TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXÉCUTION
JUGEMENT CONTENTIEUX DU
22 Juillet 2024
MINUTE : 24/821
N° RG 24/04877 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZJKQ
Chambre 8/Section 1
Rendu par Madame SAPEDE Hélène, Juge chargée de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Madame MOUSSA Anissa, Greffière,
DEMANDERESSE:
Madame [D] [Z]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non comparante
ET
DÉFENDEUR:
Monsieur [W] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Anne-lise HERRY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS :
Madame Hélène SAPEDE, Juge de l’exécution,
Assistée de Madame Anissa MOUSSA, Greffière.
L'affaire a été plaidée le 08 Juillet 2024, et mise en délibéré au 22 Juillet 2024.
JUGEMENT :
Prononcé le 22 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par déclaration reçue au greffe le 23 avril 2024, Mme [D] [Z] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny, sur le fondement des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution, afin qu'il lui accorde un délai de 12 mois pour libérer les lieux situés [Adresse 2] à [Localité 4] (93), desquels son expulsion a été ordonnée par ordonnance rendue le 8 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de PANTIN, statuant en référé, au bénéfice de M. [W] [T].
L'affaire a été appelée à l'audience du 8 juillet 2024.
A cette audience, Mme [D] [Z], comparant en personne, a maintenu sa demande.
Elle a expliqué qu'elle occupait le logement avec son compagnon et leurs deux enfants âgés de 3 et 12 ans ; que son compagnon travaillait en qualité d'ouvrier en bâtiment et percevait un revenu mensuel d'environ 1.000 euros ; que la famille perçoit des allocations familiales à hauteur de 767 euros par mois ; que la commission de médiation du droit au logement opposable a, le 23 mai 2024, décidé qu'elle était reconnue prioritaire et devant être relogée d'urgence ; qu'elle a déposé une demande de logement social en mai 2018, renouvelée pour la dernière fois en mars 2024 ; que l'indemnité d'occupation est régulièrement payée.
Par conclusions visées par le greffe et développées oralement à l'audience, M. [W] [T] a demandé au juge de l'exécution de :
- ordonner l'expulsion de M. [E] et Mme [Z] sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
- porter l'indemnité d'occupation au double du montant du loyer majoré des charges récupérables,
- condamner solidairement M. [E] et Mme [Z] à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Ajoutant à ces conclusions, il a demandé oralement à ce que la demande en délais soit rejetée motifs pris que les occupants avaient déjà bénéficié de 18 mois de délai et faisant état de sa situation de santé.
Après clôture des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 22 juillet 2024.
SUR CE,
Sur la recevabilité des demandes :
L'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire dispose que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Le juge de l'exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d'exécution.
En application de l'article L.111-3 du même code, seuls constituent des titres exécutoires :
1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l'Union européenne applicables ;
2° bis Les décisions rendues par la juridiction unifiée du brevet ;
3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
4° bis Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce ou à leur séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposés au rang des minutes d'un notaire selon les modalités prévues à l'article 229-1 du code civil ;
5° Le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non-paiement d'un chèque ou en cas d'accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l'article L.125-1 ;
6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement ;
7° Les transactions et les actes constatant un accord issu d'une médiation, d'une conciliation ou d'une procédure participative, lorsqu'ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente.
Il ne relève ainsi pas du pouvoir du juge de l'exécution de créer une titre exécutoire étant relevé, en l'espèce, que, par ordonnance du 8 novembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de PANTIN, statuant en référé, a, notamment :
- prononcé la validité du congé du 23 novembre 2021 et constaté la résiliation du bail au 30 juin 2022,
- déclaré M. [E] et Mme [Z] occupants sans droit ni titre,
- ordonné, à défaut de libération volontaire de ces lieux, l'expulsion de ces derniers, à l'expiration d'un délai de 18 mois à compter de la signification de la décision,
- condamné solidairement M. [E] et M. [Z] à payer à M. [T] une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges récupérables jusqu'à la libération effective des lieux.
Il sera donc dit que les demandes de M. [T] tendant à voir ordonner l'expulsion de la demanderesse ainsi que sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation sont irrecevables.
Sur les délais pour quitter les lieux :
En application de l'article L.412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Conformément à l'article L.412-4 du même code dans sa version en vigueur à compter du 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
En l'espèce, l'expulsion est poursuivie en exécution d'une ordonnance rendue le 8 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de PANTIN, statuant en référé, signifié le 20 décembre 2022.
Un commandement de quitter les lieux au plus tard le 20 juin 2024 a été délivré le 20 décembre 2022.
Au soutien de sa demande, Mme [D] [Z] produit une série de pièces justifiant des ressources de la famille, composées du revenu de M. [E] et des allocations familiales, de la composition familiale et de la présence de deux enfants de 3 et 12 ans dans le logement et de ses recherches de logement dans le parc social et de la saisine de la commission de médiation du droit au logement opposable, qui l'a déclarée prioritaire et devant être relogée d'urgence le 23 mai 2024.
Il est constant que l'indemnité d'occupation est régulièrement payée.
Si M. [T] produit des éléments afférents à sa situation de santé, la bonne volonté de Mme [Z], dont il est n'est pas contesté qu'elle paie régulièrement l'indemnité d'occupation et qui justifie de ses démarches pour se reloger, dans l'exécution de ses obligations ainsi que la présence d'enfants mineurs dans le logement, justifie, eu égard aux conséquences d'une particulière gravité d'une expulsion sur la vie privée et familiale de la requérante, justifient que soit accordé à cette dernière un délai d'un an pour quitter le logement, objet du litige.
Afin que ce délai n'affecte pas excessivement le propriétaire, les délais dont elle bénéficie seront subordonnés à la reprise du paiement régulier de l'indemnité d'occupation courante, telle que prévue par ordonnance rendue le 8 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de PANTIN, statuant en référé .
Sur les demandes accessoires :
La nature du litige rend nécessaire de déclarer la présente décision exécutoire au seul vu de la minute.
Aucune considération tirée de l'équité ne justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [D] [Z] sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La juge de l’exécution statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis a disposition au greffe, et en premier ressort,
ACCORDE à Mme [D] [Z] et à tout occupant de son chef, un délai de DOUZE [E], soit jusqu'au 22 juillet 2025 inclus pour se maintenir dans les lieux situés [Adresse 2] à [Localité 4] (93) ;
DIT qu'à défaut de paiement à son terme d'une indemnité d'occupation courante telle que fixée par ordonnance rendue le 8 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de PANTIN, statuant en référé, et passé un délai de 15 jours suivant mise en demeure de Mme [D] [Z] de payer les sommes dues par courrier recommandé avec accusé de réception, cette-dernière perdra le bénéfice du délai accordé et M. [W] [T] pourra reprendre la mesure d'expulsion ;
DIT que Mme [D] [Z] devra quitter les lieux le 22 juillet 2025 au plus tard, faute de quoi la procédure d'expulsion, suspendue pendant ce délai, pourra être reprise ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [D] [Z] aux dépens ;
DÉCLARE le présent jugement exécutoire au seul vu de la minute ;
FAIT À BOBIGNY LE, 22 Juillet 2024
LA GREFFIÈRE LA JUGE DE L'EXÉCUTION