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03/04/2024 | FRANCE | N°21/08743

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 03 avril 2024, 21/08743


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Avril 2024
63A

RG n° N° RG 21/08743

Minute n°



AFFAIRE :

[G] [W] épouse [S], [L] [S]
C/
Etablissement [10], CPAM DE LA GIRONDE,SOCIETE HOSPITALIERE D’ASSURANCES MUTUELLES (SHAM), OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM),


Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES
la SELARL LEX URBA - NICOLAS ROUSSEA

U ET ASSOCIÉS
la SELARL MEYER & SEIGNEURIC
la SCP SAIDJI & MOREAU




COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats, du délibéré et de la mise à disp...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Avril 2024
63A

RG n° N° RG 21/08743

Minute n°

AFFAIRE :

[G] [W] épouse [S], [L] [S]
C/
Etablissement [10], CPAM DE LA GIRONDE,SOCIETE HOSPITALIERE D’ASSURANCES MUTUELLES (SHAM), OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM),

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES
la SELARL LEX URBA - NICOLAS ROUSSEAU ET ASSOCIÉS
la SELARL MEYER & SEIGNEURIC
la SCP SAIDJI & MOREAU

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats, du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 07 Février 2024,

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Madame [G] [W] épouse [S]
née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Hélène SEIGNEURIC de la SELARL MEYER & SEIGNEURIC, avocats au barreau de BORDEAUX

Monsieur [L] [S]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 12] (ROUMANIE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Maître Hélène SEIGNEURIC de la SELARL MEYER & SEIGNEURIC, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

[10] pris en la personne de son directeur en exercice
[Adresse 5]
[Localité 7]

représentée par Maître Nicolas ROUSSEAU de la SELARL LEX URBA - NICOLAS ROUSSEAU ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de BORDEAUX

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice
[Adresse 14]
[Localité 6]

représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX

SOCIETE HOSPITALIERE D’ASSURANCES MUTUELLES (SHAM) prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]

représentée par Maître Nicolas ROUSSEAU de la SELARL LEX URBA - NICOLAS ROUSSEAU ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de BORDEAUX

l’OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDI CAUX pris en la personne de son directeur en exercice
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 9]

représentée par Maître Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocats au barreau de PARIS, Maître Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [G] [W] épouse [S] s'est vu diagnostiquer un cancer du col utérin au mois de septembre 2013. Elle a été prise en charge par le CHU de [Localité 6] qui, après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire, lui a dans un premier temps proposé un curage lombo aortique afin de définir les champs d'irradiation et de radio chimiothérapie nécessaire. L'intervention s'est déroulée le 11 octobre 2013 au CHU et a été réalisée par le Docteur [D] par cœlioscopie robot-assistée, Madame [S] ayant accepté que l'intervention se passe par voie de cœlioscopie robot-assistée dans le cadre de l'étude ROBOGYN.

Suite à cette intervention, Madame [S] est retournée à son domicile. Néanmoins, le 26 octobre, à 15 jours de l'intervention, elle a été hospitalisée et opérée en urgence pour ligature de la veine cave inférieure en raison d'une hémorragie rétropéritonéale massive.

Le début de radiothérapie a en conséquence été repoussé au 10 décembre 2013 et ses soins pour le cancer se sont poursuivis jusqu'au 7 mai 2014.

Indiquant que la complication hémorragique était à l'origine de séquelles veineuses importantes se traduisant par un œdème des membres inférieurs avec sensation de lourdeur et fatigabilité des membres inférieurs à la station debout prolongée, Madame [S] a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation, laquelle a ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [H], gynécologue obstétricien et au professeur [Y] chirurgien vasculaire. L’expertise menée au contradictoire du CHU de [Localité 6] a donné lieu à un rapport d'expertise daté du 13/07/2017

Les experts y concluent à une faute de fonctionnement et d'organisation des hôpitaux de [Localité 6], retenant une maladresse, la nécrose de la paroie veineuse à l'origine de l’hémorragie ne pouvant s’expliquer que par la prise trop proche et/ou trop prolongée d'une collatérale de la veine cave ou de sa paroi par la pince bipolaire.

Par avis du 23 août 2017, la Commission de Conciliation et d’Indemnisation se déclarait incompétente en raison des seuils de gravité non atteints.

Par actes d'huissier délivrés les 25 octobre, 2 novembre et 12 novembre 2021, Madame [G] [W] épouse [S] et son mari Monsieur [L] [S] ont fait assigner devant le présent tribunal le [10] en qualité de promoteur de l’essai, son assureur la SHAM et l’ONIAM ainsi que la CPAM de la Gironde.

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 mars 2023, Madame [G] [W] épouse [S] et Monsieur [L] [S] demandent au tribunal de :
Vu les articles L. 1121-10 et L. 1142-3 du Code de la santé publique,
Vu le rapport d’expertise CCI des Docteurs [H] et [Y] en date du 13 juillet 2017,
- DIRE ET JUGER que le [10] en sa qualité de promoteur de l’essai et en
raison de l’accident médical subi par Madame [S], engage sa responsabilité au sens de l’article L1121-10 du Code de Santé publique
- CONSTATER le manquement du [10] à son devoir d’information envers
Madame [S]

- DIRE ET JUGER que le [10] est soumis à indemnisation de l’entier dommage de Madame [S] et de son mari Monsieur [S] au sens de l’article L.1121-10 du Code de la Santé Publique.
A DEFAUT et en cas de preuve par ce dernier que le le dommage n’est pas imputable à sa faute ou à celle de tout intervenant,
- DIRE ET JUGER qu’il appartiendra à l’ONIAM d’indemniser Monsieur et Madame [S]
de leurs préjudices respectifs conformément aux articles L.1121-10 et L.1142-3 du Code de la Santé Publique.
- CONDAMNER le [10] ou à défaut l’ONIAM à payer à Madame [S]
les indemnités suivantes :
* Frais divers : 1 022.31 Euros
* Souffrances endurées : 20 000 Euros
* Préjudice esthétique permanent : 8 000 Euros
* Déficit fonctionnel permanent : 20 350 Euros
* Perte de gains professionnels actuels : 6 913.49 Euros
* Perte de gains professionnels futurs : 22 867.71 Euros
* Incidence professionnelle : 10 000 Euros
* Préjudice sexuel : 2 500 Euros
* Préjudice d’impréparation et perte de chance :10 000 Euros
Soit une somme totale de 101 653.51 Euros
A TITRE SUBSIDIAIRE
- ORDONNER une expertise judicaire si le Tribunal n’était pas suffisamment informé et la confier à des médecins spécialistes en gynécologie obstétrique et en chirurgie vasculaire
- CONDAMNER le [10] ou à défaut l’ONIAM à payer à Monsieur [S]
la somme de 2 500 Euros au titre de son préjudice sexuel.
- CONDAMNER le [10] ou à défaut l’ONIAM au paiement d’une
indemnité de 2 500 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER le [10] ou à défaut l’ONIAM au paiement des dépens de
l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire
- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir
- RENDRE OPPOSABLE la décision à intervenir au CHU PELLEGRIN investigateur de l’essai

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 13/12/2022, la CPAM de la Gironde demande au tribunal, au visa de l’article L.376-1 du Code de la Sécurité sociale, de :
- DECLARER le [10] responsable de l’accident médical dont a été victime Madame [G] [W] épouse [S] dans les suites de l’intervention réalisée le 11 octobre 2013 et des préjudices qui en ont résulté pour la CPAM DE LA GIRONDE ;
- DECLARER que le préjudice de la CPAM DE LA GIRONDE est constitué par les sommes exposées dans l'intérêt de son assurée sociale, Madame [G] [W] épouse [S], à hauteur de la somme de 31.314,94 € ;
- CONDAMNER SOLIDAIREMENT le [10] et son assureur, la SHAM à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 31.314,94 € en remboursement des prestations versées pour le compte de son assurée sociale ;
- CONDAMNER SOLIDAIREMENT le [10] et son assureur, la SHAM à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 1.114,00 € au titre de l'indemnité forfaitaire en application des dispositions des articles 9 et 10 de l'Ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996;
- DECLARER que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal ;
- FAIRE application des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil ;
- CONDAMNER SOLIDAIREMENT le [10] et son assureur, la SHAM à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens ;
- DIRE N’Y AVOIR LIEU à écarter l’exécution provisoire de droit.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
- STATUER CE QUE DE DROIT sur les demandes d’expertise présentées à titre subsidiaire par l'ONIAM et le [10] et son assureur, la SHAM,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
- DEBOUTER toute partie de toute demande dirigée à l’encontre de la CPAM DE LA GIRONDE.

Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 10/09/2022, le [10] et la SHAM demandent au tribunal de :
- Dire et juger que les consorts [S] n’apportent pas la preuve de l’existence de leur intérêt à agir devant la juridiction judiciaire ;
- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions des consorts [S] ;
- Les condamner à verser au COL une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de
procédure civile ainsi qu’en tous les frais et dépens de l’instance au profit de Me Nicolas Rousseau, avocat aux offres de droit ;
A titre subsidiaire, avant dire droit, ordonner une mesure d’expertise judiciaire au contradictoire du COL et de l’ONIAM avec mission complète visant à déterminer le mécanisme de survenue de la plaie vasculaire ;
A titre infiniment subsidiaire, dire et juger que la responsabilité du COL n’est pas engagée en
présence d’un aléa thérapeutique ;
- Dire et juger que la responsabilité du COL n’est pas engagée au titre de l’obligation d’information ; - Rejeter toutes demandes, fins et conclusions des consorts [S] à l’égard du COL ;
- Condamner les consorts [S] à verser au COL une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les frais et dépens de l’instance au profit de Me Nicolas Rousseau, avocat aux offres de droit.
Plus subsidiairement encore, liquider les postes de préjudice évoqués par la requérante comme
proposé dans le corps des présentes.
- Rejeter toute autre demande

Au terme de ses conclusions responsives notifiées par voie électronique le 22/03/2022, l’ONIAM demande au tribunal de :
Vu le code de la santé publique et notamment les articles L. 1142-1 II, L. 1142-22 et suivants.
A titre principal :
- Mettre hors de cause l’ONIAM.
A titre subsidiaire :
- Ordonner la mise en place d’une expertise médicale au contradictoire de l’ensemble des parties.
- Compléter la mission d’expertise comme suit :
« Convoquer et entendre les parties et tout sachant.
* Se faire communiquer l'intégralité du dossier médical de Madame [G] [S] et veiller à sa communication contradictoire préalablement à la réunion d'expertise.
* Reconstituer l’ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure.
* Décrire tous les soins, investigations et actes annexes qui ont été dispensés et préciser par qui ils ont été pratiqués, la manière dont ils se sont déroulés et dans quel établissement ils ont été dispensés.

* Dire si les actes réalisés notamment dans l’établissement du diagnostic, dans le choix de la thérapie, dans la délivrance de l’information, dans la réalisation des actes et des soins, dans la surveillance, ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale à l’époque où ils ont été réalisés.
* De manière générale, réunir tous les éléments devant permettre de déterminer si des fautes médicales, des fautes de soins ou des fautes dans l’organisation du service ont été commises.
* Dire si les préjudices subis sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ou d’abstention de soins, et le cas échéant, déterminer lesquels.
* Dire s’il existe un lien de causalité entre la prise en charge de Madame [S] et le dommage allégué,
* Dire quelles sont les causes possibles de ce dommage et rechercher si d’autres pathologies ont pu interférer sur les évènements à l’origine de la présente expertise et expliquer en quoi elles ont pu interférer.
* Dire quel a été le rôle de la pathologie initiale dans la réalisation du dommage.
* Dire si le dommage survenu et ses conséquences étaient probables, attendus et redoutés; évaluer le taux du risque qui s’est, le cas échéant, réalisé.
* Déterminer si l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que les conséquences probables de la pathologie présentée en l’absence de traitement.
* Dire que l'expert rédigera un pré-rapport qui sera adressé aux parties aux fins d'observations auxquelles il sera répondu dans le rapport définitif.».
- Rejeter l’ensemble des demandes de paiements à l’encontre de l’ONIAM

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7/11/2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 7/02/2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité du [10]

Il résulte des dispositions de l’article L 1121-10 du Code de la santé publique que :
« Le promoteur assume l'indemnisation des conséquences dommageables de la recherche impliquant la personne humaine pour la personne qui s'y prête et celle de ses ayants droit, sauf preuve à sa charge que le dommage n'est pas imputable à sa faute ou à celle de tout intervenant sans que puisse être opposé le fait d'un tiers ou le retrait volontaire de la personne qui avait initialement consenti à se prêter à la recherche.
Lorsque la responsabilité du promoteur n'est pas engagée, les victimes peuvent être indemnisées dans les conditions prévues à l'article L. 1142-3.

Toute recherche mentionnée aux 1° ou 2 o de l'article L. 1121-1 exige la souscription préalable, par son promoteur, d'une assurance garantissant sa responsabilité civile telle qu'elle résulte du présent article et celle de tout intervenant, indépendamment de la nature des liens existant entre les intervenants et le promoteur. Les dispositions du présent article sont d'ordre public ».

Par ailleurs au terme des dispositions de l’article L1142-3 du même code :
« Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables au promoteur de recherche impliquant la personne humaine, dont la responsabilité peut être engagée conformément au premier alinéa de l'article L. 1121-10 et qui est soumis à l'obligation d'assurance prévue au troisième alinéa du même article. Les personnes qui subissent des dommages dans le cadre de la recherche impliquant la personne humaine peuvent faire valoir leurs droits en application des deux premiers alinéas de l'article L. 1121-10 auprès des commissions régionales mentionnées aux sections 2,3 et 4 du présent chapitre.
Lorsque la responsabilité du promoteur n'est pas engagée, les victimes peuvent être indemnisées par l'office institué à l'article L. 1142-22, conformément aux dispositions du II de l'article L. 1142-1. Toutefois l'indemnisation n'est pas dans ce cas subordonnée au caractère de gravité prévu par ces dispositions »

Les requérants soutiennent à titre principal que l'action a bien été intentée contre le promoteur de la recherche, qui assure la gestion de la recherche et son financement, à savoir le [10], le CHU étant quant à lui l'instigateur qui dirige et surveille la réalisation de la recherche. Ils soutiennent qu'il s'agit d'une responsabilité pour faute présumée et qu'en l'espèce, la preuve d'une faute ressort du rapport d'expertise médicale.

La CPAM conclut également à la responsabilité du [10], promoteur de l’essai, et à l'absence de démonstration par ce dernier que l'accident hémorragique présenté par Madame [S] n'est pas imputable à l'étude. Elle ajoute qu'un rapport d'expertise, même non contradictoire, peut être retenu comme élément de preuve s'il est corroboré par des éléments extérieurs. Elle ajoute que la SHAM, assureur du [10] était représenté aux opérations d'expertise en qualité d'assureur du CHU.

Le [10] et la SHAM demandent au tribunal d'écarter les conclusions du rapport d'expertise médicale des docteurs [H] et [Y] réalisé au contradictoire du CHU de [Localité 6] mais non du [10]. En tout état de cause, ils soutiennent l'absence de faute caractérisée du CHU et ajoutent que les experts de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation n'ont fait qu'émettre une hypothèse de maladresse de l'opérateur qui aurait pris de manière trop longue et/ou trop proche une voie collatérale de la veine cave inférieure, hypothèse improbable au regard de la finesse permise par l'assistance robot-assistée. Ils soutiennent que l'intervention a été réalisée par un chirurgien mettant en œuvre les bras d'un robot au lieu et place de ses mains et affirme que la technique opératoire et les différents temps opératoires sont les mêmes. Ils ajoutent que la circonstance que l'utilisation d'un matériel médical puisse comporter des risques ne suffit pas à caractériser l'existence d'une faute de l'opérateur.

Les défendeurs considèrent donc que la responsabilité du [10] doit être écartée, seule la survenue d'un aléa thérapeutique étant selon eux susceptible d'expliquer l'accident hémorragique.

Il résulte des dispositions de l'article L 1121-10 du code de la santé publique qu’est instituée en faveur du patient qui accepte de se prêter à la recherche une présomption simple de responsabilité contractuelle du promoteur de la recherche biomédicale, sauf pour ce dernier à démontrer que le préjudice subi ne lui est pas imputable. Il appartient néanmoins au patient de démontrer que les dommages qu'il invoque ont été causés par la recherche à laquelle il a participé.

Il est établi que l'accident hémorragique causé par une nécrose de la veine cave inférieure a eu lieu 15 jours après l'opération robot-assistée réalisée par le Docteur [D] dans le cadre de la recherche dite ROBOGYN. La responsabilité du [10] est recherchée en qualité de promoteur, qualité qu'il ne discute pas, de sorte qu’elle peut être recherchée par Madame [S] devant la présente juridiction dans le cadre des dispositions susvisées. Aucune fin de non-recevoir n'a d'ailleurs été soulevée devant le juge de la mise en état, seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, les fins de non-recevoir soulevées postérieurement à son dessaisissement étant irrecevables en application de l'article 789 du code de procédure civile.

Par ailleurs, dès lors que les conclusions d’un expertise non contradictoire à l’égard d’une partie peuvent servir à l’appui de sa condamnation si elles sont corroborées par des éléments extérieurs, il n’y a pas lieu d'écarter les conclusions du rapport d'expertise médicale des docteurs [H] et [Y] réalisé au contradictoire du CHU de [Localité 6] mais non du [10].

Le [10] et la SHAM ne remettent pas en cause le lien entre l'accident hémorragique du 26 octobre 2013 et l'intervention sous cœlioscopie robot-assistée réalisée par le Docteur [D] 15 jours auparavant le 11 octobre 2013. Le rapport d'expertise des Docteur [H] et [Y] retient qu'il ne s'agit pas d'un aléa thérapeutique, précisant qu'il s'agit d'une maladresse responsable de la nécrose de la paroi veineuse avec chute d’escarres secondaire, constitution progressive d'un hématome rétropéritonéal ayant fini par dilacérer la veine cave inférieure. Les experts considèrent que cette nécrose ne peut s'expliquer que par la prise trop proche et/ou trop prolongée d'une collatérale de la veine cave ou de sa paroi par la pince bipolaire. Ils citent une étude de la haute école de la province de [Localité 13] permettant de retenir que la simple diffusion thermique évaluée à 23 mm ne peut expliquer une lésion de toute l'épaisseur de la paroi veineuse.

La simple affirmation par le [10] de ce que la maniabilité du robot et la finesse permise par l'assistance robot-assistée empêchent un tel accident ne suffit pas à renverser la présomption de faute du promoteur de la recherche. Si le [10] n'était certes pas représenté aux opérations d'expertise ordonnée par la Commission de Conciliation et d’Indemnisation, il apparaît que les défendeurs ne s'appuient sur aucun élément du rapport d'expertise des docteurs [H] et [Y] et ne versent aucun élément extérieur permettant de renverser la présomption de faute dont fait l'objet le [10] en qualité de promoteur de l’essai.

Dès lors, il convient de déclarer le [10] responsable des conséquences de l'accident hémorragique dont a été victime Madame [S] le 26 octobre 2013 et de le condamner à réparer les entiers préjudices des requérants, la demande de Mme [S] n’étant pas formée contre la SHAM.

En revanche, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande des requérants tendant à ce que la décision soit déclarée opposable au CHU, qui n'est pas partie dans la présente instance, cette demande n’étant fondée sur aucun texte spécifique.

Sur les dommages-intérêts pour défaut d’information

Madame [S] sollicite la condamnation du [10] à lui verser une somme de 10 000 € au titre du préjudice d'impréparation et de perte de chance d'éviter son préjudice. Elle soutient qu'il ne lui a pas été remis de notice d'information détaillée décrivant les modalités thérapeutiques et les effets indésirables. Elle conteste avoir fait l'objet d'une information lui exposant les risques de l'intervention, et notamment les risques d'hémorragie rétropéritonéal.

Les défendeurs contestent tout manquement au devoir d'information, soutenant que le [10] a établi sa propre note d'information et de consentement des patients qui mentionnent les risques liés à la cœlioscopie. En tout état de cause, ils soutiennent qu'en application des dispositions de l'article L 1122-1 du code de la santé publique, c'est l'investigateur qui, préalablement à la réalisation d'un acte de recherche biomédicale sur une personne, doit faire connaître au patient les risques prévisibles.

Les défendeurs ont produit la note d'information et de consentement des patientes signée de Madame [S], laquelle a également signé le 23 septembre 2013 un formulaire de recueil du consentement au protocole de recherche biomédicale ROBOGYN mentionnant qu'elle avait pris connaissance de la note d'information expliquant le protocole de recherche. Parmi les risques mentionnés dans cette note d'information figuraient les complications « hémorragiques ».
En tout état de cause, il est constant que l'obligation d'information du patient qui se prête à une recherche biomédicale est mise à la charge non pas du promoteur mais de l'investigateur aux termes des dispositions de l'article L 1122-1 du code de la santé publique.

Dès lors, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de Madame [S] à ce titre.

Sur la liquidation du préjudice de Madame [G] [W] épouse [S]

Le rapport des experts désignés par la CCI indique que Madame [G] [W] épouse [S] née le [Date naissance 2]74, exerçant la profession d’aide soignante au moment des faits, a présenté suite aux faits une hémorragie rétropéritonéal massive ayant nécessité une ligature de la veine cave inférieure en urgence. Ils précisent que par la suite, indépendamment des soins reçus pour le cancer du col de l'utérus, elle a été mise sous traitement anticoagulant et qu'elle a présenté des œdèmes, une sensation de lourdeur et de fatigabilité des membres inférieurs à la marche et à la station debout prolongée. Après consolidation fixée au 25 mars 2014, ils retiennent un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique de 10 % en raison de la faguabilité à la marche (5%) et du syndrome post traumatique (5%).

Au vu de ce rapport, le préjudice corporel de Madame [G] [W] épouse [S] sera évalué ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

I - Préjudices patrimoniaux :

A - Préjudices patrimoniaux temporaires :

I - Préjudices patrimoniaux :

A - Préjudices patrimoniaux temporaires :

Dépenses de santé actuelles (DSA) :

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.
Ils’évince de l'attestation d'imputabilité et du relevé de débours de la CPAM que cette dernière a exposé entre la réhospitalisation du 26 octobre 2013 et le 27 décembre 2013 pour le compte de son assuré social Madame [G] [W] épouse [S] un total de 29 928,94 € (frais hospitaliers, frais médicaux et pharmaceutiques) dont l'imputabilité à la complication n'est pas discutée.

Dès lors, ce poste de préjudice sera fixé à la somme totale de 29 928,94 €.

2 - Frais divers (F.D.) :

Madame [S] justifie avoir exposé des frais de location d'un téléviseur lors de son séjour hospitalier du 4 novembre 2013. Il convient donc de retenir une créance à ce titre de 26,60 €.

Assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.

Il s’agit du préjudice lié à la nécessité, pour la victime, du fait de son handicap, d’être assistée par une tierce personne, spécialisée (infirmière, kinésithérapeute...) ou non s’agissant notamment du ménage, des actes de la vie courante, d’une incitation ou simple surveillance nocturne...
Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.

Les parties s'accordent sur un taux horaire de 17 € mais les défendeurs sollicitent une justification du temps effectivement consacré à l'assistance de Madame [S] par les aidants familiaux et ajoute que ce poste de préjudice ne saurait être supérieur à 1 219,13 €, précisant qu'aucune somme n’est dûe aprés la date de consolidation.

L'expert a retenu un besoin en aide humaine pendant la période de trois mois où Mme [S] présentait une asthénie importante du 13 novembre 2013 au 12 février 2014 à hauteur de 4 h par semaine pour
l’aide ménagère à domicile + l’aide de son mari ou occasionnellement de ses amis pour les courses
pour les courses et pour les besoins de la famille.
Il convient d'accueillir la demande de Madame [S] à hauteur de :
- 893,71 € correspondant à 4 heures par semaine d’aide ménagère pour la période du 13 novembre 2013 au 12 février 2014 (92 jours/7 x 4)
- 223,42 € correspondant à 1 heure par semaine d’aide additionnelle de son mari (92 jours/7 x 1)
Total : 1 117,13 €.

En revanche, il n'y a pas lieu de retenir un besoin d'aide à hauteur d'une heure par semaine entre le 12 février 2014 la date de consolidation, 25 mars 2014, ce besoin n'ayant pas été retenu par l'expert et n’étant justifié par aucun document complémentaire.

Perte de gains professionnels actuels (P. G.P.A.) :

Madame [S] sollicite que sa perte de gains professionnels avant consolidation soit calculée sur une période de 152 jours écoulés entre la date de l'accident hémorragique et la date de la consolidation fixée par l'expert, soit une somme de 5388,98 €.

Les défendeurs acceptent que ce poste de préjudice soit fixé à la somme de 5 388,98 € sur la base d’un salaire de référence de 1 078€. Il convient donc de fixer ce poste de préjudice à ladite somme, sur laquelle s'imputent 1 386 € d'indemnités journalières versées par la CPAM entre le 11 novembre et le 26 décembre 2013, soit un solde revenant à Madame [S] de 4 002,98 €.

B - Les préjudices patrimoniaux permanents :

Perte de gains professionnels futurs ( P.G.P.F.)

Madame [S] sollicite à ce titre une somme de 24 321 € correspondant à sa perte de salaire de la date de consolidation jusqu'au 31 décembre 2016, étant précisé qu'elle n'a touché de pension d'invalidité qu'à compter du 1er janvier 2016 et qu'elle a été licenciée pour inaptitude le 9 février 2016.

Les défendeurs soutiennent qu'à supposer que l'inaptitude définitive à tout emploi soit caractérisée, elle ne relèverait pas des faits reprochés au [10] mais de l'état antérieur de la patiente.

Madame [S] verse l'avis d'inaptitude du 23 décembre 2015 ainsi qu'un courrier du médecin du travail du 9 octobre 2015 qui retient que le poste d'aide soignante de Madame [S] qui nécessite une station debout prolongée et les postures contraignantes lors des soins n'est pas compatible avec la sensation de lourdeur et de fatigabilité des membres inférieurs à la station debout prolongée présentée par Madame [S] des suites de sa complication hémorragique.

Le rapport d'expertise judiciaire précise que Madame [S] a eu des arrêts de travail successifs entre le 13 septembre 2013, date de début de la prise en charge de son cancer et le 30 décembre 2015 et qu'elle est depuis le 1er janvier 2016 en arrêt longue maladie avec un état d'invalidité réduisant de deux tiers au moins sa capacité de travail ou de gain selon la CPAM.

En réponse à une question complémentaire posée par le président de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation, les docteurs [H] et [Y] précisent que la période d'arrêt de travail allant du 26 octobre 2013 au 14 juin 2017, jour de la réunion d’expertise, est imputable à l’accident médical présenté par Madame [S], son traitement anticoagulant au long cours, ses signes fonctionnels (fatigabilité des membres inférieurs nécessitant des drainages lymphatiques deux fois par semaine ) et son interdiction de porter des charges lourdes étant la conséquence de cet accident médical.

Dès lors, il convient de faire droit à la demande de Madame [S] au titre de sa perte de salaire de la date de consolidation jusqu'au 31 décembre 2016 à hauteur de 24 321,30 euros, le salaire antérieur de Madame [S] non contesté par les défendeurs dans le cadre de la perte de gains professionnels actuels etant de 1078,86 € (686 jours x 1 078,86 / 30,43)

La CPAM n'a pas retenu d'indemnités journalières versées après le 26 décembre 2013 dans l'attestation d'imputabilité et dans sa créance définitive.

Néanmoins, Madame [S] ayant limité sa demande à 22 867,71 € dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives, la somme allouée sera réduite à ce montant.

Incidence professionnelle (I.P)

Madame [S] sollicite une somme de 10 000 € à ce titre soulignant avoir été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement le 9 février 2016 en raison des séquelles conservées de l'accident hémorragique, à savoir l'impossibilité de la station debout prolongée et le port de charges lourdes, ce qui l'empêchait définitivement d'être agent de soins. Elle ajoute que ses séquelles engendrent nécessairement une pénibilité majorée dans l'emploi.

Défendeur considère que l'impossibilité de travailler n'est pas établie et que l'ensemble des difficultés professionnelles de Madame [S] sont imputables à son état antérieur.

Les séquelles retenues par le rapport d'expertise des Docteur [H] et [Y] à l'origine du déficit fonctionnel permanent de 10 % (5 % pour la fatigabilité à la marche et 5 % pour le syndrome post-traumatique) sont à l'origine du licenciement et de la perte de l'emploi. Elles sont également de nature à majorer les difficultés d'accès de Madame [S] au marché du travail. Dans ces circonstances, il convient d'accueillir la demande formée au titre de l'incidence professionnelle à hauteur de 10.000 €.

Aide tierce personne permanente

Madame [S] fait figurer dans les motifs de ses conclusions une demande à hauteur de
2 928,85 € correspondant par une heure par semaine au motif que l'expert aurait retenu que son mari continuait de l'aider pour les courses et pour les besoins de la famille jusqu'à la date de l'expertise. Néanmoins, cette demande n'est pas reprise au dispositif des conclusions récapitulatives de sorte qu' en application des dispositions de l'article 753 alinéa 2 du code de procédure civile le tribunal ne peut pas statuer dessus.

II - Préjudices extra-patrimoniaux :

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

Déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Le rapport d'expertise de Docteur [H] et [Y] retient un déficit fonctionnel temporaire total du 11 octobre au 12 novembre 2013 puis partiel à hauteur de 75 % jusqu'au 12 février 2014 période pendant laquelle Madame [S] ne pouvait se déplacer qu'en fauteuil roulant en raison de l'asthénie importante et des œdèmes douloureux des membres inférieurs puis à hauteur de 25 % jusqu'à la date de consolidation, le 25 mars 2014

Néanmoins, Madame [S] ne formule aucune demande à ce titre, ni dans les motifs de ses conclusions, ni dans le dispositif.

Par ailleurs, les défendeurs ne formulent aucune offre à ce titre.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce poste de préjudice.

Souffrances endurées (SE) :

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

Le rapport d'expertise retient des souffrances endurées évaluées à 4/7 en raison des douleurs abdominales brutales au moment de l'accident avec impression de mort imminente, de la laparotomie du 26 octobre, de la reprise chirurgicale du 28 octobre, des 16 jours d'hospitalisation, des trois mois suivants en fauteuil roulant avec asthénie intense douleurs et œdèmes rendant la marche difficile, ainsi que des douleurs morales et psychiques pendant toute cette période avec consultation de la psychologue du service de chirurgie vasculaire et début de prise en charge psychiatrique le 4 juillet 2017.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 20 000 €.

B - Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

Le déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) :

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence. Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 10% pour les raisons ci avant rappelées.

Il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 20 350 € soit 2 035 € du point d'incapacité correspondant au niveau moyen retenu pour ce taux de déficit vu l'age de la victime à la date de consolidation.

Préjudice esthétique permanent ( P.E.P.):

Le rapport d'expertise retient un préjudice esthétique permanent évalué à 3/7 en raison des cicatrices abdominales au niveau des creux inguinaux et de la grande cicatrice médiane xypho-pubienne.

Dès lors, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 8 000 €.

Préjudice sexuel

Ce préjudice comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle à savoir : le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir à l’accomplissement de l’acte sexuel qu’il s’agisse de la perte de l’envie ou de la libido, de la perte de capacité physique de réaliser l’acte ou de la perte de la capacité à accéder au plaisir ainsi que le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté de procréer.

Madame [S] soutient qu'entre le 26 octobre 2013 et le 12 février 2014, elle a eu un préjudice sexuel exclusivement lié à l'accident médical constitué essentiellement par une perte de libido.

Les défendeurs contestent cette demande considérant que la perte de libido est essentiellement liée au traitement du cancer.

Le rapport d'expertise des docteurs [H] et [Y] retient que pendant les soins, la perte de libido ne peut être imputée à la complication hémorragique que pour la période du 26 octobre 2013 au 12 février 2014, retenant que par la suite ils sont essentiellement liés au traitement de son cancer du col utérin. Ils retiennent par ailleurs que la diminution importante de la libido peut en partie être liée à son syndrome post-traumatique et la peur de souffrir ou de saigner lors des rapports. Ils précisent que cependant la pénétration est maintenant possible et peu douloureuse.

L'existence d'un préjudice sexuel imputable à la complication est donc établie.

Pour la période antérieure à la consolidation, ce préjudice est inclus dans le déficit fonctionnel temporaire qui peut être majoré regard de l'importance du préjudice sexuel.

Pour la période postérieure la consolidation, la perte de libido imputable au syndrome post-traumatique lié à la complication hémorragique justifie de retenir à ce titre un préjudice de 2 500 euros.

Sur la créance des tiers payeurs et la répartition des créances:

La créance des tiers payeurs au titre des prestations évoquées ci avant pour chaque poste de préjudice s’imputera conformément au tableau ci-aprés :


Evaluation du préjudice
Créance CPAM
Créance victime
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
29 928,94 €
29 928,94 €

-FD frais divers hors ATP
26,60 €

26,60 €
- ATP assistance tiers personne
1 117,13 €

1 117,13 €
-PGPA perte de gains actuels
5 388,98 €
1 386,00 €
4 002,98 €
permanents

- PGPF perte de gains professionnels futurs
22 867,71 €

22 867,71 €
- IP incidence professionnelle
10 000,00 €

10 000,00 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFT déficit fonctionnel temporaire
0,00 €

0,00 €
- SE souffrances endurées
20 000,00 €

20 000,00 €
permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
20 350,00 €

20 350,00 €
- PE Préjudice esthétique permanent
8 000,00 €

8 000,00 €
- préjudice sexuel
2 500,00 €

2 500,00 €
- TOTAL
120 179,36 €
31 314,94 €
88 864,42 €

Après déduction de la créance des tiers-payeurs (31 314,94 € ), le solde dû à Madame [G] [W] épouse [S] à la charge du [10] s’élève à la somme de 88 864,42 €.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du Code Civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Sur les demandes de la CPAM de la Gironde

C'est à bon droit que la CPAM de la Gironde demande en application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, la condamnation du [10] et de la SHAM à lui rembourser la somme de 31 314,94€ au titre des frais exposés pour son assurée social et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Elle est en outre bien fondée dans sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion telle que prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

En outre, il convient de faire application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil conformément à la demande.

Sur la demande au titre du préjudice sexuel de l’époux

Le préjudice sexuel retenu pour Mme [S] est nécessairement à l'origine d'un préjudice sexuel par ricochet pour son époux.

Il convient d’allouer à ce dernier la somme de 2 500 € à ce titre.

Sur les autres dispositions du jugement

Succombant à la procédure, le COL et la SHAM seront condamnés aux dépens.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [G] [W] épouse [S] et Monsieur [L] [S] et de la CPAM de la Gironde les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner in solidum le [10] et la SHAM à une indemnité en leur faveur au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit prévue par l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, après en avoir délibéré,

Dit que le [10] est responsable de l'accident hémorragique survenu le 26/10/2013 à Madame [G] [W] épouse [S]

Fixe le préjudice subi par Madame [G] [W] épouse [S] suite à cet accident à la somme totale de 120 179,36 TTT € suivant le détail suivant :


Evaluation du préjudice
Créance CPAM
Créance victime
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
29 928,94 €
29 928,94 €

-FD frais divers hors ATP
26,60 €

26,60 €
- ATP assistance tiers personne
1 117,13 €

1 117,13 €
-PGPA perte de gains actuels
5 388,98 €
1 386,00 €
4 002,98 €
permanents

- PGPF perte de gains professionnels futurs
22 867,71 €

22 867,71 €
- IP incidence professionnelle
10 000,00 €

10 000,00 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFT déficit fonctionnel temporaire
0,00 €

0,00 €
- SE souffrances endurées
20 000,00 €

20 000,00 €
permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
20 350,00 €

20 350,00 €
- PE Préjudice esthétique permanent
8 000,00 €

8 000,00 €
- préjudice sexuel
2 500,00 €

2 500,00 €
- TOTAL
120 179,36 €
31 314,94 €
88 864,42 €

Condamne le [10] à payer à Madame [G] [W] épouse [S] la somme de 88 864,42 € au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs ;

Condamne le [10] à payer à et Monsieur [L] [S] une somme de 2 500 euros au titre du préjudice sexuel ;

Condamne in solidum le [10] et la SHAM à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 31 314,94 € au titre des prestations versées pour le compte de son assuré social, Madame [G] [W] épouse [S] ;

Condamne in solidum le [10] et la SHAM à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 1.114 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 ;

Condamne in solidum le [10] et la SHAM à payer 1000€ à la CPAM de la Gironde au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le [10] à payer 2200€ à Madame [G] [W] épouse [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les sommes allouées ci dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement avec application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil au profit de la CPAM de la Gironde;

Rejette la demande de dommages-intérêts pour défaut d’information ;

Condamne in solidum le [10] et la SHAM aux dépens et dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes des parties.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/08743
Date de la décision : 03/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-03;21.08743 ?
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