23 272,90 €.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du Code Civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Sur les demandes de la CPAM de [Localité 3]

C'est à bon droit que la CPAM de [Localité 3] demande en application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, la condamnation du docteur [C]à lui rembourser la somme de 14 281,25 € au titre des frais exposés pour son assurée social et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Elle est en outre bien fondée dans sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion telle que prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la capitalisation des intérêts

Il sera fait droit à cette demande, dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.

Sur les autres dispositions du jugement

Il n’y a pas lieu de déclarer le jugement commun à la caisse de sécurité sociale régulièrement constituée.

Succombant à la procédure, Le docteur [C] sera condamnée aux dépens. dans lesquels seront inclus les frais antérieurs à l'engagement de l'instance relatifs à l’instance de référé expertise ayant préparé la présente instance.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de la CPAM de [Localité 3] les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner Le docteur [C] à une indemnité de 1000 euros en sa faveur au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit prévue par l’article 514 du code de procédure civile.

Sur la demande tendant à voir “mentionner dans le jugement que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le présent jugement, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application du tarif des huissiers devra être supporté par le docteur [C] en sus de l’article 700 du CPC.”

Cette demande relevant des procédures d’exécution du jugement, il n’y a pas lieu en l’état à faire mention de ces dispositions dans la présente décision.


PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

DECLARE le docteur [C] responsable du préjudice de Madame [W] en raison de sa faute ,

DIT que le droit à indemnisation de Madame [W] est entier

Fixe le préjudice subi par Madame [W], suite à l’accident médical dont elle a été victime le 25/04/2017 à la somme totale de 37 554,15 € suivant le détail suivant :

PREJUDICES PATRIMONIAUX
temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
14 302,85 €
-FD frais divers
87,00 €
- ATP assistance tierce personne
4 212,00 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
temporaires

- DFTP déficit fonctionnel temporaire
1 752,30 €
- SE souffrances endurées
8 000,00 €
- PET préjudice esthétique temporaire
1 500,00 €
permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
4 200,00 €
- PE Préjudice esthétique permanent
1 500,00 €
- PA préjudice d'agrément
1 000,00 €
- préjudice sexuel
1 000,00 €
- TOTAL
37 554,15 €

Condamne Le docteur [C] à payer à Madame [W] la somme de
23 272,90 € au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs ;

Condamne le docteur [C] à payer à la CPAM de [Localité 3] la somme de
14 281,25 € au titre des prestations versées pour le compte de son assuré social, Madame [W] ;

Condamne le docteur [C] à payer à la CPAM de [Localité 3] la somme de 1.162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 ;

Condamne le docteur [C] à payer à la CPAM de [Localité 3] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle qu’en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, Maître PELLE dispose d’un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en, force de chose jugée pour demander le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat et qu’à défaut il est réputé avoir renoncé à celle-ci ;

Dit que les sommes allouées ci dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement avec application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil au profit de la CPAM de [Localité 3]

Condamne le docteur [C] aux dépens, qui comprendront ceux de l’instance ayant donné lieu à l’ordonnance de référé du 31/07/2020 et ses frais d’exécution ainsi que le coût de l’expertise judiciaire lesquels seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle ;

Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;

Rejette les autres demandes des parties.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/03101
Date de la décision : 10/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-10;22.03101 ?
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