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15/03/2024 | FRANCE | N°23/00614

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Ppp référés, 15 mars 2024, 23/00614


Du 15 mars 2024


5AF


SCI/FH



PPP Référés

N° RG 23/00614 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XVTM







[U] [M]

C/

[Y] [A]












- Expéditions délivrées à
Me Fabrice DELAVOYE
Me Christine MOREAUX

- FE délivrée à


Le 15/03/2024









TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité
[Adresse 2]

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 15 mars 2024

EXPERTI

SE

PRÉSIDENT : Monsieur Jean-François SABARD, Magistrat
GREFFIER : Madame Frédérique HUBERT,


DEMANDERESSE :

Madame [U] [M]
née le 28 Février 1970 à [Localité 10]
[Adresse 5]
[Localité 7]

Représentée par Maître Fabrice DELAVOYE, Avocat au barr...

Du 15 mars 2024

5AF

SCI/FH

PPP Référés

N° RG 23/00614 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XVTM

[U] [M]

C/

[Y] [A]

- Expéditions délivrées à
Me Fabrice DELAVOYE
Me Christine MOREAUX

- FE délivrée à

Le 15/03/2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité
[Adresse 2]

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 15 mars 2024

EXPERTISE

PRÉSIDENT : Monsieur Jean-François SABARD, Magistrat
GREFFIER : Madame Frédérique HUBERT,

DEMANDERESSE :

Madame [U] [M]
née le 28 Février 1970 à [Localité 10]
[Adresse 5]
[Localité 7]

Représentée par Maître Fabrice DELAVOYE, Avocat au barreau de BORDEAUX, membre de la SELARL DGD AVOCATS

DEFENDEUR :

Monsieur [Y] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représenté par Me Christine MOREAUX, Avocat au barreau de BORDEAUX

DÉBATS :

Audience publique en date du 19 Janvier 2024

PROCÉDURE :

Baux d’habitation - Demande du locataire tendant à être autorisé d’exécuter des travaux ou à faire exécuter des travaux à la charge du bailleur en date du 22 Mars 2023

Articles 484 et suivants et 834 et suivants du Code de Procédure Civile

QUALIFICATION DE l’ORDONNANCE:

Contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé, Monsieur [Y] [A] a, par l'intermédiaire de son mandataire, la société MASCARET IMMOBILIER, donné à bail à effet du 25 novembre 2022 à Madame [U] [M] un appartement situé [Adresse 4] à [Localité 9] moyennant un loyer mensuel révisable de 989€ et une provision mensuelle sur charges de 55€.

Suivant courrier recommandé avec avis de réception du 18 décembre 2022, Madame [U] [M] a mis en demeure son bailleur d'avoir à réaliser des travaux afin de remédier dans les plus brefs délais aux désordres constatés dans l'appartement donné à bail.

Par acte de commissaire de justice en date du 13 février 2023, Monsieur [Y] [A] a fait délivrer à la locataire un commandement de payer la somme de 3.132€ au titre de l’arriéré locatif aux fins de mise en œuvre de la clause contractuelle de résiliation de plein droit du bail.

Arguant de la persistance de désordres au sein du logement loué, Madame [U] [M] a, par acte introductif d'instance du 22 mars 2023, fait assigner Monsieur [Y] [A] devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Bordeaux statuant en référé à l'audience du 28 avril 2023 aux fins de :
désigner un expert judiciaire avec pour mission de :◦
se rendre sur les lieux ;entendre les parties ;se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission ;examiner le bien immobilier loué par Madame [M] à Monsieur [A] et situé au [Adresse 4] ;déterminer si les désordres allégués par Madame [M] existent, notamment ceux décrits supra ;dans ce cas, en préciser la nature, la localisation, les causes, l'importance et, si possible, la date d'apparition ;donner tous les éléments techniques ou de faits permettant d'établir si les désordres constatés relèvent bien de l'obligation d'entretien du bailleur telle que définie à l'article 1719 du code civil ;donner son avis sur la nature, la durée et le coût des travaux propres à remédier aux désordres constatés ;fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente, de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer, s'il y a lieu, les préjudices subis ;fixer le montant de la consignation à valoir sur les honoraires ;autoriser Madame [M] à consigner les loyers dus à son bailleur, Monsieur [A], au titre du contrat de bail d'habitation et ce jusqu'à l'issue de la procédure : sur le compte séquestre du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Bordeaux ;réserver les dépens.
Cette instance a été enrôlée sous le RG n°23/00614.

A l'audience du 28 avril 2023, l'affaire a été renvoyée au 26 mai 2023.

Par acte introductif d'instance en date du 5 mai 2023, Monsieur [Y] [A] a fait assigner Madame [U] [M] devant le juge des contentieux de la protection statuant en matière de référé auprès du tribunal judiciaire de Bordeaux à l'audience du 21 juillet 2023 aux fins de voir :
prononcer la jonction de la présente assignation et celle de Madame [M] sous le n° RG 23/00614 appelée à l'audience du 26 mai 2023 ;constater le jeu de la clause résolutoire et la résiliation du bail; ordonner l'expulsion de Madame [M] ainsi que tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est ;dire qu'en ce qui concerne le mobilier trouvé dans les lieux, il sera procédé conformément aux dispositions des articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;condamner Madame [M] à payer à Monsieur [A] la somme provisionnelle de 5.220€ avec intérêts au taux légal au jour de la résiliation, avril 2023 inclus ;condamner Madame [M] au paiement de la somme provisionnelle de 1.044€ par mois équivalent au dernier loyer et charges à compter du mois de mai 2023 et ce, jusqu'à la libération effective et complet des lieux ;condamner Madame [M] à payer à Monsieur [A] la somme de 2.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens en ce compris le coût du commandement de payer du 13 février 2023.
Cette instance a été enrôlée sous le RG n ° 23/00959.

A l'audience du 26 mai 2023, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 21 juillet 2023 lors de laquelle les deux instances ont été jointes, puis le dossier a été renvoyé à l'audience du 15 septembre 2023 à la demande des parties.

A l'audience du 15 septembre 2023, Madame [U] [M], représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son assignation, et y ajoutant, de voir débouter Monsieur [A] de toutes les demandes formulées à titre reconventionnel.

En défense, Monsieur [Y] [A], représenté par son conseil, a sollicité le bénéfice de son assignation et y ajoutant le débouté de Madame [U] [M] de l'intégralité de ses demandes.

A l'issue de l'audience, la date du délibéré de l'affaire a été fixée au 17 novembre 2023.

Par ordonnance de référé en date du 17 novembre 2023, le Juge des contentieux de la protection a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 1er décembre 2023 afin d'inviter Monsieur [Y] [A] à produire le justificatif de la notification de l'assignation au représentant de l’État dans le Département.

A l'audience du 1er décembre 2023, l'affaire a été renvoyée au 19 janvier 2024.

Lors de l'audience du 19 janvier 2024, Madame [U] [M], représentée par son conseil, maintient les termes de sa demande initiale et y ajoutant, de voir prononcer la jonction de la présente affaire avec celle consécutive à l'assignation délivrée à Madame [U] [M] le 5 mai 2023 sous le numéro de
RG : 23/00614 et de débouter Monsieur [A] de toutes les demandes formulées à titre reconventionnel.

Elle expose que, depuis son entrée dans les lieux, elle constate un certain nombre de désordres lesquels l'empêche de jouir paisiblement des lieux. Elle précise avoir constaté l'existence de deux dégâts des eaux l'un dans la cuisine l'autre dans la salle de bain ainsi que l'absence de déclenchement de la chaudière au moment de la souscription de son contrat avec le Gaz de [Localité 9]. Elle indique que la chaudière n'est toujours pas fonctionnelle. Elle soutient que si le bailleur a fait entreprendre des travaux de plomberie, ceux-ci sont inachevés. Elle a constaté d'autres désordres affectant le logement. Elle ajoute qu'une fuite de gaz a été constatée le 20 mars 2023 au sein du logement. Elle sollicite du juge la désignation d'un expert sur le fondement des dispositions des articles 1719 du Code civil, de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 et sur les articles 144 et 145 du Code de procédure civile afin de constater la réalité des désordres qui l'impactent et d'en déterminer l'imputabilité et la responsabilité. Elle soutient avoir un motif légitime à la voir ordonner. Elle estime que c'est à bon droit qu'elle a suspendu le paiement de son loyer et sollicite l'autorisation de consigner les loyers dus à son bailleur jusqu'à l'issue de la procédure. Elle sollicite en outre le rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [A] dès lors qu'elles souffrent de sérieuses contestations; l'appartement loué ne répondant pas aux caractéristiques d'un immeuble décent et celle-ci n'ayant jamais pu y vivre. Elle ajoute que le manquement à l'obligation de payer le loyer n'est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail eu égard à la mauvaise foi du bailleur qui lui-même n'a pas respecté ses obligations en matière de décence du logement loué.

En défense, Monsieur [Y] [A], représenté par son conseil, demande au juge des contentieux de la protection statuant en référé de :
constater la réalisation de la clause résolutoire du bail d'habitation dont le titulaire est Madame [M] sur le bien immobilier appartenant à Monsieur [A]prononcer la résiliation dudit bail d'habitation dont le titulaire est Madame [M] sur le bien immobilier appartenant à Monsieur [A]ordonner l'expulsion de Madame [M] et de tout bien ou occupant de son chefcondamner Madame [M] à lui payer la somme provisionnelle de 11.484€ avec intérêts au taux légal au jour de la résiliation, janvier 2024 inclus ;condamner Madame [M] au paiement de la somme provisionnelle de 1.044€ par mois équivalent au dernier loyer et charges à compter du mois de mai 2023 et ce, jusqu'à la libération effective et complet des lieux étant précisé que le décompte des loyers dus inclus l'indemnité d'occupation de mai à septembre 2023 ;débouter Madame [M] de l'intégralité de ses demandescondamner Madame [M] à lui payer la somme de 3.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens en ce compris le coût du commandement de payer du 13 février 2023 et les frais d'exécution de la décision à venir.

Il expose que Madame [M] n'a pas payé le loyer depuis le 1er décembre 2022 ; que le commandement de payer délivré le 13 février 2023 est demeuré sans effet dans le délai de deux mois de sorte que le bail est résilié de plein droit depuis le 13 avril 2023. Il sollicite le débouté de la demande d'expertise formée par Madame [M] dès lors qu'elle ne justifie nullement des désordres dans l'appartement; qu'elle a entrepris des travaux sans son accord et a causé par ces travaux un dégât des eaux ce que démontre le constat d'huissier versé aux débats. Il fait valoir qu'elle n'est pas fondée à exciper, pour les loyers impayés, des manquements du bailleur à son obligation de garantir une jouissance conforme; que dans la mesure où elle n'a pas été autorisée par une décision judiciaire à suspendre le paiement des loyers, elle doit procéder au règlement; que la clause résolutoire est acquise.

A l'issue de l'audience, la date du délibéré de l'affaire a été fixée au 15 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'affaire enrôlée sous le numéro de RG 23/00959 a été jointe à l'affaire enrôlée sous le numéro de RG : 23/00614 lors de l'audience du 21 juillet 2023 de sorte que la demande de Madame [M] tendant à voir prononcer la jonction de l'affaire avec celle consécutive à l'assignation délivrée à Madame [U] [M] le 5 mai 2023 sous le numéro de RG : 23/00614 est devenue sans objet.

Sur la demande d’expertise

Selon l’article 145 du Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

L’application de ce texte n’implique aucun préjugé sur la recevabilité et le bien fondé des demandes formées ultérieurement ou sur la responsabilité ou la garantie des personnes appelées comme partie à la procédure ni sur les chances du procès susceptible d’être engagé. Il suffit de constater qu’un procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, qu’il est justifié d’un motif légitime.

En application de l’article 6 de la loi n° 89–462 du 6 juillet 1989, le bailleur est obligé notamment :
- de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.
- de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ;
- d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet d’une clause expresse mentionnée dans le bail ;
- d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.

L'article 7 de la loi précitée prévoit en outre que le locataire est obligé:
b) D'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ;
c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement ;
f) De ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire.

En l’espèce, Madame [M] verse aux débats une attestation de REGAZ [Localité 9] mentionnant la présence d'une fuite de gaz nécessitant la fermeture totale de l'installation de gaz naturel. Il y est en outre indiqué que, pour obtenir le rétablissement de la fourniture en gaz, il appartient de faire réaliser les réparations ou modifications de l'installation. En vertu de l'article 145 du Code de procédure civile et considérant qu'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, il convient d'ordonner l'expertise sollicitée aux frais avancés de la demanderesse selon les modalités déterminées au dispositif.

Sur la demande de consignation des loyers

Selon l'article 835 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En vertu de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 précité, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent.

Enfin, l’article 20-1 de la loi précitée prévoit que si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 6, le locataire peut demander au propriétaire leur mise en conformité sans qu'il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. A défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du propriétaire dans un délai de deux mois, la commission départementale de conciliation peut être saisie et rendre un avis dans les conditions fixées à l'article 20. La saisine de la commission ou la remise de son avis ne constitue pas un préalable à la saisine du juge par l'une ou l'autre des parties. L'information du bailleur par l'organisme payeur de son obligation de mise en conformité du logement, telle que prévue aux articles L. 542-2 et L. 831-3 du code de la sécurité sociale, tient lieu de demande de mise en conformité par le locataire. Le juge saisi par l'une ou l'autre des parties détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu'à l'exécution de ces travaux. Le juge transmet au représentant de l’État dans le département l'ordonnance ou le jugement constatant que le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 6.

En l'espèce, à ce stade de la procédure et au regard de la mesure d'expertise judiciaire ordonnée, celle-ci ayant précisément pour objet de vérifier le manquement de Monsieur [Y] [A] à son obligation de louer un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation et de décrire, le cas échéant, les travaux propres à remédier aux désordres constatés, il n’y a pas lieu d'autoriser Madame [M] à consigner les loyers dus à son bailleur, Monsieur [A], au titre du contrat de bail d'habitation et ce
jusqu'à l'issue de la procédure sur le compte séquestre du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Bordeaux.

Par conséquent, Madame [M] sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les demandes émises par Monsieur [A]

-Sur la régularité de la procédure

Conformément aux dispositions de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, l’assignation a été régulièrement notifiée au représentant de l'État dans le département par courrier électronique le 9 mai 2023, deux mois avant l’audience du 21 juillet 2023.

Le bailleur justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée en date du 14 février 2023.

L'action aux fins de constat de la résiliation du bail est donc recevable et régulière.

-Sur la résiliation du contrat de bail et l'expulsion

L'article 834 du code de procédure civile prévoit que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. L'absence de contestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En outre, selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En vertu de l'article 7a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
Il ressort par ailleurs des dispositions de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement demeuré infructueux.

En l'espèce, Monsieur [A] sollicite du juge des référés qu'il constate la réalisation de la clause résolutoire du bail à la date du 13 avril 2023 et qu'il prononce la résiliation du bail. Il demande en outre de voir ordonner l'expulsion de Madame [M] et de la voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation.

Il est de jurisprudence constante que le juge des référés ne peut prononcer la résiliation d’un bail fondé sur le manquement du locataire à l’une de ses obligations, seul le juge du fond pouvant se prononcer sur l’existence et le degré de gravité des manquements susceptibles de justifier cette résiliation. En conséquence, la demande tendant à faire prononcer par le juge des référés la résiliation du bail n’entre pas dans ses pouvoirs et doit être rejetée.

S’agissant de la demande en constat de la résiliation du bail, le bail conclu entre les parties comporte une clause de résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement.

Madame [M] sollicite le rejet des demandes de Monsieur [A] faisant valoir que le logement présente des désordres importants justifiant une exception d'inexécution au paiement du loyer. Elle soutient que ce dernier a manqué à ses obligations contractuelles rendant impossible la jouissance des lieux.

Au vu des pièces versées aux débats et plus précisément l'attestation de REGAZ [Localité 9] et le procès-verbal de constat du 19 juin 2023 établi par Maître [S], Commissaire de justice, une contestation sérieuse existe quant à l'état du logement. Au surplus, une mesure d'expertise a été ordonnée afin de permettre notamment de vérifier si l'immeuble loué répond aux caractéristiques d'un logement décent telles que fixées par l'article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 et le décret du 30 janvier 2002 et de fournir tous éléments de nature à permettre au Tribunal d'apprécier les responsabilités éventuelles encourues au regard des obligations qui incombent au locataire et au propriétaire.

Force est de constater qu'il existe des contestations sérieuses quant aux demandes formées par Monsieur [A] tendant au constat de la résiliation du bail, à l'expulsion et à la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation qu'il appartient au juge du fond de trancher. Par conséquent, il n'y a lieu à référé sur ces demandes.

-Sur la demande de provision au titre de l'arriéré de loyers et charges

En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge du contentieux de la protection peut, dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder au créancier une provision ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

A cet égard, s'il appartient au demandeur à une provision d'établir l'existence de la créance qu'il invoque, c'est au défendeur de prouver que cette créance est sérieusement contestable.

Suivant l'article 7a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

En l’espèce, au soutien de sa demande, Monsieur [A] produit un décompte actualisé, selon lequel sa créance s’établirait à la somme de 11.484€ à la date du 16 janvier 2024 (janvier 2024 inclus).

Madame [M] soutient à bon droit avoir suspendu le paiement de son loyer au regard des manquements du bailleur à son obligation de délivrer un logement décent et en raison de l'impossibilité absolue de jouir des lieux.

Si au regard des pièces produites, le logement semble être affecté de désordres, Madame [M] ne peut se prévaloir de l'inexécution des travaux de réparation nécessaires pour refuser le paiement des loyers échus. En outre, le procès-verbal de constat du 19 juin 2023 de Maître [S], Commissaire de Justice mentionne que l'appartement fait l'objet de travaux de rénovation au niveau de la cuisine et de la salle de bains. Il sera néanmoins précisé que le bailleur allègue ne pas en avoir été informé et ni n'avoir donné son accord.

En outre, si Madame [M] soutient qu'elle est confrontée à l'impossibilité de vivre dans le logement en produisant deux attestations d'hébergement, elle ne démontre pas que l'inhabitabilité qu'elle allègue résulte de manquements du bailleur. En effet, contrairement aux allégations de Madame [M] qui indique que le Gaz de [Localité 9] a décidé de résilier l'abonnement car le compteur est fermé jusqu'à l'obtention de la conformité d'une réparation de la chaudière par une entreprise agrée, la facture du gaz de [Localité 9] versée mentionne une «résiliation pour non paiement».

Dès lors, cette créance n'étant pas sérieusement contestable, Madame [M] sera condamnée au paiement de la somme de 11.484€ à titre d’indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers et charges locatives-échéance du mois de janvier 2024 incluse.

S'agissant d'une provision, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Monsieur [Y] [A] ne pouvant être considéré comme partie perdante dans le cadre d’une procédure fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile, et en l’état du litige, chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés et de ses frais irrépétibles. Monsieur [A] sera donc débouté de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il convient de rappeler que l'exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, publiquement par mise à disposition au greffe, par Ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Tous droits et moyens des parties réservés, notamment sur les responsabilités et garanties encourues,

Ordonnons une expertise à laquelle sera partie Monsieur [Y] [A] et désignons pour y procéder Monsieur [X] [W], [Adresse 3], courriel [Courriel 8], expert inscrit sur la liste de la Cour d'appel de Bordeaux avec la mission suivante :
- se rendre sur les lieux situés [Adresse 4] à [Localité 9] en présence des parties et de leurs conseils ou après les avoir dûment convoquées ; se faire communiquer, dans le délai qu'il estimera utile de fixer, tous documents et pièces qu'il jugera nécessaires à l'exercice de sa mission, visiter les lieux et les décrire,
- vérifier si les désordres existent,
- décrire avec précision les désordres et non conformités s'il y en a, en indiquer la nature, l’importance et la localisation ; lister les inachèvements, les décrire, préciser les ouvrages ou les éléments d’ouvrage sur lesquels ils portent, en préciser l’importance,
- pour chaque désordre, rechercher s’il affecte un élément du gros oeuvre ou un élément d’équipement indissociablement lié au gros oeuvre ;

préciser si le désordre est de nature à rendre le logement, actuellement ou à terme certain, impropre à son usage ou à compromettre sa solidité, et préciser en quoi,
- rechercher la cause des désordres en précisant, pour chacun, s'il y a eu vice du matériau, malfaçons dans l'exécution, vice de conception, défaut ou insuffisance dans la direction ou le contrôle ou la surveillance du chantier, défaut d'entretien ou toute autre cause, ou préciser en quoi les travaux réalisés ne sont pas conformes aux prescriptions contractuelles ou aux termes du marché,
- donner son avis sur les travaux propres à remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût hors-taxes et TTC, et la durée, désordre par désordre, en communiquant au besoin aux parties en même temps que son pré-rapport, des devis et propositions chiffrées concernant les travaux envisagés, et ce, en enjoignant les parties de formuler leurs observations écrites dans le délai d'un mois suivant la date de cette communication ;
- donner son avis, en cas d’urgence pour la sécurité ou la santé des personnes ou la préservation des biens, sur les mesures nécessaires pour remédier au péril ; cet avis sera donné dans une note préalable au rapport d’expertise et communiqué immédiatement et par tous moyens aux parties ;
- fournir tous éléments techniques de nature à permettre au Tribunal d'apprécier les responsabilités éventuelles encourues au regard des obligations qui incombent au locataire et au propriétaire;
- fournir tous éléments techniques de nature à permettre au tribunal d'apprécier les préjudices subis par le locataire depuis l'apparition des désordres et notamment un éventuel trouble de jouissance,
- apporter toutes précisions utiles sur l'impact sur la santé des désordres constatés
-apporter toutes précisions utiles à la détermination d'une diminution du loyer en l'attente de l'exécution des travaux qui seraient imputables au bailleur ;

Disons que l'expert ne pourra recueillir l'avis d'un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu'il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêt avec elles ;

Disons que le magistrat du Pôle Protection et Proximité du tribunal judiciaire de Bordeaux chargé du contrôle des expertises assurera le suivi de la mesure conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile ;

Disons que Madame [U] [M] fera l’avance des frais d’expertise et devra consigner, par virement sur le compte de la Régie du tribunal judiciaire de Bordeaux (Cf code BIC joint), mentionnant le numéro PORTALIS (figurant en haut à gauche sur la première page de la présente ordonnance) dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à peine de caducité, la somme de 2.500 € à titre provisionnel, à valoir sur les frais et honoraires de l’expert, sauf dans l’hypothèse où une demande d’aide juridictionnelle antérieurement déposée serait accueillie, auquel cas les frais seront avancés directement par l’Etat;

Disons que l’expert commis entendra les parties, s’expliquera sur leurs dires et observations et sur toutes difficultés auxquelles ses opérations et constatations pourraient donner lieu, s’entourera de tous renseignements utiles et consultera tous documents produits pouvant l’éclairer s’il y a lieu;

Disons que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;

Disons qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître au magistrat chargé du contrôle des expertises :
-la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire ;
-son avis sur l’opportunité d’appeler un tiers aux opérations d’expertise ;

Disons que l’expert commis devra adresser aux parties un pré-rapport de ses observations et constatations comportant devis et estimations chiffrées afin de leur permettre de lui adresser un Dire récapitulant leurs arguments sous un délai de un mois ;

Disons qu’au plus tard six mois après avoir reçu l’avis de consignation ou dès notification de la décision d’aide juridictionnelle, sauf prorogation dûment autorisée, l’expert devra déposer au service des expertises le rapport de ses opérations qui comprendra toutes les annexes, rapport accompagné de sa demande de rémunération dont il adressera un exemplaire aux parties et rappelons qu’il appartiendra aux parties, le cas échéant, d’adresser au magistrat chargé du contrôle des expertises ainsi qu’à l’expert leurs observations écrites sur cette demande de rémunération dans un délai de 15 jours à compter de sa réception ;

Disons qu’au cas où les parties viendraient à se concilier, l’expert devra constater que sa mission est devenue sans objet et faire rapport au magistrat chargé du contrôle de l’expertise ;
Disons qu’en cas d’empêchement de l’expert commis il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé de la surveillance des expertises ;

Condamnons Madame [U] [M] à payer à Monsieur [Y] [A] la somme de 11.484€ à titre d’indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers et charges locatives-échéance du mois de janvier 2024 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision;

Rejetons la demande en prononcé de la résiliation du bail ;

Constatons l'existence de contestations sérieuses au fond quant aux demandes de Monsieur [Y] [A] tendant au constat de la résiliation du bail, à l'expulsion et à la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation;

Disons, en conséquence, n'y avoir lieu à référé ;

Renvoyons les parties à se pourvoir devant le Juge du fond pour l'examen de ces demandes ;

Rejetons les demandes plus amples ou contraires des parties;

Déboutons Monsieur [Y] [A] de sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Laissons provisoirement à la charge de chaque partie les dépens qu'elle a exposés ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire;

Ainsi jugé les jour, mois et an susdits.

LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX
DE LA PROTECTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Ppp référés
Numéro d'arrêt : 23/00614
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Désigne un expert ou un autre technicien

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;23.00614 ?
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