N° RG 22/01723 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLTQ
7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 26 Mars 2024
54G
N° RG 22/01723
N° Portalis DBX6-W-B7G-WLTQ
Minute n° 2024/
AFFAIRE :
[K] [J]
C/
S.A. MAAF Assurances,
S.A.S.U. ISO RENO FRANCE
Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Alexa LAMOURELLE
la SCP MAATEIS
Me Etienne VIDALING
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame Anne MURE, Vice-Présidente,
Madame Alice VERGNE, Vice-Présidente,
Madame Sandrine PINAULT, Juge
Lors des débats et du prononcé : Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier
DEBATS :
à l’audience publique du 19 Décembre 2023,
Délibéré au 27 Février 2024 et prorogé au 26 Mars 2024.
JUGEMENT :
Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe
DEMANDERESSE
Madame [K] [J]
née le 07 Janvier 1952 à [Localité 7] (ARDENNES)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Alexa LAMOURELLE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
DEFENDERESSES
S.A. MAAF ASSURANCES en qualité d’assureur décennal de la SASU ISO RENO FRANCE
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Maître Stéphan DARRACQ de la SCP MAATEIS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
S.A.S.U. ISO RENO FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Etienne VIDALING, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Me Franck DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE, avocat plaidant
*****************************
EXPOSE DU LITIGE
Madame [K] [J] a confié à la SASU ISO RENO FRANCE divers travaux à son domicile situé [Adresse 4] à [Localité 3] et notamment, suivant un bon de commande du 17 novembre 2014, la livraison et l’installation de 72 mètres carrés de composite de couleur marron sur la terrasse existante et d’un climatiseur mobile.
Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 10 avril 2015.
La SASU ISO RENO FRANCE est intervenue en SAV.
Un procès-verbal de réception SAV avec réserves a été établi le 5 août 2015
Déplorant des malfaçons, Madame [J] a obtenu du juge des référés, par ordonnance du 4 janvier 2021, la désignation de Monsieur [X] [W] en qualité d’expert, lequel a déposé son rapport le 2 septembre 2021.
Par exploit signifié le 2 mars 2022, Madame [J] a assigné la société ISO RENO FRANCE devant le tribunal judiciaire de Bordeaux en responsabilité et réparation de son préjudice.
Par exploit signifié le 31 mai 2022, la société ISO RENO FRANCE a assigné en intervention forcée son assureur décennal la MAAF Assurances SA.
Les deux instances ont été jointes le 14 juin 2022.
Aux termes de son acte introductif d’instance, Madame [J] demande, au visa des articles 1792 et suivant du code civil, de voir :
- condamner la SASU ISO RENO FRANCE à lui verser la somme de 15.089,65 euros avec indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction à compter du 4 juin 2020
- condamner la SASU ISO RENO FRANCE au versement de la somme de 500 euros au titre de son préjudice de jouissance
- condamner la SASU ISO RENO FRANCE au paiement d’une indemnité de 3.600 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 20 octobre 2022, la société ISO RENO FRANCE demande de voir :
- prendre acte qu’elle ne conteste pas sa responsabilité
- dire que la compagnie MAAF ASSURANCES sera tenue de la garantir de la totalité des condamnations principales et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre en ce compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, tant de référé, que de la présente instance et au titre des frais d’expertise
- condamner la compagnie MAAF ASSURANCES à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 21 octobre 2022, la compagnie MAAF ASSURANCES demande de voir :
- dire et juger que la condamnation prononcée à son encontre ne saurait excéder la somme de 12.966,65 euros TTC correspondant au coût des travaux de reprise de la terrasse
- dire et juger que la garantie RC décennale n’est pas mobilisable pour les désordres affectant le groupe climatisation
- faire application de la clause d’exclusion de garantie prévue à l’article 11 § 8 des conditions générales qui exclut de la garantie RC professionnelle de la MAAF les frais nécessaires pour réparer, remplacer ou rembourser les biens fournis ou les travaux réalises, objets des engagements contractuels
- en conséquence débouter Madame [J] d’une demande éventuelle de condamnation de la MAAF et la société ISO RENO France de sa demande tendant à être garantie et relevée indemne au titre des désordres affectant le groupe climatisation
- débouter Madame [J] de sa demande au titre du préjudice de jouissance
- en tout état de cause, faire application de la franchise contractuelle d’un montant de 2.400 euros
- ramener la somme sollicitée par Madame [J] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions
- débouter la société ISO RENO FRANCE de sa demande tendant de garantie et relevé indemne des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des depens
- écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir de toutes les condamnations prononcées par le jugement, en principal et intérêt, dommages et intérêts, indemnités de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que pour les dépens.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes de Madame [J]
Sur l’indemnisation au titre des frais de reprise des désordres
Madame [J] recherche la responsabilité décennale de la société ISO RENO FRANCE pour des désordres affectant la terrasse et sa responsabilité contractuelle pour le désordre affectant le groupe climatisation, constatés par l’expert judiciaire.
Sur les désordres affectant la terrasse extérieure :
En application de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est, pendant dix ans à compter de la réception, responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage des dommages non apparents à réception qui compromettent sa solidité ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou d’équipement le rendent impropre à sa destination.
Il résulte du rapport d’expertise judiciaire le constat des désordres suivants :
1) de nombreuses lames présentent des désafleurements et des tuilages
2) terrasse très mal posée dans son ensemble, l’écartement du lambourdage de 43 à 46 centimètres est très supérieur aux 30 centimères préconisé dans la notice de montage du fabricant, la préconisation d’une lambourde pour chaque lame à la jonction de deux lames n’est pas toujours respectée et de très nombreux clips sont inexistants, positionnés trop près de l’extrémité de la lame, mal vissés ou pas vissés du tout, ce qui a pour conséquences le déboitement ou le désafleurement de nombreuses lames et la cassure de rainure de fixation pour certaines lames
3) nombre de vis de fixation des clips de maintien des lames ne sont pas d’inox et sont rouillées
4) les cornières périphériques de finition de la terrasse sont très mal réalisées, nombre de vis ne sont pas d’inox et sont rouillées, certaines sont manquantes, les finitions ne sont pas conformes aux règles de l’art en la matière.
Tous ces désordres, constatés entre avril et août 2015, étaient non apparents à la réception.
Ils affectent un élément de gros-œuvre, rendent l’utilisation de la terrasse dangereuse, compromettent, actuellement pour le désordre 2 et à terme pour les autres, sa solidité et la rendent impropre à sa destination.
Ils résultent d’une malfaçon de la pose, qui n’est pas conforme et ne respecte pas les préconisations de la notice de pose du fabriquant.
L’ensemble des désordres revêtant la gravité requise par l’article 1792 du code civil, la société ISO RENO FRANCE, qui a réalisé les travaux et à laquelle ces derniers sont donc imputables, doit être déclarée responsable des dommages en résultant, ce qu’elle ne conteste pas.
Sur le désordre affectant la climatisation extérieure :
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Il ressort du rapport d’expertise que :
6) les goulottes de protection des réseaux du groupe de climatisation en façade sud-ouest sont mal aboutées et les couvre-joints mal réalisés ; en façade nord-est le groupe est placé trop bas au-dessus de la rampe d’accès à la terrasse, ce positionnement est dangereux.
Ce désordre, constaté entre avril et août 2015, était non apparent à la réception.
Ce désordre résulte d’une malfaçon de pose.
La société ISO RENO FRANCE, qui a procédé à la pose des groupes de climatisation, a incontestablement enagé sa responsabilité contractuelle de droit commun à l’égard du maître de l’ouvrage, ce qu’elle ne conteste pas.
La société ISO RENO FRANCE, reponsable de l’ensemble des désordres, doit en réparer les conséquences.
L’expert évalue le coût des travaux de reprise des désordres affectant la terrasse, consistant à déposer complètement la terrasse, poser un lambourdage conforme aux préconisations de la notice de montage soit avec un écartement inférieur à 30 cm et 2 lambourdes à la jonction de 2 lames, repose des lames compris remplacement des lames et clips dégradés conformément aux préconisations de la notice de motnage, utilisation de vis inox et pose correcte des cornières périphériques, suivant un devis de la SARL EL3M du 31 mai 2021, à la somme de 11.787,87 euros HT soit 12.966,65 euros TTC et les travaux de reprise des désordres affectant les groupes climatisation, constitant à refaire les jointements des goulottes et déplacer le groupe façade nord-est, suivant devis de la société PCE2M du 17 juin 2021, à la somme de 1.930 euros HT soit 2.123 euros TTC
Il y a lieu de condamner la société ISO RENO FRANCE à payer à Madame [K] [J] la somme de 15.089,65 euros à titre d’indemnisation.
Cette somme sera indexée sur l’indice BT01 du coût de la construction à compter du 31 mai 2021 pour la somme de 12.966,65 euros et du 17 juin 2021 pour la somme de 2.123 euros, jusqu’à la date du présent jugement.
Sur la réparation du préjudice de jouissance
Les désordres affectant la terrasse rendent son utilisation dangereuse depuis leur apparition entre avril et août 2015 et génèrent sa dégradation prématurée.
Les désordres affectant le groupe climatisation en façade nord-est génèrent un danger pour la tête.
Madame [J], qui ne peut utiliser sa terrasse comme elle était en droit de s’y attendre depuis plus de huit années, subit un préjudice de jouissance incontestable.
Il y a lieu de lui accorder la somme réclamée de 500 euros à titre de dommages et intérêts, au paiement de laquelle la société ISO RENO FRANCE sera condamnée.
Sur la garantie de la MAAF
La société ISO RENO FRANCE demande à être garantie par son assureur de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre au titre de la garantie décennale.
La compagnie MAAF ASSURANCES, assureur responsabilité décennale et responsabilité civile professionnelle de la société ISO RENO FRANCE à la date d’ouverture du chantier, ne conteste pas la mobilisation de sa garantie décennale envers sont assurée pour les désordres 1 à 4 affectant la terrasse.
Elle dénie cette même garantie pour le désordre 6 affectant la climatisation.
Ce dernier désordre n’étant pas de nature décennale, l’assureur ne doit pas sa garantie au titre de la responsabilité civile décennale.
S’agissant de la garantie responsabilité civile professionnelle, il ressort de l’article 11 - 18° des conditions générales de la convention que sont exclus de la garantie les frais nécessaires pour réparer, remplacer ou rembourser les biens fournis ou les travaux réalisés, objets des engagements contractuels, que la prestation à l’origine du dommage ait été ou non sous-traitéee.
Dès lors, la garantie responsabilité civile professionnelle n’est pas due au titre du désordre affectant la climatisation.
La compagnie MAAF ASSURANCES sera en conséquence condamnée à garantir son assurée de la condamnation prononcée à son encontre au titre des désordres affectant la terrasse, à hauteur de 12.966,65 euros au titre des travaux de reprise, ainsi que de la condamnation au titre du préjudice de jouissance à hauteur de 500 euros.
La franchise contractuelle, revendiquée par l’assureur à hauteur de 2.400 euros, est opposable à l’assurée qui ne la conteste ni dans son principe ni dans son montant.
Il en sera fait application et la dite somme de 2.400 euros viendra en déduction des sommes mises à la charge de la compagnie MAAF ASSURANCES à l’égard de la société ISO RENO FRANCE.
La société ISO RENO FRANCE sera déboutée de sa demande de garantie au titre du désordre affectant la climatisation.
Les demandes de la compagnie MAAF ASSURANCES tendant à voir débouter Madame [J] de ses demandes de condamnation à son encontre sont sans objet, en l’absence de telles demandes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité commande de condamner la société ISO RENO FRANCE à payer à Madame [J] une indemnité de 3.000 euros et de condamner la compagnie MAAF ASSURANCES à payer à la société ISO RENO FRANCE une indemnité de 2.000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant, la société ISO RENO FRANCE sera condamnée aux dépens.
La compagnie MAAF ASSURANCES sera tenue de la garantir son assurée des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais irrépétibles et des dépens.
Sur l’exécution provisoire
Par application de l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l’écarter sur le fondement de l’article 514-1 du même code contrairement à la demande de la compagnie MAAF ASSURANCES.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
CONDAMNE la SASU ISO RENO FRANCE à payer à Madame [K] [J] la somme de 15.089,65 euros au titre du coût de reprise des désordres affectant la terrasse (12.966,65 euros) et la climatisation extérieure (2.123 euros), actualisée en fonction de l’évolution de l’indice BT 01 à compter du 31 mai 2021 pour la somme de 12.966,65 euros et du 17 juin 2021 pour la somme de 2.123 euros, jusqu’au présent jugement ;
CONDAMNE la SASU ISO RENO FRANCE à payer à Madame [K] [J] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;
CONDAMNE la SA MAAF ASSURANCES à garantir son assurée, la SASU ISO RENO FRANCE, de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, frais irrépétibles et dépens compris, à l’exception du coût des travaux de reprise des désordres affectant la climatisation ;
DIT que la franchise contractuelle de 2.400 euros viendra en déduction des sommes mises à la charge de la compagnie SA MAAF ASSURANCES à l’égard de la SASU ISO RENO FRANCE au titre de sa garantie ;
CONDAMNE la SASU ISO RENO FRANCE à payer à Madame [K] [J] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la MAAF ASSURANCES à payer à la société ISO RENO FRANCE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties pour le surplus ;
CONDAMNE la SASU ISO RENO FRANCE aux dépens comprenant les dépens de l’instance en référé dont les frais d’expertise ;
RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire et DIT n’y avoir lieu de l’écarter.
La présente décision est signée par Madame Anne MURE, Vice-Présidente, et Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,