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03/04/2024 | FRANCE | N°22/03182

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 03 avril 2024, 22/03182


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Avril 2024
63A

RG n° N° RG 22/03182

Minute n°






AFFAIRE :

[F] [A], [R] [A] née [O]
C/
S.A. Clinique du Sport [Localité 8] [Localité 5], [U] [T], CPAM DE [Localité 10] PYRENEES




Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL BARDET & ASSOCIES
la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES




COMPOSIT

ION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,

Lors du délibéré et de la mise à dis...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Avril 2024
63A

RG n° N° RG 22/03182

Minute n°

AFFAIRE :

[F] [A], [R] [A] née [O]
C/
S.A. Clinique du Sport [Localité 8] [Localité 5], [U] [T], CPAM DE [Localité 10] PYRENEES

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL BARDET & ASSOCIES
la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Mélanie RENAUT, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 13 Décembre 2023,

JUGEMENT:

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Monsieur [F] [A]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]

représenté par Maître Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

Madame [R] [A] née [O]
née le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentée par Maître Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

S.A. Clinique du Sport [Localité 8] [Localité 5] pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 5]

représentée par Maître Charlotte DE LAGAUSIE de l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX

Monsieur [U] [T]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 5]

représenté par Maître Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocats au barreau de BORDEAUX

CPAM DE [Localité 10] PYRENEES pris en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualité au dit siège
[Adresse 3]
[Localité 10]

représentée par Maître Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [F] [A], né le [Date naissance 1] 1957, présente une gonarthrose évolutive du genou droit pour laquelle il a été opéré à plusieurs reprises, notamment en 1978 pour une méniscectomie interne sur rupture du ligament croisé antérieur, puis pour ostéotomie tibiale de valgisation et ligamentoplastie du ligament croisé antérieur type Lemaire externe. En 2003, il a subi une nouvelle ostéotomie tibiale de valgisation et ligamentoplastie du ligament latéral interne, avec ablation du matériel le 17 octobre 2016.

Devant l’aggravation des douleurs fémoro-patellaires et fémoro-tibiales internes, Monsieur [F] [A] a bénéficié de traitements par visco-supplémentation (infiltrations) qui ont atteint leurs limites, raison pour laquelle le docteur [U] [T] lui a proposé la pose d’une prothèse de genou. Lors d’une seconde consultation, les informations sur la chirurgie de prothèse de genou ont été données au patient dont le consentement a été recueilli.

Monsieur [F] [A] a été admis le 8 octobre 2017 à la CLINIQUE DU SPORT pour l’intervention réalisée le lendemain par le docteur [U] [T] sous anesthésie générale, consistant dans le remplacement de l’articulation du genou par prothèse tri-compartimentale. Les suites ont été simples, le patient étant admis à sa sortie le 12 octobre 2017 au centre de rééducation fonctionnelle de [Localité 12].

Dès le 15 octobre 2017, Monsieur [F] [A] s’est plaint de douleurs, un hématome étant en cours d’extériorisation le 24 octobre 2017. Le 27 octobre 2017, il a été constaté une plaie cicatrisée sur les 2/3 mais la persistance d’une désunion de la cicatrice opératoire du 1/3 inférieur avec discret écoulement sanguin et zone de nécrose de la taille d’une pièce de 2 € entourée d’une discrète zone fibrineuse, signes faisant suspecter l’existence d’une infection, les bilans biologiques étant également perturbés.

Le 31 octobre 2017, Monsieur [F] [A] a consulté le docteur [L] pour suspicion d’infection du genou, date à laquelle de nouveaux bilans sanguins ont été pratiqués et le docteur [T] a été avisé.

Le soir du 2 novembre 2017, Monsieur [F] [A] a présenté un état fébrile justifiant son transfert le 3 novembre à la CLINIQUE DU SPORT. Il a été réopéré le 4 novembre 2017 pour synovectomie et lavage avec mise en place d’un pansement aspiratif (VAC) sous anesthésie générale, les prélèvements retrouvant la présence de germes Escherichia coli et Enterococcus faecalis justifiant la mise en œuvre d’une antibiothérapie par Pipéracilline-tazobactam et Vancomycine du 4 au 8 novembre, puis par Amoxicilline et Lévofloxacine du 9 novembre 2017 au 2 février 2018, après avis du docteur [Y], infectiologue au CHU de [Localité 8] lequel a considéré l’entérocoque comme contaminant.

Durant cette période, Monsieur [F] [A] a été astreint à un suivi biologique régulier avec renouvellement de pansements aspiratifs (VAC) et consultations régulières par le docteur [U] [T] constatant une amélioration de l’état infectieux mais la persistance d’un défaut de cicatrisation d’une partie de la plaie. Dans ce contexte, le patient a été autorisé à sortir de l’établissement pour les fêtes de fin d’année du 22 au 26 décembre 2017, date de réadmission à la Clinique.

A son retour, l’évolution n’a pas été satisfaisante, le docteur [Y], infectiologue, constatant le 1er février 2018, la persistance d’une désunion des tiers supérieurs de la cicatrice nécessitant des protocoles de pansements VAC. Il a alors été décidé du retour du patient à son domicile et d’interrompre l’antibiothérapie, de prévoir une dépose de prothèse avec remplacement prothétique en deux temps opératoires et réalisation éventuelle d’un lambeau musculo-cutané.

Monsieur [F] [A] a regagné son domicile le 2 février 2018 sous le régime de la HAD au CH de [Localité 10] qui durera jusqu’au 27 mai 2018, période durant laquelle le patient a bénéficié d’un traitement anti-dépresseur qui s’est poursuivi pendant 9 mois.

Le 21 février 2018, il a bénéficié d’une consultation pluridisciplinaire au CHU de [Localité 8] et compte tenu de l’amélioration de l’état clinique (persistance d’un orifice sur la cicatrice sans signe inflammatoire péri-lésionnelle), il a été instauré une surveillance. Il a revu le docteur [Y] les 13 et 21 mars 2018.

Il a été hospitalisé au CHU de [Localité 8] dans le service des maladies infectieuses du 23 au 27 avril 2018 pour réalisation de scintigraphies concluant à un sepsis persistant essentiellement au niveau des tissus mous adjacents à la prothèse et à l’articulation avec réaction articulaire modérée.

Après consultation pluridisciplinaire du 23 mai 2018 et compte tenu de la persistance d’une fistule, il a été hospitalisé au CHU de [Localité 8] du 26 juin au 13 juillet 2018 où il a subi la dépose de prothèse totale du genou droit le 27 juin 2018 avec mise en place d’un spacer antibiotique. Les prélèvements réalisés ont mis en évidence un Staphylococcus aureus méthi-sensible nécessitant la mise en place d’une double antibiothérapie. Le patient a été immobilisé par attelle de Zimmer et a commencé, à la sortie, des séances de rééducation. Le traitement antibiotique a été modifié devant la survenue de tendinopathies importantes.

Lors d’une consultation du 16 août 2018 dans le service des maladies infectieuses du CHU de [Localité 8], il a été autorisé la repose de la prothèse en l’absence de signe en faveur d’une reprise d’infection.

Le 20 septembre 2018, Monsieur [F] [A] a été hospitalisé en chirurgie orthopédique pour repose de la prothèse totale de genou le 21 septembre, dont les prélèvements sont revenus négatifs. Le patient a regagné son domicile le 5 octobre 2018, avec une évolution favorable, les antibiotiques ayant été interrompus 15 jours après l’intervention. Le suivi s’est poursuivi auprès du service des maladies infectieuses du CHU de [Localité 8].

Lors de la consultation du 13 mars 2019, il a été constaté un genou œdématié et un épanchement, le prélèvement bactériologique réalisé mettant en évidence la présence d’un Staphylococcus epidermis résistant.

Le 3 avril 2019, une radiographie du genou a mis en évidence une majoration du descellement déjà présent sur les radiographies précédentes prédominant au niveau du plateau tibial.

Monsieur [F] [A] a donc été hospitalisé en chirurgie orthopédique au CHU de [Localité 8] du 26 avril au 3 mai 2019 pour une nouvelle dépose de prothèse totale de genou droit avec mise en place d’un spacer en ciment antibiotique, les prélèvements réalisés retrouvant un Staphylococcus epidermis, pour lequel une antibiothérapie intraveineuse puis per une bi-antibiothérapie orale ont été mises en œuvre.

Après une consultation de contrôle le 21 juin 2019, il a été envisagé la repose de la prothèse totale du genou droit au cours d’une hospitalisation en chirurgie orthopédique au CHU de [Localité 8] du 8 au 23 juillet 2019, les prélèvements revenant négatifs.

La consultation dans le service des maladies infectieuses du 21 février 2020 a permis de constater une cicatrisation et l’absence de récidive infectieuse.

Au total, Monsieur [F] [A] a été hospitalisé à 17 reprises et a fait l’objet d’un arrêt de travail du 9 octobre 2017 au 30 septembre 2020, étant précisé qu’il exerçait la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et avait une activité rémunérée de professeur de judo et jujitsu. Il avait été mis à la retraite de façon progressive à compter du 1er juillet 2017, soit avant l’intervention chirurgicale, mais a été admis à la retraite pour inaptitude le 1er octobre 2020.

Dans le courant de l’été 2019, Monsieur [F] [A] a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (ci-après la CCI) de Nouvelle-Aquitaine d’une demande d’indemnisation, mettant en cause le docteur [U] [T], la CLINIQUE DU SPORT et le CHU de [Localité 8], laquelle a désigné, le 12 août 2019, les docteurs [W] [C], chirurgien orthopédiste, et [X] [M], médecin hygiéniste et épidémiologiste.

Ces experts ont remis leur rapport le 18 juin 2020 concluant la survenue d’une infection nosocomiale liée à l’acte de soin du 9 octobre 2017. Ils ont retenu un retard fautif de prise en charge de 4 mois ½ dans la gestion de la complication infectieuse de la prothèse du genou droit à l’origine d’une perte de chance pour le patient de 60 %, imputable à hauteur de 30 % pour le docteur [U] [T] et de 30 % pour le CHU de [Localité 8].

Par deux avis des 18 février et 18 mars 2021, la CCI a retenu l’existence d’une infection nosocomiale contractée à la CLINIQUE DU SPORT au décours de l’intervention du 9 octobre 2017 et une prise en charge non conforme du docteur [U] [T] et du CHU de [Localité 8], mais a estimé que la perte de chance en découlant ne saurait être supérieure à 20 %, à répartir par parts égales entre les deux co-responsables.

Ainsi, en présence d’un accident médical fautif et d’une infection nosocomiale, la CCI
a considéré que la réparation des préjudices du patient et du préjudice moral de son épouse incombait:
- à l’assureur de la CLINIQUE DU SPORT, la SHAM, à hauteur de 80 % au titre de l’infection nosocomiale contractée en son sein,
- à l’assureur du CHU de [Localité 8], la SHAM, à hauteur de 10 % au titre du retard de prise en charge à l’origine d’une perte de chance évaluée à 20 %,
- à l’assureur du docteur [U] [T], le cabinet [S], à hauteur de 10 % au titre du retard de prise en charge à l’origine de la perte de chance évaluée à 20 %.

Par courrier du 25 juin 2021, la SHAM, assureur du CHU de [Localité 8] a adressé au conseil de Monsieur [F] [A] une offre indemnitaire. Par courrier du 2 juillet 2021, le cabinet [S], mandataire de l’assureur du docteur [U] [T], contestant la responsabilité de ce dernier, a émis une proposition d’indemnisation. Par courrier du 12 octobre 2021, le conseil de la CLINIQUE DU SPORT a également fait parvenir une offre d’indemnisation.

En l’absence d’accord sur les évaluations proposées, par actes d’huissier des 22 et 28 avril 2022, Monsieur [F] [A] et Madame [R] [O] épouse [A] (ci-après les consorts [A]) ont fait assigner la CLINIQUE DU SPORT, le docteur [U] [T] et la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir engagée la responsabilité sans faute de l’établissement de soins à l’origine de 80 % des préjudices subis et celle du médecin et du CHU de Bordeaux coresponsables d’un retard dans la prise en charge de la complication infectieuse, à l’origine d’une perte de chance évaluée à 20 %, à la suite de l’infection nosocomiale dont Monsieur [F] [A] a été victime au décours de l’intervention du 9 octobre 2017 et obtenir réparation des préjudices en découlant.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, les consorts [A] demandent au tribunal, aux visas de l’article L. 1142-1 I du code de la santé publique, de l’article 1310 du code civil, de la jurisprudence, du rapport d’expertise des docteurs [C] et [M] et des avis de la CCI des 18 février et 18 mars 2021, et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
- dire que Monsieur [F] [A] a été victime d’une infection nosocomiale contractée à la Clinique du sport au décours de l’intervention du 9 octobre 2017, qui a été incorrectement prise en charge tant par le docteur [T] que par le CHU de [Localité 8],
- dire que la responsabilité de la CLINIQUE DU SPORT, comme celle du docteur [T], se trouve dès lors engagée sur le fondement de l’article L. 1142-1 I du code de la santé publique,
- en conséquence, condamner sous la garantie de leur assureur respectif, la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [T], in solidum avec le CHU de [Localité 8], à la réparation de leurs préjudices imputables au phénomène infectieux et à ses complications,
- allouer ainsi :
- à Monsieur [F] [A]
- Préjudices patrimoniaux temporaires : 18. 113, 66 €
- Préjudices patrimoniaux permanents : 15. 000 €
- Préjudices extrapatrimoniaux temporaires : 50. 091, 50 €
- Préjudices extrapatrimoniaux permanents : 39. 000 €
- à Madame [R] [A]
- Préjudice matériel : 4. 391, 03 €
- Préjudice moral : 15. 000 €
- dire et juger que ces indemnités porteront intérêts au taux légal à compter des présentes,
- dire que dans les rapports entre coobligés, le partage de la dette de réparation s’effectuera dans les proportions suivantes : la CLINIQUE DU SPORT sera tenue à indemnisation à hauteur de 80 %, le docteur [T] à hauteur de 10 % et le CHU
de [Localité 8] à hauteur de 10 %,
- dire que la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [T] pourront être garantis des condamnations prononcées à leur encontre, à proportion du partage sus-visé, à charge pour eux d’introduire leur action récursoire contre le CHU de [Localité 8] devant la juridiction compétente, à moins que le CHU ne reconnaisse sa responsabilité,
- déclarer le jugement à intervenir commun à l’organisme social,
- condamner les parties défaillantes à leur verser une indemnité de 5. 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
- débouter les défendeurs de toutes demandes contraires.

En défense, par conclusions responsives n°2 notifiées par voie électronique le 25 octobre 2022, la SAS CLINIQUE DU SPORT de [Localité 8] [Localité 5] demande au tribunal :
- à titre principal, de :
- juger que Monsieur [A] n’a pas été victime d’une infection nosocomiale,
- débouter la CPAM de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- en conséquence, le débouter de l’ensemble de ses demandes à son encontre,
- à titre subsidiaire, de :
- juger qu’elle n’est tenue qu’à 40 % de la prise en charge des préjudices de Monsieur [A],

- juger qu’elle ne peut être tenue au règlement que de 40 % des demandes de la CPAM concernant Monsieur [A],
- limiter les montants indemnitaires sollicités par Monsieur [A] en déboutant celui-ci des postes de tierce personne temporaire, incidence professionnelle, préjudice d’agrément,
- en tout état de cause, de :
- débouter la CPAM de sa demande concernant les frais exposés pour Madame [A],
- débouter Madame [A] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 5 mai 2023, le docteur [U] [T] demande au tribunal :
- à titre principal, de :
- juger qu’il n’a commis aucun manquement,
- en conséquence, débouter les époux [A] de l’intégralité de leurs demandes en ce qu’elles sont dirigées à son encontre,
- débouter toutes les parties qui formuleraient des demandes à son encontre,
- à titre reconventionnel, de :
- condamner les époux [A] ou toute partie défaillante à lui régler la somme de 2. 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
- à titre subsidiaire, de :
- juger que sa responsabilité ne saurait excéder plus de 10 % des préjudices des époux [A],
* concernant les demandes indemnitaires de Monsieur [F] [A], fixer son préjudice de la manière suivante :
- Frais divers : 64, 46 €
- Déficit fonctionnel temporaire : 6. 958, 65 €
- Souffrances endurées : 12. 000 €
- Préjudice esthétique temporaire : 4. 000 €
- Déficit fonctionnel permanent : 4. 840 €
- Préjudice esthétique permanent : 500 €
- juger que son éventuelle condamnation ne saurait excéder la somme de 2. 836, 31 € (soit 28. 363, 11 € x 10 %) se décomposant comme suit :
- Frais divers : 6, 44 €
- Déficit fonctionnel temporaire : 695, 87 €
- Souffrances endurées : 1. 200 €
- Préjudice esthétique temporaire : 400 €
- Déficit fonctionnel permanent : 484 €
- Préjudice esthétique permanent : 50 €
- débouter Monsieur [F] [A] du surplus de ses demandes dont notamment les demandes au titre des dépenses de santé actuelles et futures, des frais divers, de l’assistance par tierce personne, de l’incidence professionnelle et du préjudice d’agrément,
- condamner la CLINIQUE DU SPORT à le garantir et relever indemne du surplus des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
* concernant les demandes indemnitaires de Madame [R] [A], fixer son préjudice de la manière suivante :
- Préjudice moral : 1. 500 €

- juger que son éventuelle condamnation ne saurait excéder la somme de 150 € (soit 1. 500 € x 10 %)
- débouter Madame [R] [A] du surplus de ses demandes,
- condamner la CLINIQUE DU SPORT à le garantir et relever indemne du surplus des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
* concernant les demandes de la CPAM de [Localité 10] :
- juger que la créance de la CPAM de [Localité 10] n’est établie ni dans son principe ni dans son quantum,
- débouter la CPAM de [Localité 10] de l’intégralité de ses demandes à son encontre,
- en tout état de cause, de :
- dire n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir,
- débouter la CLINIQUE DU SPORT de ses demandes à son encontre,
- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 27 janvier 2023, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES demande au tribunal, aux visas de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et des pièces versées au débat, de :
- dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,
- constater que son préjudice est constitué par les sommes exposées dans l’intérêt de son assuré social, Monsieur [F] [A], qui s’élèvent à la somme de 91. 490, 85 € et dans l’intérêt de Madame [R] [O] épouse [A], qui s’élèvent à la somme de 1. 523, 93 €,
- en conséquence, condamner in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [T], tiers responsables, sous la garantie de leur assureur respectif , à lui payer la somme de 91. 490, 85 € au titre des prestations versées pour le compte de son assuré social, Monsieur [F] [A],
- condamner in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [T], tiers responsables, sous la garantie de leur assureur respectif , à lui payer la somme de 1. 523, 93 € au titre des prestations versées pour le compte de son assurée sociale, Madame [R] [O] épouse [A],
- condamner in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [T], tiers responsables, sous la garantie de leur assureur respectif, à lui payer au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, en application des articles 9 et 10 de l’ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 :
- la somme de 1. 162 € pour Monsieur [F] [A]
- la somme de 507, 98 € pour Madame [R] [O] épouse [A],
- dire que ces sommes seront assorties des intérêts de retard au taux légal à compter de la décision à intervenir, et ce, en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil,
- dire qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
- condamner in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [T], tiers responsables, sous la garantie de leur assureur respectif, à lui payer la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Max BARDET sur le fondement de l’article 699 du même code.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures devant le tribunal ci-dessus évoquées, auxquelles il est expressément renvoyé pour répondre aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 13 décembre 2023 au cours de laquelle elle a été retenue, puis mise en délibéré au 14 février 2024, prorogé à la date de ce jour par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’origine de la complication infectieuse présentée par Monsieur [F] [A] suite à l’intervention chirurgicale du 9 octobre 2017

Aux termes de l’article L. 1142-1- I du code de la santé publique, “Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, ne sont responsables des conséquences dommageables ou d’actes de prévention et de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère”.

Au sens de ce texte, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial toute infection contractée au cours ou au décours de la prise en charge du patient dans l’établissement de soins qui n’était ni présente ni en incubation au début de celle-ci et qui a un lien de causalité avec les soins prodigués, sans qu’il y ait lieu d’établir l’origine de l’infection de nature endogène ou exogène.

Il est admis qu’il appartient au patient de démontrer que l’infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial, cette preuve pouvant être rapportée à l’aide de présomptions graves, précises et concordantes. L’infection qualifiée de nosocomiale est de nature à entraîner la responsabilité de plein droit de l’établissement de soins, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge.

En l’espèce, seule la CLINIQUE DU SPORT conteste le caractère nosocomial de l’infection dont la cause serait la désunion cutanée, le dommage infectieux étant secondaire à la surinfection d’une zone de nécrose cutanée post-opératoire. Au soutien de son argumentaire, elle s’appuie sur l’historique du dossier médical pour soutenir que le risque infectieux était incompressible et inévitable en raison d’une nécrose et non de l’intervention initiale, ajoutant que l’infection a été favorisée par l’état antérieur du patient qui présentait des facteurs de vulnérabilité relevés par les experts (surpoids et gonarthrose du genou ayant fait l’objet de 3 interventions antérieures dont une avec mise en place de matériel d’ostéosynthèse). Elle conteste ainsi, à titre principal, toute responsabilité en l’absence d’infection contractée au sein de son établissement et de défaut d’organisation du service ou de manquement à l’encontre de son personnel.

De l’analyse médico-légale réalisée par les docteurs [C] et [M], non combattue par la production d’un avis médical contraire émanant de l’établissement de soins, il ressort que dès le 15 octobre 2017, au 6ème jour opératoire, le genou était douloureux avec apparition d’un hématome, le bilan sanguin pratiqué le 16 octobre 2017 faisant état d’une CRP à 139, 3 et des globules blancs à 7, 1. Si les marqueurs biologiques vont diminuer dans les jours suivants, ils seront sans retour à la normale, le patient étant sous anti-inflammatoire non stéroïdien qui sera arrêté le 31 octobre 2017. Le 24 octobre 2017, l’hématome est en cours d’extériorisation et le 27 octobre, il est noté la persistance d’une désunion minime du tiers inférieur avec discret écoulement sanguin et zone de nécrose de la taille d’une pièce de 2 €. Au 30 octobre, les signes cliniques généraux (douleurs) et locaux (genou globuleux, inflammatoire, siège d’un hématome important et d’une désunion cicatricielle) sont associés à une re-élévation de la CRP à 136, 4 et du taux de globules blancs à 12, 8.

Sur la base de ces données factuelles, les experts ont conclu au caractère nosocomial de l’infection en rapport avec l’intervention chirurgicale du 9 octobre 2017 de pose de prothèse totale du genou réalisée au sein de la CLINIQUE DU SPORT, bien que n’ayant relevé aucun manquement aux précautions recommandées en matière de lutte contre les infections nosocomiales imputables à l’établissement et constaté le respect des protocoles de traçabilité des dispositifs médicaux lors des interventions. Ils ont relevé que les prélèvements, réalisés le 4 novembre 2017, ont confirmé le diagnostic de l’infection qui était déjà fortement suspectée par les constats cliniques (état du genou) et biologiques (élévation dans le temps de la CRP).

S’agissant de l’origine de l’infection, les experts ont indiqué que l’examen du dossier médical de Monsieur [F] [A] ne montrait pas qu’il était porteur d’une infection intercurrente et ont répondu négativement à la question de savoir s’il s’agissait de l’aggravation d’une infection en cours ou ayant existé. Ils ont également exclu une infection secondaire de prothèse d’origine hématogène, rare et survenant à plus de 24 mois de la pose, permettant d’écarter cette possibilité de contamination. Ils ont conclu négativement à la question de savoir si l’infection présentait un caractère inévitable, précisant toutefois que sa survenue avait pu être favorisée par des facteurs de vulnérabilité susceptibles de contribuer à son développement, à savoir un surpoids et surtout une gonarthrose du genou droit évoluant depuis de nombreuses années et ayant fait l’objet de trois interventions antérieures (1978, 2003 et 2016), dont une avec mise en place de matériel d’ostéosynthèse.

Sur ce dernier point, il convient de rappeler que les prédispositions pathologiques du patient, susceptibles de favoriser une exposition à l’infection, ne peuvent être regardées en elle-même comme à l’origine de cette infection.

Aussi, la position développée par la CLINIQUE DU SPORT, se contentant d’invoquer des décisions de justice, pour affirmer que l’infection aurait pour origine la nécrose cutanée s’infectant dans la totalité des cas et qui aurait été, selon elle, inévitable compte tenu de l’état antérieur du patient, sans produire le moindre avis médical à l’appui, ne pourra qu’être écartée.

Au vu des conclusions des experts, rejoignant l’argumentaire développé par le docteur [T], il doit au contraire être retenu que l’infection était préexistante à la nécrose qui n’en a été que la conséquence du fait du retard de cicatrisation causé par l’infection.

Dès lors que Monsieur [F] [A] étant exempt de toute infection au début de la prise en charge au sein de la CLINIQUE DU SPORT, il doit être considéré que l’infection contractée est en lien de causalité directe avec les soins prodigués au décours de la prise en charge par cet établissement et doit qualifiée de nosocomiale au sens de la définition rappelée.

En considération de l’ensemble de ces éléments, la CLINIQUE DU SPORT, sur qui pèse une présomption de responsabilité et qui ne rapporte pas la preuve d’une cause étrangère revêtant les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité de la force majeure de nature à l’en exonérer, est déclarée responsable des conséquences dommageables résultant de l’infection et sera tenue de les réparer en intégralité, et non dans une proportion de 40 %, tel que sollicité afin de tenir compte des manquements du docteur [U] [T] et du CHU de [Localité 8].

En effet, il n’est pas discuté le fait que l’infection présentée, dont le caractère nosocomial est désormais jugé, n’a pas pour origine, en totalité ou en partie, un manquement technique ou une négligence imputable au docteur [U] [T] qui aurait pu contraindre ce dernier à garantir et relever indemne l’établissement de soins.

En revanche, il convient de rechercher si les manquements reprochés au docteur [U] [T], consistant en un retard de prise en charge de l’infection, sont établis de nature à l’obliger au même titre que l’établissement à réparer les dommages et dans l’affirmative dans quelle proportion.

Sur les manquements reprochés au docteur [U] [T]

Monsieur [F] [A] conclut à l’engagement de la responsabilité du docteur [U] [T] pour retard de prise en charge de l’infection nosocomiale en s’appuyant sur le rapport d’expertise ainsi que sur l’avis de la CCI. Il demande la condamnation du praticien au même titre que l’établissement de soins à réparer l’intégralité de ses préjudices, sans qu’il y ait lieu de tenir compte d’un partage de responsabilité entre eux, chacun étant responsable du même dommage. S’agissant de la contribution à la dette, il sollicite que, conformément à l’avis de la CCI, le dommage soit imputable à la CLINIQUE DU SPORT à hauteur de 80 % et que le docteur [U] [T], responsable du retard de prise en charge à l’origine d’une perte de chance de 20 %, en réponde à hauteur de 10 %, les 10 % restant incombant au CHU de [Localité 8].

En défense, le docteur [U] [T] conteste, à titre principal, toute responsabilité en l’absence de faute, dont la preuve ne saurait se déduire du seul échec des soins ou de l’anormalité du dommage ou de sa gravité exceptionnelle. Il rappelle que les experts ont validé la prise en charge chirurgicale qu’il a réalisée, de même que celle post-opératoire. Il conteste les conclusions des experts ayant retenu une perte de chance à partir du 13 novembre 2017 où une possible dépose prothétique est évoquée en s’appuyant sur l’analyse des docteurs [B], infectiologue, et [H], chirurgien orthopédique. Il avance que l’absence de cicatrisation du patient à la fin du mois d’octobre 2017 pouvait s’expliquer par l’évacuation de l’hématome, risque d’infection, au même titre que l’état antérieur du patient favorisait la désunion compte tenu des deux facteurs de vulnérabilité présentés relevés par les experts. Il insiste sur le fait qu’il avait écrit au centre de rééducation afin d’hospitaliser à nouveau le patient en cas de signes d’infection, ce qui n’a pas été suivi d’effet avant le 3 novembre 2017, le retard incombant au personnel soignant du centre de rééducation. Une fois réadmis à la CLINIQUE DU SPORT, il fait valoir que la reprise de l’infection a été réalisée moins de 20 heures après l’arrivée du patient à qui il a prodigué les soins nécessaires. Il soutient que l’amélioration de l’état du patient a été constante en raison d’un suivi attentif pluridisciplinaire, l’hypothèse de l’ablation de la prothèse n’étant faite que dans un souci d’information, sans être une proposition thérapeutique prévisionnelle, laquelle n’a finalement été réellement envisagée qu’à compter du 13 février 2018, date à laquelle il n’était plus en charge du suivi du patient qui avait quitté la CLINIQUE DU SPORT le 2 février 2018, pour être confié aux docteurs [Y] et [Z] au CHU de [Localité 8], de sorte qu’aucun retard de prise en charge ne saurait lui être imputé.

A titre subsidiaire, sur la base des conclusions expertales et de l’avis rendu par la CCI, il considère que sa responsabilité, à la supposer établie, ne saurait excéder 10 % des préjudices des demandeurs, sollicitant d’être relevé indemne et garanti par la CLINIQUE DU SPORT du surplus des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Dans le cadre de leur analyse sur l’origine des complications infectieuses, les experts ont considéré que les premiers signes cliniques faisant suspecter l’infection avaient été constatés le 27 octobre 2017 et que le diagnostic avait été conforté par les examens biologiques du 30 octobre suivant. A la suite du transfert du patient à la CLINIQUE DU SPORT le 3 novembre 2017 dans l’après-midi, il a été réalisé immédiatement un lavage et, le lendemain, une reprise opératoire pour lavage de la prothèse avec mise en place d’une double antibiothérapie après avis du docteur [Y], infectiologue. Les experts ont observé que les signes présentés par le patient à compter du 30 octobre 2017, alors qu’il se trouvait en centre de rééducation, permettaient de présumer très fortement d’une infection et que malgré des résultats confirmant l’élévation des dosages biologiques le 31 octobre 2017, Monsieur [F] [A] n’avait été transféré à la CLINIQUE DU SPORT que le 3 novembre 2017. Pour autant, et comme le soutient à juste titre le docteur [U] [T], aucun manquement ne saurait lui être imputé à ce titre. En effet, ainsi que l’indiquent les experts, même si le traitement devient une urgence médico-chirurgicale, la littérature montre “qu’un des facteurs prédictif du succès du traitement repose sur la précocité du diagnostic et de l’intervention avec un taux de guérison de l’ordre de 90 % en cas de synovectomie réalisée sur une infection évoluant depuis moins de 10 jours alors qu’il chute à environ 50 % en cas d’infection évoluant depuis plus de trois semaines”. Ils concluent ainsi que la prise en charge du docteur [U] [T] dans le cadre de la gestion de la complication infectieuse, que ce soit dans l’indication opératoire de lavage précoce, de la réalisation de l’acte et de l’information donnée, est conforme aux données acquise de la science.

A compter du 10 novembre 2017, afin de faciliter la cicatrisation, il a été mis en place un pansement sous aspiration par le docteur [U] [T] qui a assuré le suivi régulier du patient ainsi qu’en attestent les compte-rendus des visites établis.

C’est ainsi que le 13 novembre 2017, à 9 jours de la reprise opératoire, il est noté que l’état du patient est en bonne amélioration, sans douleur, ni épanchement dans le genou mais avec un pertuis ayant tendance à couler encore un peu, les bilans paracliniques faisant état d’une CRP descendue à 43, mais des globules blancs toujours un peu élevés à 12. 000. Il est mentionné que le patient a été prévenu qu’en l’absence de fermeture de ce pertuis et de drainage de l’ouverture, il y aura ablation de la prothèse.

Lors de la visite du 17 novembre 2017, il est noté que la cicatrisation n’est pas obtenue avec le système aspiratif “pour l’instant”, le patient restant avec une CRP aux alentours de 70 et 11. 000 de blancs, sans fièvre. Monsieur [F] [A] a de nouveau été prévenu qu’en dehors d’une amélioration des constantes de l’aspect de sa cicatrice peut être discuté une dépose de prothèse. Il est précisé qu’il “a été vu avec son fils, la discussion a permis qu’il pose toutes les questions pendant plus d’une demi-heure, explication des possibilités d’une dépose chirurgicale de prothèse en fonction de l’avis du CHU et de son évolution, un nouveau pansement est prévu en début de semaine”.

Le 20 novembre 2017, le docteur [U] [T] note que toutes les agrafes et fils ont été enlevés, que le pansement s’est beaucoup amélioré avec une cicatrisation quasi-complète de la contre incision interne qui avait été nettoyée il y a 4 jours, il existe un bourgeon charnu très important et très propre de la portion nécrose cutanée. Il est indiquée une bonne amélioration de la CRP passée de 70 à 30 et des globules blancs de 11. 500 à 6. 000.

Le 22 novembre 2017, il est mentionné “toujours une très bonne cicatrisation en voie de réalisation, les bords sont bien vascularisés et il y a une bonne pousse d’un bourgeon charnu central”. Il est toutefois noté “toujours ablation de fibres sur la portion surtout supérieure et latérale”. Il a été procédé à un nettoyage et mise en place du pansement aspiratif “comme d’habitude”. Il est précisé que “le patient est prévenu de la longueur malheureusement de la cicatrisation pour fermer ses plaies. Le patient est apyrétique. La CRP descend toujours à 22 avec 6. 200 blancs et aucune douleur”.

Le 27 novembre 2017, il est noté que le patient est toujours en amélioration à la fois clinique et d’un côté paraclinique étant toujours apyrétique avec une CRP à 13, 5 et globules blancs 6. 500, le pansement étant refait. Le 4 décembre 2017, il est indiqué la réfection du pansement et noté une bonne évolution, une CRP à 9 et globules blancs 5. 800, sans fièvre. Le 11 décembre 2017, il est mentionné la réfection du pansement et que le patient va bien. Le 14 décembre 2017, la CRP est à 11 et les globules blancs 5. 800, sans fièvre, avec une plaie présentant une surface cruentée (qui saigne) avec toujours une petite effraction supérieure sur 2 cm environ.

Après autorisation de sortie donnée du 22 au 26 décembre 2017, Monsieur [F] [A] est de nouveau admis à la CLINIQUE DU SPORT où il séjournera jusqu’au 2 février 2018. Le compte rendu de cette période mentionne que “La bi-antibiothérapie est encore de mise à ce jour. Malheureusement, l’évolution n’est pas satisfaisante car persiste une désunion nécessitant des protocoles de pansement et surtout la pose d’un VAC. Nous arrivons à trois mois de la reprise chirurgicale. Monsieur [A] doit regagner son domicile, le docteur [T] me demande un avis avant son départ. Monsieur [A] se déplace sans canne et sans difficulté. Il n’allègue aucune douleur au niveau de son genou droit. Localement, il persiste une désunion des tiers supérieurs de la cicatrice alors que le tiers inférieur bourgeonne grâce au VAC. La désunion des deux tiers supérieurs est relativement profonde, atone avec cathétérisme vers la région fémorale. Il n’y a pas d’écoulement. Il n’y a pas de signe inflammatoire local. La CRP est à 3, 7. Il y a lieu d’interrompre l’antibiothérapie. Malheureusement, la constatation locale n’est pas favorable, ce qui va nécessiter de déposer la prothèse. Il faudra envisager un remplacement prothétique en deux temps opératoires et discuter la réalisation d’un lambeau musculo-cutané. Monsieur [F] [A] sort assez éprouvé par ces informations. Il a besoin de souffler après une hospitalisation longue à la clinique. Il regagnera son domicile le 2 février et sera revu en consultation à la fois par le docteur [T] et moi-même le 13 février afin de prendre une décision”.

Lors de la consultation du 13 février 2018 réalisée au CHU de [Localité 8], il est relevé que la déhiscence cicatricielle est un peu moins importante que le 1er février 2018 mais que persiste toujours un orifice et que même si les constatations cliniques sont un peu meilleures, le docteur [Y] pense que “malgré la poursuite du Pico, la cicatrisation n’aura pas lieu”. Il conclut en proposant que le patient soit revu dans le cadre d’une hospitalisation de jour conjointement avec des chirurgiens orthopédistes et plasticiens pour prendre une décision définitive sur l’avenir de la prothèse.

A compter de cette date, il n’est plus fait état de l’intervention du docteur [U] [T] dans le suivi de Monsieur [F] [A].

Néanmoins, il résulte suffisamment de la retranscription chronologique des constatations médicales du docteur [U] [T], en charge du suivi lors de l’hospitalisation à la CLINIQUE DU SPORT, que malgré un état général du patient non jugé préoccupant au plan clinique en l’absence de fièvre et de marqueurs biologiques d’infection en faveur d’une infection, qu’il persiste toujours une effraction de la partie supérieure de la plaie opératoire de 2 cm et ce en dépit d’un pansement sous aspiration mis en place depuis près de 45 jours. Les experts poursuivent qu’à son retour de permission, il est constaté le 31 décembre 2017 un gonflement du genou. Il a été mis en place par le docteur [U] [T] une mèche iodoformée les 12 et 28 janvier 2018 en plus du pansement aspiratif car il persiste des difficultés de fermeture de la portion haute. C’est ainsi à juste titre que les experts retiennent qu’à trois mois de la reprise chirurgicale avec un pansement aspiratif alors que le constat local n’est pas favorable, il est établi la persistance du problème infectieux les conduisant à considérer que les arguments en faveur d’une dépose de la prothèse, aussi difficile que soit une telle décision, étaient réunis le 13 février 2018, soit 3 mois et demi après la reprise opératoire, retenant un retard de prise en charge jusqu’au 27 juin 2018, date de dépose de la prothèse, soit 4 mois et demi.

Les experts ont explicité que la cicatrisation n’avait pas été obtenue au delà de la durée maximale de prescription recommandée pour un pansement sous aspiration qui est de 30 jours, renouvelable une seule fois par le prescripteur initial, ce qui établit le manquement du docteur [U] [T] aux règles de l’art et aux données acquises de la science. La faute du praticien est ainsi caractérisée par un retard de prise en charge dont la durée doit cependant être ramenée sur la période comprise entre le 22 novembre 2017, à 3 semaines de la reprise opératoire où il est encore procédé à un nettoyage pour ablation de fibrine “sur la portion surtout supérieure et latérale” de la cicatrice et que la seule solution proposée au patient est la mise en place du pansement aspiratif “comme d’habitude”, lequel est “prévenu” de la longueur de la cicatrisation. La mise en place par le docteur [U] [T] de mèches iodoformées les 12 et 28 janvier 2018, en plus du pansement aspiratif, ne s’est pas révélée plus efficace pour palier aux difficultés de fermeture de la plaie. Ce retard de prise en charge s’est poursuivi jusqu’au 13 février 2018, date à laquelle le suivi du patient s’effectue exclusivement au CHU de [Localité 8], soit un retard de l’ordre de 3 mois qui est directement imputable au docteur [U] [T]. Si l’intervention de dépose de prothèse est effectivement intervenue le 27 juin 2018, soit 4 mois et demi après, ce retard n’est pas imputable au docteur [U] [T] qui n’intervenait plus dans le suivi du patient. La faute caractérisée à l’égard du praticien constituée par un retard de prise en charge de 3 mois et celle reprochée au service des maladies infectieuses du CHU de [Localité 8], sur laquelle le tribunal n’a pas à porter d’appréciation, ont été à l’origine d’une perte de chance qui a été évaluée à 60 % par les experts de la CCI, lesquels ont toutefois pu ajouter “même s’il est difficile d’affirmer que cela aurait évité une seconde dépose”.

S’il est exact que le docteur [U] [T] a traité le patient en concertation pluridisciplinaire, en se conformant aux recommandations du service des maladies infectieuses du CHU de [Localité 8] dont il a pris régulièrement l’avis, et que l’état psychologique du patient a également été pris en considération, il n’en demeure pas moins que le praticien n’a plus renouvelé, au delà du 22 novembre 2017, l’indication de dépose de la prothèse qui apparaissait pourtant nécessaire devant l’absence d’amélioration de l’aspect de la cicatrice présentant une désunion des deux tiers en dépit des traitements locaux aspiratifs et antibiotiques réalisés, qui ont largement excédé les recommandations en la matière.

En considération de ces éléments et du terme de la prise en charge du patient par le docteur [U] [T] le 13 février 2018, il doit être considéré que le retard de prise en charge imputable est à l’origine d’une perte de chance pour le patient qui doit être évaluée à 10 % de ses préjudices.

Sur les conséquences de l’existence d’une infection nosocomiale et de la responsabilité d’un professionnel de santé quant à l’obligation à la dette

Il est admis qu’en présence de coresponsables dont l’un répond du dommage corporel et l’autre d’une perte de chance, il ne peut être prononcé une condamnation in solidum qu’à concurrence de la partie du préjudice total de la victime à la réalisation duquel les coresponsables ont l’un et l’autre contribué.

En l’espèce, pour les motifs sus-visés, il y a lieu de condamner in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T] à réparer les préjudices subis par Monsieur [F] [A] dans la limite de 10 % s’agissant du docteur [U] [T]. En conséquence, la demande présentée par le docteur [U] [T], tendant à être garanti et relevé indemne par la CLINIQUE DU SPORT, sera rejetée.

Par ailleurs, il y a lieu d’observer qu’il ne saurait entrer dans les prérogatives du tribunal de prononcer, ainsi que demandé par les consorts [A], la condamnation des défendeurs co-responsables in solidum avec le CHU de [Localité 8], ni de statuer à l’égard de ce dernier, non partie à l’instance, sur la répartition de la dette entre co-obligés, le tribunal ne pouvant que constater que les demandes présentées à ce titre ne relèvent pas de sa compétence, en invitant les parties à saisir la juridiction administrative.

Sur la liquidation du préjudice corporel de Monsieur [F] [A]

Au regard du long parcours médical de Monsieur [F] [A] qu’ils ont examiné le 9 janvier 2020, les experts ont fixé la date de consolidation de l’état du patient au 21 février 2020 correspondant à la dernière consultation auprès du docteur [N] au CHU de [Localité 8] qui a constaté, après évaluation conjointe avec l’équipe d’orthopédie, une bonne évolution sur le plan infectieux, sans argument en faveur d’une récidive et une très bonne récupération fonctionnelle sans raideur, avec autorisation de reprendre progressivement le vélo. Ils ont fixé le taux de déficit fonctionnel permanent conservé par Monsieur [F] [A] à hauteur de 10 % pour des douleurs résiduelles au genou droit avec limitation des mobilités et empâtement du genou, dont 4 % en rapport avec le phénomène septique. Sur cette base, il convient de liquider les préjudices de Monsieur [F] [A].

I- Préjudices patrimoniaux de Monsieur [F] [A]

A/ Pour la période antérieure à la consolidation

1° Dépenses de santé actuelles (D.S.A.)

Suivant décompte établi par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES le 5 mai 2022, les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques et d’appareillage engagés au bénéfice de Monsieur [F] [A], calculés à compter du 3 novembre 2017 en lien avec les complications infectieuses consécutives à l’intervention du 9 octobre 2017, s’élèvent à la somme totale de 55. 589, 44 €, déduction faite des franchises d’un montant de 227, 87 €.

Monsieur [F] [A] ne présente aucune demande d’indemnité au titre de ce poste de préjudice.

Aussi, ce poste de préjudice s’élève à la somme de 55. 589, 44 €.

2° Frais divers (F.D.)

Ce poste de préjudice a vocation à réparer l’ensemble des frais autres que les frais médicaux restés à charge de la victime durant la période antérieure à la consolidation et notamment les honoraires que la victime a été contrainte d’exposer auprès de médecins pour se faire conseiller et assister à l’occasion d’expertises médicales la concernant, les frais de déplacement engendrés par les consultations et les soins, les frais liés à l’hospitalisation en dehors des actes médicaux, sur justificatifs, ainsi que les dépenses inhérentes à la réduction d’autonomie jusqu’à la consolidation et notamment l’assistance par tierce personne en lien exclusivement avec les besoins de la victime et dont l’évaluation doit se faire au regard de la justification de ces besoins et non au regard de celle de la dépense faite afin d’indemniser la solidarité familiale.

Monsieur [F] [A] demande le remboursement des frais de copies des dossiers médicaux auprès de la CLINIQUE DU SPORT (40 €) et du CHU de [Localité 8] (64, 46 €) pour un total de 104, 46 €.

La CLINIQUE DU SPORT ne présente aucune observation sur cette demande tandis que le docteur [U] [T] limite l’offre d’indemnité aux frais de dossier du CHU de [Localité 8].

Sur la base des deux justificatifs produits, il sera alloué à Monsieur [F] [A] la somme de 104, 46 €.

Monsieur [F] [A] demande réparation pour les frais de déplacement exposés tels qu’ils résultent du parcours de soins repris dans le rapport d’expertise correspondant à la somme totale de 4. 390, 27 €, intégrant les péages pour 929, 60 €, précisant qu’il réside à [Localité 7] (64), représentant au total à 6. 848 kilomètres parcourus, avec son véhicule d’une puissance de 5 CV.

C’est à juste titre que la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T] observent que les frais liés à l’hospitalisation initiale et au séjour au centre de réadaptation fonctionnelle de [Localité 12] auraient été exposés indépendamment de la survenue des complications infectieuses. De même, alors qu’il résulte du décompte établi par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES le 5 mai 2022 que des frais de transport ont été engagés à hauteur de 4. 488, 70 € par l’organisme social pour la période comprise entre le 3 novembre 2017 et le 21 février 2020 correspondant précisément à celle sollicitée par Monsieur [F] [A], qui ne justifie au demeurant par aucune pièce des frais de péage qu’il sollicite, il n’est pas démontré que des frais de déplacement seraient restés à la charge du patient. En conséquence, cette demande sera rejetée.

Monsieur [F] [A] sollicite le remboursement des frais de télévision, repas, d’hébergement et de lit accompagnant pour un montant de 565, 14 € en produisant des factures.

La CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T] s’opposent à la demande en faisant valoir que Monsieur [F] [A] ne justifie pas que les frais exposés n’aient pas été pris en charge par sa mutuelle.

En l’absence de tout justificatif émanant de l’organisme de mutuelle complémentaire permettant d’établir l’absence totale de prise en charge des prestations hospitalières dont il est demandé le remboursement, il ne pourra être fait droit à la demande.

Monsieur [F] [A] demande réparation pour l’assistance par tierce personne dont il a bénéficié jusqu’à la consolidation de son état de la part de son épouse, en chiffrant ce poste de préjudice à la somme totale de 13. 053, 79 €, calculée en fonction des besoins sur les différentes périodes de déficit fonctionnel temporaire et d’un taux horaire de 23 €, sur une base annuelle de 412 jours, correspondant à 59 semaines. Il expose le déroulement des opérations d’expertise et le fait que les experts ont déposé leur rapport définitif sans solliciter leurs observations préalables, ce poste de préjudice n’ayant pas été soumis à une discussion contradictoire.

La CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T] concluent au rejet de la demande en faisant valoir que les experts n’ont pas retenu ce poste de préjudice et qu’il n’appartient pas à la victime de procéder de manière unilatérale et discrétionnaire à l’évaluation de ses préjudices.

Bien que les experts judiciaires n’aient pas fait état de ce chef de préjudice, il ne peut être sérieusement discuté le fait que Monsieur [F] [A] n’ait pu pourvoir seul aux actes élémentaires de la vie courante lors de ses retours à domicile à chaque période d’hospitalisation en lien avec les complications infectieuses. Il résulte en effet des constatations expertales que la victime s’est déplacée avec 2 cannes anglaises, utilisant parfois le fauteuil roulant au cours des trois périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III (correspondant à 170 jours au total), l’autonomie étant réduite de 50 % justifiant une aide pour les déplacements, la toilette, l’habillage, la préparation aux repas à hauteur de 2 heures par jour. Durant les deux périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II, correspondant à une perte d’autonomie de 25 % sur une durée de 35 jours, il se déplaçait encore à l’aide d’une canne anglaise, justifiant de lui allouer une aide à hauteur de 4 heures par semaine. Au delà, bien que se déplaçant sans aide technique sur de courtes distances, mais avec une légère boiterie, il ne pouvait pas porter de charge, ni entretenir son jardin, ni se déplacer seul, la conduite automobile n’ayant été reprise qu’au mois de décembre 2019, justifiant un besoin évalué à 2 heures par semaine durant les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe I totalisant 488 jours.

Les besoins en aide humaine de Monsieur [F] [A] seront donc évalués comme suit:
- périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III : 170 jours x 2 heures = 340 heures
- périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II : 35 jours (soit 5 semaines) = 5 semaines x 4 heures = 20 heures
- périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe I : 488 jours (soit 70 semaines) = 70 semaines x 2 heures = 140 heures
soit (340 heures + 20 heures + 140 heures) = 500 heures au total.

Compte tenu du faible nombre d’heures quotidiennes, puis hebdomadaires et limitée dans le temps, il n’y a pas lieu de faire application d’une base de calcul annuelle de 412 jours. Il n’est enfin pas contesté que l’assistance apportée à Monsieur [F] [A] l’a été par son entourage proche sans avoir eu recours à un prestataire extérieur en l’absence de technicité des actes de la vie courante que nécessitait son état, ni de qualification spécialisée, de sorte qu’il sera retenu un taux horaire de 18 € pour allouer à la victime la somme de (500 heures x 18 €) = 9. 000 euros.

En définitive, ce poste de préjudice s’élève à la somme totale de (104, 46 € + 4. 488, 70 € +
9. 000 €) = 13. 593, 16 €.

3° Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.)

Il ressort du rapport d’expertise que Monsieur [F] [A], exerçant la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, a fait l’objet d’arrêts de travail renouvelés entre le 11 octobre 2017 et jusqu’à la date de consolidation fixée au 21 février 2020.

Suivant décompte établi par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES le 5 mai 2022, il a été servi à Monsieur [F] [A] des indemnités journalières sur la période comprise entre le 2 décembre 2017, afin de tenir compte exclusivement des répercussions en lien avec les complications infectieuses consécutives à l’intervention du 9 octobre 2017, et le 21 février 2020, s’élevant à la somme totale de 26. 349, 40 €.

Monsieur [F] [A] ne fait état d’aucune perte de rémunération non compensée par le versement de ces indemnités.

B/ Pour la période postérieure à la consolidation

1° Dépenses de santé futures (D.S.F.)

Il y a lieu de constater qu’aucune demande n’est formulée à ce titre et qu’aucun motif ne permet de laisser ce poste réservé en mémoire. Il sera donc rejeté.

2° Incidence professionnelle (I.P.)

Monsieur [F] [A] sollicite le paiement de la somme de 15. 000 € au titre de l’incidence professionnelle qu’il subit en faisant valoir qu’il a été reconnu inapte au travail, situation qu’il a très difficilement accepté, source de dévalorisation au plan personnel, ayant justifié un suivi psychologique et un traitement anti-dépresseur. Il précise qu’il espérait poursuivre sa double activité de mandataire à la protection des majeurs et de professeur de judo jusqu’à ses 70 ans au sein du club dans lequel il était particulièrement investi depuis le début des années 1980.

La CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T] concluent au rejet de la demande en faisant valoir que Monsieur [F] [A] avait, antérieurement à l’intervention du 9 octobre 2017, pris la décision de prendre une retraite progressive à compter du 1er juillet 2017, étant alors âgé de 60 ans, de sorte que l’incidence professionnelle est nécessairement limitée. Il est ajouté que la décision d’inaptitude médicale est très peu justifiée et qu’il est difficile de comprendre les raisons qui auraient empêché la victime de reprendre sa profession antérieure de mandataire.

Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage qui limitent, après la consolidation, les possibilités professionnelles ou rendent l’activité antérieure plus fatigante ou pénible, fragilisant ainsi la permanence de l’emploi, voire rendent son exercice de moindre intérêt, traduisant une certaine dévalorisation sur le marché du travail. L’incidence professionnelle suppose une appréciation in concreto au regard de la nature et de l’ampleur des séquelles, de l’emploi précédemment exercé par la victime et de son âge.

En l’espèce, les experts ont mentionné que Monsieur [F] [A] n’avait pas repris son activité professionnelle et qu’il avait fait l’objet d’un rapport médical d’inaptitude au travail mettant fin à la retraite progressive obtenue en 2017 et lui attribuant le statut de retraité à compter du 1er octobre 2020.

Monsieur [F] [A] est fondé, du fait des complications infectieuses multiples consécutives à la pose de prothèse, ayant entraîné une convalescence de plus de deux ans et demi alors qu’il était encore en activité à temps partiel et conduit à une inaptitude médicalement constatée, à obtenir réparation pour la cessation définitive de toute vie professionnelle à compter du fait dommageables ayant profondément bouleversé les perspectives d’une cessation anticipée et aménagée. Ainsi, après une carrière professionnelle riche et ininterrompue, il subit nécessairement un préjudice de désocialisation et de désœuvrement ayant des répercussions au plan psychologique qu’il a exprimé dans les doléances aux experts.

Aussi, en tenant compte de ces éléments, de l’âge de Monsieur [F] [A] (64 ans dans l’année de la consolidation), l’incidence professionnelle sera réparée par une indemnité d’un montant de 10. 000 €.

II- Préjudices extra-patrimoniaux de Monsieur [F] [A]

A/ Pour la période antérieure à la consolidation

1° Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.)

Ce préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Monsieur [F] [A] demande la fixation de ce poste de préjudice à la somme globale de 9. 091, 50 € en réparation des troubles subis dans ses conditions d’existence au cours de la période antérieure à la consolidation, fixée au 21 février 2020, sur la base journalière de 30 € au titre d’un déficit fonctionnel temporaire total, au regard des différentes périodes retenues par les experts.

La CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T] proposent une indemnisation sur la base de 23 € par jour au titre du déficit fonctionnel temporaire total pour limiter respectivement leurs offres aux sommes respectives de 6. 960, 95 € et 6. 958, 65 €, le différentiel portant sur le nombre de jours au titre du déficit fonctionnel temporaire de classe II.

Les experts ont retenu :
- quinze périodes de déficit fonctionnel temporaire total correspondant aux hospitalisations complètes ou de jour, totalisant 160 jours,
- trois périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III (50 %) au cours desquelles Monsieur [F] [A] se déplaçait avec 2 cannes anglaises, parfois en fauteuil roulant manuel correspondant à 170 jours,
- deux périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II (25 %) du 22 octobre au 5 novembre 2018, puis du 11 au 30 août 2019 au cours desquelles Monsieur [F] [A] reprenait son autonomie, se déplaçant avec 1 canne anglaise, représentant 35 jours,
- deux périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe I (10 %) au cours desquelles l’état de Monsieur [F] [A] était en cours de stabilisation, correspondant à 488 jours.

Au vu des constatations expertales et sur la base de 27 € par jour au titre du déficit fonctionnel temporaire total, le préjudice de Monsieur [F] [A] s’établit comme suit :
- au titre du déficit fonctionnel temporaire total : (160 jours x 27 €) =
4. 320 €
- au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % : (170 jours x 27 € x 50 %) =
2. 295 €
- au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % : (35 jours x 27 € x 25 %) =
236, 25 €
- au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % : (488 jours x 27 € x 10 %) =
1. 317, 60 €
soit au total la somme de 8. 168, 85 € en réparation des troubles subis dans les conditions d’existence de la victime.

2° Souffrances endurées (S.E.)

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité et à sa dignité en raison des traitements subis durant la période antérieure à la consolidation.

Monsieur [F] [A] évalue ce poste de préjudice à la somme de 35. 000 € sur la base de l’évaluation faite par les experts retenant un taux de 5/7 , invoquant l’attestation de son médecin traitant sur le retentissement psychologique et tenant compte des 17 hospitalisations en 2 ans et demi, de deux déposes et reposes de prothèse, de l’astreinte aux soins et à ses contraintes, de la rééducation de plusieurs mois et des suites douloureuses tant physiques que psychiques.

La CLINIQUE DU SPORT propose une indemnité à hauteur de 10. 000 € uniquement en lien avec les interventions pouvant lui être imputées, tandis que le docteur [U] [T] limite son offre à la somme de 12. 000 € estimant la demande indemnitaire excessive.

Les experts ont évalué les souffrances endurées par la victime jusqu’à la consolidation au taux de 5/7 afin de tenir compte des hospitalisations itératives avec plusieurs interventions chirurgicales, l’astreinte aux soins et ses contraintes, une rééducation sur plusieurs mois et des suites douloureuses tant physiques que psychiques.

Au vu de ces constatations, les souffrances tant physiques que psychologiques subies par Monsieur [F] [A] seront réparées par une indemnité de 30. 000 €, tenant compte de la durée de la période antérieure à la consolidation.

3° Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.)

Ce poste de préjudice a vocation à réparer l’altération de l’apparence physique, même temporaire, de la victime, pendant la maladie traumatique qui est indemnisable de manière autonome et appréciée au regard de la durée effectivement subie au cours de la période antérieure à la consolidation.

Monsieur [F] [A] sollicite le paiement de la somme de 6. 000 € sur la base du rapport d’expertise à qui il reproche toutefois d’avoir évalué ce préjudice à hauteur de 3/7 seulement pendant les périodes de déposes et reposes de prothèse de genou droit et non sur l’ensemble de la période pré-consolidation pour tenir compte de la marche avec cannes, du port de l’attelle et des cicatrices.

La CLINIQUE DU SPORT estime que les experts ont tenu compte de ces éléments et que les cicatrices entrent dans le poste de préjudice esthétique permanent offrant de verser en réparation la somme de 2. 000 €. Le docteur [U] [T] fait valoir qu’aucun élément ne justifie que ce préjudice soit retenu sur toute la période avant la consolidation dont l’évaluation doit être limitée à la somme de 4. 000 €.

Les experts ont caractérisé l’existence d’un préjudice esthétique temporaire évalué à 3/7 pendant les périodes de déposes et reposes de prothèses du genou droit.

Ces éléments traduisent l’altération de l’apparence physique de la victime au regard des tiers et mais également au sien, à laquelle il convient d’ajouter celle liée à l’appareillage utilisé lors de déplacements, justifiant réparation à hauteur de la somme de 4. 800 € eu égard à la nature des atteintes et à leur caractère limité dans le temps.

B/ Pour la période postérieure à la consolidation

1° Déficit Fonctionnel Permanent (D.F.P.)

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d’existence. Plus précisément, il s’agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

Monsieur [F] [A] demande de chiffrer ce poste de préjudice à la somme de
16. 000 € sur la base d’une valeur du point fixée à 1. 600 € par référence au taux de 10 % fixé par les experts à qui ils reprochent d’avoir opéré une distinction inappropriée entre les conséquences de l’infection stricto sensu (évaluées à 4 %) et celles liées aux 3 poses et déposes de la prothèse (évaluées à 6 %), demandant au tribunal de retenir l’imputabilité totale des séquelles actuelles à l’infection nosocomiale et à ses complications, soit 10 %, tenant compte des douleurs sous rotuliennes quasi quotidiennement traitées par antalgiques. Il ajoute ne pas avoir accepté basculer vers un statut de personne handicapée ayant perdu sa pleine autonomie, sa totale mobilité, ses capacités d’entreprendre et sa vie familiale et sociale telle qu’elle était auparavant.

Tant la CLINIQUE DU SPORT que le docteur [U] [T] estiment que les experts ont tenu compte, à bon escient, de l’état antérieur du patient pour fixer le taux séquellaire strictement imputable aux phénomènes infectieux à 4 %, proposant de réparer ce préjudice par la somme de 4. 840 €.

Les experts ont fixé le taux de déficit fonctionnel permanent conservé par Monsieur [F] [A] à hauteur de 10 % pour des douleurs résiduelles au genou droit avec limitation des mobilités et empâtement du genou, dont 4 % en rapport avec le phénomène septique.

Aucun élément médical n’est produit par Monsieur [F] [A] permettant de remettre en cause les conclusions expertales qui ont pris en considération, à juste titre, l’important état antérieur présenté par le patient, déjà opéré à plusieurs reprises dans cette zone et ayant réalisé plusieurs infiltrations avant d’envisager la pose de prothèse, tenant compte des phénomènes douloureux persistants. Ainsi, seul le taux de 4 % en rapport avec les complications infectieuses est susceptible d’ouvrir droit à réparation, les 6 % restant bien que participant bien évidemment des troubles ressentis dans les conditions de vie ne pouvant entrer dans le champ de la réparation relevant de l’état antérieur, étant observé que les répercussions psychologiques invoquées par Monsieur [F] [A] dans ses capacités d’entreprendre et sa vie sociale ont été partiellement intégrées au titre l’incidence professionnelle.

Aussi, afin de tenir compte de l’état antérieur présenté et des séquelles physiologiques et psychiques exclusivement imputables aux conséquences préjudiciables liées aux phénomènes infectieux, incluant les douleurs conservées par la victime et les troubles dans les conditions d’existence associés, alors qu’elle était dans sa 63ème année au jour de la consolidation, il convient de fixer la valeur du point à la somme de 1. 300 €, pour évaluer ce préjudice à la somme de (1. 300 € x 4 %) = 5. 200 €, en déboutant Monsieur [F] [A] du surplus de sa demande qui n’est pas fondée.

2° Préjudice esthétique permanent (P.E.P)

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer les atteintes altérant définitivement l’apparence physique de la victime, la contraignant à se présenter ainsi à son propre regard ainsi qu’à celui des tiers.

Monsieur [F] [A] sollicite le paiement de la somme de 3. 000 € au titre de ce poste de préjudice estimant que l’évaluation des experts est manifestement insuffisante demandant au tribunal de l’évaluer à 1,5/7.

La CLINIQUE DU SPORT propose de verser la somme de 1. 000 € tandis que le docteur [U] [T] estime qu’une offre de 500 € est suffisante.

Les experts ont évalué ce poste de préjudice à 0,5/7 en raison des cicatrices multiples et d’une boiterie légère et / ou intermittente. Aucun élément médical, ni photographie n’est produite par Monsieur [F] [A] permettant d’aller au delà des conclusions expertales ainsi qu’il le demande et il y a lieu de tenir compte du fait que l’intervention initiale, même en l’absence d’infection, aurait également occasionné des cicatrices.

Sur la base de l’évaluation des experts et tenant compte de l’état antérieur, il y a lieu de fixer l’indemnité pour ce poste de préjudice à la somme de 1. 000 € pour un homme dans sa 63ème année au jour de la consolidation.

3° Préjudice d’agrément (P.A.)

Ce poste de préjudice vise à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations de la pratique antérieure de ces activités du fait de la gêne ou des douleurs ressenties en raison des séquelles conservées, supposant une appréciation in concreto au regard des habitudes de vie qui doivent être justifiées.

Monsieur [F] [A] demande la somme de 20. 000 € en réparation de ce poste de préjudice en faisant valoir qu’avant l’intervention, il pratiquait régulièrement le judo, le jujitsu, le vélo, la randonnée et le ski en saison et que depuis les complications infectieuses, il n’a pas repris ces activités, ce qui l’affecte énormément, imaginant que sa retraite allait lui offrir le temps nécessaire pour s’y adonner pleinement, nourrissant de nombreux projets. Il produit des attestations de son entourage démontrant l’importance du sport dans sa vie.

Tant la CLINIQUE DU SPORT que le docteur [U] [T] concluent au rejet de la demande en faisant état de l’état antérieur présenté par le patient avant l’intervention litigieuse qui avait un périmètre de marche réduit à une heure, de sorte qu’il est peu probable qu’il pratiquait encore les activités décrites dont la limitation n’est pas imputable aux complications infectieuses.

Les experts ont retenu la limitation des activités de loisirs en lien avec les séquelles conservées à la suite des complications infectieuses, étant observé que si la pratique antérieure de ces activités est établie notamment par les attestations et le fait qu’il enseignait le judo au sein d’un club, il relève du rapport qu’il a été autorisé en février 2020 à reprendre le vélo. Il doit nécessairement être tenu compte de l’état antérieur de cet homme certes très sportif, dans sa 63ème année au jour de la consolidation et de la part des séquelles limitées à 4 % en lien avec les seules complications infectieuses pour réparer ce poste de préjudice par une indemnité de 10. 000 €.

***

Les divers postes de préjudices de Monsieur [F] [A] seront récapitulés comme suit :
- Dépenses de santé actuelles (D.S.A.) : 55. 589, 44 €
- Frais divers (F.D.) : 13. 593, 16 €
- Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : 26. 349, 40 €
- Dépenses de santé futures (D.S.F.) : 0 €
- Incidence professionnelle (I.P.) : 10. 000 €
- Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.) : 8. 168, 85 €
- Souffrances endurées (S.E.) : 30. 000 €
- Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.) : 4. 800 €
- Déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) : 5. 200 €
- Préjudice esthétique permanent (P.E.P.) : 1. 000 €
- Préjudice d’agrément (P.A.) : 10. 000 €

TOTAL : 164. 700, 85 €

Sur l’imputation de la créance de l’organisme social

Il convient de rappeler qu’en vertu des principes posés par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifiée par l’article 25 III et IV de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 :
- les recours subrogatoires des caisses et tiers payeurs contre les tiers responsables s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel,
- conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu’en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence à la caisse subrogée,
- cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.

En l’espèce, les prestations en nature, prises en charge à hauteur de 55. 589, 44 € par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES absorbent le poste de dépenses de santé actuelles.

Les prestations de transport prises en charge à hauteur de 4. 488, 79 € par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES s’imputent sur le poste de frais divers.

Les prestations en espèces, prises en charge à hauteur de 26. 349, 40 € par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES absorbent le poste de pertes de gains professionnels actuels.

Monsieur [F] [A] recevra en définitive, en réparation de son préjudice corporel, la somme suivante :
- préjudice évalué : 164. 700, 85 €
- créance du tiers payeur à déduire : 91. 490, 85 €
- soit la somme de 73. 210 €.

***

Sur la liquidation des préjudices de Madame [R] [O] épouse [A], victime par ricochet

Suivant avis du 18 mars 2021, la CCI a reconnu la qualité de victime par ricochet à Madame [R] [O] épouse de Monsieur [F] [A].

1° Préjudice matériel

Madame [R] [A] demande réparation pour les frais de déplacement exposés afin de rendre visite à son conjoint qu’elle a accompagné dans sa convalescence en lui rendant visite à 12 reprises à la CLINIQUE DU SPORT correspondant à la somme totale de 3. 736, 03 €, intégrant les péages pour 691, 20 €, précisant qu’elle réside à [Localité 7] (64), pour 5. 088 kilomètres parcourus, avec son véhicule d’une puissance de 5 CV.

Tant la CLINIQUE DU SPORT que le docteur [U] [T] concluent au rejet de la demande en faisant valoir qu’aucune preuve n’est rapportée des allers-retours, le listing produit, non accompagné de justificatifs, étant insuffisant.

Il ne peut être sérieusement contesté le fait que l’épouse de Monsieur [F] [A] ait rendu visite à son conjoint lorsqu’il était hospitalisé à temps plein à la CLINIQUE DU SPORT à compter du 3 novembre et jusqu’au 2 février 2018. La réalité de ses déplacements est corroborée par l’attestation de l’ostéopathe qui l’a suivie. Toutefois, la photocopie en noir et blanc du tableau récapitulatif des déplacements allégués ne permet pas d’identifier ceux qui concernent les déplacements où elle accompagnait son mari matérialisés “en bleu” et il n’est produit aucun justificatif de paiement des frais de péage. Aussi, l’indemnité sera limitée au kilométrage pour les visites à la CLINIQUE DU SPORT, soit 12 allers-retours, représentant (12 x 400 km) = 4. 800 kilomètres sur une base de 0, 603 € du kilomètre pour un véhicule de 5CV, soit une indemnité de 2. 894, 40 €.

Madame [R] [A] demande également le remboursement de frais de santé des spécialistes qu’elle a été amenée à consulter à la suite des troubles anxieux majeurs que son médecin traitant atteste qu’elle a développés, s’élevant à la somme totale de 655 €.

La CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T] s’opposent à la demande en faisant valoir qu’il n’est pas établi que ces soins sont imputables à la détérioration de son état de santé elle-même consécutive aux complications de son époux et que ces frais ont pu être pris en charge par la mutuelle.

Sur la base de l’attestation établie par son médecin traitant, Madame [R] [A] établit avoir présenté des troubles anxieux en lien avec les répercussions des complications infectieuses subies par son conjoint ayant justifié plusieurs interruptions de travail et la réalisation de séances d’ostéopathie au motif d’algies musculo-squelettiques, que le praticien relie avec un état de stress émotionnel intense généré par l’état de son mari ainsi que les nombreux déplacements générés. Pour ces motifs, au vu des justificatifs présentés, il sera alloué à Madame [R] [A] la somme de 580 € en remboursement des frais de santé engagés, intégrant deux séances auprès d’une psychologue, le surplus de la demande correspondant à des séances d’hypnose et de soins énergétiques étant rejeté.

En définitive, le préjudice matériel de Madame [R] [A] s’élève à la somme de
(2. 894, 40 € + 580 €) = 3. 474, 40 €.

2° Préjudice moral

Madame [R] [A] demande réparation à hauteur de 15. 000 € pour le préjudice moral subi du fait des séquelles subies par son époux et du long parcours de soins qu’il a enduré dans lequel elle l’a toujours fidèlement accompagné et les inquiétudes face à l’évolution du processus infectieux qui a justifié la prescription d’un traitement par Benzodiazépine pendant plus de deux ans et l’a amenée à consulter une psychothérapeute à deux reprises. Elle invoque également les bouleversements dans son quotidien au cours de ces années de soins, l’ayant contrainte à adapter ses habitudes de vie pour se consacrer pleinement au rétablissement et au bien-être de son époux. Elle ajoute que son conjoint, qui accepte difficilement son handicap, apparaît plus taciturne, plus intolérant et moins patient, ce qui impacte nécessairement son quotidien.

La CLINIQUE DU SPORT fait valoir qu’en raison de l’état séquellaire strictement imputable, ce poste de préjudice ne saurait être indemnisé par une somme supérieure à 10. 000 €, tandis que le docteur [U] [T], qui ne s’oppose pas sur le principe de la demande, estime que ce préjudice ne saurait excéder la somme de 1. 500 €.

Le préjudice d’affection correspond au préjudice moral des proches causé par les blessures, le handicap et les souffrances de la victime directe. Son montant est fixé en fonction de l’importance du dommage corporel de la victime directe et sa réparation implique l’existence d’une relation affective réelle entre eux.

En l’espèce, l’épouse de Monsieur [F] [A], avec qui elle est mariée depuis 1982, a indiscutablement souffert moralement des conséquences dommageables résultant du long parcours de soins subi par ce dernier en l’accompagnant dans sa convalescence qui a duré plus de 2 ans et demi et qui a entraîné des bouleversements dans sa vie personnelle et professionnelle. Il doit néanmoins être tenu compte du fait que les répercussions séquellaires de l’état de son conjoint ne sont pas imputables en intégralité aux défendeurs en raison de l’important état antérieur présenté par la victime directe, justifiant d’allouer à son épouse la somme de 5. 000 € en réparation du préjudice d’affection subi.

Sur les demandes de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES

L’organisme social sollicite la condamnation in solidum des coresponsables au remboursement des prestations servies à Monsieur [F] [A] pour 91. 490, 85 € et à Madame [R] [A] pour 1. 523, 93 € en lien avec les complications infectieuses, outre des indemnités forfaitaires de gestion d’un montant respectif de 1. 162 € pour le premier et 507, 98 € pour la seconde.

La CLINIQUE DU SPORT a conclut, à titre principal, au rejet des demandes contestant le caractère nosocomial de l’infection et, à titre subsidiaire, ne conteste pas sa prise en charge pour la créance concernant Monsieur [F] [A] qu’elle demande de limiter à 40 % des préjudices correspondant à sa part de responsabilité. S’agissant de Madame [R] [A], elle s’oppose à la demande en faisant valoir que l’attestation d’imputabilité est insuffisante pour établir l’imputabilité des arrêts de travail à l’acte médical du 9 octobre 2017.

Le docteur [U] [T] s’oppose aux demandes en faisant valoir que les créances ne sont fondées ni dans leur principe, ni dans leur quantum, l’attestation d’imputabilité étant établie par un médecin conseil de la caisse, sans reposer sur aucun élément extérieur vérifiable, les notions d’autonomie et d’impartialité étant illusoires dans la mesure où le médecin conseil fait partie intégrante de l’assurance maladie. Il fait valoir que les dates d’hospitalisation et les frais médicaux ne justifient pas de la réalité de ces frais, ni du lien de causalité les rattachant à l’intervention litigieuse. Il invoque des décisions de justice ayant rejeté les créances de l’organisme social en raison des carences probatoires.

Contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, il importe de rappeler que les médecins conseils des caisses de sécurité sociale n’en sont pas salariés et ne sont donc pas tenus par un lien de subordination, exerçant sous leur propre responsabilité professionnelle et selon les règles de déontologies propres à l’ordre médical. Aussi, les attestations d’imputabilité qu’ils établissent sont des éléments probants de nature à établir l’imputabilité d’une dépense de la caisse à un événement dommageable, sauf à en rapporter la preuve contraire.

En l’espèce, il résulte des deux attestations d’imputabilité produites que les seules prestations liées aux à l’acte médical du 9 octobre 2017 ont été prises en compte, les soins qui y sont étrangers étant écartés. Le médecin de la caisse s’est nécessairement fondé sur les conclusions du rapport d’expertise en retenant la même date de consolidation au 21 février 2020, date à laquelle a été interrompu le décompte, ayant exclu la période d’hospitalisation initiale et les soins associés qui auraient engendré des débours en l’absence d’infection.

Il sera donc fait droit aux demandes présentées par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES sur la base des décomptes établis le 5 mai 2022 concernant Monsieur [F] [A] et, le 3 octobre 2022, concernant Madame [R]

[A], dont l’activité professionnelle a été interrompue de façon ponctuelle mais régulière au gré de l’évolution de la prise en charge des complications infectieuses. Les périodes d’arrêt de travail concernent en effet précisément les séjours hospitaliers qu’à subi son conjoint qu’elle accompagnait dans sa convalescence.

L’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’en contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement des prestations versées ou devant être versées à la victime, la caisse d’assurance maladie recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l’organisme national d’assurance maladie dont le montant est fixé par arrêté ou égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu. Dès lors, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES est fondée à obtenir le paiement de la somme 1. 162 € concernant Monsieur [F] [A] et de (1. 523, 93 €/3) = 507, 98 € concernant Madame [R] [A], au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les autres demandes

En application de l’article 1231-6 du code civil, les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jugement et il sera fait application, pour l’avenir des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, selon les modalités prévues par ce texte.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts [A] et de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES les frais non compris dans les dépens pour faire valoir leurs droits. Il leur sera alloué les sommes respectives de 3. 000 € et 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Selon l’article 514-1 du même code, “le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire”.

En l’espèce, les défendeurs n’invoquent aucun élément susceptible d’établir que l’exécution provisoire serait incompatible avec la nature de l’affaire ou de nature justifier la consignation du montant des condamnations. En conséquence, la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, les défendeurs seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance, étant précisé que Maître [G] BARDET pourra recouvrer sur la partie condamnée les dépens dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision, en application de l’article 699 du même code.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au Greffe, les parties préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DIT que les complications infectieuses subies par Monsieur [F] [A] à la suite de l’intervention chirurgicale réalisée au sein de la CLINIQUE DU SPORT le 9 octobre 2017 sont de nature nosocomiale ;

DECLARE la CLINIQUE DU SPORT responsable de plein droit de l’intégralité des préjudices subis par Monsieur [F] [A] et Madame [R] [O] épouse [A], victime par ricochet ;

DIT que le docteur [U] [T] a commis un manquement fautif caractérisé par un retard de prise en charge dans les suites de l’intervention chirurgicale réalisée au sein de la CLINIQUE DU SPORT le 9 octobre 2017 à l’origine d’une perte de chance évaluée à 10 % des préjudices de Monsieur [F] [A] et de Madame [R] [O] épouse [A], victime par ricochet ;

CONDAMNE in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T] à réparer les préjudices subis par Monsieur [F] [A] et Madame [R] [O] épouse [A], dans la limite de 10 % s’agissant du docteur [U] [T] ;

DEBOUTE Monsieur [F] [A] et Madame [R] [O] épouse [A] de leurs demandes tendant à statuer sur la contribution à la dette entre les co-responsables et à l’égard du CHU de [Localité 8] ;

DEBOUTE le docteur [U] [T] de sa demande tendant à être garanti et relevé indemne par la CLINIQUE DU SPORT ;

FIXE le préjudice corporel de Monsieur [F] [A] à la somme de 164. 700, 85 €, décomposée comme suit :
- Dépenses de santé actuelles (D.S.A.) : 55. 589, 44 €
- Frais divers (F.D.) : 13. 593, 16 €
- Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : 26. 349, 40 €
- Dépenses de santé futures (D.S.F.) : 0 €
- Incidence professionnelle (I.P.) : 10. 000 €
- Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.) : 8. 168, 85 €
- Souffrances endurées (S.E.) : 30. 000 €
- Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.) : 4. 800 €
- Déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) : 5. 200 €
- Préjudice esthétique permanent (P.E.P.) : 1. 000 €
- Préjudice d’agrément (P.A.) : 10. 000 € ;

CONDAMNE in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T], dans la limite de 10 % s’agissant de ce dernier, à payer à Monsieur [F] [A] la somme de
73. 210 €, après imputation de la créance du tiers payeur, en réparation de son préjudice corporel, consécutif à l’infection nosocomiale dont il a été victime ;

FIXE les préjudices de Madame [R] [O] épouse [A] comme suit : - Préjudice matériel : 3. 474, 40 €
- Préjudice moral : 5. 000 € ;

CONDAMNE in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T], dans la limite de 10 % s’agissant de ce dernier, à payer à Madame [R] [O] épouse [A] la somme de 8. 474, 40 €, en réparation des préjudices subis en qualité de victime par ricochet, consécutifs à l’infection nosocomiale dont a été victime Monsieur [F] [A] ;

CONDAMNE in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T], dans la limite de 10 % s’agissant de ce dernier, à payer à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES les sommes suivantes :
- 91. 490, 85 € au titre des prestations servies à Monsieur [F] [A],
- 1. 523, 93 € au titre des prestations servies à Madame [R] [O] épouse [A],
- 1. 162 € concernant Monsieur [F] [A]
- 507, 98 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion concernant Madame [R] [O] épouse [A] ;

DIT que le montant des indemnités allouées à Monsieur [F] [A], à Madame [R] [O] épouse [A] et à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;

DIT qu’il sera fait application, pour l’avenir, des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, selon les modalités prévues par ce texte ;

CONDAMNE in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T], dans la limite de 10 % s’agissant de ce dernier, à payer à Monsieur [F] [A] et à Madame [R] [O] épouse [A] la somme globale de 3. 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T], dans la limite de 10 % s’agissant de ce dernier, à payer à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 10]-PYRÉNÉES la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit, ni à ordonner la consignation des condamnations prononcées ;

CONDAMNE in solidum la CLINIQUE DU SPORT et le docteur [U] [T], dans la limite de 10 % s’agissant de ce dernier, aux dépens de l’instance et DIT que Maître Max BARDET, avocat, pourra recouvrer sur la partie condamnée les dépens dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président, et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/03182
Date de la décision : 03/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-03;22.03182 ?
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