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02/09/2024 | FRANCE | N°24/04695

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 5, 02 septembre 2024, 24/04695


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 02 SEPTEMBRE 2024



Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 24/04695 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZISW
N° de MINUTE : 24/00470



Le Syndicat des copropriétaires de la Résidence « La Morée », sis [Adresse 2], [Adresse 4], [Adresse 1] et [Adresse 5] à [Localité 10], représenté par la société AJASSOCIES dont le siège social est situé [Adresse 8], prise en la personne de Maître [E] [P], agissant en qualité d’administrateur provisoire du Syndicat des copropriétaires, en son établ

issement situé:
[Adresse 6]
[Localité 9]
représentée par Maître Bernard CHEYSSON de la SELARL CHEYSSON MARCHADIER...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 02 SEPTEMBRE 2024

Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 24/04695 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZISW
N° de MINUTE : 24/00470

Le Syndicat des copropriétaires de la Résidence « La Morée », sis [Adresse 2], [Adresse 4], [Adresse 1] et [Adresse 5] à [Localité 10], représenté par la société AJASSOCIES dont le siège social est situé [Adresse 8], prise en la personne de Maître [E] [P], agissant en qualité d’administrateur provisoire du Syndicat des copropriétaires, en son établissement situé:
[Adresse 6]
[Localité 9]
représentée par Maître Bernard CHEYSSON de la SELARL CHEYSSON MARCHADIER & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K 0043

DEMANDEUR

C/

L’Association FORCE CITOYENNE
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée par Me Jean AMOUGOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K 0099

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président

Assesseurs : Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge
Monsieur François DEROUAULT, Juge

Assisté aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier

DÉBATS

Audience publique du 08 Juillet 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 02 Septembre 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, signé par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, assisté de Madame Reine TCHICAYA.

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance du 3 mai 2024, le syndicat des copropriétaires de la résidence La Morée sis [Adresse 2], [Adresse 4], [Adresse 1], [Adresse 5] à [Localité 10], représenté par la SELARL AJAssociés, en la personne de maître [E] [P], en qualité d’administrateur provisoire, a été autorisé à assigner l’association Force Citoyenne à jour fixe, à l’audience du 3 juin 2024 de la 6e chambre du tribunal judiciaire de Bobigny.

C’est dans ce contexte que, par acte de commissaire de justice signifié le 7 mai 2024, le syndicat des copropriétaires de la résidence La Morée sis [Adresse 2] [Adresse 4], [Adresse 1] [Adresse 5] à [Localité 10], représenté par la SELARL AJAssociés, en la personne de maître [E] [P], en qualité d’administrateur provisoire, a fait assigner l’association Force Citoyenne à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Bobigny, auquel il demande :
d’ordonner l’expulsion de l’association Force Citoyenne et de tous occupants sans droit ni titre de son/leur chef, immédiate et sans délai, avec au besoin l’aide et le concours de la force publique et d’un serrurier, du local situé [Adresse 7] à [Localité 10], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, astreinte dont le tribunal devra se réserver la liquidation ; de dire que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L433-1 et R433-1 et suivants du codes des procédures civiles d’exécution ; de condamner l’association Force Citoyenne à lui payer une indemnité d’occupation de 1.425 euros par mois, charges comprises et taxes en sus, à compter du 13 novembre 2023 et jusqu’à remise des clés, libération complète et remise des lieux ; de condamner l’association Force Citoyenne à lui payer la somme de 6.319,20 euros au titre des frais indûment exposés du fait de cette occupation ; de condamner l’association Force Citoyenne aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, il expose que la résidence La Morée, ensemble immobilier de 18 bâtiments soumis au statut de la copropriété, est placée sous administration provisoire, sur le fondement de l’article 29-1 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965, depuis 1997, maître [T] ayant exercé cette mission de 2003 au 13 novembre 2023, avant d’être remplacé par maître [E] [P] suivant ordonnance du 14 novembre 2023 ; que par courrier du 13 novembre 2023, maître [T] a autorisé les copropriétaires référents à occuper l’ancien logement du gardien, situé [Adresse 7], pour leur permettre de travailler sur le fonctionnement et l’avenir de la copropriété ; que monsieur [B] [W], copropriétaire référent, a donné procuration au directeur général de l’association Force Citoyenne, monsieur [A] [I], aux fins de récupérer pour son compte les clés dudit local le 13 novembre 2023 ; que, depuis, l’association Force Citoyenne s’est installée dans le local, a remplacé les serrures et refuse de quitter les lieux, alors qu’elle ne dispose d’aucun droit ni titre d’occupation ; que les premières démarches accomplies pour reprendre le local sont demeurées infructueuses et se sont heurtées à la résistance de monsieur [A] [I] ; que l’expulsion s’impose au visa de l’article 544 du code civil, comme la seule mesure de nature à lui permettre de recouvrer la plénitude de son droit ; que cette occupation illicite lui est particulièrement préjudiciable, dans la mesure où il doit supporter les consommations de fluides générées et faire face à l’immixtion nocive de l’association Force Citoyenne dans l’administration de la copropriété, ainsi qu’à des comportements particulièrement agressifs ; que l’association Force Citoyenne doit enfin l’indemniser, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, pour l’occupation, avec une indemnité calculée en fonction du prix du marché majoré de 50%, et pour les frais exposés dans le cadre du présent litige (interventions d’une commissaire de justice, émoluments de l’administrateur provisoire).

A l’audience du 3 juin 2024, l’affaire a été renvoyée à la demande de l’association Force Citoyenne, pour lui permettre de constituer avocat.

A l’audience de renvoi du 8 juillet 2024, l’avocat de l’association Force Citoyenne ne s’est pas présenté mais a adressé à la juridiction, par courriel, les conclusions et cinq pièces qu’il avait préalablement communiquées à son adversaire le 4 juillet 2024, auxquelles le demandeur n’a pas souhaité répondre, de sorte que l’affaire a été retenue.

Aux termes des conclusions précitées, l’association Force Citoyenne demande au tribunal :
sur la forme, de se déclarer incompétent pour connaître de la présente action et de rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées ; subsidiairement, sur le fond, de débouter le demandeur de ses demandes tendant à son expulsion du local des copropriétaires ; accessoirement, de condamner la SELARL AJ Associés aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, elle soutient que le tribunal judiciaire est incompétent pour connaître de la présente action aux fins d’expulsion au profit du juge des contentieux et de la protection, conformément à l’article L213-4-3 du code de l’organisation judiciaire ; que, sur le fond, l’expulsion est injustifiée dès lors qu’elle occupe le local litigieux à la demande des copropriétaires et avec leur accord ; qu’il n’est pas établi qu’elle a changé la serrure de la porte d’entrée.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties, il sera renvoyé à la lecture des écritures précitées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 2 septembre 2024, date du présent jugement.

MOTIFS

Sur les demandes principales

Sur la compétence
L’article L211-3 du code de l’organisation judiciaire dispose que le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction.

L’article L213-4-3 du même code précise que le juge des contentieux de la protection connaît des actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre.

En l’espèce, dès lors qu’il est constant que le local litigieux n’est pas occupé par l’association Force Citoyenne aux fins d’habitation (à supposer d’ailleurs qu’une personne morale puisse habiter un local), la présente action en expulsion ne relève pas de la compétence d’attribution du juge des contentieux de la protection instituée par l’article L213-4-3 précité du code de l’organisation judiciaire, mais bien de la compétence matérielle du tribunal judiciaire.

L’exception d’incompétence soulevée en défense sera ainsi rejetée.

Sur le fond
L’article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, de sorte que le propriétaire dont le bien immobilier est occupé sans droit ni titre par un tiers est en droit :
d’obtenir l’expulsion de ce tiers, seule mesure de nature à lui permettre de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence en résultant dans les droits fondamentaux des occupants ne pouvant être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété (voir récemment Cass, Civ 3, 28 novembre 2019, 17-22.810) ; d’obtenir la condamnation du tiers à lui verser une indemnité, notamment au titre de l’occupation du bien, le maintien sans droit ni titre dans les lieux constituant une faute délictuelle au sens de l’article 1240 du code civil.
En l’espèce, il ressort des pièces communiquées que, par courrier du 13 novembre 2023, maître [U] [T], en sa qualité (d’alors) d’administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires de la résidence La Morée, a autorisé madame [J] [C] « à utiliser le local syndical du [Adresse 7] (RDC gauche) sous votre responsabilité ».

Contrairement à ce qui est soutenu en demande, cette autorisation n’a pas été donnée à l’ensemble des copropriétaires, mais uniquement à madame [J] [C] et monsieur [B] [W], comme le démontre la rédaction de la lettre produite (« en votre qualité de copropriétaire » ; « Je remettrais à cet effet à chacun d’entre vous un exemplaire de la clé » ; « je vous informe qu’à la demande expresse de Monsieur [W] [B], copropriétaire et membre du conseil syndical, j’ai remis la clef qui lui était destinée à Monsieur [Z] [I] »).

Rien, dans le libellé de ce courrier, n’interdit, en revanche, aux deux bénéficiaires de ladite autorisation de permettre à un tiers de sous-occuper, avec leur accord, le local en cause, encore moins si cette sous-occupation poursuit le même objet, à savoir « travailler sur le fonctionnement de la copropriété, l’amélioration du cadre de vie ainsi que la préparation de la scission de la copropriété » ; une telle possibilité de sous-occupation est d’autant moins exclue que maître [U] [T] indique, dans le même courrier du 13 novembre 2023, avoir remis une clé à l’association Force Citoyenne, ce dont il se serait à l’évidence abstenu s’il avait entendu interdire la sous-occupation.

Il n’est en outre pas contesté que l’autorisation donnée par maître [U] [T] ès qualités relevait bien des pouvoirs de l’administrateur provisoire, l’article 29-1 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 disposant à ce titre que l’administrateur se voit en pareille hypothèse notamment confier tous les pouvoirs de l'assemblée générale des copropriétaires (à l'exception de ceux prévus aux a et b de l'article 26), dont fait partie celui d’autoriser l’occupation à titre précaire d’une partie commune (voir en ce sens Cass, Civ 3, 5 avril 2018, 17-14.138).

Enfin, s’il est loisible à l’administrateur provisoire de retirer à tout moment l’autorisation ainsi accordée, force est de relever qu’un tel retrait d’autorisation n’est ni allégué, ni donc justifié, pas même dans l’assignation introductive de la présente instance, seule y étant soutenue l’absence de droit ou titre d’occupation.

Du tout, il résulte que l’association Force Citoyenne, qui sous-occupe le local en cause avec l’accord de monsieur [B] [W] et madame [J] [C] selon les attestations versées en défense, eux-mêmes bénéficiaires d’une autorisation – régulière et non retirée à ce jour – d’occuper les lieux n’interdisant pas la sous-occupation, n’est pas occupante sans droit ni titre, étant précisé que les éléments de contexte invoqués en demande (sur les démarches accomplies, sur le comportement de monsieur [A] [I]) sont sans incidence sur la régularité juridique de l’occupation.

Il convient en conséquence de rejeter l’ensemble des prétentions présentées par le syndicat des copropriétaires.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En application de l'article 700 du même code, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En conséquence, le syndicat des copropriétaires, partie perdante, sera condamné aux dépens.

Eu égard à la situation économique des parties, la demande présentée par l’association Force Citoyenne au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

Enfin, il y a lieu de constater l'exécution provisoire, qui est de droit, conformément à l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et rendu en premier ressort,

Rejette l’exception d’incompétence soulevée par l’association Force Citoyenne ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de la résidence La Morée sis [Adresse 2] [Adresse 4], [Adresse 1], [Adresse 5] à [Localité 10], de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence La Morée sis [Adresse 2], [Adresse 4], [Adresse 1], [Adresse 5] à [Localité 10], aux dépens ;

Déboute les parties de leur demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La minute a été signée par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 5
Numéro d'arrêt : 24/04695
Date de la décision : 02/09/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-02;24.04695 ?
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