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16/08/2024 | FRANCE | N°23/00971

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 4, 16 août 2024, 23/00971


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 16 AOUT 2024


Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 23/00971 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XHPD
N° de MINUTE : 24/00471


Monsieur [Y] [R]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Grégory LEPROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2303

DEMANDEUR

C/

S.A. SURAVENIR ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Ghislaine CHAUVET LECA de la SELEURL CHAUVET-LECA AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : G0065

DEFENDEUR
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COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, vice-président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux disp...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 16 AOUT 2024

Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 23/00971 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XHPD
N° de MINUTE : 24/00471

Monsieur [Y] [R]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Grégory LEPROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2303

DEMANDEUR

C/

S.A. SURAVENIR ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Ghislaine CHAUVET LECA de la SELEURL CHAUVET-LECA AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : G0065

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, vice-président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 10 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 16 Août 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN ,vice-président, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er juillet 2021, monsieur [Y] [R] a déclaré à la SA Suravenir Assurances, son assureur multirisques habitation suivant police souscrite le 18 juin 2020, un incendie survenu dans sa maison sise [Adresse 1] à [Localité 4].

L’assureur a mandaté le cabinet d’expertise Polyexpert, lequel s’est rendu sur place le 26 août 2021, ainsi qu’un enquêteur privé, avant d’opposer un refus de garantie le 17 novembre 2021.

C’est dans ce contexte que, par acte d’huissier enrôlé le 23 janvier 2023, monsieur [Y] [R] a fait assigner la SA Suravenir Assurances devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 février 2024, monsieur [Y] [R] sollicite, outre le rejet des prétentions adverses, la condamnation, avec exécution provisoire, de la société Suravenir Assurances :
à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts de retard depuis la mise en demeure : 10.165,10 euros au titre de la facture de la société Les compagnons du Devoir [Localité 5] ; 158.515,50 euros au titre du devis de la société ADMB ; aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, il soutient que le sinistre litigieux doit être garanti par l’assureur ; que les travaux conservatoires réalisés par la société Les Compagnons du Devoir [Localité 5] sont bien intervenus, notamment pour pallier la carence de Suravenir Assurances à intervenir dans un délai raisonnable ; que la résiliation de sa précédente police d’assurance n’est intervenue que pour souscrire la nouvelle police auprès de Suravenir Assurances ; que le précédent sinistre vol de 2018 n’a aucun rapport avec le présent incendie ; que l’assureur ne démontre pas que la maison sinistrée ne serait pas sa résidence principale ; que sa mauvaise foi n’est ainsi pas établie ; que les déclarations mensongères qui lui sont imputées sont au demeurant sans incidence sur l’opinion de l’assureur quant au risque assuré ; que les travaux à accomplir sont justifiés par les divers devis et le constat d’huissier communiqués.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 mars 2024, la SA Suravenir Assurances demande au tribunal :
à titre principal, de déclarer irrecevables les prétentions de monsieur [R] ; à titre subsidiaire : de déclarer nulle la police d’assurance ; de déclarer acquises les cotisations et primes réglées par monsieur [R] en exécution de la police d’assurance ; de débouter monsieur [R] de ses prétentions ; à titre très subsidiaire, de débouter monsieur [R] de ses prétentions ; à titre infiniment subsidiaire, de constater ou ordonner la résiliation de la police d’assurance et de condamner monsieur [R] à lui payer, avec compensation, une somme équivalente à la condamnation prononcée à son encontre en garantie du sinistre ; à titre encore plus subsidiaire : de la juger fondée à opposer les limites de sa police ; de réduire l’indemnité en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des prix qui auraient été dues si les risques avaient été complétement et exactement déclarés ; en toute hypothèse : de rappeler l’exécution provisoire de droit ou l’ordonner ; de condamner monsieur [R] aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, elle soutient que la police est nulle en application des articles L113-2 et L113-8 du code des assurances pour fausses déclarations intentionnelles de monsieur [R] sur l’absence de sinistre et l’absence de police résiliée dans les trois ans précédant la souscription, ainsi que sur le fait que le bien sinistré constituait sa résidence principale ; que si le caractère intentionnel de ces fausses déclarations devait ne pas être retenu par le tribunal, il y aurait alors lieu à réduction proportionnelle – de moitié – conformément à l’article L113-9 du code des assurances ; que les demandes se heurtent encore à la déchéance de garantie stipulée par la police pour les dommages causés intentionnellement par l’assuré ou avec sa complicité et en cas de fausses déclarations ou de déclarations inexactes sur les causes, circonstances ou conséquences du sinistre (versions successives sur le récit des faits et les événements survenus ; nettoyage complet des lieux avant la visite de l’expert ; facture reconnue comme de complaisance de la société Les Compagnons du Devoir [Localité 5]), étant précisé que l’incendie n’est pas garanti lorsqu’il il est d’origine intentionnelle ou lorsqu’il procède d’un défaut d’entretien des installations ; qu’il s’agit d’une tentative de fraude qui fait obstacle à la garantie et justifie à défaut la condamnation de monsieur [R] à lui payer des dommages et intérêts équivalents au montant de la garantie au visa des articles 1147 et 1134 du code civil ; que les dommages invoqués en demande ne sont au demeurant pas justifiés, ni dans leur principe, ni dans leur quantum, ni dans leur lien causal avec le sinistre.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties, il sera renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la mise en état a été fixée au 6 mars 2024 par ordonnance du même jour.

A l'audience du 10 juin 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 16 août 2024, date du présent jugement.

MOTIFS

Sur les demandes principales

L'article L113-2 du code des assurances dispose que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ; et de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur.

L’article L113-8 du même code dispose que le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

Il revient à l’assureur qui entend se prévaloir de la nullité du contrat d’assurance sur ce fondement, de prouver l’inexactitude des déclarations de l’assuré, aussi bien que le caractère intentionnel de la fausse déclaration ou réticence alléguée et l’incidence de celle-ci sur le risque pris par l’assureur.

En toute hypothèse, sauf si l'assuré fait des déclarations de sa propre initiative, l'assureur ne peut se prevaloir de la reticence ou de la fausse declaration intentionnelle de l'assure que si celle-ci procede des reponses qu'il a apportees aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque (Cass. ch. mixte, 7 fevr. 2014, n° 12-85.107). A ce titre, l'article L112-3 alinéa 4 précise que « lorsque, avant la conclusion du contrat, l'assureur a posé des questions par écrit à l'assuré, notamment par un formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, il ne peut se prévaloir du fait qu'une question exprimée en termes généraux n'a reçu qu'une réponse imprécise ».

Enfin, l’article L113-8 alinéa 2 du même code précise que nonobstant l’effet rétroactif de la nullité de la police pour fausse déclaration intentionnelle, les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.

En l’espèce, il est constant et justifié, par la production des conditions particulières de la police d’assurance litigieuse, que monsieur [Y] [R] a déclaré, lors de la souscription de ladite police « avoir eu au jour de la souscription au cours des 36 derniers mois : aucun sinistre », étant relevé que cette formulation – ouverte – implique qu’une question précise a été posée à ce titre à l’assuré.

Il ressort pourtant du rapport d’enquête privée produit en défense que monsieur [Y] [R], qui ne le conteste pas, avait déclaré, sur le bien litigieux, un sinistre vol à l’un de ses précédents assureurs, le 9 août 2018, soit dans les trois ans précédant la souscription de la police en cause, ayant pris effet le 18 juin 2020.

La fausse déclaration de monsieur [Y] [R] sur l’absence de sinistralité antérieure du bien assuré ne peut qu’être intentionnelle eu égard à la clarté et la simplicité de la question posée, dans le but de présenter sa situation sous un jour plus favorable à son nouvel assureur.

Il n’est en effet pas discutable que la sinistralité antérieure du bien assuré constitue l’un des critères essentiels de tarification de l’assurance multirisques habitation (ce que rappellent d’ailleurs les conditions particulières de la police), peu important que le sinistre antérieur omis soit sans rapport avec le sinistre litigieux.

Dans ces conditions, il convient de prononcer la nullité de la police d’assurance souscrite par le demandeur auprès de la société Suravenir Assurances et de rappeler que cette dernière est fondée à conserver les primes échues à titre de dommages et intérêts.

Cette annulation fait à l’évidence obstacle aux demandes de garantie présentées par monsieur [Y] [R], lesquelles seront ainsi rejetées.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En application de l'article 700 du même code, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En conséquence, monsieur [Y] [R], partie perdante, sera condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Suravenir Assurances une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens fixée, en équité et en l'absence de justificatif, à 1.500 euros.
Enfin, il y a lieu de constater l'exécution provisoire, qui est de droit, conformément à l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et rendu en premier ressort,

Prononce la nullité de la police multirisques habitation numéro GC01132581 souscrite par monsieur [Y] [R] auprès de la SA Suravenir Assurances, prenant effet le 18 juin 2020, sur son bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 4] ;

Dit que la SA Suravenir Assurances est fondée à conserver les primes d’assurances échues au jour du prononcé de la nullité de la police ;

Déboute monsieur [Y] [R] de ses demandes ;

Condamne monsieur [Y] [R] aux dépens ;

Condamne monsieur [Y] [R] à payer à la SA Suravenir Assurances la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La minute est signée par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.
Le greffier, Le president,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 4
Numéro d'arrêt : 23/00971
Date de la décision : 16/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-16;23.00971 ?
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