La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/08/2024 | FRANCE | N°23/03289

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 4, 16 août 2024, 23/03289


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 16 AOUT 2024


Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 23/03289 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XNVV
N° de MINUTE : 24/00472


S.A.S. SDE GENIE ELECTRIQUE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Rémi-pierre DRAI de la SELARL DRAI Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0175

S.E.L.A.R.L. PJA, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société GROUPE SDE, désigné en cette qualité par jugement du Tribunal de Commerce de Chartres en date du 14 dÃ

©cembre 2023
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Maître Rémi-pierre DRAI de la SELARL DRAI Associés, avocats au barr...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 16 AOUT 2024

Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 23/03289 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XNVV
N° de MINUTE : 24/00472

S.A.S. SDE GENIE ELECTRIQUE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Rémi-pierre DRAI de la SELARL DRAI Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0175

S.E.L.A.R.L. PJA, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société GROUPE SDE, désigné en cette qualité par jugement du Tribunal de Commerce de Chartres en date du 14 décembre 2023
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Maître Rémi-pierre DRAI de la SELARL DRAI Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0175

DEMANDEURS

C/

S.N.C. ICADE PROMOTION TERTIAIRE
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Maître Jérôme MARTIN de la SELARL D’AVOCATS MARTIN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0158

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, vice-président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 10 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 16 Août 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, vice-président, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

La SNC ICADE PROMOTION TERTIAIRE (ci-après désignée « la société ICADE ») a procédé en qualité de maître de l’ouvrage à la construction d’un ensemble immobilier sur un terrain situé [Adresse 1] et [Adresse 6] à [Localité 9].

Par acte d’engagement du 26 août 2019, le lot n°13 « Electricité, CFO/CFA, Désenfumage, Groupe électrogène » a été confié à la société SDE GENIE ELECTRIQUE (ci-après « la société SDE ») pour un montant global forfaitaire de 2.209.772,00 € HT ; des travaux supplémentaires ont été acceptés pour un montant de 486.863,28 HT.

La réception des travaux est intervenue le 29 avril 2022.

Par courrier recommandé du 20 juin 2022, la société SDE a mis en demeure la société ICADE de procéder au règlement des situations mensuelles n°27 et n°28.

Par courrier recommandé du 5 octobre 2022, la société SDE a à nouveau mis en demeure la société ICADE de procéder au règlement de ces situations, outre le règlement du décompte, qualifié de général et définitif, qu’elle avait notifié au maître d’œuvre le 29 juin 2022.

Par acte d’huissier du 1er mars 2023, la société SDE a fait assigner la société ICADE aux fins de paiement des situations et solde du décompte non réglés.

Par jugement du tribunal de commerce de Chartres du 24 octobre 2023, la société SDE a été placée en redressement judiciaire.

Par jugement du 14 décembre 2023, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire et la SELARL PJA, représentée par Maître [Y] [O], désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 mars 2024, la société SDE et la SELARL PJA, prise en la personne de Maître [Y] [O], ès-qualités de mandataire liquidateur, intervenant volontaire, demandent au tribunal de :
Débouter la société ICADE de l’ensemble de ses demandes ; La condamner à leur verser :la somme de 108.972,93 € TTC au titre des situations non réglées ; la somme de 228.240,10 € TTC au titre du solde du décompte général définitif ; Assortir ces condamnations des intérêts moratoires au taux de trois fois le taux d’intérêt légal à compter de la date de la première mise en demeure ; Ordonner la capitalisation des intérêts à l’expiration d’un an à compter de cette date ; Condamner la société ICADE à leur verser la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; La condamner à leur verser la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes en paiement, la société SDE fait valoir en premier lieu, sur le fondement des articles B.3.2.8.1.1 et B.3.2.8.1.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP) relatif au paiement des situations mensuelles, que la validation par la maîtrise d’œuvre des deux situations par courriel du 25 mai 2022 entraînait obligation pour la société ICADE de les lui régler.
En second lieu, elle soutient, sur le fondement de l’article B.3.2.8.2 du CCAP relatif aux modalités applicables à l’établissement et au règlement du décompte général définitif (DGD), qu’elle a notifié ce dernier au maître d’œuvre le 29 juin 2022 ; que le maître d’œuvre l’a transféré le même jour à la maîtrise d’ouvrage, qui avait alors 45 jours pour contester les sommes réclamées à ce titre par la société SDE ; que n’ayant pas formulé d’observations dans ce délai, la société ICADE est tenu au règlement des sommes. En réponse aux moyens adverses, la société SDE conteste l’existence d’un compte inter-entreprises et précise avoir fait l’objet d’un piratage informatique ayant causé la perte de documents relatifs aux travaux complémentaires, dont l’existence est toutefois démontrée par les correspondances électroniques avec le maître de l’ouvrage ; elle précise enfin que le CCAP ne prévoit aucunement un rejet automatique du DGD notifié en raison du silence gardé par le maître de l’ouvrage lors de sa réception.

Pour voir condamner la société ICADE à lui verser des dommages-intérêts pour résistance abusive, la société SDE indique que cette dernière a fait preuve de mauvaise foi en ne procédant pas au règlement des sommes dues, et ce alors même qu’elle et le maître d’œuvre avaient loué les qualités de la société SDE dans une vidéo produite aux débats.

Aux termes de ses conclusions, notifiées par voie électronique le 5 mars 2024, la société ICADE demande au tribunal de :
A titre principal, débouter la société SDE et la SELARL PJA, prise en la personne de Maître [Y] [O] ès-qualités de mandataire liquidateur, de leurs demandes ; A titre subsidiaire, les débouter de leur demande indemnitaire pour résistance abusive et de leur demande au titre des intérêts moratoires ; En tout état de cause Les condamner à lui verser la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens ;Ecarter l’exécution provisoire.
A l’appui de sa demande principale, la société ICADE soutient, s’agissant des situations mensuelles, sur le fondement de l’article B.3.2.8.1.2 du CCAP, que le maître d’œuvre n’a pas validé les situations n°27 et n°28 en raison de leur incohérence avec les chiffres de la situation précédente ; que la société SDE n’a ensuite pas régularisé les états d’acompte présentés. S’agissant de la demande au titre du décompte final, elle fait valoir qu’il ne s’agit pas d’un DGD au sens de l’article B.3.2.8.2 du CCAP, qui le définit comme un document établi par le maître d’œuvre ; que la société SDE ne justifie pas du paiement préalable du montant dû au titre du compte inter-entreprises ; que les sommes présentées dans le décompte au titre de travaux supplémentaires ne sauraient être dues, en l’absence de tout ordre de service ou avenant les prévoyant et signé par la société ICADE ; qu’enfin, l’absence de réponse de sa part à l’envoi de ce document ne peut être interprété que comme une position de rejet et non comme une acceptation tacite.

Au soutien de sa demande subsidiaire, elle indique avoir établi elle-même un DGD et reconnaître devoir à la société SDE la somme de 29.358,86 €, ce qui exclut toute mauvaise foi de sa part.

La clôture est intervenue le 6 mars 2024 par ordonnance du même jour.

Par conclusions notifiées le 24 mai 2024, la société SDE et la SELARL PJA, ès-qualités de mandataire liquidateur, demandent au juge de la mise en état :
A titre principal, le rejet des dernières conclusions de la société ICADE ainsi que sa pièce n°5 ; A titre subsidiaire, la révocation de l’ordonnance de clôture.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties, il sera renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

A l’audience du 10 juin 2024, la société SDE et la SELARL PJA, ès-qualités de mandataire liquidateur, ont renoncé à leurs demandes de rejet des dernières conclusions et pièce de la société ICADE et de révocation de l’ordonnance de clôture ; l’affaire a été mise en délibéré au 16 août 2024, date du présent jugement.

MOTIFS

La société SDE et la SELARL PJA, ès-qualités de mandataire liquidateur, ayant renoncé à leurs demandes de rejet des dernières conclusions et pièce de la société ICADE et de révocation de l’ordonnance de clôture, il n’y a pas lieu de statuer de ces chefs.

Il convient en outre de relever que, malgré la différence de dénomination entre la société SDE Génie Electrique, ayant introduit l’instance, et le Groupe SDE, au titre de la liquidation duquel intervient la SELARL PJA, ces deux dénominations renvoient à une identité de numéro d’immatriculation au RCS et de siège social, dont se déduit une identité juridique.

Sur les demandes en paiement au titre du marché de travaux
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En application de l’article 1353 du même code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Sur la demande en paiement des situations mensuelles
L’article 4 de l’acte d’engagement du 26 août 2019 renvoie aux articles A.3.2.8 et B.3.2.8 pour les modalités de règlement des comptes du marché.

Il résulte des articles B3.2.8.1.1 et B3.2.8.1.2 du CCAP que l’entrepreneur remet chaque mois au maître d’œuvre à la date fixée par celui-ci une situation mensuelle ; le maître d’œuvre vérifie et corrige ou valide la situation et établit le décompte provisoire sur la base de la situation mensuelle validée. Les travaux sont réglés par versement d’acompte calculé par le maître d’œuvre à partir des décomptes provisoires, en tenant compte notamment de toutes les sommes à la charge de l’entrepreneur ou lui profitant.

Il s’ensuit que le paiement des situations mensuelles est subordonné à la validation préalable du maître d’œuvre.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats qu’ont été émises par la société SDE la
situation n°27 renvoyant à la facture n°1244 du 24 février 2022 pour un montant de 85.965,56 € TTC et la situation n°28 renvoyant à la facture n°1272 du 21 mars 2022 pour un montant de 24.037,43 € TTC.

Par courriel du 25 mai 2022, le maître d’œuvre a transmis deux états d’acomptes à la société SDE, à hauteur de 84.935,50 € TTC pour la situation n°27 et de 24.037,43 € TTC pour la situation n°28.

Cependant, il résulte du courriel adressé par le maître d’œuvre à la société SDE le 27 mai 2022 qu’il indique n’avoir transmis ces états d’acompte que « pour information et avis » et non de manière officielle, précisant n’avoir jamais validé les situations au regard notamment des incohérences entre les montants facturés au titre de la situation n°27 et ceux figurant sur la situation précédente. Le maître d’œuvre ajoute : « Compte tenu de ce qui est exposé ci-avant, je laisse le soin au maître d’ouvrage de se positionner sur le traitement de vos factures en tenant compte de mes états d’acompte adaptés ou, s’il le juge nécessaire, attendre que vous mettiez vos situations en cohérence avec les facturations faites jusqu’à la situation 26 ».

Il apparaît ainsi que le maître d’œuvre n’a pas validé les situations mensuelles dont les demandeurs sollicitent le paiement, laissant le soin au maître de l’ouvrage d’apprécier l’opportunité de leur règlement.

Par conséquent, faute de validation par le maître d’œuvre comme par le maître de l’ouvrage, la société SDE ne démontre pas le caractère exigible des situations n°27 et n°28.

Par conséquent, elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande en paiement du décompte final
L’article B3.2.8.2 du CCAP applicable au marché stipule que :
Dans le délai de 45 jours à compter de la date de la réception des travaux ou de la résiliation du marché, l’entrepreneur remet au maître d’œuvre un projet de décompte final de ce qu’il estime lui être dû en application du marché ; L’entrepreneur doit justifier au maître d’ouvrage avoir réglé le compte-prorata et le compte-inter-entreprises préalablement à la transmission du projet de décompte final ;Il fournit avec ce projet une attestation avec nom et fonction du signataire, certifiant sur l’honneur du paiement intégral de tous les intervenants sur le chantier objet de son marché, ainsi que le quitus de paiement établi par les sous-traitants ; Si le projet de décompte final n’est pas remis au maître d’œuvre dans le délai ci-dessus, le maître d’ouvrage peut demander expressément au maître d’œuvre, après mise en demeure infructueuse, d’établir aux frais de l’entrepreneur le projet de décompte général ; Le maître d’œuvre examine puis accepte ou rectifie le projet de décompte et établit le décompte général des sommes dues en exécution du marché, qu’il transmet au maître de l’ouvrage dans un délai de 30 jours à compter de la réception du projet de décompte final ou à défaut dans les 2 mois de la réception des travaux ; Dans le délai de 45 jours à compter du projet de décompte général transmis par le maître d’œuvre ou dans un délai de 4 mois à compter de la réception des travaux, le maître d’ouvrage notifie à l’entrepreneur le décompte général ; S’ouvre alors pour l’entrepreneur un délai de 30 jours pour formuler des observations ; Si tel est le cas, le maître de l’ouvrage doit répondre à ces observations dans un délai identique.
Si la norme AFNOR NF. 03-001 constituant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés privés de travaux prévoit qu’en cas de silence gardé par l’entrepreneur ou le maître de l’ouvrage dans les délais impartis, le décompte est définitif et ne peut plus être contesté, l’article B.2.2.2 du CCAP exclut expressément l’application de cette norme au marché litigieux.

En l’espèce, il résulte des éléments versés aux débats que, par courriel du 29 juin 2022, la société SDE a transmis au maître d’œuvre un projet de décompte final faisant apparaître les sommes restant dues suivantes :
Montant marché HT : 22.548,91 €Avenants HT : 35.285,29 €Travaux complémentaires : 132.365,88 €
Cependant, la société SDE ne peut se prévaloir d’aucune acceptation de son décompte du fait du silence gardé par la société ICADE après cet envoi, une telle acceptation tacite n’étant pas prévue contractuellement.

La société ICADE justifie quant à elle avoir notifié le 17 novembre 2023 un décompte général à la société SDE, aux termes duquel elle retient les sommes de 24.650,36 € HT au titre du marché et 105.072,36 € au titre des travaux supplémentaires mais en déduit la somme de 100.903,02 € HT au titre du compte inter-entreprises.

Cela étant, si ce décompte porte la signature du maître d’œuvre en date du 31 mai 2023, il apparaît que la société ICADE ne justifie pas lui avoir expressément demandé, après mise en demeure infructueuse, d’établir un tel décompte.

Il en résulte que la société ICADE ne justifie pas de son respect de la procédure contractuelle d’établissement du projet de décompte final ni ne peut se prévaloir du caractère définitif du décompte établi, effet non prévu contractuellement.

Dès lors, il convient de déterminer les sommes effectivement dues par la société SDE au titre du décompte général.

Sur les sommes dues au titre du marché de base
Il résulte de l’article A3.2.1 du CCAP relatif au montant du marché ainsi que de l’article 2 de l’acte d’engagement du 26 août 2019 que le montant du marché de base confié à la société SDE est de 2.209.772,00 € HT.

La situation mensuelle n°26, validée par le maître d’œuvre et dont le règlement par le maître d’ouvrage n’est pas contesté par les parties, faisait apparaître au titre du marché de base la somme de 2.185.121,64 € HT.

Le décompte établi par la société ICADE retenant un solde de 24.650,36 € HT au titre du marché de base, il convient de retenir cette somme dans la mesure où elle correspond effectivement à la différence entre le montant total du marché et les sommes déjà réglées.

Sur les sommes dues au titre des travaux supplémentaires
En application de l’article B.3.2.3 du CCAP applicable au marché que tous les travaux faits en dehors de ceux qui sont compris dans le contrat ne sont ni reconnus, ni payés par le maître d’ouvrage s’ils n’ont pas fait l’objet avant leur exécution d’un ordre de service ou d’un avenant signé par lui.

En l’espèce, la société SDE ne rapportant pas la preuve des ordres de services ou avenants signés justifiant les travaux supplémentaires, il convient de ne faire droit à sa demande qu’à hauteur de la somme admise par la société ICADE dans le décompte qu’elle a établi.

Dès lors, il convient de retenir une somme de 105.072,36 € HT au titre du solde des travaux supplémentaires.

Sur la retenue au titre du compte inter-entreprises
En application de l’article B.5.3.2.3 du CCAP relatif aux relations entre les entrepreneurs dans le cadre d’un marché de travaux passés en corps d’états séparés, les entrepreneurs sont tenus d’établir entre eux, sous leur responsabilité, une convention interentreprises destinée à régler l’ensemble des points concernant l’organisation du secteur (obligation des entreprises pendant la période de préparation – gardiennage – préchauffage – dégradations et d’une manière générale tout ce qui concerne le compte prorata). Cette convention est communiquée au maître d’ouvrage.

Par ailleurs, l’article B.3.2.8.2 du CCAP précise que l’entrepreneur doit justifier au maître d’ouvrage avoir réglé le compte prorata et le compte inter-entreprises préalablement à la transmission du décompte final.

Il résulte toutefois de l’article B.5.3.2.2 (voir page 67 in fine) que seul « l’Entrepreneur dominant », qui avance les frais du compte inter-entreprises pour le compte des autres entreprises, est susceptible d’être créancier du compte inter-entreprises ; le maître d’ouvrage ne saurait donc en demander la déduction, à son profit, au titre du décompte général définitif.

Dès lors, aucune somme ne peut être déduite à ce titre du décompte final.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il sera fait droit à la demande de la société SDE au titre du décompte final à hauteur de 129.722,72 € HT, comprenant 24.650,36€ HT au titre du marché de base et 105.072,36 € HT au titre des travaux supplémentaires, soit 155.667,26 € TTC.

c. Sur la demande au titre des intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts

L’article B3.2.8.3 du CCAP stipule que les paiements des situations mensuelles ou du décompte final sont effectués par virements bancaires, dans le délai maximum de 60 jours à compter de la date d’émission de la facture. Après mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, les retards de paiement ouvrent droit pour l’entrepreneur au paiement d’intérêts moratoires égaux à trois fois le taux d’intérêt légal en vigueur à la date à laquelle ces intérêts moratoires auront commencé à courir.

Il résulte de cette clause et de l’article 1231-6 du code civil que l’entrepreneur qui réclame l’application de cette clause doit prouver avoir bien mis en demeure son cocontractant par lettre recommandée, à défaut de quoi c’est la date de l’assignation qui marquera le point de départ des intérêts.

En l’espèce, les sommes mises à la charge de la société ICADE seront assorties des intérêts moratoires du seul fait du retard dans leur paiement, la bonne ou mauvaise foi de celle-ci étant à ce titre indifférente.

A défaut de production d’une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception portant sur les sommes dues au titre du décompte final, ces intérêts moratoires courront à compter du 1er mars 2023, date de l’assignation, et seront égaux à trois fois le taux d’intérêt légal en vigueur au jour de l’assignation.

La capitalisation des intérêts de retard, fondée sur l’article 1343-2 du code civil, dus pour au moins une année entière sera par ailleurs ordonnée à compter du 1er mars 2024.
2. Sur la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La résistance abusive représente la contrainte pour le demandeur d’agir en justice pour faire valoir ses droits, suite à une attitude abusive d’un particulier ou d’une société, qui a refusé d’accéder à ses prétentions.

Dès lors que la société SDE a été partiellement déboutée de ses demandes en paiement, l’absence de règlement par la société ICADE des sommes réclamées ne saurait caractériser un abus de sa part, peu important à ce titre que le maître d’œuvre ait pu louer en public les qualités de l’entreprise.

La demande de dommages et intérêts présentée de ce chef sera ainsi rejetée.

3. Sur les demandes de fin de jugement

Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, la société ICADE, succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens.

Sur les frais irrépétibles
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).

Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, la société ICADE, condamnée aux dépens, sera condamnée à payer à la SELARL PJA ASSOCIES prise en la personne de Maître [Y] [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SDE la somme de 3.500,00 € au titre des frais irrépétibles.

La société ICADE sera par ailleurs déboutée de sa propre demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En application de l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

En l’espèce, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire du jugement, qui n’apparaît pas incompatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DEBOUTE la SELARL PJA ASSOCIES prise en la personne de Maître [Y] [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SDE, de sa demande au titre des situations non réglées ;

CONDAMNE la SNC ICADE PROMOTION TERTIAIRE à verser à la SELARL PJA ASSOCIES prise en la personne de Maître [Y] [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SDE la somme de 129.722,72 € HT soit 155.667,26 € TTC au titre du décompte général ;

ASSORTIT cette condamnation des intérêts moratoires à compter du 1er mars 2023, égaux à trois fois le taux d’intérêt légal en vigueur au 1er mars 2023 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts à compter du 1er mars 2024 ;

DEBOUTE la SELARL PJA ASSOCIES prise en la personne de Maître [Y] [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SDE de sa demande au titre de la résistance abusive ;

CONDAMNE la SNC ICADE PROMOTION TERTIAIRE aux dépens ;

CONDAMNE la SNC ICADE PROMOTION TERTIAIRE à verser à la SELARL PJA ASSOCIES prise en la personne de Maître [Y] [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SDE la somme de 3.500,00 € au titre des frais irrépétibles ;

DEBOUTE la SNC ICADE PROMOTION TERTIAIRE de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.

La minute est signée par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

Le greffier, Le president,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 4
Numéro d'arrêt : 23/03289
Date de la décision : 16/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 24/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-16;23.03289 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award