La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°23/10339

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 9/section 1, 04 juillet 2024, 23/10339


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY


JUGEMENT CONTENTIEUX DU 04 JUILLET 2024



AFFAIRE N° RG 23/10339 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YK3L
N° de MINUTE : 24/00377
Chambre 9/Section 1

DEMANDERESSE

PRÉFECTURE DE LA SEINE-SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Bénédicte ROCHET de l’AARPI BARON AIDENBAUM & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0389


C/

DÉFENDERESSE

Association FONDS DE DOTATION AL-WAKF FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Laureen MA

SSON de l’AARPI Belloy & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire :


COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS

Président : Bernard AUGONNET,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 04 JUILLET 2024

AFFAIRE N° RG 23/10339 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YK3L
N° de MINUTE : 24/00377
Chambre 9/Section 1

DEMANDERESSE

PRÉFECTURE DE LA SEINE-SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Bénédicte ROCHET de l’AARPI BARON AIDENBAUM & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0389

C/

DÉFENDERESSE

Association FONDS DE DOTATION AL-WAKF FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Laureen MASSON de l’AARPI Belloy & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire :

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS

Président : Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président siégeant à juge rapporteur, conformément aux dispositions des articles 805 et suivants du code de procédure civile, ayant rendu compte au tribunal dans son délibéré

Assisté de Madame Anyse MARIO, Greffière.

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monsieur Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président,
Madame Anne BELIN, Première Vice-Présidente,
Monsieur Ulrich SCHALCHLI, Vice-Président.

DÉBATS

Audience publique du 01 Février 2024
Délibéré fixé le 07 mars 2024, prorogé au 04 juillet 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

L'Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) a décidé de la création du fonds de dotation AL WAKF-FRANCE, lequel a pour objet aux termes de ses statuts " recevoir, acquérir et de gérer des biens et droits de toute nature. Il affecte ces biens et droits au financement et à la réalisation d'une ou plusieurs missions d'intérêt général mises en oeuvre directement ou par d'autres organismes sans but lucratif dans le cadre d'activités contribuant à l'épanouissement dans différents domaines notamment le social, le culturel, l'éducatif et le professionnel des musulmans de France et de leurs structures associatives. Il aura également pour mission de financer toute publication destinée à la présentation au grand public de l'Islam, de son éthique, de ses valeurs ainsi que de sa culture".

Ce fonds AL WAKF-FRANCE a été déclaré à la Préfecture le 29 mai 2013 puis publié au Journal Officiel le 13 juillet 2013. L'article 5 de ses statuts indiquent qu'il peut faire appel à la générosité du public dans le cadre de campagnes nationales, après autorisation administrative, selon les modalités définies par le décret n° 2009-158 du 11 février 2009.

L'examen des rapports d'activité ainsi que des comptes 2019 et 2020 du fonds de dotation AL WAKF- FRANCE par la préfecture de Seine Saint Denis a permis de mettre en évidence le fait que certaines actions du fonds étaient assimilables à des activités cultuelles qui ne relevaient pas d'une mission d'intérêt général au sens de la loi du 4 août 2008. Que par ailleurs, l'analyse des comptes montrait que le fonds avait perçu des ressources liées à un appel public à la générosité sans que le fonds n'y ait été préalablement autorisé dans les conditions prévues à l'article 140 de la loi du 4 août 2008 et à l'article 11 du décret du 11 février 2009.

Le fonds de dotation a été mis en demeure le 10 août 2022 de cesser le financement de toute activité cultuelle, de mettre en conformité l'objet du fonds de dotation et de lui adresser les statuts modifiés, de cesser immédiatement toute activité de collecte de dons. Il lui a été également demandé de communiquer des pièces et informations complémentaires relatives à son fonctionnement dans un délai de 2 mois sous peine de suspension.

Par courrier en date du 10 octobre 2022, le fonds de dotation a précisé en réponse que la rédaction de l'article 4 de ses statuts avait été modifiée afin de supprimer toute référence "aux musulmans de France"; Que le fonds n'avait pas sollicité d'autorisation d'appel à la générosité du public pour 2019 car une demande avait été effectuée auparavant et il ignorait qu'elle devait être renouvelée chaque année; que les actions du fonds ne consistaient pas à financer un culte mais à financer des activités éducatives et culturelles pour des organismes à but non lucratif.

Par courrier du 24 novembre 2022, la préfecture a demandé au fonds de dotation des précisions sur la nouvelle rédaction de l'article 4 des statuts, les documents permettant d'attester de l'ouverture d'un ou plusieurs comptes bancaires, les contrats de location des biens immobiliers appartenant au fonds avec l'identité des locataires et les missions qu'ils effectuent, les contrats de travail des salariés du fonds, tout document justifiant des fonds abondant la collecte de fonds effectuée par le fonds pour la mosquée de [Localité 6], la liste des reçus fiscaux émis par le fonds de dotation, l'objet des différentes aides ( aides projet et aides études) accordées par le fonds de dotation depuis 2019, un courrier de demande d'autorisation de réaliser un appel public à la générosité dûment complété et applicable à l'exercice en cours.

Par courrier du 22 décembre 2022, le fonds a transmis des éléments de réponse que la préfecture a jugé insuffisants. En conséquence, le Préfet de Seine Saint Denis a décidé de suspendre l'activité du fonds pour une durée de six mois renouvelable par une décision en date du 23 janvier 2023.

Le 23 janvier 2023, le préfet a sollicité dans le délai d'un mois du fonds une nouvelle fois, une copie des contrats de location concernant les biens immobiliers appartenant au fonds ainsi qu'un avis d'échéance ou une quittance de loyer de moins de 3 mois pour chaque contrat ; une copie de l'acte d'apport d'un ensemble de biens immobiliers consenti par l'association musulmane de l'agglomération béthunoise en 2015 et de tout autre document fixant les modalités de gestion des lieux par l'association donatrice. Il a sollicité également que soit précisée l'affectation de ces biens immobiliers.

Par courrier du 24 février 2023, Le fonds a transmis copie des contrats de location des appartements situés à [Localité 11] et à [Localité 7] avec les quittances de loyer, copie des contrats conclus concernant l'apport de l'ensemble immobilier par l'association musulmane de l'agglomération béthunoise au fonds de dotation et mise à disposition à titre gratuit par ce dernier à cette association, un descriptif de l'affectation des lieux de l'ensemble immobilier situé à [Localité 6].

Jugeant ces éléments de réponse insuffisants, le Préfet a décidé de renouveler la mesure de suspension dudit fonds pour une nouvelle période de 6 mois, à compter du 4 août 2023. Il a également refusé l'autorisation d'appel public à la générosité par courrier en date du 30 octobre 2023.

C'est dans ce contexte que, sur autorisation d'assigner à jour fixe, la préfecture de Seine Saint Denis a, par acte d'huissier en date du 23 novembre 2023, fait citer le fonds de dotation AL WAKF-FRANCE devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de faire prononcer la dissolution du fonds de dotation AL WAKF-FRANCE, de faire désigner tel liquidateur, de faire débouter le fonds de toutes ses demandes et de le faire condamner à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience du 1er février 2024, la préfecture a maintenu les demandes de l'assignation.

A cette même audience, le fonds de dotation AL WAKF-FRANCE a déposé des conclusions aux fins de faire rejeter la demande de dissolution et de faire condamner la préfecture à lui payer la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La préfecture sollicite la dissolution judiciaire du Fonds de dotation en ce qu'elle considère que ce dernier finance des activités cultuelles et a procédé à des appels à la générosité du public sans autorisation préalable.

A contrario, le fonds de dotation AL WAKF-FRANCE soutient le rejet de cette demande de dissolution aux motifs qu'il ne finance pas d'activité cultuelle et que s'il a pu bénéficier de dons, à titre résiduel au vu de son budget, à la suite d'appels à la générosité du public sans renouvellement de l'autorisation obtenue en 2015, il n'a réalisé aucun appel postérieurement à la mise en demeure de la Préfecture.

En droit, l'article 140 de la loi du 2 août 2008 prévoit que le fonds de dotation est une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d'une oeuvre ou d'une mission d'intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l'accomplissement de ses oeuvres et de ses missions d'intérêt général (...). Le fonds de dotation est constitué par les dotations en capital qui lui sont apportées auxquelles s'ajoutent les dons et legs qui lui sont consentis (...). Le fonds peut faire appel à la générosité du public après autorisation administrative dont les modalités sont fixées par décret (...). VII- L'autorité administrative s'assure de la conformité de l'objet du fonds de dotation aux dispositions du I et de la régularité de son fonctionnement. A cette fin, elle peut se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations utiles (...). Si l'autorité administrative constate que l'objet du fonds de dotation méconnaît les dispositions du I, que des dysfonctionnements affectent la réalisation de son objet, que l'une de ses activités ne relève pas d'une mission d'intérêt général ou qu'il méconnaît les obligations prévues au deuxième alinéa du VI, elle peut , après une mise en demeure non suivie d'effet dans un délai de deux mois, suspendre par décision motivée, l'activité du fonds pendant une durée pouvant aller jusqu'à six mois , renouvelable deux fois, et le cas échéant saisir l'autorité judiciaire aux fins de sa dissolution. Les décisions de suspension et de levée de suspension font l'objet d'une publication au journal officiel dans un délai d'un mois (...).

L'article 9 du décret du 11 février 2009 modifié par le décret du 16 mai 2022 prévoit que constituent des dysfonctionnements la violation des règles de gestion financière prévues au titre 1er; la violation des dispositions du titre II du présent décret; le fait pour le fonds de dotation de disposer ou de consommer tout ou partie de la dotation en capital dont il bénéficie dans le cas où les statuts n'autorisent pas à consommer cette dotation et, dans le cas où les statuts prévoient cette possibilité , le fait de disposer ou de consommer tout ou partie de la dotation en violations des conditions fixées par les clauses statutaires ou pour une cause étrangère à la réalisation des oeuvres ou des missions d'intérêt général prévues au premier alinéa du I de l'article 140 de la loi du 4 août 2008 susvisée ; le fait, pour le fonds de dotation, de n'avoir pas respecté l'obligation de disposer de la dotation initiale prévue au III de l'article 140 de la loi du 4 août 2008 susvisée ; le fait, pour le fonds de dotation, de n'avoir pas respecté l'obligation de constituer la dotation initiale dans les conditions prévues à l'article 2bis du présent décret ; la consommation par un fonds de dotation à durée déterminée de sa dotation au delà du terme statutaire d'activité du fonds, en violation des dispositions de l'article 15 du présent décret; la poursuite de l'activité ou de l'existence du fonds de dotation au- delà du terme statutaire de celui-ci; le fait, pour le fonds de dotation, de faire appel à la générosité du public sans avoir obtenu au préalable l'autorisation administrative prévue à l'article 11 du présent décret ; le fait, pour le fonds de dotation, de ne pas avoir respecté la suspension administrative prévue aux deuxième et troisième alinéas du VII de l'article 140 de la loi du 4 août 2008 susvisée; le fait, pour le fonds de dotation, de bénéficier de fonds publics en violation des dispositions du III de l'article 140 de la loi du 4 août 2008 susvisée le fait, pour le fonds de dotation, de ne pas avoir transmis à l'autorité administrative les documents complets exigés dans le cadre du pouvoir d'investigation de celle-ci prévu au premier alinéa du VII de l'article 140 de la loi du 4 août 2008 susvisée ; le fait que les décisions prises par les dirigeants du fond de dotation ne permettent pas d'assurer la continuité de son activité.

Selon l'article 200 1-b du Code général des Impôts, les oeuvres et missions d'intérêt général peuvent être définies comme celles ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessible au public, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques.

Le fonds de dotation AL WAKF FRANCE fait valoir en défense que le financement de livres d'invocation ou de prières permet l'information du public sur la religion musulmane et relève de la mission d'intérêt général du Fonds. Il ajoute que cette activité est conforme à ses nouveaux statuts qui prévoient : « de financer toute publication destinée à la présentation au grand public de l'islam, de son éthique, de ses valeurs ainsi que de sa culture ». Qu'en effet, la publication et le financement de livres de prières et d'invocation, accessibles à tous, permet l'information du grand public sur la religion musulmane et relève donc de l'intérêt général au sens de la loi du 4 août 2008.

Toutefois, à la lecture des rapports d'activité 2018 et 2019, il apparaît que le fonds de dotation AL WAKF FRANCE a publié des livres de prières et de bénédictions et a édité un livre "Invocation du matin et du soir"distribué au nom de l'association Musulmans de France.

De même, à la lecture du rapport d'activité 2020, il apparaît que l'association Musulmans de France a bénéficié d'un financement du fond de dotation AL WAKF FRANCE pour des publications de livres d'invocation.

Il apparaît également à la lecture du tableau récapitulatif du montant des aides accordées tel que transmis en réponse au courrier de la préfecture en date du 24 novembre 2022, que des aides ont été accordées au collège-lycée [5], au collège-lycée [10], à l'association IESH [Localité 12]- département de langue arabe, à l'association IESH [Localité 9]- département de langue arabe, à la mosquée de [Localité 8].

Par ailleurs, il ressort de l'examen des documents transmis par le fonds de dotation AL WAKF FRANCE à la préfecture le 1er mars 2023, que l'association Musulmane de l'agglomération Béthunoise a apporté en 2015 au fonds de dotation un ensemble immobilier comprenant "une maison à usage d'habitation et immeuble à usage de culte en cours de construction". Que par le même acte et en contrepartie de cet apport le fonds de dotation a consenti à l'association musulmane de l'agglomération béthunoise la qualité de membre bienfaiteur du fonds de dotation et la jouissance à titre gratuit de l'ensemble immobilier pour une durée de 7 ans renouvelable. Que le fonds de dotation à conféré à ladite association tous pouvoirs afin d'achever la construction du bâtiment.

Dans le cadre de ce montage, l'association musulmane de l'agglomération béthunoise aurait ainsi organisé, d'après la préfecture, des collectes de fonds auprès du public en vue du financement des travaux de construction de la mosquée et de son minaret.

L'article 140 III 4ème alinéa de la loi du 2 août 2008 prévoit que le fonds peut faire appel à la générosité du public après autorisation administrative dont les modalités sont fixées par le décret N° 2009-158 du 11 février 2009relatif aux fonds de dotation lequel a été modifié à compter du 11 mai 2017 puis à compter du 18 mai 2022 dans sa version issue du décret n° 2022-813 du 16 mai 2022. Dans cette dernière version actuellement en vigueur, il est indiqué que la demande d'autorisation de faire appel à la générosité du public prévue au III de l'article 140 de la loi du 4 août 2008 est adressée à l'autorité administrative par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de téléservice. Le dossier de la demande doit indiquer pour un ou, le cas échéant , plusieurs durées d'appel, les objectifs poursuivis par appel.

Pour sa défense, le fonds soutient que son objet et les motivations de sa création sont de soutenir l'éducation, de sorte que les dons ont été réalisés uniquement dans ce cadre. En effet, à titre d'exemple, l'association Avéroès, prodiguant notamment des cours de langues et de soutien scolaire a reçu des dons en 2019, 2021 et 2022 qui ont tous été affectés à des projets éducatifs comme elle en atteste.

Quant aux autres donations évoquées, elles ont été effectuées à des établissements scolaires dont les statuts et missions démontrent qu'ils relèvent de l'intérêt général.

Depuis fin 2022, le fonds soutient n'avoir financé que des associations exclusivement sociales ou caricatives telles que le Téléthon, la fondation Abbé Pierre ou le Secours populaire.

S'agissant de la mise à disposition d'un immeuble à une association ayant à la fois des activités
cultuelles et des activités éducatives qui relèvent de la mission d'intérêt général du Fonds, la préfecture ne rapporte pas la preuve que cette seule mise à disposition aurait permis de financer des activités cultuelles.

Tout au contraire, cette mise à disposition relève une nouvelle fois des objectifs du Fonds de soutien à l'enseignement et à l'éducation.

Le fonds précise qu'il n'a pas fait appel à la générosité du public depuis la mise en demeure de la préfecture, comme en atteste son compte Facebook. Que la seule existence d'un compte Helloasso, qui n'est qu'une solution de gestion permettant la réception de sommes d'argent, ne suffit pas à caractériser la conduite d'un appel à la générosité.

Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Seine Saint Denis a constaté dans les rapports d'activité que le fonds faisait appel à la générosité du public sans autorisation et a mis en demeure le fonds de dotation de se conformer à ses obligations.

Que dans sa réponse à cette mise en demeure, le fonds de dotation AL WAKF-FRANCE a indiqué avoir effectué, par courrier recommandé, une demande d'autorisation en 2015, laquelle autorisation lui aurait été accordée tacitement puis renouvelée en l'absence de réponse de l'administration.

Cependant, il est objecté par la préfecture que la preuve de l'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception n'est pas rapportée de sorte que rien n'établit une autorisation tacite de la préfecture pour l'année 2015.

En tout état de cause, la preuve d'une autorisation administrative concernant les années postérieures à 2015 n'est pas rapportée alors même qu'il n'est pas contesté que le fonds de dotation a fait appel à la générosité du public notamment en 2017 où le rapport d'identité mentionne :" que les entrées ont beaucoup baissé et les collectes ont largement diminué, presque inexistantes, et ce, malgré les relances destinées aux mosquées. Il faut engager une réflexion et trouver un axe fédérateur pour générer de l'intérêt et axer sur les legs. Il en est de même en 2018 où le rapport d'activité mentionne : " La visibilité de AL WAKF FRANCE à travers la newsletter qui est éditée régulièrement , les campagnes de collecte ... porte ses fruits petit à petit et fidélise, mais très lentement. Cette visibilité se traduit aussi à travers les rencontres régionales RAMN, RAMS RAMHA. Il en est de même en 2021 où le rapport du commissaire aux comptes mentionne : que " le fonds de dotation reçoit des dons en faisant appel à la générosité publique ainsi que des subventions de fonctionnement provenant de la Fédération MF".

Dans son mémoire du 13 juin 2023, le fonds a sollicité une autorisation d'appel à la générosité du public sans préciser la durée de l'appel ni les objectifs poursuivis ce qui lui a été demandé de préciser par la préfecture dans son courrier daté du 1er août 2023.

Par courrier du 30 octobre 2023, n'ayant reçu aucune précisions sur la durée de l'appel et les objectifs poursuivis, le préfet a refusé l'autorisation sollicitée par courrier reçu le 23 octobre 2023.

Cependant, il ressort des pièces 21 et 22 versées par la préfecture que le fonds a persisté à faire appel à la générosité du public par le biais du site internet Hello Asso.

Il convient donc d'ordonner la dissolution judiciaire du fonds de dotation AL WAKF FRANCE en ce que la préfecture de Seine Saint Denis rapporte la preuve qu'il finance des activités cultuelles et a procédé à des appels à la générosité du public sans autorisation administrative préalable.

L'équité, ne nécessite pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le fonds de dotation AL WAKF-FRANCE sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

PRONONCE la dissolution du fonds de dotation AL WAKF-FRANCE ;

DÉSIGNE la SELARL [T] MJ en la personne de Maître [C] [T] en qualité de mandataire liquidateur afin de procéder aux opérations de liquidation et de publicité conformément aux dispositions de l'article 140 VIII de la loi du 4 août 2008 et de l'article 14 du décret du 11 février 2009 ;

DÉBOUTE le fonds de dotation AL WAKF-FRANCE de ses demandes ;

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l'exécution provisoire du présent jugement ;

CONDAMNE le fonds de dotation AL WAKF FRANCE aux dépens.

La minute a été signée par Monsieur Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président et Madame Anyse MARIO, greffière présente lors de la mise à disposition.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

Anyse MARIOBernard AUGONNET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 9/section 1
Numéro d'arrêt : 23/10339
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;23.10339 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award