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10/04/2024 | FRANCE | N°20/08434

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 10 avril 2024, 20/08434


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 10 Avril 2024
58G

RG n° N° RG 20/08434

Minute n°




AFFAIRE :

[W] [A]
C/
Société METLIFE, [B] [P] veuve [C]






Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL B.G.A.
la SCP RAFFIN & ASSOCIES
la SCP RAFFIN ET ASSOCIES
la SELARL TOSI




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame F

anny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier prés...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 10 Avril 2024
58G

RG n° N° RG 20/08434

Minute n°

AFFAIRE :

[W] [A]
C/
Société METLIFE, [B] [P] veuve [C]

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL B.G.A.
la SCP RAFFIN & ASSOCIES
la SCP RAFFIN ET ASSOCIES
la SELARL TOSI

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 14 Février 2024,

JUGEMENT:

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [W] [A]
née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Anne TOSI de la SELARL TOSI, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES

Société METLIFE société de droit étranger prise en la personne de sa succursale sise [Adresse 8] prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 1]
99136 IRLANDE

représentée par Maître Laurent CAZELLES de la SCP RAFFIN ET ASSOCIES, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Maître Patricia LE TOUARIN-LAILLET de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

Madame [B] [P] veuve [C]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 6]

représentée par Maître Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A., avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DU LITIGE

Madame [A] était associée à Monsieur [L] [C], époux de Madame [P], au sein des sociétés d’expertise-comptable et de commissariat aux comptes ACM et FIDUCIAIRE EXPERTS.

Monsieur [C] et Madame [A] avaient respectivement souscrits des contrats d’assurance décès afin de leur permettre, en cas de décès de l’un ou de l’autre, de racheter les parts de l’associé prédécédé : à savoir les contrats : AGF “décès-accident” ALLIANZ, CIPRES, et APRIL “décès-accident.

Des promesses de cession croisées de parts étaient établies entre Monsieur [C] et Mademoiselle [A], et signées le 23 février 2012.

Le 25 février 2012, Monsieur [C] par dispositions testamentaires, désignait Madame [A] comme bénéficiaire en cas de décès, aux fins de lui permettre, sous un certain délai, de se porter acquéreur des titres détenus dans les sociétés ACM, FIDUCIAIRE EXPERTS, et [C] ET ASSOCIES, la valeur desdites parts devant correspondre à la promesse de cession de parts régularisée pour chacune de ces sociétés.

Les promesses de cession de parts étaient enregistrées le 13 mars 2012.

Le 15 octobre 2012, suite à l’acquisition d’un nouveau cabinet comptable, un nouveau contrat d’assurance vie portant sur un capital de 600 000 euros était souscrit par Monsieur [C] auprès de la compagnie METLIFE ASSURANCES, le bénéficiaire étant désigné sous la formule « selon testament déposé chez le notaire Maître [H] [E] [Localité 7] ».

En août 2016, Monsieur [C] se voyait diagnostiquer un cancer du pancréas. Il était hospitalisé le 28 juin 2017 à l’hôpital [11].

Le 29 juin 2017, par l’intermédiaire du courtier, la société DESCUDET, mandataire de Monsieur [C] et de la société FIDUCIAIRE EXPERTS, il était sollicité auprès de la société METLIFE la modification de la clause bénéficiaire en cas de décès. Il était fait le choix de désigner Madame [B] [P], épouse [C]. La clause bénéficiaire était rédigée dans les termes ci-après : « Mon conjoint, Madame [C] [B], née [P] le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 10] (33), le solde éventuel à la société FIDUCIAIRE EXPERTS ».

Monsieur [L] [C] décédait à [Localité 6] le [Date décès 9] 2017.

Madame [W] [A] faisait savoir le 27 juillet 2017 qu’elle entendait procéder au rachat des parts de Monsieur [L] [C] au sein des sociétés d’expertise comptable ACM, FIDUCIAIRE EXPERTS et [C] ET ASSOCIES.

Elle contestait par courrier auprès de la société METLIFE la validité du changement de la clause bénéficiaire intervenu le lendemain de l’hospitalisation de Monsieur [C] et quelques jours avant son décès.

Le 20 mars 2018, Madame [A] se portait acquéreur des parts des sociétés désignées pour un prix de 2 541 870 euros, financés à l’aide du capital décés perçu des contrats des trois compagnies d’assurance ALLIANZ, CIPRES et APRIL et d’un prêt contracté auprès de la BANQUE COURTOIS pour un montant de 500 000 euros.

Contestant la validité du changement de la clause bénéficiaire du contrat assurance-vie METLIFE, par Monsieur [C], Madame [A] a saisi le Juge des référés par application des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile d’une demande d’organisation d’une expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 16 juillet 2018, le Juge des référés a désigné le docteur [N] [S]
avec mission de rechercher si, à la date du 29 juin 2017, Monsieur [C] présentait une altération totale ou partielle de son discernement et s'il était en mesure d'exprimer une volonté propre et éclairée.

Par ordonnance du 26 avril 2019, le docteur [G] [J], neurologue, a été commise en remplacement. L’expert déposait son rapport le 21 juillet 2020.

Par actes délivrés les 27 et 30 octobre 2020, Madame [A] a assigné Madame [P] et la METLIFE devant la présente juridiction aux fins notamment de voir prononcer la nullité du document du 29 juin 2017 opérant changement de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance METLIFE souscrit par Monsieur [C], ordonner le versement de la somme due en exécution du contrat à Madame [A] et condamner Madame [P] veuve [C] à lui verser des dommages intérêts.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du14 février 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 21/02/2023, Madame [A] demande au tribunal de :
- PRONONCER la nullité du document en date du 29 juin 2017 opérant changement de la clause
bénéficiaire du contrat d’assurance METLIFE souscrit par Monsieur [C] sous le n° de Police S200317358,
- ORDONNER au séquestre judiciaire entre les mains duquel le capital garanti a été versé par la compagnie METLIFE de libérer les fonds au profit de Madame [A] en exécution du contrat d’assurance-vie souscrit par Monsieur [C],
- CONDAMNER Madame [P] veuve [C] à payer à Madame [A] une somme de 16 347,62 € à parfaire, au titre des frais bancaires supportés pour la souscription d’un emprunt, - CONDAMNER Madame [P] veuve [C] à payer à Madame [A] une somme de 40 000 € au titre de son préjudice moral,
- DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

- CONDAMNER Madame [P] veuve [C] à payer à Madame [A] une somme de 10 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER Madame [P] veuve [C] aux entiers dépens des instances de référé et de fond, en ce inclus les frais d’expertise judiciaire.

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 08/12/2023, Madame [P] veuve [C] demande au tribunal de :
- DECLARER irrecevables les demandes de Madame [A] pour défaut d’intérêt à agir,
- DEBOUTER Madame [A] de ses demandes,
- à défaut : JUGER valable le document du 29/06/2017,
- ORDONNER la libération des fonds au profit Madame [P] veuve [C],
- CONDAMNER la société METLIFE à verser à Madame [P] veuve [C] les sommes dues en exécution du contrat,
- à titre subsidiaire :
ORDONNER la libération entre les mains de Maître [Y] Notaire en charge du règlement de la succession de Monsieur [C] par le séquestre judiciaire des sommes dues en exécution du contrat METLIFE,
- CONDAMNER la société METLIFE à remettre les sommes à Me [Y],
en toute hypothèse,
- CONDAMNER Madame [A] à payer à Madame [P] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- CONDAMNER Madame [A] à payer à Madame [P] la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du cpc et aux entiers dépens,
- DIRE n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 17/01/2023, la compagnie METLIFE demande au tribunal de :
- REJETER toute demande tendant à lui ordonner de verser les sommes dues en exécution du contrat d’assurance
- AUTORISER, sur décision judiciaire définitive se prononçant sur la validité de la modification de la clause bénéficiaire, la partie dont les droits seront ainsi reconnus à demander au séquestre la libération du capital garanti à son profit,
- CONDAMNER toute partie défaillante aux entiers dépens de l’instance sur le fondement de l’article 699 du CPC.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la fin de non recevoir soulevée par Madame [P] épouse [C]

En vertu de l’article 789 6° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

En l’espèce, Madame [P] invoque la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Madame [A]. Elle se fonde sur le fait que la clause bénéficiaire litigieuse du contrat d’assurance-vie METLIFE ne renvoie nullement à l’identification de cette dernière, qui ne pourrait pas dès lors, et ce en tout état de cause, se voir verser les fonds attachés au contrat d’assurance-vie METLIFE.

En l’état, au-delà de la difficulté d’identification du bénéficiaire de la clause, il doit être relevé que le juge de la mise en état était seul compétent pour statuer sur cette fin de non recevoir soulevée par Madame [P] du fait du défaut d’intérêt à agir de la demanderesse.

Par conséquent, il convient de déclarer irrecevable la demande à ce titre.

II - Sur la nullité du document du 29 juin 2017 modifiant la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie contracté auprès de la société METLIFE

L’article 1128 du code civilé énonce que sont nécessaires à la validité d'un contrat :
1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;
3° Un contenu licite et certain.

En vertu des dispositions de l’article L132-8 alinéa 6 du code des assurances, en l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire.

Ainsi, il résulte de ses dispositions que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, et que cette modification sera valable à condition qu’il puisse être établi qu’au vu de l'ensemble des circonstances extérieures ayant entouré la signature de l’avenant, sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque.

En l’espèce, Madame [A] allègue de la nullité de la modification de la clause bénéficiaire aux motifs que les circonstances d’intervention de cette modification, et l’état de santé de Monsieur [C], ne permettent pas d’établir que sa volonté s’est exprimée de manière certaine et non équivoque. Elle évoque notamment les conclusions du rapport d’expertise évoquant la très probable altération de son état de conscience, l’importance de la médication, le contenu difficilement lisible et l’écriture incertaine sur l’avenant signé par Monsieur [C] et l’état de fatigue avancée de ce dernier constaté par des témoins, ayant notamment porté assistance pour répondre aux messages téléphoniques qu’il avait reçus.

Madame [P] veuve [C] reproche à la demanderesse de ne pas rapporter la preuve de l’absence de volonté certaine et non équivoque. Elle fait valoir de son coté le rapport non concluant de l’expert sur l’absence de volonté certaine et non équivoque, la présence de témoignages de proches ayant des compétences médicales ou juridiques ayant pu constater la qualité des échanges avec Monsieur [C] le jour du 29 juin 2017 et l’attestation du Dr [U] qui déclare que l’état de conscience de Monsieur [C] était préservé jusqu’au 29 juin.

En l’état, le contenu de l’avenant montre des traces de “flapping”, c’est à dire un affaiblissement des fonctions neuro-motrices, qui peuvent témoigner de la fragilité de l’état de Monsieur [C] lors de la signature. Cet élément n’est pas en soi suffisant pour apprécier son état de conscience et doit être mis en relation avec les circonstances extérieures à la signature.

À ce titre, les témoignages versés par les deux parties montrent que l’état de Monsieur [C] a pu varier selon les jours et heures dans les jours ayant précédé sa mort. Le compte-rendu de consultation expertale unilatérale du docteur [F] versée par Madame [P] mentionne notamment la “grande variabilité de l’état de conscience des patients dans ces phases rapidemment changeantes”, renvoyant aux constatations de l’équipe médicale présente le jour concerné pour une lecture la plus impartiale de la situation.

De plus, les conclusions du médecin expert ne permettent pas d’établir avec certitude l’état de conscience de Monsieur [C] au moment de la signature du document. Le Dr [J] constate la présence d’une encéphalopathie hépatique qui par nature peut causer des troubles cognitifs subtils et fluctuants, et d’un traitement antalgique ayant eu de possibles conséquences sur son état de vigilance et sa cognition. Il relève que les différentes constatations faites par le personnel médical attestent de la qualité fluctuante de son état de conscience, ce qui explique que pour la même journée du 29 juin 2017 le docteur [D] ait noté la confusion du patient alors que le docteur [U] a fait état de son état de conscience préservé. En tout état de cause, il conclut qu’il était peu probable qu’il posséda à ce moment toutes ses capacités intellectuelles pour effectuer l’acte en pleine conscience.

Ainsi, les constatations diverses pour la même période et au cours de la même journée, permettent d’émettre un doute sérieux quant à l’état de Monsieur [C] sur la continuité de la journée du 29 juin 2017 et donc lors de la signature du document intervenu ce jour. Dès lors, il ne peut être considéré au vu de l’ensemble de ces éléments qu’il disposait d’une volonté certaine et non équivoque à l’instant de la signature du document, ce changement rompant par ailleurs assez abruptement le principe des engagements réciproques entre associés dans lesquels intervenait le contrat d’assurance vie litigieux.

En conséquence, faute de pouvoir établir la volonté certaine et non équivoque de Monsieur [C] lors de la signature du document de changement de clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie METLIFE, il convient d’en constater la nullité.

III - Sur la libération des fonds sous séquestre,

La nullité du changement de clause bénéficiaire, justifie d’ordonner l’application du contrat d’assurance vie dans sa rédaction initiale.

Ainsi, il est relevé le renvoi explicite au testament de Monsieur [C] ayant nommé Madame [A] comme bénéficiaire des capitaux des contrats d’assurance vie et le choix de la case bénéficiaire “associé” et non celui de la clause type (conjoint, enfant). Par conséquent, il convient d’ordonner le séquestre à verser les fonds à Madame [A]. Il n’y a pas lieu d’ordonner le versement des sommes par la société METLIFE, laquelle justifie du versement de la somme de 600000€ au batonnier de l’ordre des avocats de Bordeaux en exécution de l’ordonnance de référé du 16 juillet 2018.

IV - Sur les demande en réparation du préjudice financier et moral formées par Madame [A]

En vertu de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, Madame [A] forme une demande en réparation d’un préjudice financier qu’elle dit avoir subi du fait de la signature d’un contrat de prêt aux fins d’acquisition des parts sociales auprès des héritiers de Monsieur [C] faute de bénéficier du capital suffisant au rachat des parts. Elle justifie avoir du engager des frais pour contracter un prêt à hauteur de 500 000 €. De plus, elle expose avoir subi un préjudice moral en ce qu’elle aurait souffert du fait du manque de ce capital, une désorganisation de l’entreprise et une atteinte à sa réputation professionnelle.

Elle invoque les manœuvres de Madame [P] veuve [C] pour s’approprier les fonds issus du contrat METLIFE, au mépris de la volonté du défunt et sans aucune considération pour les conséquences en résultant pour Madame [A].

Or, si Madame [P] veuve [C] était présente lors de la signature du changement de clause bénéficiaire, et qu’elle aurait effectivement bénéficié de ce changement, il n’est pas démontré qu’elle ait encouragé ou abusé de l’état de conscience ou de vulnérabilité de son époux pour son propre bénéfice.

Ainsi, faute de pouvoir démontrer l’existence d’une faute de la part de Madame [P] veuve [C], il convient de constater que les conditions prévues au titre de l’article 1240 du code civil ne sont pas réunies.

Madame [A] sera déboutée de sa demande en réparation de préjudice financier et moral.

V- Sur la demande de Madame [P] veuve [C] en réparation de son préjudice moral,

Madame [P] veuve [C] sollicite la réparation de son préjudice moral en ce qu’elle aurait subi les agressions répétées de Madame [A] qui contestait les dispositions prises par son époux.

Il convient de relever que Madame [P] veuve [C] a été déboutée de ses demandes et ne démontre par d’intention dolosive de la part de Madame [A].

Vu les dispositions précitées, vu le prononcé de la nullité du changement de bénéficiaire et Madame [P] veuve [C] ne démontrant pas l’existence d’une faute de la part de Madame [A], il convient de rejeter la demande en réparation du préjudice moral allégué par Madame [P] veuve [C].

VI - Sur les autres demandes,

a - Sur les dépens,

Succombant à la procédure, Madame [P] veuve [C] sera condamnée aux dépens,
dans lesquels seront inclus les frais antérieurs à l'engagement de l'instance relatifs à l’instance de référé expertise ayant préparé la présente instance.

b - Sur les demandes au titre des frais irrépétibles,

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, vu les circonstances de l’affaire, l’équité commande de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles par Madame [A] et par Madame [P] veuve [C].

c - Sur l’exécution provisoire

Il n’y a pas lieu d’écarter les dispositions de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

DECLARE IRRECEVABLE la demande de Madame [P] veuve [C] tendant à statuer sur la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Madame [A] ;

PRONONCE la nullité de l’avenant du 29 juin 2017 portant changement de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance METLIFE souscrit par Monsieur [C] sous le n° de Police S200317358

DIT que les fonds seront versés à Madame [W] [A] en application dudit contrat par le batonnier de l’ordre des avocats de Bordeaux auprés duquel les fonds ont été séquestrés en exécution de l’ordonnance de référé du 16 juillet 2018

DEBOUTE Madame [A] de sa demande tendant à voir condamner Madame [P] veuve [C] à lui verser la somme de 16 347,62 € au titre de son préjudice financier ,

DEBOUTE Madame [A] de sa demande tendant à voir condamner Madame [P] veuve [C] à lui verser la somme de 40 000 € au titre de son préjudice moral ;

DEBOUTE Madame [P] veuve [C] de sa demande tendant à voir condamner Madame [A] à lui verser la somme de 50 000 € au titre de son préjudice moral ;

REJETTE la demande de Madame [A] tendant à voir condamner Madame [P] veuve [C] à lui verser la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles ;

REJETTE la demande de Madame [P] veuve [C] tendant à voir condamner Madame [A] à lui verser la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE Madame [P] veuve [C] aux entiers dépens en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais d’expertise ;

REJETTE toute autre demande des parties.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/08434
Date de la décision : 10/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-10;20.08434 ?
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