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10/04/2024 | FRANCE | N°22/00621

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 10 avril 2024, 22/00621


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 10 Avril 2024
60A

RG n° N° RG 22/00621

Minute n°






AFFAIRE :

[W] [O]
C/
S.A. AIG EUROPE, CPAM DE LA GIRONDE


Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL PUYBARAUD - LEVY
Me Nathalie ROINE
la SELARL SELARL D’AVOCATS COURTOIS




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, j

uge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente ...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 10 Avril 2024
60A

RG n° N° RG 22/00621

Minute n°

AFFAIRE :

[W] [O]
C/
S.A. AIG EUROPE, CPAM DE LA GIRONDE

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL PUYBARAUD - LEVY
Me Nathalie ROINE
la SELARL SELARL D’AVOCATS COURTOIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 14 Février 2024,

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEUR

Monsieur [W] [O]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 7] (CONGO)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Philippe COURTOIS de la SELARL SELARL D’AVOCATS COURTOIS, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES

S.A. AIG EUROPE prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Sophie LEVY de la SELARL PUYBARAUD - LEVY, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Nathalie ROINE, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 8]
[Localité 4]

défaillante

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 27 août 2017, Monsieur [O] était victime d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué un bus assuré auprès de la SA AIG EUROPE, le dit accident lui occasionnant une fracture ouverte de P2 de l’hallux gauche avec plaie interdigitale des 4ème et 5ème orteils (pied gauche). Il était pris en charge par les urgences au CHU PELLEGRIN.

En raison d’un retard de cicatrisation puis d’une infection persistante, il était pris en charge par le Centre des plaies chroniques de la Fondation BAGATELLE où il sera hospitalisé du 06 au 13/11/2017. Il était ensuite pris en charge en SSR Plaies et cicatrisation du 13/11/2017 au 28/11/2017 puis à nouveau hospitalisé au Centre des plaies chroniques de la Fondation BAGATELLE du 28/11/2017 au 13/12/2017. Il était retransféré en SSR Plaies et cicatrisation au sein de l’Hopital [6] du 13/12/2017 au 09/01/2018.

Face à la dégradation de son état, il était hospitalisé du 01/03/2018 au 12/03/2018, et bénéficiait le 03/03/2018 d’une amputation transtibiale. Il intégrait le Centre de rééducation de la Tour de Gassies du 12/03/2018 au 24/09/2018.

Un expertise amiable et contradictoire était réalisée.

Le rapport définitif était adressé le 26 juin 2020.

Par actes des 03 et 06 septembre 2021, Monsieur [O] a fait assigner la SA AIG EUROPE devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de la voir condamner à lui verser une provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance de référé du 10 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a condamné la SA AIG EUROPE à payer à Monsieur [O] la somme provisionnelle de 20 000 € àvaloir sur la réparation de son préjudice corporel s’ajoutant aux provisions déja versées, a débouté la SA AIG EUROPE de sa demande au titre des frais irrépétibles et a condamné la SA AIF EUROPE aux dépens.

Monsieur [O] a, par actes d'huissier délivrés le 30 décembre 2021, fait assigner devant le présent tribunal la SA AIG EUROPE, es qualité d’assureur, pour voir indemniser son préjudice ainsi que, en qualité de tiers payeurs, la CPAM de la Gironde.

La CPAM de la Gironde n’a pas constitué avocat. Il sera statué par jugement réputé contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 09/01/2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 14/02/2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

DEMANDES DES PARTIES

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 04/02/2024, Monsieur [O] demande au tribunal de :
- Condamner la SA AIG Europe es qualité d’assureur du véhicule à verser à Monsieur [O] les sommes suivantes :
* Dépenses de Santé Actuelles 16.918,94€
* Frais Divers avant consolidation 22.164,05€ (dont 6849,61 € au titre de l’ATPT et 15314,44 € au titre des frais d’appart hotel)
* Déficit Fonctionnel Temporaire 14.754€
* Souffrances Endurées 50.000€
* Préjudice Esthétique Temporaire 20.000€
* Déficit Fonctionnel Permanent 65.100€
* Préjudice d’Agrément 30.000€
* Préjudice Sexuel 30.000€
* Dépenses de Santé Futures Mémoire
* Incidence Professionnelle 90.000€
* Préjudice Esthétique Permanent 35.000€
* Frais Divers post consolidation 44.255,64€
* Assistance Tierce Personne Permanente 124.497,43€
Dont à déduire la somme de 155.130 € versée à titre de provision,
- Réserver l’indemnisation des postes de préjudice suivants : Perte de Gains Professionnels Actuels, Perte de Gains Professionnels Futurs, Frais de logement Aménagé,
- Dire que l’ensemble de ces sommes portera intérêts au jour du jugement entrepris,
- Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Déclarer le jugement commun aux organismes sociaux appelés à la cause,
- Condamner la SA AIG Europe à supporter les dépens et à payer à Monsieur [O]
2 500 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 18/10/2023, la SA AIG EUROPE demande au tribunal de fixer le préjudice de Monsieur [O] comme suit :
- Dépenses de santé actuelles : 5 €
- Frais d’appart hôtel : REJET
- Assistance par tierce personne temporaire : 3 565,92 €, à titre subsidiaire : 3 424,81 €
- Pertes de gains professionnels actuels : REJET
- Dépenses de santé futures : REJET
- Pertes de gains professionnels futurs : REJET
- Incidence professionnelle : REJET et à titre subsidiaire : 10 000 €
- Frais divers postérieurs à la consolidation : REJET
- Assistance par tierce personne permanente : 16911,36 € et à titre subsidiaire : 12 155,04 €
- Frais de logement adapté : REJET
- Déficit fonctionnel temporaire : 7 870 €
- Souffrances endurées : 30 000 €
- Préjudice esthétique temporaire : 5 000 €
- Déficit fonctionnel permanent : 52 800 €
- Préjudice esthétique permanent : 7 000 €
- Préjudice d’agrément : REJET
- Préjudice sexuel : REJET
soit la somme totale de 123 152,28 €
- déduire des sommes allouées à Monsieur [O] les provisions d’ores et déjà versées à hauteur de 175 130 € ,
- condamner Monsieur [O] à leur verser la somme de 51 977,72 € au titre du remboursement du trop-perçu ;
- réduire à de plus justes proportions la somme sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture à la date de l’audience de plaidoiries

En application des dispositions de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue. Elle peut être révoquée en cas d’accord des parties.

En l’espèce, vu les dernières conclusions rectificatives notifiées le 14/02/2024, vu l’absence d’opposition des défendeurs constituées et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice , il y a lieu de faire droit à la demande de rabat de l’ordonnance de cloture à la date des plaidoiries.

Sur l’implication du véhicule assuré par AIG EUROPE et le droit à indemnisation de Monsieur [O]

Aux termes de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, les dispositions s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui lui sont propres.

Par ailleurs l’article L124-3 du code des assurances énonce que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

En l’espèce, la SA AIG EUROPE, assureur du véhicule impliqué, ne conteste pas le droit à indemnisation entier de Monsieur [O] et être tenu à cette indemnisation. Il convient en conséquence de le condamner à indemniser son entier préjudice.

Sur la liquidation du préjudice de Monsieur [O]

Le rapport du docteur [I] indique que Monsieur [O] né le [Date naissance 3]/1956 , exerçant la profession de peintre en bâtiment au moment des faits , a présenté suite à l’accident : une fracture ouverte de P2 de l’hallux gauche avec plaie interdigitale des 4ème et 5ème orteils (pied gauche).

Après consolidation fixée au 01/10/2019, l’expert retient un déficit fonctionnel permanent de 30 % en raison de l’amputation transtibiale réalisée suite aux complications infectieuses de la plaie.

Au vu de ce rapport, le préjudice corporel de Monsieur [O] sera évalué ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

I - Préjudices patrimoniaux :

A - Préjudices patrimoniaux temporaires :

Dépenses de santé actuelles (DSA) :

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.

Il s’évince du relevé de débours de la CPAM que cette dernière a exposé entre le 27/08/2017 et le 01/10/2019 pour le compte de son assuré social Monsieur [O] un total de 155 937,18 € (frais hospitaliers, frais médicaux et pharmaceutiques) qu'il y a lieu de retenir.
Entre dans cette créance les frais du fauteuil roulant et des prothèses.

Monsieur [O] fait état des dépenses demeurées à sa charge qu'il convient de retenir à hauteur de : 5 € de franchise (mentionnées sur le décompte de la CPAM ).

Il fait état également de frais réglés à la MSPB BAGATELLE à hauteur de 1 026,18 €. Il ne démontre pas que ces frais soient restés à sa charge.

Par conséquent, il convient de fixer le préjudice de Monsieur [O] au titre des DSA à la somme totale de 155 942,18 € sur laquelle s'imputera la créance du tiers payeur.

2 - Frais divers (F.D.) :

Frais d’hébergement

En l’espèce, Monsieur [O] fait état de ce qu’il a dû engager des frais d’hébergement à sa sortie d’hospitalisation à la Tour de Gassies et avoir pris un appartement en location à partir du 1er novembre 2018. Il verse au soutien de sa demande les factures d’appart’hotel datées de cette période. Il expose que son logement antérieur n’était pas adapté à sa situation de personne à mobilité réduite.
Cependant, c’est justement que la SA AIG EUROPE relève qu’il ne verse aucun justificatif de son hébergement ou domicile avant la dite location, ni au moment des faits ni avant le dommage.

En l’état, faute de pouvoir imputer directement ses frais à son état de santé et donc aux dommages dont il sollicite réparation, il conviendra de rejeter cette demande.

Assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.

Il s’agit du préjudice lié à la nécessité, pour la victime, du fait de son handicap, d’être assistée par une tierce personne, spécialisée (infirmière, kinésithérapeute...) ou non s’agissant notamment du ménage, des actes de la vie courante, d’une incitation ou simple surveillance nocturne. Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.

L’expert a noté que l’état de santé de Monsieur [O] a nécessité dans les suites de son accident une aide essentiellement assurée par son entourage familial ou amical dans les circonstances suivantes:
- 4 h par semaine du 27/08/2017 au 05/11/2017 ,
- 1 h par jour du 10/01/2018 au 28/02/2018 ,
- 3 h par semaine du 25/09/2018 au 01/07/2019.

Monsieur [O] sollicite de retenir un taux horaire de 23 €, et la SA AIG EUROPE sollicite la fixation à 16 € outre subsidiairement de voir déduire l’incidence fiscale.

En l’état, s’agissant d’une aide nécessaire qui ne requiert aucune qualification spécialisée, il sera retenu un taux horaire de 18 €. Il n’y a pas lieu de déduire en tout état de cause l’incidence fiscale.

Vu les conclusions de l’expert, ce poste de préjudice sera réparé à hauteur de la somme de 3764,57 €

Perte de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) :

Elles concernent le préjudice économique de la victime imputable au fait dommageable, pendant la durée de son incapacité temporaire.

En l’espèce, l’expert expose qu’il n’a été justifié d’aucune prescription médicale d’arrêt de travail à la suite des faits. Une prescription médicale a été établie par le centre de la TOUR DE GASSIES le 13/06/2018 jusqu’au 13/09/2018 pour rééducation suite à l’amputation tibiale.
De plus, Monsieur [O] ne justifie pas de ses revenus antérieurs.

Il ressort de la notification des débours définitifs versée aux débats que la CPAM a engagé une somme de 14 608,12 € au titre des indemnités journalières qu’elle a versées à son assuré social du 09/11/2017 au 01/10/2019, somme qui s’impute sur ce poste de préjudice.

Faute de pouvoir quantifier ce préjudice à ce jour, il convient de réserver ce poste d’indemnisation.

B - Les préjudices patrimoniaux permanents :

Sur le barème de capitalisation applicable

Monsieur [O] sollicite l’application du barème de capitalisation proposé et publié par la Gazette du Palais le 31 octobre 2022 et l’application du un taux d’actualisation de -1%.

La SA AIG EUROPE conclue à l’application du barème BCRIV 2021 (Barème de Capitalisation de Référence pour l’Indemnisation des Victimes).

Le barème publié par la gazette du palais du 31 octobre 2022 présente l’avantage d’être fondé sur une espérance de vie actualisée reposant sur les données démographiques disponibles les plus récentes ainsi que sur des données financières économiques actualisées.

L’application de cette table de capitalisation avec un taux d’actualisation de 0 % apparaît la plus pertinente pour permettre un réparation du préjudice sans perte ni profit. Il convient en conséquence de retenir ce barème de capitalisation.

Dépenses de santé futures (DSF) :

Le médecin expert a relevé notamment pour Monsieur [O] des besoins s’agissant du renouvellement des cannes anglaises, du fauteuil roulant et de la prothèse tibiale. Il était également relevé le recours à des traitements antalgiques (TRAMADOL, TENS) pour des douleurs de type “fantôme” et des séances de rééducation.

Monsieur [O] sollicite de mettre en mémoire le poste de préjudice au titre des dépenses de santé futures. Aucun justificatif n’est versé pour justifier du montant de ce préjudice.

En l’état, vu les séquelles de Monsieur [O], ce préjudice est certain.
Cependant, faute de pouvoir apprécier le montant de ce préjudice au jour du délibéré, il sera réservé et non mis en mémoire.

Perte de gains professionnels futurs ( P.G.P.F.)

Il ressort des éléments déclarés à l’expert que Monsieur [O] exerçait la profession de peintre en bâtiment.
Il percevait des indemnités journalières a priori jusqu’à février 2020, de sorte qu’il est effectivement établi qu’il disposait d’une activité professionnelle lors de l’accident, en tout état de cause dans le secteur de la construction/bâtiment, celà n’étant pas a priori contesté.

Vu les séquelles de Monsieur [O], à savoir notamment l’amputation tibiale, mais vu l’absence d’élément permettant en l’état d’apprécier son niveau de revenu antérieur à l’accident et sa situation professionnelle actuelle, il convient de réserver ce poste de préjudice.

Incidence professionnelle (I.P)

Elle correspond notamment au préjudice subi par la victime en raison :
- de sa dévalorisation sur le marché du travail,
- de sa perte de chance professionnelle,
- de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage,
- de l’obligation de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap,
- des frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par la sécurité sociale et/ ou par la victime elle-même,
- de la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap , c’est à dire le déficit de revenus futurs estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

En l'espèce, l'expert a retenu que l'état séquellaire n'était pas compatible avec la reprise de l'acitivité professionnelle antérieure de Monsieur [O]. Il bénéficie d'ailleurs d'une rente d'invalidité catégorie 2.

Monsieur [O] fait valoir la pénibilité accrue, la dévalorisation sur le marché du travail, l'abandon de sa profession, la perte d'évolution de carrière et des droits à la retraite ainsi que l'exclusion du marché du travail.

Vu les séquelles subies et l'activité professionnelle de la victime, est constitué ce préjudice notamment en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte de chance professionnelle, de l’obligation de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage et de la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap.

Il convient néanmoins de relever qu'il était agé de 63 ans à la consolidation, et d'apprécier, au regard de cet élément, l'impact de ce préjudice sur sa situation professionnelle et ses droits à la retraite.

Par conséquent, il convient de fixer ce préjudice à la somme de 30 000 €.

Assistance par tierce-personne (ATP) :

Ces dépenses sont liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne.

En l’espèce, le médecin expert relève qu’au delà du 1er juillet 2019, “au vu du résultat fonctionnel prothétique et de l’aspect clinique”, l’état de santé de Monsieur [O] ne justifie pas l’attribution d’une aide humaine.

Monsieur [O] fait cependant valoir qu’en raison de son handicap, il ne peut porter de charges lourdes, s’occuper de l’entretien de son logement ou faire ses courses, indiquant qu’il ne peut porter sa prothèse constamment. Il est également relevé qu’il ne dispose pas du permis de conduire.

La SA AIG EUROPE propose de retenir une aide à ce titre de 4 heures par mois.

Cette proposition ne permet cependant pas de couvrir la réalité des besoins de Monsieur [O] au vu de son handicap.
Par conséquent, il convient de fixer son besoin à 4 heures par semaine à titre viager comme sollicité par ce dernier.

S’agissant du taux horaire, et d’une aide non spécialisée, il y a lieu de retenir un taux de 18 € / h.

Sur les arrérages échus,

Sur la base d’une année de 412 jours, à un taux horaire de 18€, pour la période du 02/10/2019 au 10/04/2024 : la somme totale de 19 191,62 € lui sera accordée.

Sur les arrérages à échoir

Sur la base d’une année de 412 jours, à un taux horaire de 18 €, Monsieur [O] étant agé de 68 ans au jour de la décision, soit la somme totale de 70 930,79 €.

La somme totale fixée au titre de la tierce personne permanente sera donc de 70 930,79 € + 19 191,62 € soit 90 122,41 €.

Les frais de logement adapté

En l’espèce, l’expertise relève que’en cas d’aménagement dans un logement stable, il devrait pouvoir bénéficier d’un salle de bain avec douche siphon au sol et d’un siège/douche.

Monsieur [O] étant actuellement hébergé en appart’hotel, il convient de réserver ce poste de préjudice.

II - Préjudices extra-patrimoniaux :

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

Déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Calculée sur la base de 27 € par jour pour une DFT à 100%, il doit être arrêté au regard des conclusions de l'expert à :
- pour le déficit fonctionnel temporaire total (100%) du 06/11/2017 au 09/01/2018 soit la somme de 1 755 € et du 01/03/2018 au 24/09/2018 soit la somme de 5 616 €,
- pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 75 % du 10/01/2018 au 28/02/2018, la somme de 1 012,51 € ;
- pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 50 % du 27/08/2017 au 05/11/2017 soit la somme de 958,50 € et du 25/09/2018 au 01/07/2019 soit la somme de 3 780 €,
- pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 40 % du 02/07/2019 au 01/10/2019.
, soit la somme de 993,60 €.
Soit la somme totale de 14 115,60 €.

Souffrances endurées (SE) :

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

L'expert les a évalué à 5/7 en raison notamment du traumatisme initial suite aux faits et leur suite thérapeutique, la longue prise en charge, l’amputation et le séjour en centre de rééducation.
Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 40 000 €.

Préjudice esthétique temporaire ( P.E.T.)

L'expert a retenu une préjudice esthétique temporaire jusqu'à la finalisation de l'appareillage.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 8 000 €.

B - Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

Le déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) :

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d’existence. Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 30% pour les raisons ci avant rappelées.
Monsieur [O] étant agé de 63 ans à la date de consolidation, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 55 000 € .

Préjudice esthétique permanent ( P.E.P.):

L'expert a retenu une préjudice esthétique permanent de 3/7. Il apparait néanmoins que Monsieur [O] a subi une amputation transtibiale, est équipé d'une prothèse et de cannes, ainsi que d'un fauteuil roulant.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 25 000 €.

Préjudice d’agrément ( P.A.) :

Il vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

En l’espèce, Monsieur [O] a déclaré pratiquer avant l’accident le footing d’entretien. Il fait également état de ce qu’il aimé voyager notamment au Congo dans son pays d’origine ou aller chez des amis. Il fait état des possibilités désormais limiter pour ses déplacements.

L'expert retient l'impossibilité de pratiquer le footing au vu de la situation clinique et de l’appareillage dont Monsieur [O] bénéficie.

Cependant, aucun justificatif n’est versé pour justifier de ces activités et l’expert a par ailleurs relevé l’absence d’activité spécifique de loisir à l’époque des faits selon les premières déclarations de Monsieur [O].

Dès lors, faute de démontrer l’existence d’un préjudice spécifique à ce titre, il convient de rejeter la demande.

Préjudice sexuel

Ce préjudice comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle à savoir : le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir à l’accomplissement de l’acte sexuel qu’il s’agisse de la perte de l’envie ou de la libido, de la perte de capacité physique de réaliser l’acte ou de la perte de la capacité à accéder au plaisir ainsi que le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté de procréer.
L'expert ne fait pas état dans ses conclusions d’un préjudice sexuel.

Néanmoins, vu le handicap de Monsieur [O], il y a lieu de retenir notamment une gêne positionnelle. Monsieur [O] fait par ailleurs état de l’impact de son apparence sur sa libido et ses relations avec son épouse. Il est relevé dans le rapport d’expertise qu’il est divorcé.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 10 000 €.

Les frais divers : factures d’appart’hotel

Monsieur [O] fait valoir qu’il réside en appart’hotel depuis sa sortie de rééducation. Il demande à être indemnisé au titre des frais engagés à ce titre.
Il ne justifie cependant pas de son logement précédent les faits ou de ses conditions d’hébergement à sa sortie d’hospitalisation.
En l’état, s’il a été relevé la nécessité d’aménagements au sein du logement pour Monsieur [O] par l’expert, il n’est pas possible d’imputer les frais d’appart’hotel à l’accident et au dommage subi, s’agissant d’un choix d’hébergement de ce dernier.

Par conséquent, la demande aux fins de voir fixer le préjudice de Monsieur [O] au titre des fractures échus depuis la consolidation et de l’attribution d’une rente capitalisée s’agissant des frais futurs, sera rejetée.

Sur la créance des tiers payeurs et la répartition des créances :

Dès lors que le droit à indemnisation de demandeur est partiel, il convient d’appliquer les principes suivants posés par les articles L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale et 31 de la loi n° 85-677 du 5 Juillet 1985 modifiée par l’article 25 III et IV de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007:

- les recours subrogatoires des caisses contre les tiers et les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

- conformément à l’article 1252 ancien du Code Civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation.

- lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales, en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

- lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie, en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable , pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une indemnisation partielle.

- cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.

-cependant en cas d’accident du travail ou trajet -travail , il résulte de l’article L434-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part ,le déficit fonctionnel permanent. Il s’en déduit que dans la mesure où le montant de la rente excède celui des pertes de revenus et l’incidence professionnelle, elle répare nécessairement, en tout ou en partie, le déficit fonctionnel permanent . En l’absence de préjudice patrimonial, les arrérages échus et le capital représentatif de la rente versée à la victime en application de l’article L434-1 du code de la sécurité sociale s’imputent sur l’indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.

La créance des tiers payeurs au titre des prestations évoquées ci avant pour chaque poste de préjudice retenu s’imputera conformément au tableau ci-aprés :

Evaluation du préjudice
PREJUDICES PATRIMONIAUX
temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
155 942,18 €
-FD frais divers
0,00 €
- ATP assistance tierce personne
3 764,57 €
-PGPA perte de gains actuels
RESERVE
permanents

- DSF dépenses de santé futures
RESERVE
- frais de logement adapté
RESERVE
- ATP assistance tiers personne
90 122,41 €
- PGPF perte de gains professionnels futurs
RESERVE

- IP incidence professionnelle
30 000,00 €
frais divers
0,00 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
temporaires

- DFTP déficit fonctionnel temporaire partiel
14 115,60 €
- SE souffrances endurées
40 000,00 €
- PET préjudice esthétique temporaire
8 000,00 €
permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
55 000,00 €
- PE Préjudice esthétique permanent
25 000,00 €
- PA préjudice d'agrément
0,00 €
- préjudice sexuel
10 000,00 €
- TOTAL
431 944,76 €

Après déduction de la créance des tiers-payeurs imputable sur les DSA, (155 937,18 €), le solde dû à Monsieur [O] et à la charge de la SA AG EUROPE, s’élève à la somme de 276 007,58 €.
Faute de pouvoir apprécier le montant des provisions effectivement versées par la compagnie d'assurance, il convient de dire que cette somme sera versée en deniers et quittances.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du Code Civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

L’organisme social n'a formulé aucune demande, ce qui laisse présumer qu'il a été ou sera désintéressé dans le cadre des dispositions du Protocole de 1983 ou de celui prévu à l’article 376-1 alinéa 6 du Code de la Sécurité Sociale modifié par la loi du 21 Décembre 2006.

Sur les autres dispositions du jugement

Il n’y a pas lieu de déclarer le jugement commun à la caisse de sécurité sociale, régulièrement assignée qui, bien que non constituée, n’en a pas moins la qualité de partie à l’instance.

Succombant à la procédure la SA AIG EUROPE sera condamnée aux dépens.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [O] les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamnerla SA AIG EUROPE à verser à Monsieur [O] à une indemnité en sa faveur de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit prévue par l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

ORDONNE le rabat de l’ordonnance de clôture au jour de l’audience des plaidoiries ;

DIT que le droit à indemnisation de Monsieur [O] est entier ;

FIXE le préjudice subi par Monsieur [O], suite à l’accident dont il a été victime le 27/08/2017 à la somme totale de 431 944,76 € suivant le détail suivant :

PREJUDICES PATRIMONIAUX
temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
155 942,18 €
-FD frais divers
0,00 €
- ATP assistance tierce personne
3 764,57 €
-PGPA perte de gains actuels
RESERVE
permanents

- DSF dépenses de santé futures
RESERVE
- frais de logement adapté
RESERVE
- ATP assistance tiers personne
90 122,41 €
- PGPF perte de gains professionnels futurs
RESERVE
- IP incidence professionnelle
30 000,00 €
frais divers
0,00 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
temporaires

- DFTP déficit fonctionnel temporaire partiel
14 115,60 €
- SE souffrances endurées
40 000,00 €
- PET préjudice esthétique temporaire
8 000,00 €
permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
55 000,00 €
- PE Préjudice esthétique permanent
25 000,00 €
- PA préjudice d'agrément
0,00 €
- préjudice sexuel
10 000,00 €
- TOTAL
431 944,76 €

CONDAMNE la SA AIG EUROPE à payer à Monsieur [O] la somme de 276 007,58 € au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs ;

DIT que cette somme sera payée en deniers et quittances selon les provisions préalablement versées par la SA AIG EUROPE ;

CONDAMNE la SA AIG EUROPE à payer à Monsieur [O] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les sommes allouées ci dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement

CONDAMNE la SA AIG EUROPE aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;

REJETTE les autres demandes des parties.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00621
Date de la décision : 10/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-10;22.00621 ?
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