TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
DU 04 SEPTEMBRE 2024
Chambre 9/Section 1
Affaire : N° RG 24/00431 - N° Portalis DB3S-W-B7I-YV6O
N° de Minute : 24/00464
DEMANDEUR À L’INCIDENT
Monsieur [D] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Loïc SOUBEYRAN-VIOTTO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E914
C/
DÉFENDERESSE À L’INCIDENT
Madame la Directrice Régionale des Finances Publiques d’IDF
[Adresse 1]
[Localité 4]
dispensée du ministère d’avocat
JUGE DE LA MISE EN ÉTAT :
Monsieur Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président,
assisté aux débats de Madame Anyse MARIO, Greffière.
DÉBATS
Audience publique du 03 avril 2024. Délibéré fixé au 15 mai 2024, prorogé au 04 septembre 2024.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte d’huissier en date du 18 octobre 2023, Monsieur [D] [P] a fait assigner la DRFIP d’Ile de France et de [Localité 4] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de faire prononcer l’annulation de la décision explicite de rejet de sa réclamation en date du 27 septembre 2023, de faire ordonner le dégrèvement et le remboursement des droits de succession pour un montant de 22.035 euros et des intérêts de retard pour 176,34 euros, de faire ordonner le versement d’intérêts moratoires et de faire condamner la DRFIP à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions distinctes et motivées d’incident devant le juge de la mise en état, il est demandé de transmettre à la Cour de cassation un mémoire “posant la question de conformité à la Constitution des dispositions de l’article 784 A du CGI en tant que ces dispositions, méconnaissent les principes constitutionnels d’égalité devant les charges publiques et de respect des facultés contributives des contribuables en ce qu’elles conduisent à soumettre les légataires à une imposition confiscatoire” ; “ Posant la question de la conformité à la constitution des dispositions de l’article 784 A du CGI en tant que ces dispositions méconnaissent le droit fondamental de propriété, en ce qu’elles soumettent les légataires à une imposition excessive entrainant une atteinte disproportionnée et une privation du droit de propriété”. Monsieur [D] [P] expose que le litige porte contestation de la double imposition aux droits de succession qu’il a subie sur les actifs français légués par son cousin issu de germain (5ème degré) qui était résident fiscal suisse. Il fait valoir que le choix du législateur de ne pas éliminer les doubles impositions sur les biens français, sans prendre en considération le taux d’imposition global résultant de la double imposition peut aboutir à faire porter au légataire/héritier une imposition confiscatoire. Que dès lors, il en résulte une méconnaissance des facultés contributives du contribuable en violation du principe d’égalité devant les charges publiques.
Par conclusions en réponse sur incident, l’administration fiscale sollicite la non transmission de la question prioritaire pour défaut de caractère sérieux et absence de grief.
Par conclusions, le Ministère Public considère que la requête est irrecevable au motif que le contribuable ne sollicite pas la censure des dispositions incriminées mais demande l’ajout d’une nouvelle norme qui lui serait plus favorable. Il considère également que la requête est dépourvue de caractère sérieux car le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour légiférer.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des articles 23-2 et 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que :
- la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure ;
- la disposition n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel sauf changement de circonstances;
- la question prioritaire de constitutionnalité soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
Il n’est pas contesté que l’article 784 A du CGI modifié par l’article 19 dela loi de finances pour 1999 n° 98-1266 du 30 décembre 1998 est applicable au présent litige et qu’elle n’a jamais été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
En revanche les parties s’opposent sur le point de savoir si la question prioritaire de constitutionnalité revêt un caractère sérieux ou non pour que la troisième condition soit ou non remplie.
La protection du droit de propriété, prévue par l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ne s’applique qu’en cas de privation ou de dénaturation de ce droit et de simples atteintes, qui n’entrainent pas une privation du droit de propriété, ne sauraient suffire à mettre en œuvre le régime protecteur prévu par l’article 17.
Ainsi lorsqu’il est apporté une limite à l’exercice du droit de propriété ce dernier doit être justifié par un motif d’intérêt général et proportionné à l’objectif poursuivi en application de l’article 2.
Au cas particulier, les exigences de l’article 2 de la DDHC applicable en l’absence de dépossession, sont respectées et ce d’autant que cette atteinte est justifiée par des motifs d’intérêt général de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.
Aussi, les moyens tirés de la rupture d’égalité devant les charges publiques et la violation du droit de propriété ne présentent pas de caractère sérieux, a fortiori compte tenu du fait que le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour légiférer ou conclure une convention fiscale entre le France et la Suisse.
Il y a donc lieu de ne pas transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionalité.
PAR CES MOTIFS
LE JUGE DE LA MISE EN ETAT,
Statuant par ordonnance publique, contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe,
DISONS n’y avoir lieu à transmettre la question prioritaire de constitutionalité à la Cour de cassation,
DÉBOUTONS, en conséquence Monsieur [D] [P] de sa demande présentée à cette fin,
RENVOYONS l’affaire à l’audience de la mise en état du mercredi 6 novembre 2024 à 9h30.
RÉSERVONS les dépens.
La minute a été signée par Monsieur Bernard AUGONNET, Premier vice-président, assisté de Madame Anyse MARIO, greffière présente au moment de la mise à disposition.
LA GREFFIÈRE LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
Anyse MARIO Bernard AUGONNET