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12/03/2024 | FRANCE | N°22/02434

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 7ème chambre civile, 12 mars 2024, 22/02434


N° RG 22/02434 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WOMC

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 12 Mars 2024
50C

N° RG 22/02434
N° Portalis DBX6-W-B7G-WOMC

Minute n°2024/





AFFAIRE :

[U] [F]
[M] [F]
C/
SCCV BOTANIK










Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
SAS DELTA AVOCATS
SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL



COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :>
Madame Alice VERGNE, Vice-Présidente, statuant en Juge Unique,

Lors des débats et du prononcé :

Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier

DÉBATS :

à l’audience publique du 14 Novembre 2023, l’affaire a été mi...

N° RG 22/02434 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WOMC

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 12 Mars 2024
50C

N° RG 22/02434
N° Portalis DBX6-W-B7G-WOMC

Minute n°2024/

AFFAIRE :

[U] [F]
[M] [F]
C/
SCCV BOTANIK

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
SAS DELTA AVOCATS
SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :

Madame Alice VERGNE, Vice-Présidente, statuant en Juge Unique,

Lors des débats et du prononcé :

Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier

DÉBATS :

à l’audience publique du 14 Novembre 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 16 Janvier 2024, délibéré prorogé au 13 Février 2024, 22 Février 2024 et 12 Mars 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Monsieur [U] [F]
né le 27 Janvier 1975 à [Localité 7] (RHÔNE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Me Amélie CAILLOL de la SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL, avocats au barreau de BORDEAUX

Madame [M] [F]
née le 07 Juin 1978 à [Localité 8] (BOUCHES-DU-RHÔNE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Amélie CAILLOL de la SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

SCCV BOTANIK
[Adresse 5]
[Localité 2]

représentée par Me Fernando SILVA de la SAS DELTA AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 1er octobre 2018, Monsieur [U] [F] et Madame [M] [F] ont acquis en l’état futur d’achèvement de la SCCV BOTANIK, au prix de 190.000 euros, les lots n°5 et 49 constitués d’un appartement et d’un garage, au sein d’un ensemble immobilier “BOTANIK” placé sous le régime de la copropriété devant être édifié aux [Adresse 1] à [Localité 6].

La date d’achèvement et de livraison était fixée au 30 septembre 2019.

Le bien a été livré aux époux [F] suivant procès-verbal de livraison avec réserves du 06 juillet 2021.

Se plaignant d’un important retard de livraison et de non-conformités contractuelles par rapport aux plans, Monsieur et Madame [F] ont, par acte du 28 mars 2022, assigné la SCCV BOTANIK devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX aux fins de réparation des préjudices subis.

Par ordonnance en date du 03 février 2023, le Juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCCV BOTANIK et tirée de la forclusion partielle des demandes des époux [F], a ordonné à la SCCV BOTANIK de produire aux époux [F] les plans des bâtiments et les plans côtés des logements constituant les pièces 26 et 27 ayant fait l’objet d’un dépôt préalable en l’étude de Maître [D] [W] le 14 décembre 2017 ainsi que les pièces évoquées dans l’attestation du maître d’œuvre du 08 décembre 2021 constituant la pièce n°9 de Me [Y], et notamment les courriers adressés aux entreprises défaillantes, les résiliations de marché et les constats d’huissier, le tout sous astreinte provisoire de 10 euros par jour de retard pendant un mois, passé un délai d’un mois à compter de la notification à parties de l’ordonnance et a condamné la SCCV BOTANIK à payer aux époux [F] une indemnité de 800 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’incident.

N° RG 22/02434 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WOMC

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 04 octobre 2023, Monsieur et Madame [F] demandent, au visa des articles 1103 et suivants et 1792 du Code civil, de voir :

Sur le défaut de conformité contractuelle,
- à titre principal, condamner la société BOTANIK à leur régler une indemnité au titre du manquement à l’obligation de délivrance conforme, à hauteur de 20.000 euros et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure
- à titre subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire aux fins de procéder à l’évaluation de la perte de valeur vénale et de la perte de valeur locative liée à la non-conformité contractuelle

Sur le retard de livraison,
- condamner la société BOTANIK à leur régler une indemnité d’au moins 19.144 euros au titre du retard de livraison

Sur le remplacement de la chaudière,
- condamner la société BOTANIK à procéder au remplacement de la chaudière défectueuse, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et/ou de les indemniser de tous les préjudices en lien avec ce dysfonctionnement

En tout état de cause,
- condamner la société BOTANIK au paiement de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
- condamner la société BOTANIK aux dépens.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 21 juin 2023, la SCCV BOTANIK demande, au visa des articles 1231-1 et 1231-2 du Code civil, de voir :
- débouter les consorts [F] de l’ensemble de leurs demandes
- condamner les consorts [F] au paiement d’une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la réparation du préjudice lié à la non-conformité du bien livré

En application des articles 1603 et 1604 du Code civil, le vendeur en état futur d’achèvement est tenu de réaliser un immeuble conforme aux prévisions du contrat.

L’article L. 261-11 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que le contrat doit préciser la description de l’immeuble ou de la partie d’immeuble vendu et comporter en annexes ou par référence à des documents déposés chez un notaire, les indications utiles relatives à la consistance et aux caractéristiques techniques de l’immeuble.

L’article R. 261-13 du même Code précise que pour l’application de l’article L. 261-11, la consistance de l’immeuble vendu résulte des plans, coupes et élévations avec les cotes utiles et l’indication des surfaces de chacune des pièces et des dégagements. Si cet immeuble est compris dans un ensemble immobilier, ces indications doivent être complétées par un plan faisant apparaître le nombre de bâtiments de cet ensemble, leur emplacement et le nombre d’étages de chacun d’eux. Les caractéristiques techniques résultent du devis descriptif servant de base aux marchés ou d’une notice descriptive conforme à un modèle type agréé par arrêté ministériel. Ces documents s’appliquent au local vendu, à la partie de bâtiment ou au bâtiment dans lequel il se trouve et aux équipements extérieurs et réseaux divers qui s’y rapportent. Un plan coté du local vendu et une notice indiquant les éléments d’équipement propres à ce local doivent être annexés au contrat de vente.

Le seul constat d’un défaut de conformité aux prévisions contractuelles, quelle que soit son importance, caractérise un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme et engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil, aux termes duquel le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Les époux [F] soutiennent que l’appartement qui leur a été livré n’est pas conforme au bien vendu dès lors que la terrasse n’est pas de plain-pied et qu’il y a un décalage de 55 cm entre le sol de la terrasse et le plancher de la pièce de vie et qu’en raison de ce décalage, le coffrage des volets roulants n’a pas pu être placé à l’intérieur de l’appartement.

La SCCV BOTANIK ne conteste pas ce décalage mais soutient qu’il a été imposé par des contraintes techniques et ne résulte pas d’un manquement de sa part à ses obligations mais de facteurs extérieurs, imprévisibles et irrésistibles de nature à l’exonérer de toute responsabilité.

La défenderesse ne justifie pas avoir produit les pièces que le Juge de la mise en état lui avait ordonné de produire, à savoir les plans des bâtiments et les plans côtés des logements constituant les pièces 26 et 27 ayant fait l’objet d’un dépôt préalable en l’étude de Maître [D] [W] le 14 décembre 2017.

Il ressort toutefois de la comparaison entre le plan du bien annexé au contrat de réservation et à l’acte d’acquisition d’une part et le plan du bien annexé au procès-verbal de refus de livraison du 08 septembre 2020 d’autre part, que les deux marches permettant l’accès à la terrasse depuis la pièce de vie figurant sur le second n’apparaissaient pas sur le premier.

Le décalage entre la pièce de vie et la terrasse n’était incontestablement pas prévu au contrat.

De même, la notice descriptive sommaire annexée au contrat de réservation et à l’acte d’acquisition fait état de coffres de volets roulants intérieurs au niveau des baies des pièces de vie principales.

Or, l’appartement a été livré avec les coffres de volets roulants à l’extérieur, ainsi qu’il ressort des photographies produites par les demandeurs, ce que ne conteste pas la société BOTANIK.

Le défaut de conformité aux prévisions contractuelles est établi.

La société BOTANIK se prévaut d’une contrainte technique survenue pendant la phase d’exécution qui constituerait un cas de force majeure qui l’aurait empêché d’exécuter son obligation.

Elle ne précise toutefois pas la nature ni ne justifie de la prétendue contrainte technique et ne prouve pas son caractère extérieur, imprévisible et irrésistible.

Partant, elle ne peut valablement se prévaloir d’un cas de force majeure l’exonérant de sa responsabilité et elle doit par conséquent répondre du défaut de conformité du bien livré.

Le décalage entre la pièce de vie et la terrasse constitue un inconvénient majeur dans le cadre de l’occupation du bien et notamment dans l’usage de cette terrasse, qui devait initialement être de plain-pied et donc d’un accès direct et aisé depuis la pièce de vie. Il contraint en effet soit à enjamber la marche de plus de 50 centimètres soit à positionner une ou plusieurs marches, empiétant sur la surface de la pièce de vie.

Cet inconvénient et la contrainte qui en résulte génèrent incontestablement une perte de valeur de l’appartement par rapport à ce qui était contractuellement prévu.

Le réhaussement des baies vitrées du fait de la marche d’accès à la terrasse ayant eu pour effet de les positionner en limite de plafond, ainsi qu’il ressort de la coupe longitudinale du bâtiment et des photographies produites par les demandeurs, il en résulte, outre le positionnement du coffre des volets roulants en extérieur que les acquéreurs peuvent légitimement déplorer compte-tenu de l’exposition aux intempéries qui n’aurait pas du être, un préjudice esthétique incontestable ainsi qu’une contrainte pour l’installation de rideaux ou voilages.

Les époux [F] produisent une expertise immobilière réalisée le 07 février 2023 aux termes de laquelle le préjudice résultant de la non-conformité peut être évalué à 10 % de la valeur globale du bien soit 19.000 euros ou à la perte de valeur relative résultant de la perte d’agrément de la terrasse soit 20.000 euros.

Le bien acquis au prix de 190.000 euros devait comporter une terrasse de plain-pied de 13,2 m2 jouxtant la pièce de vie de 22,2 m2 dans un appartement d’une surface totale de 45 m2.

La contrainte et les inconvénients générés par la non-conformité affectant la terrasse et la pièce de vie, pièces majeures du bien, peuvent être raisonnablement évaluée à 10 % du prix d’achat, soit 19.000 euros.

La SCCV BOTANIK sera en conséquence condamnée à payer aux époux [F] la dite somme de 19.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 04 novembre 2021, date de réception de la mise en demeure d’avoir à leur payer la somme de 15.000 euros, pour la dite somme de 15.000 euros et à compter de l’assignation pour le surplus.

Sur la réparation du préjudice consécutif au retard de livraison

Il est constant qu’en l’espèce, alors que, selon les termes de l’acte de vente, le bien devait être achevé et livré au plus tard au 30 septembre 2019, la livraison n’a eu lieu que le 06 juillet 2021.

En principe tenue d’indemniser les acquéreurs en application des articles 1601-1, 1611 et 1231-1 du Code civil, la SCCV BOTANIK, débitrice d’une obligation de résultat, ne peut s’exonérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère constitutive de force majeure ou de l’une des causes contractuellement prévues et énoncées dans l’acte authentique du 1er octobre 2018, en pages 22 et 23 à la clause “Majoration du délai de livraison” aux termes de laquelle :
“S’il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension du délai de livraison, l’époque prévue pour l’achèvement des travaux serait différée d’un temps égal au double à celui pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux.
Le délai de livraison serait donc majoré en cas de retard résultant d’un cas de force majeure ou d’une cause légitime de suspension, et notamment, sans que cette liste soit exhaustive, de l’un des événements suivants, valablement justifiés par une attestation du maître d’œuvre ou par tout moyen équivalent :
...
Les jours d’intempéries ... jours où les températures sont inférieures à 0°C ou encore, les jours où les vents sont supérieurs à 57 km/h ou bien encore, les précipitations sont supérieures à 5 mm
...
Tout abandon de chantier d’une entreprise ou toute résiliation de marché pour faute, constatée par lettre RAR du vendeur
...
Les injonctions judiciaires ou administratives ayant pour conséquence la suspension ou l’arrêt des travaux
...

S’il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension du délai de livraison, l’époque prévue pour l’achèvement serait différée d’un temps égal au double de celui pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier.
Dans un tel cas, la justification de la survenance de l’une des circonstances sera apportée par le vendeur à l’acquéreur.

...

S’il existe un retard de livraison des lots précités, non justifié par un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension dudit délai, le vendeur indemnisera l’acquéreur à hauteur de son préjudice financier, régulièrement justifié”.

Sur le retard de livraison

La SCCV BOTANIK se prévaut de 24 jours d’intempéries entre le mois de mars 2018 et septembre 2019, de la défaillance des sociétés en charge des lots gros œuvre, serrurerie et carrelage et de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire le 16 mars 2020 jusqu’au 11 mai suivant, pour soutenir que le bien aurait ainsi dû être livré aux époux [F] fin juillet 2020, que dès le 08 août suivant, ils ont été convoqués aux opérations de livraison de leur lot le 08 septembre 2020 au regard de la période estivale de congés et qu’ils se sont opposés de manière injustifiée à la livraison de leur bien entre le 08 septembre 2020 et le 06 juillet 2021.

Elle produit une attestation du maître d’oeuvre de l’opération du 08 décembre 2021 aux termes de laquelle les travaux ont été confrontés à des retards du fait d’intempéries (précipitations de plus de 10 mm par jour) en 2018 et 2019 et notamment, sur la période revendiquée par la défenderesse de mars 2018 à septembre 2019, 23 jours.

Le contrat de vente ayant été signé le 1er octobre 2018, la SCCV BOTANIK, qui s’est engagée à cette date à livrer le bien aux époux [F] au plus tard le 30 septembre 2019, ne peut pas se prévaloir de jours d’intempéries antérieurs à la date de son engagement.

Les jours d’intempéries des mois de mars 2018 à septembre 2018 ne peuvent être pris en considération.

Sur la période d’octobre 2018 à septembre 2019, il est attesté par le maître d’œuvre de 18 jours d’intempéries.

Les époux [F] soutiennent que le bâtiment ayant été «hors d’eau» dès le mois de mars 2019, il ne peut être invoqué un retard dans l’avancement du chantier du fait de précipitations.

Ils n’en justifient pas.

Le maître d’œuvre atteste du retard des travaux du programme BOTANIK sur cette période du fait des précipitations et aucun élément objectif attestant que ce retard n’aurait pas concerné le bâtiment au sein duquel se trouve l’appartement des demandeurs n’est produit.

Dès lors, il y a lieu de retenir 18 jours d’intempéries justifiés comme cause légitime de suspension du délai de livraison.

En application des dispositions contractuelles, le délai de livraison a été reporté du double des jours d’intempéries, soit de 36 jours, la date de livraison étant ainsi reportée au 05 novembre 2019.

Le maître d’œuvre atteste également de retards dus à la défaillance de l’entreprise GTMA (Lot Gros Œuvre) et de l’entreprise ERSA (Lot Carrelage) ayant conduit à leur abandon de chantier.

S’agissant de l’entreprise GTMA, la date théorique de fin de chantier de cette société était le 28 septembre 2018. Ainsi, à la date de son engagement envers les époux [F], la SCCV BOTANIK avait connaissance de la défaillance de cette entreprise.

Elle s’est malgré tout engagée à leur livrer leur bien au plus tard le 30 septembre 2019 et n’a fait constater l’abandon de chantier et les défaillances de GTMA que le 11 septembre 2019 avant de résilier le marché le 1er octobre 2019 et de désigner et signer un nouveau marché avec une entreprise de substitution le 10 octobre 2019 pour des travaux devant se terminer le 25 octobre 2019.

Elle ne peut ainsi valablement se prévaloir du délai de plus d’une année qui s’est écoulé entre sa connaissance de la défaillance de la société GTMA, antérieure à son engagement et la réalisation du nouveau marché, qui résulte de son propre fait.

Cette défaillance d’entreprise ne peut constituer une cause légitime de suspension du délai de livraison.

S’agissant de l’entreprise ERSA, elle devait commencer son intervention le 08 février 2019 mais n’est jamais intervenue. L’abandon de chantier a été constaté le 20 juin 2019 et une entreprise de substitution a été désignée avec démarrage des travaux le 15 juillet 2019.

La SCCV BOTANIK ne peut valablement se prévaloir du délai qu’elle a laissé s’écouler entre la date prévisionnelle de début d’intervention et le constat d’abandon de chantier, qui résulte de sa propre carence.

Seuls les jours passés entre le constat de l’abandon de chantier et le démarrage des travaux par l’entreprise de substitution constituent une cause légitime de suspension, soit 25 jours.

En application des dispositions contractuelles, le délai de livraison a été reporté du double des jours de retard dus à la défaillance de l’entreprise ERSA, soit 50 jours, la date de livraison étant ainsi reportée au 25 décembre 2019.

Le maître d’œuvre atteste encore des retards et mauvaises exécutions ayant engendré la résiliation de TKALU et la nécessité de trouver une entreprise de substitution.

La SCCV BOTANIK ne justifie pas du constat de la résiliation du marché de l’entreprise TKALU pour faute par lettre RAR comme exigé contractuellement et il n’en est pas fait mention dans l’attestation du maître d’œuvre, laquelle évoque une simple “rupture de contrat suite à la constatation de graves malfaçons et à des mises en demeure de reprise non honorées. Rupture de contrat le 24/03/2020 par le Maître d’Ouvrage”.

Partant, la SCCV BOTANIK ne peut valablement se prévaloir de cette résiliation de marché pour justifier un report du délai de livraison du bien des époux [F].

Le maître d’œuvre atteste enfin de l’arrêt total de l’avancement du chantier pendant le confinement sanitaire du 12 mars 2020 au 18 mai 2020, à l’exception de l’entreprise en charge du lot Plomberie pour des interventions ponctuelles jusqu’au 31 mars 2020.

La date de livraison du bien n’ayant été reportée du fait de causes légitimes que jusqu’au 25 décembre 2019, cet événement postérieur ne peut justifier un nouveau report de la date de livraison du bien.

Le bien devait ainsi être livré le 25 décembre 2019.

La SCCV BOTANIK a convoqué les époux [F] pour une livraison de leur bien le 08 septembre 2020.

A cette date, les acquéreurs ont refusé la livraison.

Il ressort du procès-verbal de refus de livraison, des échanges de courriers entre les parties et de leurs écritures que le 08 septembre 2020, divers désordres et non-finitions étaient constatés et en particulier, le volet roulant de la baie vitrée du séjour n’était pas installé.

Ainsi que le rappelle la société défenderesse, l’acte de vente énonce, dans un article relatif à la définition de l’achèvement, qu’il est convenu que l’achèvement de l’immeuble s’entend tel qu’il est défini par l’article R.261-1 du Code de la construction et de l’habitation selon lequel l’immeuble vendu en l’état futur d’achèvement est réputé achevé lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d’équipement qui sont indispensables à l’utilisation, conformément à sa destination, de l’immeuble faisant l’objet du contrat.

Le volet roulant au niveau de la baie vitrée de la pièce de vie donnant sur la terrasse située au premier étage de la copropriété constitue incontestablement un élément d’équipement indispensable à l’utilisation de l’immeuble conformément à sa destination, à savoir l’habitation, dans la mesure où il est en assure la sécurisation.

Dès lors, en l’absence dudit volet roulant, le bien n’était pas achevé et ne pouvait donc pas être livré.

C’est donc légitimement que les époux [F] ont refusé la livraison le 08 septembre 2020 et ce n’est que le 06 juillet 2021, après la mise en place des volets roulants, que le bien a pu être livré.

La SCCV BOTANIK doit donc répondre d’un retard de livraison entre le 25 décembre 2019 et le 06 juillet 2021 soit 18 mois.

Elle doit réparation aux époux [F] de leur préjudice consécutif à ce retard.

Sur les demandes indemnitaires des époux [F]

$gt; au titre d’un préjudice financier :

Les époux [F] invoquent une perte de revenus locatifs du fait de n’avoir pas pu présenter à la location leur bien acquis dans le cadre d’un investissement locatif.

Le retard de livraison de l’appartement les a privés de la possibilité de proposer l’appartement à la location durant 18 mois.

Leur préjudice, incontestable, est constitué de la perte de chance de pouvoir percevoir un loyer durant cette période, et non du montant de 19 loyers.

Ils justifient avoir conclu un bail de location à compter du 23 juillet 2021 pour un loyer de 576 euros.

La perte de chance de pouvoir percevoir un loyer durant la période de retard de livraison doit être évaluée à 70 % du montant du loyer, vu la situation et les caractéristiques du bien, soit 403 euros par mois.

Il y a par conséquent lieu de leur allouer une somme de 7.254 euros à titre d’indemnisation.

Ils invoquent ensuite un préjudice lié à l’emprunt bancaire constitué du coût de l’assurance du crédit pendant le temps du retard de livraison et des intérêts entre le déblocage complet du crédit et la livraison.

Ils ne justifient pas avoir modifié les conditions de leur prêt et notamment avoir prolongé la période de différé d’amortissement avec paiement d’intérêts intercalaires du fait du retard de livraison du bien.

L’assurance du prêt et les intérêts payés correspondant à ceux qu’ils auraient payé dans l’hypothèse où le bien leur aurait été livré à la date convenue, ils ne justifient pas d’un quelconque préjudice.

Ils seront en conséquence déboutés de leurs demandes formées de ces deux chefs.

Ils réclament enfin le remboursement de l’assurance propriétaire non occupant réglée à hauteur de 40 euros en prévision de la première date de livraison prévue mais qui n’a pas pu se faire en raison d’inachèvements substantiels, sans en justifier.

Ils seront déboutés de cette demande.

$gt; au titre d’un préjudice moral :

Monsieur et Madame [F] déplorent un préjudice moral lié aux tracas rencontrés en fin de chantier, qu’ils évaluent à 2.500 euros.

Ils ont du faire face à plusieurs reports de la date de livraison de leur bien acquis en vue de le louer et ont incontestablement été confrontés au stress et à l’anxiété découlant de l’incertitude quant à la livraison de leur bien.

Ils subissent un préjudice moral qu’il y a lieu d’indemniser en leur octroyant une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le remplacement de la chaudière

Les époux [F] réclament la condamnation sous astreinte de la SCCV BOTANIK à procéder au remplacement de la chaudière défectueuse et/ou à les indemniser de tous les préjudices en lien avec ce dysfonctionnement sur le fondement de la garantie décennale du constructeur de l’article 1792 du Code civil à laquelle le vendeur d’immeuble à construire est soumis en application de l’article 1646-1 du Code civil.

Il ressort des échanges de mails entre le gestionnaire de l’appartement et la société ANTHELIOS, société mère de la SCCV BOTANIK, qu’un dysfonctionnement de la chaudière a été signalé par le locataire en février 2022 et de nouveau en mars 2022 après qu’une pièce ait manifestement été changée par la société ayant fait les mises en route.

Les époux [F] ne rapportent pas la preuve de la persistance d’un dysfonctionnement de la chaudière au-delà de cette date.

A défaut de justifier d’un dommage affectant un élément d’équipement de l’ouvrage qui le rendrait impropre à sa destination, ils seront déboutés de leur demande.

Sur les autres demandes

La SCCV BOTANIK, partie perdante, supportera les dépens et paiera aux demandeurs une somme que l’équité commande de fixer à 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE la SCCV BOTANIK à payer à Monsieur [U] [F] et Madame [M] [F], ensemble, la somme de 19.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la non-conformité du bien livré, avec intérêts au taux légal à compter du 04 novembre 2021 sur la somme de 15.000 euros et à compter du 28 mars 2022 sur le surplus ;

CONDAMNE la SCCV BOTANIK à payer à Monsieur [U] [F] et Madame [M] [F], ensemble, la somme de 7.254 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier lié au retard de livraison de leur bien ;

CONDAMNE la SCCV BOTANIK à payer à Monsieur [U] [F] et Madame [M] [F], ensemble, la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié au retard de livraison de leur bien ;

CONDAMNE la SCCV BOTANIK à payer à Monsieur [U] [F] et Madame [M] [F], ensemble, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties pour le surplus ;

CONDAMNE la SCCV BOTANIK aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

La présente décision est signée par Madame Alice VERGNE, Vice-Président, le Président, et par Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 7ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/02434
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;22.02434 ?
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