TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 19 JUILLET 2024
Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 21/10003 - N° Portalis DB3S-W-B7F-VUHE
N° de MINUTE : 24/00399
La S.C.I. LES BELLES VUES
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jérémie DILMI, SELARL MADE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G844
La S.A.R.L. THOMASSO
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jérémie DILMI, SELARL MADE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G844
DEMANDEURS
C/
Monsieur [T] [U]
né le 05 Août 1948 à [Localité 6] (CHINE)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Alexandre SHI, SELAS DEHENG-SHI, & CHEN ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0298
Monsieur [N] [U]
né le 03 Octobre 1977 à [Localité 6] (CHINE)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Alexandre SHI, SELAS DEHENG-SHI, & CHEN ASSOCIÉS avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0298
DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur David BRACQ-ARBUS, statuant en qualité de Juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
DÉBATS
Audience publique du 23 Mai 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 19 Juillet 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, par Monsieur David BRACQ-ARBUS, assisté de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte authentique du 22 janvier 2020, la SCI Les Belles vues a consenti à MM. [U] une promesse unilatérale de vente, stipulée sous condition suspensive d’obtention d’un prêt bancaire avant le 20 mars 2020, portant sur un immeuble a usage commercial et d’habitation sis [Adresse 1] [Localité 5], dans lequel la SARL Thomasso exploitait un fonds de commerce café, hôtel, restaurant, moyennant un prix de 1 575 000 euros.
Les parties sont convenues d’une indemnité d’immobilisation de 157 500 euros.
Par acte sous seing privé du 22 janvier 2020, une promesse de cession de fonds de commerce, stipulée sous condition suspensive d’obtention d’un prêt, a été signée entre la SARL Thomasso et les consorts [U], moyennant un prix de 1 200 000 euros, une clause de dédit d’un montant de 120 000 euros ayant été stipulée.
Les deux promesses devaient être réitérées avant le 30 avril 2020.
Les bénéficiaires ont obtenu un accord de principe de financement bancaire, sous réserve du renouvellement de leurs titres de séjour.
Par un premier avenant du 3 juin 2020, les promettants ont accepté de proroger la date de levée des conditions suspensives de financement au 14 juillet 2020 ainsi que la date limite de signature des actes de cession au 30 août 2020.
Un deuxième avenant a été régularisé le 24 septembre 2020, prorogeant au 31 octobre 2020 la réalisation de la condition suspensive relative à l’obtention du prêt bancaire et fixant la date butoir de la signature des actes de cession définitifs de l’immeuble et du fonds de commerce au 30 novembre 2020.
Le 19 octobre 2020, les consorts [U] ont obtenu leurs titres de séjour mais ils n’ont pas obtenu de financement bancaire.
Par acte du 9 avril 2021, les parties sont convenues de proroger la date de réalisation des actes définitifs au 30 juin 2021.
Par acte d’huissier du 28 juin 2021, le conseil des promettants a fait signifier aux bénéficiaires une convocation à un rendez-vous de signature de l’acte de cession du fonds de commerce fixé au 30 juin 2021, ce qu’ont refusé les consorts [U], de sorte qu’un procès-verbal de carence a été établi à la date prévue.
Le 9 septembre 2021, le conseil de la SCI Les Belles vues et de la SARL Thomasso a mis en demeure les consorts [U] de régler sous huitaine l’indemnité d’immobilisation pour la promesse unilatérale de vente de l’immeuble et l’indemnité de dédit pour la promesse de vente du fonds de commerce.
C’est dans ces conditions que la SCI Les Belles vues et la SARL Thomasso ont, par acte d’huissier enrôlé le 15 octobre 2021, fait assigner MM. [U] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l’indemnisation de leur préjudice.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 janvier 2024 par ordonnance du même jour, et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2024.
Le jugement a été mis en délibéré au 19 juillet 2024, date de la présente décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 octobre 2023, la SCI Les Belles vues et la SARL Thomasso demandent au tribunal judiciaire de Bobigny de :
- juger recevables et bien fondées la SCI Les Belles vues et la SARL Thomasso en leurs demandes et fins ;
- débouter MM. [U] de leurs demandes visant à obtenir le remboursement de la somme de 78.500 € au titre de l’acompte versé à valoir sur l’indemnité d’immobilisation sur le fondement de la promesse unilatérale de vente de l’immeuble du 22 janvier 2020 et de la somme de 60.000 € au titre de l’acompte versé à valoir sur l’indemnité de dédit sur le fondement de la promesse synallagmatique de cession du fonds de commerce du 22 janvier 2020 ;
- débouter MM. [U] de leur demande au titre de la procédure abusive ;
- condamner solidairement MM. [U] à payer à la SCI Les Belles vues la somme de 157 500 € au titre de l’indemnité d’immobilisation stipulée dans la promesse unilatérale de vente du 22 janvier 2020, au taux d’intérêt légal à compter de la présente assignation ;
- condamner solidairement MM. [U] à payer à la SARL Thomasso la somme de 120 000 € au titre de l’indemnité de dédit stipulée dans la promesse de cession de fonds de commerce du 22 janvier 2020, au taux d’intérêt légal à compter de la présente assignation ;
- déclarer le jugement à intervenir opposable à Made avocats, prise en la personne de Maître [V] [L], et l’autoriser à libérer entre les mains de la SARL Thomasso les sommes que les consorts [U] auraient été condamnés à payer à la demanderesse, en prélevant cette somme sur celles séquestrées par la SELARL Made avocats ;
- déclarer le jugement à intervenir opposable à Maître [X] [W], notaire, et l’autoriser à libérer entre les mains de la SCI Les Belles vues les sommes que les consorts [U] auraient été condamnés à payer à la demanderesse, en prélevant cette somme sur celles séquestrées par Me [X] [W] ;
- condamner solidairement MM. [U] à payer à la SCI Les Belles vues ainsi qu’à la SARL Thomasso la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement MM. [U] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’huissier ;
- constater que le jugement à intervenir est assorti de plein droit de l’exécution provisoire.
*
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, MM. [U] demandent au tribunal judiciaire de Bobigny de :
- déclarer mal fondées les sociétés Thomasso et Belles vues en leurs demandes, fins et conclusions ;
- débouter en conséquence les sociétés Thomasso et Belles vues de l’intégralité de leurs demandes ;
- recevoir MM. [U] en leurs demandes, fins et conclusions, et les en dire bien fondés ;
- condamner les sociétés Thomasso et Belles vues à restituer à MM. [U] les sommes suivantes :
*la somme de 78 500 € au titre de l’acompte versé à valoir sur l’indemnité d’immobilisation sur le fondement de la promesse unilatérale de vente de l’immeuble du 22 janvier 2020 ;
*la somme de 60 000 € au titre de l’acompte versé à valoir sur l’indemnité de dédit sur le fondement de la promesse synallagmatique de cession du fonds de commerce du 22 janvier 2020 ;
*les dites sommes étant assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation à l’encontre des défendeurs ;
- déclarer le jugement à intervenir opposable à Made avocats, prise en la personne de Me [V] [L] et l’autoriser à libérer entre les mains de MM. [U] les sommes que la société Thomasso aurait été condamnée à leur payer ;
- déclarer le jugement à intervenir opposable à me [X] [W] notaire, et l’autoriser à libérer entre les mains de MM. [U] les sommes que la société Belles vues aurait été condamnés à leur payer ;
- ordonner l’exécution provisoire ;
- condamner solidairement les sociétés Thomasso et Belles vues à payer à MM. [U] la somme de de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamner solidairement les sociétés Thomasso et Belles vues à payer à MM. [U] la somme de de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
*
Pour un plus ample exposé des moyens développés les parties, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le fond des demandes principales en paiement
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1304-3 du même code précise que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.
A défaut d’exécution du contrat, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment, selon l'article 1217 du même code, agir en exécution forcée et/ou réclamer des dommages et intérêts.
Toutefois, l'article 1231-6 du même code précise que les dommages et intérêts dus en raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent ne consistent que dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, et l'éventuel préjudice indépendant de ce retard, qui ne serait pas réparé par les seuls intérêts moratoires, ne peut être indemnisé qu'en cas de mauvaise foi du débiteur.
Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, l’article 1353 du code civil disposant, qu’en matière contractuelle, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, et que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Sur le sort de l’indemnité d’immobilisation
En l’espèce, la promesse unilatérale de vente du 22 janvier 2020 stipule, s’agissant de l’indemnité d’immobilisation :
« Les parties conviennent de fixer le montant de l’indemnité d’immobilisation à la somme forfaitaire de CENT CINQUANTE SEPT MILLE CINQ CENTS EUROS (157.500 euros)
[…]
21.3.3. Sort de ce versement
La somme ci-dessus destinée à être versée ne portera pas intérêts.
Elle sera versée au Promettant ou au Bénéficiaire selon les hypothèses suivantes :
- en cas de réalisation de la vente promise, elle s’imputera sur le prix et reviendra en conséquence intégralement au Promettant devenu vendeur ;
- en cas de non-réalisation de la vente promise selon les modalités et délais prévus au présent acte, la somme ci-dessus versée restera acquise au Promettant à titre d’indemnité forfaitaire pour l’immobilisation entre ses mains du Bien pendant la durée de celle-ci. Observation étant ici faite que l’intégralité de cette somme restera acquise au Promettant meme si le Bénéficiaire faisait connaitre sa décision de ne pas acquérir avant la date d’expiration du délai d’option. En aucun cette somme ne fera l’objet d’une répartition prorata temporis dans la mesure ou son montant n’a pas été fixé en considération de la durée de l’immobilisation.
- toutefois, dans cette même hypothèse de non réalisation de la vente promise, la somme ci-dessus versée sera intégralement restituée au Bénéficiaire s’il se prévalait de l’un des cas suivants : o Si l’une au moins des conditions suspensives stipulées à l’acte venait à défaillir selon les modalités et délais prévus au présent acte ; [...] ».
Il convient en conséquence d’envisager la réalisation de la condition suspensive relative à l’obtention d’un prêt.
La clause 22.6 « Condition suspensive de financement » est rédigée en ces termes :
« Qu’il soit obtenu par le Bénéficiaire un ou plusieurs prêts.
Pour l’application de cette condition suspensive, il est convenu au titre des caractéristiques financières des prêts devant être obtenus :
- Que leur montant total soit d’un maximum de 1.470.000 €
- Que les taux d’intérêts, hors assurance, et les durées entraînent un montant total d’échéances mensuelles constantes, assurance non comprise, d’un maximum de 2,00 %
- Que ce ou ces prêts soient garantis par une sûreté réelle portant sur le bien ou le cautionnement d’un établissement financier, ainsi que par une assurance décès invalidité.
Il s’oblige a déposer les dossiers de demande de prêts dans le délai de 15 jours calendaires a compter de la signature des présentes, et à en justifier à première demande du Promettant par tout moyen de preuve écrite.
La condition suspensive sera réalisée en cas d’obtention d’un ou plusieurs accords définitifs de prêts au plus tard le 20 mars 2020. Cette obtention devra être portée à la connaissance du Promettant par le Bénéficiaire au plus tard dans les 5 jours suivant l’expiration du délai ci-dessus.
A défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le Promettant aura la faculté de mettre le Bénéficiaire en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition.
Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis de réception au domicile ci-après élu.
Passé ce délai de huit jours sans que le Bénéficiaire ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront donc caduques de plein droit, sans autre formalité, et ainsi le Promettant retrouvera son entière liberté mais le Bénéficiaire ne pourra recouvrer l’indemnité d’immobilisation qu’il aura, le cas échéant, versée qu’après justification qu’il a accompli les démarches nécessaires pour l’obtention du prêt, et que la condition n’est pas défaillie de son fait ; à défaut, l’indemnité d’immobilisation restera acquise au Promettant.
(…)
Par suite, toute demande non conforme aux stipulations contractuelles quant au montant emprunté, au taux et à la durée de l’emprunt entraînera la réalisation de la condition suspensive.
Pour pouvoir bénéficier de la protection de la présente condition suspensive, le Bénéficiaire devra :
- justifier du dépôt de ses demandes de prêts et du respect de ses obligations aux termes de la présente condition suspensive,
- et se prévaloir, au plus tard à la date ci-dessus, par courrier électronique confirmés par courrier recommandé avec avis de réception adressé au Promettant à son domicile élu, du refus d’au moins trois prêts.
Il est rappelé qu’à défaut par le bénéficiaire de se prévaloir de la non réalisation de la présente condition suspensive, il sera réputé y avoir renoncé. »
Les sociétés promettantes soutiennent ici qu’il résulte des différents échanges de courriels qu’il est démontré que MM. [U] ont obtenu un financement bancaire et que la condition suspensive est ainsi levée.
Le tribunal relève cependant :
- s’agissant du courriel du 18 septembre 2020 (pièce n°12 en demande) adressé par la Société générale indiquant que « les offres de prêt ont été signées par les clients », que la banque a entendu maintenir une réserve constituée par l’obtention des titres de séjour pluriannuel et la validation par le service conformité,
- s’agissant du courriel de Mme [O] du 18 septembre 2020 (pièce n°13 en demande), qu’il est indiqué que l’accord de la banque demeurait alors soumis à une condition suspensive relative au renouvellement des titres de séjour ;
- que dès lors que la banque sollicitait des pièces complémentaires, il ne saurait être considéré que la banque a formé une offre précise, ferme et non équivoque de conclure un contrat donné à des conditions déterminées au sens des articles 1113 et suivants du code civil.
Ensuite, si les consorts [U] ont obtenu des titres de séjour en octobre 2020, le courtier en prêts immobiliers a indiqué (courriel du 6 novembre 2020 – pièce n° 18 en demande) que l’assurance devait encore être validée alors que la promesse stipule que « Pour l’application de cette condition suspensive, il est convenu au titre des caractéristiques financières des prêts devant être obtenus […] Que ce ou ces prêts soient garantis par une sûreté réelle portant sur le bien ou le cautionnement d’un établissement financier, ainsi que par une assurance décès invalidité », ce dont il se déduit que l’offre ne pouvait alors être considérée comme complète.
Force est par ailleurs de constater que, par courriel du 14 mai 2021, « la banque n’a pas souhaité renouveler son accord sur 100% du financement et se limitera à 50% », ajoutant qu’elle était alors en recherche d’un « cofinancement pour couvrir les 50% restants ».
Par ailleurs, à la date du 9 juillet 2021 (après la date butoir fixée par le dernier avenant, soit le 30 juin 2021, étant observé que le défaut de stipulation quant à la date limite de levée des conditions suspensives dans ce dernier avenant doit conduire à considérer que les parties ont entendu la fixer à la seule date mentionnée), le courtier n’avait pu obtenir de financement complémentaire auprès de la Banque postale (pièce n°22 en défense).
Il s’en déduit, qu’à la date du 30 juin 2021, stipulée par le dernier avenant, les bénéficiaires de la promesse n’avaient pas obtenu de financement bancaire.
C’est cependant à raison que les sociétés demanderesses soutiennent que la clause litigieuse stipule que, pour se prévaloir de la protection de la condition suspensive, le bénéficiaire doit justifier du refus d’au moins trois prêts, ce en quoi ils échouent, de sorte que la condition suspensive doit être réputée accomplie au sens de l’article 1304-3 du code civil ; c’est donc à bon droit que le paiement de l’indemnité d’immobilisation au profit de la promettante est sollicité.
En effet, cette protection des promettants, validée par la jurisprudence, implique pour les bénéficiaires de la promesse de solliciter simultanément plusieurs prêts afin d’accroitre leurs chances d’obtention d’un financement.
Ainsi, peu important que MM. [U] aient cru jusqu’à l’été 2021 que la banque avec laquelle ils étaient en discussion leur accorderait un prêt, il leur appartenait de solliciter d’autres organismes bancaires.
Il convient ainsi de condamner in solidum M. [T] [U] et M. [N] [U] à payer à la SCI Les Belles vues la somme de 157 500 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation stipulée dans la promesse unilatérale de vente du 22 janvier 2020.
Le notaire instrumentaire de la vente sera autorisé à libérer la somme séquestrée entre ses mains au profit de la SCI Les Belles vues, sans nécessité de déclarer le jugement opposable, la somme devant s’imputer sur le quantum de la condamnation prononcée.
Dès lors qu’il a été stipulé que l’indemnité d’immobilisation ne porterait pas intérêts, la demande sera rejetée.
Sur le sort de l’indemnité de dédit
En l’espèce, la promesse de cession de fonds de commerce prévoit que « le bénéficiaire s’engage envers le promettant : soit à acquérir le fonds de commerce […] ; soit à lui verser, au cas où il renoncerait à réaliser cet achat, auxdites charges et conditions, une indemnité forfaitaire et irréductible d’un montant de 120.000 euros à titre de dédit. »
La promesse prévoit ensuite page 25 une condition suspensive ainsi stipulée : « Obtention par le Bénéficiaire d’un ou plusieurs prêts bancaires d’un montant total de neuf cent soixante mille euros (960.000 €) destine au financement de l’acquisition ainsi projetée.
➢ Productif d’intérêts au taux maximal de 2,5% l’an (TEG) hors assurance,
➢ Et pour une durée minimale de sept (7) ans, (...)
Cette condition suspensive sera considérée comme réalisée dès que le bénéficiaire aura reçu une ou plusieurs offres de prêts des organismes financiers sollicités par lui, couvrant le montant total d’emprunt ci-dessus indique.
La réalisation de la condition suspensive devra être notifiée par le Bénéficiaire au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au plus tard le 14 avril 2020 (...)
A défaut de l’accomplissement de toutes les conditions suspensives, aux date et heure ci-dessus prévues pour la signature de l’acte de vente projetée, les présentes seront considérées comme nulles et non avenues et sans effet, chacune des parties sera déliée de ses obligations alternatives, si bien que ni la vente, ni le paiement de la somme convenue ne pourront intervenir et la non réalisation des conventions alternatives ne donnera droit a aucune indemnité, dédit ou commission pour qui que ce soit, et les fonds versés ainsi qu’il est dit ci-dessus, restitués. »
Il résulte de ce qui précède que les bénéficiaires n’ont pas obtenu de prêt, de sorte que la condition suspensive est défaillie et que la promesse doit être considérée comme nulle et non avenue.
Les demandes de la SARL Thomasso seront ainsi rejetées, la SARL Thomasso sera condamnée à restituer le séquestre et la SELARL Made avocats, prise en la personne de Maître [V] [L], sera autorisée à le restituer aux bénéficiaires.
Sur la demande reconventionnelle en paiement à titre de dommages et intérêts
Aux termes de l’ancien article 1382 du code civil, devenu 1240 à compter du 1er octobre 2016, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le droit d'agir, s'il est l'expression d'une liberté fondamentale et d'un pouvoir légal, n'est pas pour autant un droit discrétionnaire. Il peut être exercé abusivement et justifier, à ce titre, réparation.
En l’espèce, il résulte de ce qui précède que la demande sera rejetée.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de M. [T] [U] et M. [N] [U], succombant à l’instance.
Sur les frais irrépétibles
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).
Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En l’espèce, l’équité commande de débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire
Il convient de rappeler qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Sur le sort de l’indemnité d’immobilisation :
CONDAMNE in solidum M. [T] [U] et M. [N] [U] à payer à la SCI Les Belles vues la somme de 157 500 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation stipulée dans la promesse unilatérale de vente du 22 janvier 2020 ;
AUTORISE Maître [X] [W] à libérer au profit de la SCI Les Belles vues la somme retenue à titre de séquestre en exécution de la promesse de vente du 22 janvier 2020 intervenue entre la SCI Les Belles vues d’une part et M. [T] [U] et M. [N] [U] d’autre part ;
DIT que la somme ainsi libérée s’imputera sur la condamnation prononcée ;
DEBOUTE la SCI Les Belles vues de sa demande tendant à voir la condamnation assortie des intérêts au taux légal ;
DEBOUTE M. [T] [U] et M. [N] [U] de leurs demandes en paiement ;
Sur l’indemnité de dédit :
DEBOUTE la SARL Thomasso de sa demande en paiement au titre de la clause de dédit ;
CONDAMNE la SARL Thomasso à restituer à M. [T] [U] et M. [N] [U] la somme séquestrée au titre de la clause de dédit stipulée dans la promesse de cession de fonds de commerce du 22 janvier 2020 ;
AUTORISE la SELARL Made avocats, prise en la personne de Maître [V] [L], à restituer la somme séquestrée en exécution de la promesse de cession de fonds de commerce du 22 janvier 2020 à M. [T] [U] et M. [N] [U] ;
Sur la demande reconventionnelle en paiement à titre de dommages et intérêts formée par M. [T] [U] et M. [N] [U] :
DEBOUTE M. [T] [U] et M. [N] [U] de leur demande reconventionnelle en paiement à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Sur les mesures de fin de jugement :
MET les dépens à la charge de M. [T] [U] et M. [N] [U] ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.
La minute a été signée par Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT