TRIBUNAL DE PROXIMITÉ DU RAINCY
8 allée Baratin
93345 LE RAINCY
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REFERENCES : N° RG 24/04298 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZJMK
Minute : 24/240
Madame [J] [N] [B]
Représentant : Me Cyril ASSELIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 76
C/
Madame [K] [O]
Exécutoire délivrée le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée le :
à :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT
Jugement rendu et mis à disposition au greffe du tribunal de proximité du Raincy en date du 18 juillet 2024 ;
Par Madame Fanny TEMAM, en qualité de juge du Tribunal judiciaire de Bobigny siégeant au Tribunal de proximité du Raincy assistée de Madame Sandra GAGNOUX, greffier ;
Après débats à l'audience publique du 30 mai 2024 tenue sous la présidence de Madame Fanny TEMAM, juge du tribunal judiciaire de Bobigny siégeant au Tribunal de proximité du Raincy, assistée de Madame Claudine ADUFASHE, greffier audiencier ;
ENTRE DEMANDEUR :
Madame [J] [N] [B],
demeurant chez Monsieur [B] [G]
[Adresse 1]
comparante en personne et assistée de Me Cyril ASSELIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
D'UNE PART
ET DÉFENDEUR :
Madame [K] [O],
demeurant [Adresse 2]
comparante en personne
D'AUTRE PART
EXPOSE DU LITIGE
Madame [J] [B] est née le 15 avril 2003 de la relation entre Monsieur [F] [B] et Madame [K] [O].
Par jugement du 25 juin 2010, le Juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny a confié l’exercice exclusif de l’autorité parentale à Madame [K] [O].
Par jugement du 5 décembre 2017 du tribunal de grande instance de Paris, Madame [J] [B] s’est vue attribuer la somme de 7000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, des suites d’un accident subi par son père, Monsieur [F] [B].
La société ALLIANZ a émis trois chèques en règlement de l’indemnisation, le premier de 3500 euros encaissé sur le compte CARPA de la SCP SOULIE – COSTE – FLORET le 7 mai 2018, le deuxième de 3500 euros encaissé le 26 octobre 2018 et un dernier de 67,99 euros au titre des intérêts encaissé le 14 février 2019, ces sommes ayant été décaissées et adressées à Madame [K] [O].
Par lettre recommandée du 23 novembre 2023, avisée non réclamée, Madame [J] [B], par l’intermédiaire de son conseil, a mis en demeure Madame [K] [O] de lui verser la somme de 7.067,99 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2021, soit la somme totale de 7.806,65 euros.
Par exploit de commissaire de justice en date du 14 mars 2024, Madame [J] [B] a fait assigner Madame [K] [O] devant le tribunal de proximité du Raincy afin de la voir condamner au paiement des sommes suivantes :
La somme de 7.806,65 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2023,La somme de 2.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,Les entiers dépens.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 30 mai 2024.
A l’audience, Madame [J] [B], assistée de son conseil, maintient ses demandes dans les termes de son acte introductif d’instance.
Au soutien de ses prétentions, elle explique que la somme de 7.067,99 euros qui lui revenait a été versée, alors qu’elle était mineure, à sa mère, Madame [K] [O], en sa qualité de titulaire de l’autorité parentale, mais que cette dernière a conservé les fonds et ne lui a jamais reversé la somme due à sa majorité.
A titre principal, elle rappelle qu’en vertu de l’article 382 du code civil, sa mère, qui exerçait seule l’autorité parentale, a seule administré les fonds qui lui revenaient, pendant sa minorité. Elle observe que Madame [K] [O] n’a pas apporté des soins prudents et diligents à la gestion de ces fonds, puisqu’elle a conservé ces fonds pour elle-même et qu’elle n’est plus en capacité de reverser la somme. Elle estime que Madame [K] [O] a commis une faute de gestion.
A titre subsidiaire, au visa des articles 1303 et suivants du code civil, elle fait valoir que Madame [K] [O] s’est enrichie en percevant les fonds litigieux et en ne les lui reversant pas, alors même que ces fonds ne revenaient pas à Madame [K] [O]. Elle estime que cela caractérise un enrichissement sans cause.
Elle indique que si Madame [K] [O] affirme lui avoir versé chaque mois la somme de 150 euros, ces versements n’avaient pas vocation à rembourser l’indemnité litigieuse mais constituaient de l’argent de poche, à hauteur du montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant que Monsieur [F] [B] a continué à verser à Madame [K] [O], y compris après sa majorité.
Concernant sa demande de dommages et intérêts, Madame [B] explique avoir dû mener de longues démarches pour comprendre dans quelles conditions l’indemnité qui lui était attribuée avait été encaissée. Elle ajoute avoir été trompée par sa mère, qui n’a jamais procédé au règlement de la somme litigieuse malgré ses engagements réguliers. Elle précise que cette somme lui aurait permis de passer son permis de conduire et de financer la création d’une association, projets qui sont repoussés tant qu’elle ne récupère pas la somme qui lui est due.
Madame [K] [O], comparante, ne conteste pas le principe de la dette mais en conteste le montant. Elle demande que Madame [J] [B] soit déboutée de sa demande de dommages et intérêts ou que celle-ci soit ramenée à de plus justes proportions.
Au soutien de ses prétentions, elle admet avoir utilisé la somme de 7.067,99 euros qui lui avait été versée en sa qualité de représentante légale pour solder des dettes personnelles, notamment liées à son logement. Elle indique n’avoir jamais révélé à sa fille qu’elle avait reçu et utilisé cette somme.
Elle fait valoir qu’elle a remboursé à Madame [J] [B] la somme de 150 euros par mois depuis sa majorité. Elle réfute que ces versements mensuels soient considérés comme de l’argent de poche ou le reversement de la pension alimentaire, expliquant qu’elle a fait croire à sa fille qu’il s’agissait d’argent de poche à défaut de pouvoir être transparente avec elle sur l’objet des versements. Elle affirme devoir encore 3000 euros à sa fille, qu’elle s’engage à rembourser avec ses primes, expliquant que sa situation financière reste obérée.
Concernant la demande de dommages et intérêts, elle s’étonne de la demande de sa fille, expliquant qu’elle ne pourra pas lui verser la somme demandée.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré. Le président a avisé les parties que le jugement serait prononcé le 18 juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.
Par note en délibéré autorisée, reçue le 3 juin 2024, Madame [K] [O] a indiqué ne pas être en mesure de produire ses relevés bancaires faisant figurer les versements de 150 euros par mois et leur libellé.
Par note en délibérée autorisée, reçue le 19 juin 2024, Madame [J] [B] indique n’avoir reçu aucun document bancaire de Madame [K] [O], demandant d’écarter tout relevé bancaire qui aurait été transmis au tribunal en violation du principe du contradictoire.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la demande principale
Aux termes de l’article 382 du code civil, l'administration légale appartient aux parents. Si l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, chacun d'entre eux est administrateur légal. Dans les autres cas, l'administration légale appartient à celui des parents qui exerce l'autorité parentale.
En application de l’article 385 du code civil, l'administrateur légal est tenu d'apporter dans la gestion des biens du mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt du mineur.
Selon l’article 386 du code civil, l'administrateur légal est responsable de tout dommage résultant d'une faute quelconque qu'il commet dans la gestion des biens du mineur.
L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l’espèce, Madame [K] [O], mère de Madame [J] [B], s’est vue confier l’exercice exclusif de l’autorité parentale par jugement du 25 juin 2010. Elle était donc seule administratrice légale de sa fille du 25 juin 2010 au 15 avril 2021, date de la majorité de Madame [J] [B].
Il ressort des pièces versées au débat, et notamment des courriers de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET des 13 décembre 2017, 30 avril 2018 et 22 novembre 2022 et des courriers de l’UDAF 94 des 23 mars 2018 et 8 décembre 2022, qu’en exécution d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 5 décembre 2017, la somme de 7.000 euros, augmentée de 67,99 euros au titre des intérêts, a été versée à Madame [K] [O], en sa qualité d’administratrice légale de Madame [J] [B], entre le 7 mai 2018 et le 14 février 2019.
Il est constant et non contesté que Madame [K] [O] n’a pas versé la somme de 7.067,99 euros sur un compte ouvert au nom de l’enfant, pas plus qu’elle n’a conservé la somme ou qu’elle ne l’a reversée à sa fille à la majorité de celle-ci. En outre, il ressort de l’aveu même de celle-ci qu’elle a dépensé cette somme en règlement de dettes personnelles.
En ne versant pas ces fonds sur un compte ouvert au seul nom de sa fille et en n’employant pas les fonds destinés à sa fille pour les seuls besoins de cette dernière, pour son éducation et son entretien, Madame [K] [O] a commis une faute en sa qualité d’administratrice légale de Madame [J] [B], qui engage sa responsabilité.
Cette faute a nécessairement causé un préjudice à Madame [J] [B], qui n’a pu disposer de la somme de 7.000 euros à sa majorité et qui n’en a pas davantage bénéficié lors de sa minorité.
Si Madame [K] [O] affirme avoir versé la somme de 150 euros par mois à Madame [J] [B] depuis sa majorité en remboursement de la somme due, elle n’en justifie nullement, pas plus qu’elle ne justifie du motif de ces versements qui ne sauraient être considérés comme un remboursement progressif des fonds litigieux à défaut de preuve.
Par conséquent, le préjudice matériel de Madame [J] [B] s’élève à la somme de 7.067,99 euros.
Madame [K] [O] sera condamnée à verser à Madame [J] [B] la somme de 7.067,99 euros.
En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
En l’espèce, Madame [J] [B] aurait dû percevoir cette somme au jour de sa majorité, soit le 15 avril 2021.
Aussi, la condamnation portera intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2021.
Sur la demande de dommages et intérêts
En vertu de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, en ne versant pas les fonds qui lui revenaient à Madame [J] [B] le 15 avril 2021, Madame [K] [O] a commis une faute.
Madame [J] [B] a été contrainte de mener de nombreuses et chronophages démarches, dont elle justifie.
Elle s’est également trouvée en conflit, y compris judiciaire, avec sa propre mère, ce qui lui a nécessairement causé un préjudice moral.
Dès lors, Madame [K] [O] sera condamnée à verser à Madame [J] [B] la somme de 500 euros en réparation du préjudice moral de cette dernière.
Sur les frais du procès
En application de l’article 656 du code de procédure civile, eu égard à l’issue du litige, Madame [K] [O] sera condamnée aux entiers dépens.
En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, sans qu’il soit nécessaire de prononcer ou de rappeler l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe le jour de son délibéré,
CONDAMNE Madame [K] [O] à verser à Madame [J] [B] la somme de 7.067,99 euros,
DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2021,
CONDAMNE Madame [K] [O] à verser à Madame [J] [B] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral,
CONDAMNE Madame [K] [O] aux entiers dépens,
DEBOUTE Madame [J] [B] du surplus de ses demandes,
DEBOUTE Madame [K] [O] du surplus de ses demandes,
LE GREFFIER LE PRESIDENT