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09/04/2024 | FRANCE | N°22/01297

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 7ème chambre civile, 09 avril 2024, 22/01297


N° RG 22/01297 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WIPP

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 09 Avril 2024
54G

N° RG 22/01297
N° Portalis DBX6-W-B7G-WIPP

Minute n° 2024/





AFFAIRE :

SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN
C/
S.A. GAN ASSURANCES










Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
Me Sophie PASTURAUD



COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et

du délibéré :

Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Présidente,
statuant en Juge Unique.

Lors des débats et du prononcé : Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier

DEBATS :

à l’audience publique du 13...

N° RG 22/01297 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WIPP

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 09 Avril 2024
54G

N° RG 22/01297
N° Portalis DBX6-W-B7G-WIPP

Minute n° 2024/

AFFAIRE :

SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN
C/
S.A. GAN ASSURANCES

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
Me Sophie PASTURAUD

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Présidente,
statuant en Juge Unique.

Lors des débats et du prononcé : Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier

DEBATS :

à l’audience publique du 13 Février 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Sophie PASTURAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDERESSE

S.A. GAN ASSURANCES en sa qualité d’assureur de la Société CONCEPT ET DECO
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
La SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN a fait procéder à l’édification d’une résidence pour personnes âgées sise [Adresse 4].

Une assurance dommages ouvrage avait été souscrite auprès de la Société COVEA RISKS au droits de laquelle sont venues ensuite les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES.

La maîtrise d’œuvre a été confiée au Cabinet d’Architecture MOON-SAFARI (la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN venant aux droits de la Société HF SIXTINE et la Société MOON SAFARI venant aux droits de la Société AIR ARCHITECTES).

La SARL CONCEPT ET DECO, assurée auprès de la SA GAN ASSURANCE, s’est vue confier suivant contrat du 29 septembre 2014, les lots plâtrerie, isolation, plafonds, peinture, menuiseries intérieures, revêtements de sols et faïences.

Une réception des lots confiés à la SARL CONCEPT ET DECO est intervenue le 6 novembre 2015, avec réserves.

Se plaignant de désordres, la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN a, par acte en date du 16 avril 2018, fait assigner en référé la SARL CONCEPT ET DECO aux fins de désignation d’un expert Judiciaire. Par ordonnance en date du 1er juin 2018, il a été fait droit à sa demande et un premier expert, ultérieurement remplacé par Monsieur [C], a été désigné en qualité d’expert.

Par ordonnance de référé en date du 3 juin 2019, les opérations d’expertise ont été rendues communes à la SA GAN ASSURANCES et aux MUTUELLE DE POITIERS, assureur de la SARL CEVO SOLS, sous traitant de la SARL CONCEPT ET DECO.

La SARL CONCEPT ET DECO a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de liquidation judiciaire.

Par ordonnance de référé en date du 25 mai 2020, les opérations d’expertise ont été rendues opposables à la SA MMA IARD et à la Société MMA ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la Société COVEA RISKS, assureur dommage-ouvrage.

Monsieur [C] a déposé son rapport le 9 septembre 2021.

Suivant acte signifié les 1er et 2 février 2022, la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN a fait assigner au fond devant le tribunal judiciaire les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA GAN ASSURANCES aux fins de réparation d 'un préjudice.

Par ordonnance en date du 8 avril 2023, le Juge de la mise en état a fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES tirée de la prescription biennale de l’action de la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN et a déclaré irrecevables ses demandes dirigées à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2024, la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN, demande au Tribunal de :

Vu les articles 1147 et suivants du Code Civil, Vu les articles 1792 et suivants du Code Civil,
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a) A titre principal, DIRE ET JUGER que la responsabilité décennale de la Société CONCEPT ET DECO est engagée. Par conséquent, CONDAMNER la Société GAN ASSURANCES à la garantir au titre de la responsabilité décennale.
b) A titre subsidiaire, DIRE ET JUGER que la Société CONCEPT ET DECO engage sa responsabilité contractuelle. Par conséquent, CONDAMNER la Société GAN ASSURANCES à la garantir.
En toute hypothèse,
- CONDAMNER la Société GAN ASSURANCES, es qualité d’assureur de la Société CONCEPT ET DECO au paiement de la somme de 57 741, 97 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant des travaux réparatoires indexés sur l’indice BT01 à compter du dépôt du rapport d’expertise du 9 septembre 2021.
- LA CONDAMNER au paiement de la somme de 17 571,96 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au préjudice d’exploitation de la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN.
- LA CONDAMNER au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 CPC.
- LA CONDAMNER aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
- MAINTENIR l’exécution provisoire.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2024, la SA GAN ASSURANCES demande au Tribunal de :

DEBOUTER la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN de l’ensemble de ses réclamations dirigées à l’encontre de la SA GAN ASSURANCES
CONDAMNER la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN à verser à la SA GAN ASSURANCES la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, DECLARER opposable à la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN la franchise prévue au contrat n°131227586 et déclarer la SA GAN ASSURANCES recevable et bien fondée à déduire le montant de sa franchise contractuelle de l’indemnité due soit 10% avec un minimum de 0,45 l’indice BT01 et un maximum de 3,04 l’indice BT01.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2024

MOTIFS :

En application de l'article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
L'action en responsabilité se prescrit par 10 ans à compter de la réception des travaux et le désordre doit être caché au moment de la réception.
Si les dommages invoqués ne revêtent pas un caractère décennal, le maître de l'ouvrage peut rechercher la responsabilité contractuelle de droit commun, prévue par l'article 1147 du code civil aux termes duquel « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part », étant rappelé que ce recours de nature contractuelle impose de rapporter l’existence d’un manquement, d'un préjudice et d'un lien causal dt.

Sur les désordres :

Sur le défaut d'écoulement de l'eau dans les salles de bain :

L’expert judiciaire a constaté un défaut d’écoulement des eaux dans la salle d’eau des chambres suivantes : n°2 au rez-de-haussée, n°101, 102, 103, 105, 106, 107, 108, 109 et 112 au 1er étage, et n°204 et 207 au 2ème étage du bâtiment. Il a précisé que dans ces chambres « le problème d’évacuation des eaux de la douche » inondait la salle d’eau, que « l’eau se propage dans l’ensemble de la pièce avant de s'évacuer vers le siphon de sol du coin douche ». L'expert indique que les pentes nécessaires au bon fonctionnement des eaux des douches n'ont pas été effectuées selon les règles de l'art.

Interrogé sur la date d’apparition de ce sinistre, l'expert indique qu'elle « est la suivante : Dans les salles d’eau des chambres, la réception des travaux du 6 novembre 2015 fait état de ces défauts d’écoulement des eaux ».

La SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN fait valoir que ce désordre n'était pas apparent à la réception dans la mesure où il s'est révélé dans son ampleur et ses conséquences par la suite, consécutivement à l'entrée dans les lieux des occupants de la résidence pour personnes âgées lorsque les douches ont été utilisées.

La SA GAN ASSURANCES soutient que les désordres étaient apparents à la réception.

Le procès-verbal de réception du 6 novembre 2015 mentionne que « les pentes des sols des salles de bains ne sont pas concluantes » et qu’après test de l'écoulement de l'eau dans ces dernières, il est apparu que l’eau stagne. Il est ajouté au procès-verbal « les pentes d'évacuation de l'eau ne sont pas continues. La MOA met en réserve l'ensemble des sols des sdb. Les sols des sdb doivent être repris au cas par cas ».

La description de ce désordre correspond très exactement à celle qui en est faite par l'expert. En outre, la réserve mentionne l'ensemble des sols des salles de bain. Il ne peut être soutenu que le désordre n'est apparu dans toute son ampleur que par la suite lorsque les résidents ont aménagé, dans la mesure où le risque induit de chutes pour les personnes âgées était prévisible et inhérent au désordre dès le constat de la stagnation d'eau. En outre, les constatations de l'expert ne révèlent pas un désordre d'ampleur significativement plus importante que celui constaté à la réception, l'inondation de la pièce d'eau n'étant que la manifestation concrète du défaut d'évacuation des eaux.

En conséquence, le désordre était apparent à la réception et ne peut relever de la garantie décennale sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

L’expert judiciaire a indiqué que le problème d'écoulement des eaux dans les salles de bain provenait d'un défaut d'exécution des chapes supports du revêtement de sol, que les formes de pente vers les siphons auraient dues être plus prononcées et qu'en outre, dans certains cas, il avait constaté une mauvaise mise en œuvre des siphons de sol, qui formaient un point haut, empêchant l'évacuation des eaux et provoquant des stagnations d'eau permanentes. L'expert a conclu que le désordre provient de la mauvaise mise en œuvre des chapes par l'entreprise qui n’a pas respecté les pentes selon les règles de l’art, ni les préconisations de pose de l’avis technique du fabricant de revêtement de sols. En conséquence, la SARL CONCEPT ET DECO qui a réalisé les travaux, constructeur tenu à une obligation de résultat, a commis des malfaçons et manquements qui engagent sa responsabilité contractuelle.

La SA GAN ASSURANCES fait valoir que sa garantie n'est pas due en ce que la garantie responsabilité civile souscrite par la SARL CONCEPT ET DECO ne peut être mobilisée en raison d'une clause d'exclusion du coût de la réparation des ouvrages ou travaux réalisés par l'assuré ou son sous traitant.

Il résulte des dispositions particulières de la police souscrite que la SARL CONCEPT ET DECO a souscrit une garantie responsabilité civile après achèvement des travaux qui couvre les dommages corporels, matériels (y compris aux existants) et immatériels consécutifs à des travaux garantis. Ces dispositions particulières renvoient aux conditions générales A5200 et aux conventions spéciales. Les conventions spéciales produitent qui font référence aux conditions générales A5200 mentionnent que sont garanties au titre de cette responsabilité civile après achèvement des travaux les conséquences financières en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés aux tiers (y compris les clients) (...) après achèvement des ouvrages et travaux et “ayant pour origine :
- votre faute professionnelle,
- une malfaçon technique,
- un vice de conception ou de fabrication des matériaux ou produits fournis par vous pour l'exécution de ces ouvrages ou travaux. »

Il est ensuite précisé que ne sont pas garantis « le coût représenté par le renouvellement, le remplacement, en tout ou partie, la remise en état, la modification,la reconstruction, la rectification, le perfectionnement, le parachèvement des produits, ouvrages ou travaux exécutés par vous ou vos sous-traitants ».

En premier lieu, il ne peut être soutenu que la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN n'est pas un tiers, la notion devant s'entendre de tiers au contrat d'assurance et non de tiers au contrat de construction, selon la définition donnée au chapitre 1 des conventions spéciales qui précise que le tiers est toute personne autre que l'assuré et ses associés et les préposés de l'assuré, salariés ou non, dans l'exercice de leur fonction.

S'agissant de la clause d'exclusion de garantie, en application des articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances, celle-ci doit être mentionnée en caractères « très apparents » et être « formelle et limitée ». En l'espèce, la clause est en caractères très apparents (surlignée) et formelle, ne nécessitant pas interprétation. En outre, elle est limitée en ce qu'elle ne vide pas la garantie de sa substance, laissant substituer notamment des garanties en matière de dommages corporels ou de dommages causés aux existants.

En conséquence, la SA GAN ASSURANCES ne doit pas sa garantie pour les travaux réparatoires des désordres causés par les malfaçons de la SARL CONCEPT ET DECO et la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN sera déboutée de sa demande tendant à voir l'assureur condamné à lui payer le montant des travaux de réparation du désordre d'évacuation des eaux.

Sur le bullage du revêtement de sol :

L’expert judiciaire a constaté un bullage ponctuel du revêtement de sol dans la circulation du rez-de-chaussée, en plusieurs endroits. Au cours des différentes réunion d'expertise contradictoires, il a noté une évolution vérifiée de ce bullage. Il a indiqué qu'il était causé par une détérioration prématuré du support du revêtement de sol.

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L'expert judiciaire a précisé que « cette observation ne fait pas partie des réserves à la réception où une réserve générale était notifiée sur l'état des revêtements de sol des communs non nettoyés le jour de la réception ». Il ajoute que ce désordre a été signalé à la SARL CONCEPT ET DECO pendant la (période de) garantie de parfait achèvement des ouvrages.

La SA GAN ASSURANCES fait valoir que les travaux relatifs au sol des commun n'ont pas été réceptionnés et qu'en conséquence la garantie décennale ne peut recevoir application.

La SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN fait valoir que la mise en oeuvre de la garantie décennale ne nécessite pas la formalisation d'un procès-verbal et que la prise de possession de l'ouvrage constitue le point de départ de la garantie décennale.

La SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN invoque en réalité l'existence d'une réception tacite.

Le procès-verbal de réception en date du 6 novembre 2015 mentionne que les sols des communs n’avaient pas pu être réceptionnés car les sols n'avaient pas été nettoyés et il est mentionné au procès-verbal «  définir date pour réception ».

La simple absence de procès-verbal de réception formalisé quant aux travaux ne suffit pas à exclure toute réception. En l'espèce, aucun élément n'est invoqué ni produit permettant de remettre en cause le paiement intégral des travaux. En outre, il n'est pas contesté qu'il y a eu prise de possession de l'ouvrage et que celui-ci accueille des résidents et cela ressort notamment de l'expertise qui mentionne la nécessiter de les reloger pendant les travaux. En conséquence, il existe une présomption de réception tacite. Aucun élément ne vient combattre cette présomption et il en résulte que l'existence d'une réception tacite est établie, qui sera fixée au 31 décembre 2015.

Le constat d'huissier du 25 mars 2016 ne fait pas état de ce désordre et le désordre apparaît comme ayant été signalé pour la première fois à la SARL CONCEPT ET DECO par le courrier du 3 novembre 2016 émanant du maître d'oeuvre MOON SAFARI mettant en demeure la SARL CONCEPT ECO de lever “les réserves restantes suite à la réception” et le visant improprement comme ayant été réservé à la réception.

Il en résulte en réalité que ce désordre n'était pas apparent à la réception et ne s'est révélé que postérieurement à celle-ci, dans le délai de 10 ans.

L'expert judiciaire a indiqué que ce désordre n'affectait pas un élément du gros oeuvre ni un élément indissociable de celui-ci mais que, dans le contexte de construction d'une résidence à usage d'habitation pour personnes âgées, il rendait l'immeuble impropre à son usage car le bullage du revêtement de sol dans la circulation créait un obstacle qui pouvait provoquer la chute d'une personne.

L’impropriété doit être appréciée au regard de l'usage normalement attendu de l'immeuble, en l'espèce l'accueil de personnes âgées, et le risque pour la sécurité des personnes, effectivement avéré, suffit à caractériser un dommage décennal, qui rend l’ouvrage impropre à sa destination.

En conséquence, la SARL CONCEPT ET DECO, qui a réalisé les travaux et qui répond le cas échéant de son sous traitant, en est responsable de plein droit en application de l'article 1792 du code civil. La SA GAN ASSURANCES assureur de responsabilite décennal à la date d'ouverture des travaux, doit sa garantie à son assuré en application de l'article L 241-1 du code des assurances et sera condamnée à payer le coût de la réparation des désordres au maitre de l'ouvrage sur le fondement de l' article L 124-3 du code des assurances.

S'agisant d'un désordre de nature décennale, elle sera déboutée de sa demande tendant à la voir autorisée à opposer sa franchise contractuelle à la SARL CONCEPT ET DECO.

L'expert judiciaire a indiqué que le bullage provenait de la détérioration prématurée du ragréage support du revêtement. Il a chiffré le coût de la réparation du désordre à un montant de 6092 euros HT outre un cout d' « installation-divers » de 700 euros HT, sur la base d'un devis qu'il a jugé cohérent et dont les prestations techniques correspondaient aux besoins. Cette évaluation n'est pas remise en cause.

En conséquence, la SA GAN ASSURANCE sera condamnée à payer à la SARL CONCEPT ET DECO la somme de 6792 euros HT, qui sera indexée sur l'indice BT 01 de la construction à compter du 9 septembre 2021, date du dépôt du rapport d'expertise, et jusqu'au présent jugement.

Sur le préjudice d'exploitation :

La SARL CONCEPT ET DECO fait valoir que du fait des travaux de reprise, elle va subir une perte d 'exploitation. Elle fonde sa demande sur l'évaluation de l'expert d'une duré des travaux de 18 semaines et de la nécessité de neutraliser pendant ce temps simultanément deux chambres.

L'expert a effectivement indiqué que la durée prévisionnelle des travaux était de 18 semaines et necessitera la neutralisation simultanée de deux chambres et qu'il y avait nécessité de reloger les résidents des chambres tour à tour en fonction de l'avancement du chantier. Cette évaluaton concerne les travaux réparatoires des sols des salles de bain. L'expert a indiqué que la réparation des sols dans la circulation du rez de chaussée pouvait être organisée sans porter préjudice au fonctionnement de l'établissement.

La SA GAN ASSURANCE fait valoir que sa garantie n'est pas due pour des dommages immatériels non consécutifs. Il résulte des dispositions particulières de la police que la garantie responsabilité civile après achèvement des travaux souscrite couvre les dommage corporels, matériels (y compris aux existants) et immatériels consécutifs à des dommages garantis et qu'elle ne couvre pas les dommages immatériels non consécutifs.

Or le préjudice d'exploitation invoqué, dommage immatériel, résulte de dommages contractuels non garantis tel qu'établi ci-dessus, donc non consécutifs, et la SA GAN ASSURANCE n'en est alors pas tenue à garantie. En conséquence, la SARL CONCEPT ET DECO sera déboutée de sa demande en réparation de la perte d'exploitation dirigée à son encontre.

Sur les demandes annexes :

La SA GAN ASSURANCE, qui succombe, sera tenue aux dépens, en ce compris ceux de l’expertise judiciaire.

Au titre de l'équité, elle sera condamnée à payer à la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, l'exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter, celle-ci n'étant pas incompatible avec la nature de l'affaire.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

CONDAMNE la SA GAN ASSURANCE à payer à la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN la somme de 6792 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du désordres du “bullage”, somme qui sera indexée sur l'indice BT 01 de la construction à compter du 9 septembre 2021 jusqu'au présent jugement.

DIT qu'à la somme précitée exprimée hors taxe, s’ajoutera la TVA au taux en vigueur à la date du présent jugement.

DEBOUTE la SA GAN ASSURANCE de sa demande tendant à la voir autorisée à opposer sa franchise contractuelle à la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN.

CONDAMNE la SA GAN ASSURANCE à payer à la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE la SCI PRESQU’ILE DE CAUDERAN du surplus de ses demandes.

CONDAMNE la SA GAN ASSURANCE aux dépens, en ce compris ceux de l’expertise judiciaire.

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit et DIT n'y avoir lieu à l'écarter.

La présente décision est signée par Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, la Présidente, et Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 7ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01297
Date de la décision : 09/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-09;22.01297 ?
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