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27/06/2024 | FRANCE | N°22/05351

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 5/section 2, 27 juin 2024, 22/05351


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY


JUGEMENT CONTENTIEUX DU 27 JUIN 2024


Chambre 5/Section 2
AFFAIRE: N° RG 22/05351 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WM7Z
N° de MINUTE : 24/01059

DEMANDEUR

Monsieur [M] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Jean-Pascal ARNAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J134

C/

DEFENDEURS

S.A.R.L. ANDRE KERK & ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Alexandre LAZAREGUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :

S.A.S. ZEN ROCK
[Adresse 3]
[Localité 6]<

br>représentée par Me Quentin DEKIMPE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 09



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Mechtilde CARLIER,...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 27 JUIN 2024

Chambre 5/Section 2
AFFAIRE: N° RG 22/05351 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WM7Z
N° de MINUTE : 24/01059

DEMANDEUR

Monsieur [M] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Jean-Pascal ARNAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J134

C/

DEFENDEURS

S.A.R.L. ANDRE KERK & ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Alexandre LAZAREGUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :

S.A.S. ZEN ROCK
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Quentin DEKIMPE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 09

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Mechtilde CARLIER, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Zahra AIT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 02 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Mechtilde CARLIER, Juge, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Rappel des faits et de la procédure

Par acte sous seing privé du 21 mai 2015, M. [Z] a donné à bail commercial à la société André Kerk & Associés un local situé au sein de l’immeuble sis [Adresse 3]) composé de « une boutique en rez-de-chaussée, se composant d’une surface commerciale brute de décoffrage, d’une cave reliée par un escalier privatif » pour y exercer l’activité de « restauration, traiteur et vente à emporter, à l’exclusion de tout autre commerce, profession ou industrie ou de toute autre utilisation, même temporaire », pour une durée de 9 années à compter du 1er juin 2015, moyennant un loyer de 48.000 euros hors charges et hors taxes.

Aux termes d’une ordonnance du 23 juin 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a constaté que la clause résolutoire contenue au bail était contraire aux dispositions d’ordre public du code de commerce et a débouté M. [Z] de sa demande d’acquisition de clause résolutoire. Le juge a également condamné la société André Kerk & Associés à payer à M. [Z] la somme de 30.699,83 euros en 24 mensualités.

M. [Z] est également propriétaire de l'immeuble contigu sis [Adresse 2]. Depuis le commencement du bail, Monsieur [Z] a engagé d'importants travaux de ravalement de façades, démolition, reconstruction, rénovation et aménagement des immeubles dont il est propriétaire. La société André Kerk & Associés s'est alors plainte du fait que ces travaux d'envergure ont perturbé l'exploitation normale de son fonds de commerce de restauration.

Souhaitant obtenir réparation de son trouble de jouissance et de son préjudice économique, la société André Kerk & Associés a, par acte du 6 mai 2019, assigné Monsieur [Z] devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Bobigny au visa de l’article 145 du Code de procédure civile afin d’obtenir la désignation d’un expert.

Par ordonnance du 31 juillet 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a ordonné une expertise et désigné M. [T] pour y procéder avec pour mission de donner son avis sur les préjudices allégués par chacune des parties notamment quant aux conséquences des travaux réalisés par M. [Z] sur l’activité commerciale et la valeur du fonds de commerce de la société André Kerk & Associés. Ces chefs de mission ont été confirmés par la cour d’appel de Paris statuant par arrêt du 27 mai 2020 et y ajoutant, la Cour d’appel a ordonné à la preneuse de communiquer à M. [Z] la ou les factures de réalisation des travaux de structures dans le local loué, l’attestation d’assurance responsabilité civile décennale et le certificat de qualification correspondant au type de travaux.

Par exploit du 3 octobre 2019, la société André Kerk & Associés a fait signifier à M. [Z] un projet de cession de fonds de commerce au profit de la société Zen Rock pour un montant total de 220.000 euros.

Par acte sous seing privé du 18 octobre 2019, la société André Kerk & Associés a cédé son fonds de commerce à la société Zen Rock moyennant un prix de vente de 220.000 euros.

M. [T], expert judiciaire, a déposé son rapport le 30 juin 2020. Il ressort de l’expertise que des travaux de gros œuvre ont été réalisés à proximité du restaurant de la société André Kerk & Associés d’une part par M. [Z] sur le bâtiment adjacent à celui du restaurant entre janvier 2015 et octobre 2019 et d’autre part sur le bâtiment situé en face du restaurant. L’expert estime que les performances du restaurant « traduisent un problème de concept dans un premier temps… L’impact des travaux paraît à relativiser sur l’activité… Par contre, le taux d’effort sur CAHT parait important et traduit un niveau de loyer trop élevé ». L’expert conclut néanmoins à l’existence d’un préjudice lié aux travaux sur l’activité du restaurant Le Corner exploitant un nouveau concept de restauration rapide en ce que « les performances ressortent durant les périodes de travaux à un niveau inférieur de 7% par rapport à celles sans travaux. ». Enfin, l’expert estime la perte de chance de vendre le fonds de commerce à un tarif plus avantageux à hauteur de 20.000 euros.

Par acte d’huissier du 8 juillet 2020, M. [Z] a fait signifier à la société André Kerk & Associés un commandement de respecter les conditions du bail visant la clause résolutoire en matière commerciale et de justifier d’une attestation d’assurance.

Par exploit du 29 juillet 2020, la société Zen Rock a fait assigner M. [Z] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir annuler le commandement délivré le 8 juillet 2020 ainsi que de voir annuler la clause résolutoire inscrite au bail commercial et aux fins de voir condamner M. [Z] à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts outre une demande de remise des quittances de loyer sous astreinte et 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’affaire a été enrôlée sous le numéro 20/06142.

Par exploit du 14 octobre 2020, M. [Z] a assigné la société André Kerk & Associés et la société Zen Rock devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir juger inopposable au bailleur la cession de fonds de commerce intervenue le 18 octobre 2019 et par conséquent de voir prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts de la société André Kerk & Associés, de la voir condamnée à verser à M. [Z] la somme de 12.000 euros au titre de la franchise de loyer, de voir ordonner à la société André Kerk & Associés la communication sous astreinte des éléments d’assurance des travaux réalisés sur le mur porteur du local, d’ordonner l’expulsion des occupants du local et de condamner la société Zen Rock au paiement d’une indemnité d’occupation. Subsidiairement, M. [Z] demande de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, de voir ordonner l’expulsion de la société Zen Rock et en tout état de cause, de voir condamner solidairement la société André Kerk & Associés et la société Zen Rock à verser à M. [Z] 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les deux affaires ont été jointes.

Par exploit du 15 avril 2021, M. [Z] a fait signifier à la société André Kerk Associés et à la société Zen Rock un commandement de payer la somme de 37.963,37 euros visant la clause résolutoire.

L’affaire a ensuite été radiée par ordonnance du 26 octobre 2021 puis réinscrite en mai 2022. Elle a été clôturée par ordonnance du 14 septembre 2022 puis a fait l’objet d’un rabat de clôture par ordonnance du 5 octobre 2022.

La clôture a été prononcée le 7 avril 2023 par ordonnance du même jour.

Le 7 avril 2023, à 16h40, la société Zen Rock a signifié de nouvelles conclusions au fond.

Aux termes de conclusions régularisées par voie électronique le 2 juin 2023, M. [Z] a sollicité du tribunal la révocation de l’ordonnance de clôture.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 15 juin 2023 et mise en délibéré au 7 septembre 2023.

Par jugement du 7 septembre 2023, le tribunal a ordonné la réouverture des débats et le rabat de la clôture.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses conclusions régularisées par voie électronique le 13 décembre 2022, M. [Z] demande au tribunal, au visa des articles 381 et suivants du code de procédure civile, l’article 1184 ancien et les articles 1217 et 1224 et suivants du code civil, l’article 2224 du code civil, les articles L 145-41 et L. 145-47 du code de commerce, l’article L 242-1 du code des assurances, de :

« - juger irrégulière et inopposable à Monsieur [Z] la cession du fonds de commerce intervenue le 18 octobre 2019 en faveur de la société ZEN ROCK en violation du droit de préférence du bailleur,
- juger la société ZEN ROCK, occupante sans droit ni titre du local commercial donné à bail à la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES,
- JUGER que la société ZEN ROCK est redevable d’une indemnité d’occupation à compter du 18 octobre 2019,
- juger suffisamment graves et répétées les inexécutions des obligations du bail qui sont le fait, tant de la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES que de la société ZEN ROCK, occupante du chef de la société locataire, pour justifier la résiliation judiciaire du bail,
- juger non prescrits les faits reprochés,
- juger que la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES et la société ZEN ROCK ne se sont pas conformées à la sommation contenue dans le commandement du 8 juillet 2020 qui est demeurée infructueuse pendant plus d’un mois,
- juger que la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES et la société ZEN ROCK ne se sont pas conformées à la sommation contenue dans le commandement de payer du 15 avril 2021 qui est demeuré infructueux pendant plus d’un mois,
- Juger que la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES et la société ZEN ROCK ne rapportent pas la preuve des préjudices et troubles de jouissance qu’elles allèguent,

En conséquence,
A TITRE PRINICIPAL :
- Déclarer les sociétés ZEN ROCK et ANDRE KERK & ASSOCIES irrecevables et mal fondées,
- Les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES à régler à Monsieur [M] [Z] une somme de 12 000 € en remboursement de la franchise de loyer,
- Ordonner à la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES de communiquer à Monsieur [M] [Z] l’attestation d’assurance Dommage Ouvrage et l’attestation d’assurance de la SARL FCB pour la réalisation des travaux de structure, s’agissant de la démolition d’un mur et la pose d’un IPN, ainsi que le certificat de qualification correspondant à ce type de travaux et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

- Déclarer inopposable à Monsieur [M] [Z] la cession de fonds de commerce intervenue le 18 octobre 2019 entre la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES et la société ZEN ROCK,
- Prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES et de la société ZEN ROCK,

- Condamner ZEN ROCK à procéder au démontage et à la dépose du store banne extérieur ainsi qu’à la remise en état à l’identique du mur pignon par une entreprise compétente et régulièrement assurée et ce, sous le contrôle de l’architecte de Monsieur [Z],
- Ordonner l’expulsion de la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES et de tous occupants de son chef, notamment la société ZEN ROCK, des locaux situés [Adresse 3]), au besoin, avec l’appui de la Force publique et l’assistance d’un serrurier, et ce, dans les 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- CONDAMNER la société ZEN ROCK à payer en deniers ou quittances à Monsieur [Z] à titre d’indemnité d’occupation la somme de 216 294,24 €, sauf à parfaire ainsi que d’avance et le 1 er de chaque mois, une indemnité mensuelle d’occupation s’élevant à 4 526,24 € et une provision pour charges de 300 €.

A TITRE SUBSIDIAIRE :
- Déclarer les sociétés ZEN ROCK et ANDRE KERK & ASSOCIES irrecevables et mal fondées,
- Les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Constater l’acquisition de la clause résolutoire,
- Condamner solidairement la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES et la société ZEN ROCK à régler à Monsieur [M] [Z] une somme de 12 000 € en remboursement de la franchise de loyer,

- Condamner ZEN ROCK à procéder au démontage et à la dépose du store banne extérieur ainsi qu’à la remise en état à l’identique du mur pignon par une entreprise compétente et régulièrement assurée et ce, sous le contrôle de l’architecte de Monsieur [Z],

- Ordonner l’expulsion de la Sarl ANDRE KERK & ASSOCIES et de tous occupants de son chef, notamment la société ZEN ROCK, des locaux situés [Adresse 3]), au besoin, avec l’appui de la Force publique et l’assistance d’un serrurier, et ce, dans les 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- CONDAMNER la société ZEN ROCK à payer en deniers ou quittances à Monsieur [Z] à titre d’indemnité d’occupation la somme de 216 294,24 €, sauf à parfaire ainsi que d’avance et le 1 er de chaque mois, une indemnité mensuelle d’occupation s’élevant 4 526,24 € et une provision pour charges de 300 €.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
- Déclarer les sociétés ZEN ROCK et ANDRE KERK & ASSOCIES irrecevables et mal fondées,
- Les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner la société ZEN ROCK à verser à Monsieur [Z] une somme de 60000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de tous les préjudices subis.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- CONDAMNER solidairement les sociétés ZEN ROCK et ANDRE KERK & ASSOCIES à payer chacune à Monsieur [Z] la somme de 8.000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

- CONDAMNER solidairement les sociétés ZEN ROCK et ANDRE KERK & ASSOCIES aux entiers dépens en ce compris le cout des constats d’huissiers et commandements des 11 mars 2020, 8 juillet 2020, 3 octobre 2020, 15 avril 2021, dont distraction au profit de Maître Jean-Pascal ARNAUD, Avocat, en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure civile ; »

M. [Z] estime que la cession de bail du 18 octobre 2019 ne lui est pas opposable dans la mesure où elle aurait été opérée en violation des dispositions des articles 7.1 et 7.2 du bail commercial faute pour la cédante la société André Kerk & Associés de respecter le délai de deux mois entre les notifications des 25 septembre et 3 octobre 2019 de son intention de céder son fonds de commerce au prix de 220.000 euros et la cession du fonds intervenue le 18 octobre 2019. M. [Z] estime n’avoir pas été en mesure d’exercer son droit de préférence sur le fonds de commerce. Par conséquent, M. [Z] s’estime en droit de considérer la société Zen Rock comme occupante sans droit ni titre et de solliciter la résiliation du bail. M. [Z] estime que la renonciation à exercer son droit de préférence le 19 mars 2019 ne saurait l’engager dans la mesure où les informations fournies sur le prix à cette époque (228.000€) diffèrent du montant finalement fixé dans l’acte de cession (220.000€). M. [Z] ajoute qu’il a effectivement exercé son droit de préférence le 16 novembre 2019 ce qui ne saurait être considéré comme tardif.

M. [Z] se fonde également sur les manquements contractuels de la société André Kerk & Associés. M. [Z] estime à ce titre que ses reproches ne sont pas prescrits dans la mesure où ce dernier les a portés à la connaissance de la société André Kerk & Associés à de nombreuses reprises notamment par des actes interruptifs de prescription. Sur le fond, M. [Z] estime que la société André Kerk & Associés n’a jamais justifié avoir réalisé un plafond coupe-feu 2h sur l’ensemble de la surface commerciale du local et qu’il s’agit d’un manquement essentiel aux termes du bail. Il estime la société André Kerk & Associés a réalisé des travaux qui touchent à la structure de l’immeuble sans suivi et contrôle de la bonne fin et sans justifier de la souscription d’une assurance valable. D’après M. [Z], les éléments produits ne satisfont pas à l’injonction du juge des référés dans la mesure où il manque la précision du nom du bénéficiaire de l’assurance Millenium produite et où il manque le certificat de qualification de la société FCB pour les travaux de structure. M. [Z] ajoute que la société André Kerk & Associés n’a pas fait les travaux pour lesquels elle a bénéficié d’une franchise de loyer à savoir d’une part l’entretien de la façade extérieure côté [Adresse 7] de sorte que l’actuel occupante se plaint d’infiltrations et d’autre part, l’installation d’une rampe d’accès rabattable mais également quelques points techniques. M. [Z] reproche en outre à la société André Kerk & Associés de n’avoir pas fait procéder à la visite de la commission de sécurité. Celle-ci reconnait cette situation ainsi que l’ouverture du restaurant dans des conditions non conformes en termes de classement et d’accessibilité PMR. M. [Z] reproche également à la société André Kerk & Associés d’avoir modifié le local en 2017 sans autorisation du bailleur lors du changement d’enseigne : pose d’une banderole provisoire et condamnation d’une vitrine qui constituait une issue de secours.

M. [Z] allègue également de manquements de la société Zen Rock au titre du bail dont elle se prétend titulaire. M. [Z] reproche à la société Zen Rock d’avoir opéré des travaux y compris d’embellissement, sans autorisation du bailleur et sans transmettre les autorisations administratives ainsi que l’avis de l’architecte nécessaires à la réalisation des travaux. La société Zen Rock ne justifie pas non plus de disposer des autorisations pour installer une terrasse en extérieur. M. [Z] reproche encore à la société Zen Rock d’avoir développé une activité de concert et de bar ce qui d’une part n’est pas conforme à la clause de destination du bail, d’autre part constitue des nuisances sonores au préjudices des occupants de l’immeuble, dont M. [Z] et ce qui contrevient aux règles de droit public relatives aux autorisations d’ouverture d’établissement recevant du public. Par conséquent, M. [Z] estime que les commandements visant la clause résolutoire sont valides, notamment en ce qu’ils précisent le délai d’un mois, et que la société Zen Rock n’a pas remédié aux manquements listés alors que les travaux à opérer constituent l’une des conditions essentielles du bail commercial d’origine.
M. [Z] estime que la clause résolutoire est acquise. A ces manquements s’ajoutent le paiement partiel de l’indemnité d’occupation d’un montant impayé de 39.697,85 euros.

M. [Z] estime que la société Zen Rock dirigée par son nouveau président se maintient dans l’illicéité en procédant à de nouveaux travaux à l’extérieur sur la devanture et à l’intérieur du local notamment des travaux afférents au système électrique et affectant la sécurité du local sous couvert d’une mise aux normes selon le dirigeant de la société Zen Rock. M. [Z] estime que les modifications apportées à la devanture ne sont pas conformes aux projets déposés en mairie et validés par les différents intervenants. M. [Z] estime que la société Zen Rock se maintient dans l’illicéité en ne procédant pas aux travaux prévus au bail commercial et en poursuivant le développement d’une activité de bar et concerts. Ces manquements justifient selon le bailleur la résiliation du bail et l’expulsion de la société Zen Rock.

Sur les reproches portés contre M. [Z], celui-ci les estime mal fondés dans la mesure où les difficultés d’accès alléguées à l’immeuble [Adresse 4] pour les besoins de gestion des installations techniques ne sont dus qu’au refus du gérant de la société Zen Rock de permettre l’accès à ses caves notamment pour l’installation de la fibre optique. L’installation d’un poteau et d’une barrière le long de la limite de la terrasse dans ses dimensions autorisées du restaurant ne constitue pas une violation des droits de la société Zen Rock laquelle ne dispose pas d’une autorisation pour aller au-delà de la limite des deux immeubles. M. [Z] ajoute que l’installation d’un drapeau signalant le commerce situé au [Adresse 4] n’est pas davantage une violation du contrat.

M. [Z] s’oppose aux demandes reconventionnelles de la société André Kerk & Associés. Il estime que le trouble de jouissance notamment lié aux travaux opérés par M. [Z] n’est pas fondé. La demande de nullité du contrat pour absence de cause n’est pas non plus fondée dans la mesure où la société André Kerk & Associés a pu exploiter le fonds de commerce et le vendre. M. [Z] ajoute qu’il ne démontre ni l’anormalité du trouble qu’elle allègue, ni le préjudice commercial ou de la perte de chance qu’elle invoque.

Aux termes de ses conclusions régularisées par voie électronique le 3 mai 2021, la société André Kerk & Associés demande au tribunal, au visa de l’article L 110-4 du code de commerce, des articles 1719 et 1724 du Code civil, des articles 1131, 1147 et 1149 du code civil applicables au contrat de bail litigieux de 2015, des articles 695 et suivants du Code de procédure civile et de l’article 700 du Code de procédure civile, de :

« 1. Sur la demande d’inopposabilité de la cession du fonds de commerce au demandeur :
A titre principal, Juger que le demandeur a renoncé à son droit de préférence ; En conséquence, Juger la cession de fonds de commerce valable et opposable au demandeur
A titre subsidiaire, juger la bonne foi du tiers acquéreur, juger l’absence de préjudice subi par le demandeur

2. Sur les manquements contractuels du défendeur, la Sarl André Kerk & Associes
A titre principal, juger l’action du demandeur prescrite ; en conséquence, juger la demande irrecevable ;
A titre subsidiaire, déclarer l’absence de démonstration des manquements invoqués ; en conséquence, rejeter la demande de résiliation judiciaire du bail ;

3. Sur la demande reconventionnelle du défendeur, la Sarl André Kerk & Associes
3.1 Sur le trouble anormal de jouissance
A titre principal, sur l’absence de cause du contrat de bail, déclarer la nullité du contrat de bail pour absence de cause ; en conséquence, prononcer la restitution par équivalent en faveur de la société André Kerk & Associés par Monsieur [Z] selon les termes suivants :
- l’ensemble des loyers versées mensuellement par le locataire depuis le commencement du contrat de bail soit 196 000 euros HT.
- le remboursement des travaux effectués dans les locaux loués au cours de cette période soit 26611,02 euros HT correspondant au montant des factures.
A titre subsidiaire,
Sur la responsabilité contractuelle,
Constater le trouble anormal de jouissance causé par Monsieur [Z]
Sur les modes d’évaluation du préjudice pour responsabilité contractuelle
A titre principal
Condamner Monsieur [Z] à réparer le préjudice économique résultant du trouble anormal de jouissance par la réfaction de 60 % des loyers pendant la période du trouble à hauteur de 86 400, 00 euros
A titre subsidiaire
Condamner Monsieur [Z] à réparer le préjudice économique résultant du trouble anormal de jouissance par une évaluation du gain manqué résultant de la perte de marge sur coûts variable soit la somme de 32.645,63 euros.

4. Sur la perte de chance de vendre le bien au prix du marché
Constater la perte de chance de vendre le fonds de commerce
Juger la perte de chance à la somme 20 000 euros.
Condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 20 000 euros.

5. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Condamner Monsieur [Z] aux entiers dépens au titre de l’article 695 du CPC
Condamner Monsieur [Z] aux frais irrépétibles à hauteur de 13 840 euros HT euros au titre de l’article 700 du CPC »

Au soutien de ses prétentions, la société André Kerk & Associés retient que les dispositions de l’article 1123 du code civil ont été respectées. M. [Z] a été informé du projet de cession par le cessionnaire largement en amont de celle-ci et qu’il a expressément donné son accord à la vente. Les négociations ont poussé les parties à l’acte de cession de modifier le prix de vente ce dont M. [Z] a été également informé par exploit d’huissier. La société André Kerk & Associés se fonde sur l’article L. 110-4 du code de commerce pour soutenir que l’action de M. [Z] fondée sur les manquements contractuels de la société André Kerk & Associés est prescrite faute d’avoir été initiée dans le délai de 5 ans de la fin des travaux réalisés en 2015. D’après la société André Kerk & Associés « l’action judiciaire fondé sur ces travaux » est prescrite. Subsidiairement, les demandes de M. [Z] devront être rejetées. La société André Kerk & Associés estime avoir effectué les travaux nécessaires tant le plafond coupe-feu 2 heures, l’intervention de la société FCB, la création de la rampe rabattable. La société André Kerk & Associés conteste les griefs portés contre elle par M. [Z] relatifs au défaut d’entretien de la façade et ajoute que les manquements allégués ne sont pas prouvés. La société André Kerk & Associés estime que les photos produites ne sont pas probantes et que le changement d’enseigne coté église, la pose d’une banderille et la fermeture de la sortie de secours ne sont pas établies.

La société André Kerk & Associés forme une demande reconventionnelle au titre du trouble de jouissance qu’elle indique avoir subi. Tout d’abord, la société André Kerk & Associés sollicite la nullité du contrat pour absence de cause estimant que le bailleur n’a pas mis à la disposition du preneur un local conforme pour lui permettre d’exercer son activité compte tenu des travaux très importants à mettre en œuvre dans le local loué et des travaux très importants qui ont été mis en œuvre dans le bâtiment adjacent. Ces travaux subis de 2015 à 2019 ont provoqué des nuisances importantes sur le local loué notamment sonores, visuelles ainsi que des infiltrations d’eau et des désagréments esthétiques. Ainsi les troubles rencontrés ont rendu inexistante l’obtention de la jouissance de la chose louée.

A titre subsidiaire, la société André Kerk & Associés entend engager la responsabilité contractuelle de M. [Z] pour trouble anormal de jouissance en vertu de l’article 1719, 3° et de l’article 1147 ancien du code civil compte tenu des travaux importants subis par le preneur. La société André Kerk & Associés sollicite que soit écartée la clause de souffrance du bail estimant qu’elle ne concerne que les travaux de réparation et pour une durée limitée alors que les travaux réalisés au sein du local loué et sur l’immeuble voisin ont duré plusieurs années. La société André Kerk & Associés se fonde sur l’analyse des résultats des restaurants voisins pour contester les éléments d’appréciation portés par l’expert judiciaire et estimant devoir bénéficier d’une réduction du loyer de 60%. La société André Kerk & Associés estime également avoir subi un gain manqué calculé à partir du chiffre d’affaires réalisé, du chiffre d’affaires qui aurait dû être réalisé si les travaux n’avaient pas perturbé l’activité et des coûts variables qui auraient été engagés dans ce dernier cas. La société André Kerk & Associés invoque également une perte de chance de vendre le bien à un meilleur prix. Elle se fonde sur l’attestation de l’agent immobilier en charge de la vente et sur le rapport d’expertise judiciaire établissant un delta de 20.000 euros.

Aux termes de ses conclusions régularisées par voie électronique le 9 novembre 2023, la société Zen Rock demande au tribunal, au visa des articles L 145-1 et 145-14 du code de commerce et de l’article 2224 du code civil, de :

« - JUGER nul et de nul effet le commandement délivré le juillet 2020 par Monsieur [Z] à la société ZEN ROCK.
- JUGER nulle la clause résolutoire insérée au bail car contraire aux dispositions de l’article L 141-1 du Code de Commerce
- DEBOUTER Monsieur [Z] de toutes ses demandes

Subsidiairement
- JUGER que le commandement a été délivré de mauvaise foi.
- DEBOUTER Monsieur [Z] de toutes ses demandes

Très subsidiairement
- JUGER que les manquements reprochés ne sont pas justifiés
- DEBOUTER Monsieur [Z] de toutes ses demandes

Infiniment subsidiairement
- JUGER que les manquements reprochés ne sont pas suffisamment graves et il ordonnera la suspension des effets de la clause résolutoire si le Tribunal validait le commandement de payer.

En tout état de cause,
- CONDAMNER Monsieur [Z] à payer la somme de 20.000 € au titre de dommages et intérêts pour inexécution de son obligation d’entretien
- CONDAMNER Monsieur [Z] à payer la somme de 20.000 € au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du bail
- CONDAMNER Monsieur [Z] à remettre à la société ZEN ROCK les quittances de loyer conformes sous astreinte de 250 € par jour de retard et par quittance à compter de la signification du jugement sollicité depuis la date.
- DEBOUTER Monsieur [Z] de toutes ses demandes
- CONDAMNER Monsieur [Z] à payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du CPC
- ORDONNER l’exécution provisoire »

Au soutien de ses prétentions, la société Zen Rock estime que les griefs portés par M. [Z] concernent l’ancien locataire des lieux au regard d’obligations qui lui étaient personnelles et pour des faits qui sont prescrits car le bailleur avait jusqu’au 21 mai 2020 pour porter ses griefs afférents aux manquements au contrat de bail souscrit le 21 mai 2015.
Les faits prescrits au moment du commandement visant la clause résolutoire ne peuvent fonder la résiliation du bail. La reprise des griefs par M. [Z] contre la société Zen Rock ne peut prospérer car celle-ci n’a pas bénéficié de la franchise de loyer obtenue par la locataire initiale. La société Zen Rock ajoute qu’en vertu de l’article 1142 du code civil, elle ne peut se voir reprocher des manquements afférents aux agissements du précédent locataire et que la sanction de la défaillance éventuelle sera limitée au renoncement de la franchise dont la société Zen Rock n’a pas profité. En toute hypothèse elle ne pourrait être tenue qu’au paiement de dommages-intérêts.

Sur le fond, la société Zen Rock se fonde sur l’article L. 145-41 du code de commerce pour soutenir que la clause résolutoire inscrite au bail commercial est nulle en ce qu’elle mentionne un délai de trente jours et non un délai d’un mois. La société Zen Rock conteste avoir modifié l’activité exercée, l’activité de débit de boissons étant incluse dans l’activité de restauration et la société Zen Rock indique que la licence 3 dont elle dispose lui permet de servir des boissons alcoolisées pendant ces horaires d’ouverture. La société Zen Rock ajoute que la mairie a pu apporter à M. [Z] les éléments de réponse sur la légalité de l’activité exploitée. La société Zen Rock indique que l’activité de concerts n’est pas établie, que l’assurance dont elle dispose couvre les risques liés à son activité, que les poubelles ne sont pas entreposées sur le trottoir. Quant aux travaux réalisés, la société Zen Rock indique avoir fait le nécessaire pour sécuriser les boiseries et harmoniser les façades. Elle a installé une terrasse conforme et sécurisée dotée d’un store pour lequel elle a interrogé le bailleur sans réponse de sa part. Elle a réalisé une mise aux normes. La nouvelle direction de la société Zen Rock a également poursuivi des travaux pour mettre un terme à certains désagréments constatés comme des problèmes d’humidité. Elle a demandé l’avis de M. [Z] avant de procéder aux travaux. Les travaux n’avaient pas à être autorisés par l’administration et quand bien même, cela relève de la responsabilité du preneur vis-à-vis de l’administration uniquement. La société Zen Rock se fonde sur l’abus de droit pour soutenir que M. [Z] a conditionné son accord sur les travaux à la réalisation d’une terrasse couverte. A titre subsidiaire, la société Zen Rock rappelle que les travaux étaient nécessaires à l’activité du preneur. La société Zen Rock soutient que M. [Z] a renoncé à une partie de ses griefs et que les griefs maintenus ne sont pas suffisamment graves pour fonder la résiliation du bail. La société Zen Rock expose également au visa de l’article 1104 du code civil que la bailleresse était de mauvaise foi lorsqu’il s’oppose à la création d’une terrasse en invoquant un problème d’autorisation administrative ou d’harmonie avec l’ensemble immobilier.

Sur l’opposabilité de la cession opérée au profit de la société Zen Rock, celle-ci estime que M. [Z] se contredit puisqu’il reproche des manquements contractuels à une société dont il estime qu’elle n’est pas liée à lui. En outre, la société Zen Rock estime que M. [Z] n’a pas saisi de juridiction pour contester la validité de la cession au moment où elle a eu lieu et où elle lui a été notifiée en 2019 ; M. [Z] a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire à la société Zen Rock dont il prétend qu’elle n’est pas liée à lui contractuellement et il perçoit les loyers directement de la société Zen Rock depuis 2019. La société Zen Rock estime qu’il n’y a pas lieu de prononcer la nullité de la cession. La société André Kerk & Associés avait informé M. [Z] de son projet de vendre, l’offre faite alors par le bailleur n’avait pas été acceptée par la société André Kerk & Associés et la vente avait été opérée. M. [Z] a expressément renoncé au droit de préférence. La société Zen Rock ajoute que le commandement du 8 juillet 2020 a été délivré de mauvaise foi de sorte qu’il ne saurait produire effets. L’exécution déloyale du bail oblige M. [Z] à réparer le préjudice causé. La société Zen Rock ajoute que les griefs portés par M. [Z] ne sont pas de nature à justifier la résiliation du bail. La société Zen Rock soutient également que le défaut d’entretien de l’immeuble lui cause un préjudice ouvrant droit à réparation notamment en raison des problèmes d’étanchéité de la façade qui n’ont jamais été réalisés par le bailleur. Elle se fonde sur l’article 1134 pour reprocher au bailleur une exécution déloyale du bail.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 9 février 2024.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 2 mai 2024 et mise en délibéré au 27 juin 2024.

MOTIFS

I- A TITRE LIMINAIRE

A titre liminaire, il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de « dire/juger/constater » qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

En l’espèce, les parties formules nombre de demandes de « juger/constater/etc. » qui constituent des moyens dont le tribunal n’est donc pas valablement saisi et sur lequel il ne tranchera aucune prétention.

II- SUR LE FOND

1. Sur la cession du 18 octobre 2019

Selon l’article 1123 du code civil, le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu. Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable, l'existence d'un pacte de préférence et s'il entend s'en prévaloir. L'écrit mentionne qu'à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat.

En l’espèce, l’article 7.2 du bail commercial prévoit que : « 7.2. Droit de préférence du bailleur - Pendant toute la durée du bail ou de ses renouvellements, le bailleur bénéficiera, en cas de cession du fonds de commerce, d'un droit de préférence à égalité de conditions. Il pourra user de ce droit pour lui-même ou pour toute personne qu’il se substituerait. Ce droit sera opposable aux acquéreurs successifs du fonds de commerce. Pour permettre au bailleur d'exercer son droit de préférence, le preneur devra l'informer au moins deux mois à l'avance par lettre recommandée avec avis de réception de son intention de céder le fonds de commerce. La notification faite par le preneur devra comporter sous peine de nullité l'indication du nom et de l'adresse du candidat acquéreur, le prix, les modalités de paiement ainsi que les conditions, lieux et jour de la cession envisagée. Le bailleur devra informer le preneur dans le délai de deux mois susvisé à compter de la notification et dans les mêmes formes de sa décision d'user de son droit de préférence. En cas de mise en œuvre de ce droit de préférence, la cession devra être régularisée au plus tard dans un délai de deux mois. »

Par courrier du 21 mars 2019, le bailleur a pris acte du projet de cession dont le montant était fixé à l’origine à hauteur de 228.000 euros et a donné son accord à l’acte renonçant expressément à son droit de préférence.

Postérieurement, le 3 juin 2019, revenant sur son refus d’exercer son droit de préférence, le bailleur a fait une proposition d’acquisition du fonds d’un montant de 150.000 euros.

L’acte de cession a été régularisée le 18 octobre 2019 pour un montant de 220.000 euros.

Si le montant du prix de vente diffère du montant qui avait été notifié à M. [Z] dans le cadre des négociations préalable à la vente, il n’en demeure pas moins que le bailleur a exprimé souhaiter se porter acquéreur à hauteur de 150.000 euros lors d’un échange de juin 2019 soit quelques mois préalablement à la vente.

Par conséquent, et compte tenu du refus de la venderesse de céder son fonds à ce prix, il convient de relever que M. [Z] a été en mesure d’exercer son droit de préférence et qu’il n’a pas souhaité le mettre en œuvre aux conditions fixées par le cédant.

L’envoi par le conseil de M. [Z] d’un courrier intitulé « opposition à la vente » le 15 octobre 2019 au motif que la cession serait intervenue en fraude de son droit de préférence, ne saurait faire obstacle à la réalisation de la cession.

L’envoi par M. [Z] le 14 novembre 2019 d’un courrier aux termes duquel il entend exercer son droit de préférence et se porter acquéreur du fonds de commerce à hauteur de 220.000 euros constitue un changement majeur de positionnement du bailleur et révèle une volonté de celui-ci de faire obstruction à la vente alors qu’il était admis depuis qu’il n’était pas intéressé pour acquérir le fonds ou qu’il l’aurait racheté au prix de 150.000 euros.

Ce changement majeur, au moment de la réalisation de la vente entre la société André Kerk & Associés et la société Zen Rock après plusieurs mois de négociations s’apparente à un mécanisme d’obstruction qui ne peut pas faire obstacle à la vente réalisée.

En vertu de l’article 1134 du code civil dans sa version ancienne applicable au contrat du 21 mai 2015, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, l’article 7.1 du bail commercial du 21 mai 2015 prévoit que « le preneur ne pourra céder son droit au présent bail sous quelque forme que ce soit y compris par voie d’apport sans l’accord préalable écrit du bailleur. Toutefois, il pourra librement céder ledit droit au présent bail à l'acquéreur de son fonds de commerce y compris par voie d'apports. Le preneur devra signifier au bailleur et à ses créanciers inscrits son intention de céder son bail. Cette notification précisera le prix proposé, les noms et adresses du cessionnaire et les lieux, jour et heures prévues pour la réalisation de cette cession. Le preneur ne pourra céder à un tiers à un prix inférieur à celui notifié au bailleur. Toute cession devra avoir lieu par acte notarié ou sous-seing-privé auquel le bailleur sera appelé à concourir par notification effectuée au moins 15 jours calendaire à l’avance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le cédant devra s'obliger solidairement avec le cessionnaire ainsi que tous cessionnaires successifs au paiement des loyers, charges et accessoires pour la durée du bail en cours et de ses éventuels renouvellements lors de la cession du droit au bail ainsi qu'à l'exécution des conditions du bail, et ce par dérogation aux dispositions de l’article L 145–16-1 du code de commerce auxquelles les parties renoncent expressément ».

Par exploit du 25 septembre 2019, la société André Kerk & Associés a fait signifier à M. [Z] le projet de cession du fonds de commerce au profit de la société Zen Rock moyennant un prix de vente de 220.000 euros l’informant de la date de la cession à savoir le 27 septembre 2019.

Par courrier du 26 septembre 2019, M. [Z] alertait le conseil de la société André Kerk & Associés notamment de la tardiveté de la signification réalisée par rapport au délai de 15 jours prévu au contrat.

Par exploit du 3 octobre 2019, la société André Kerk & Associés réitérait la signification du projet de cession informant M. [Z] de la date de la cession à savoir le 18 octobre 2019 conformément aux délais fixés au contrat de bail.

La cession a été réalisée par acte du 18 octobre 2019 et notifiée au bailleur le 14 novembre 2019.

Le bailleur avait donc connaissance de la cession à venir étant rappelé qu’il avait été informé des négociations en cours depuis plusieurs mois.

Ainsi, les moyens tirés de l’irrégularité et de l’inopposabilité de la cession du fonds de commerce de la société André Kerk & Associés à la société Zen Rock par acte du 18 octobre 2019 ne sont pas fondés.

La demande d’inopposabilité de la cession du fonds de commerce du 18 octobre 2019 sera rejetée.

2. Sur la demande de résiliation judiciaire du bail

2.1. Sur la prescription des demandes de M. [Z]

L’article L. 110-4 du code de commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans. Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L’article 789 du code de procédure civile prévoit que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Selon l’article 791 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées distinctes des conclusions au sens de l'article 768

Ainsi, par application de ces textes et de l’article 122 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir dont celles tirées de la prescription des faits fondant l’action dont le tribunal est saisi. Il doit être saisi de manière incidente.

En l’espèce, dans son dispositif, la société André Kerk & Associés demande au tribunal, de dire prescrite et irrecevable l’action du demandeur fondée sur les manquements contractuels de la société André Kerk & Associés.

Cette demande aurait dû être portée devant le juge de la mise en état par des conclusions incidentes avant la clôture de la mise en état. Elle ne relève pas de la compétence du tribunal statuant au fond.

La fin de non-recevoir soulevée par la société André Kerk & Associés est irrecevable devant le tribunal.

2.2. Sur le caractère bien ou mal fondé de la demande de résiliation judiciaire du bail

a) les manquements reprochés à la société André Kerk & Associés

En vertu de l’article 1134 du code civil dans sa version ancienne applicable au contrat du 21 mai 2015, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, aux termes du bail commercial du 21 mai 2015, les parties se sont accordées pour que la société André Kerk & Associés bénéficie d’une franchise de loyer de 12.000 euros en contrepartie de son engagement de procéder à des « travaux d’aménagements … dans les lieux loués », le local étant loué « brut de décoffrage ».

Les travaux à réaliser étaient les suivants : les deux percements du mur porteur de refend selon plan joint en Annexe, pose d’un conduit d’extraction, réalisation d’un plafond coupe-feu 2h00 sur l’ensemble de la surface commerciale prise à bail, installation d’une terrasse. Au contrat de bail est joint un plan issu d’un « permis de construire modificatif » daté du 4 mai 2015 sur lequel sont annotées des informations illisibles.

Ainsi, la société André Kerk & Associés a accepté de prendre à bail un local brut et d’y faire réaliser des travaux d’envergure en lieu et place du propriétaire des lieux moyennant une franchise de trois mois de loyer.

Les travaux ont été réalisés au cours de l’été 2015.

Depuis lors, M. [Z] fait grief à la société André Kerk & Associés puis à la société Zen Rock de n’avoir pas exécuté ses obligations tirées du bail.

Sur le plafond coupe-feu 2h00, la société André Kerk justifie avoir mis en place un plafond coupe-feu dans le cadre des travaux réalisés en 2015 par la société Deco Design.

Sur les travaux sur la structure, la société André Kerk justifie qu’ils ont été projetés sous le contrôle du cabinet Ingéconex. La société André Kerk ne produit toutefois pas de facture finale identifiant le nom de l’entreprise responsable des travaux. La pièce 6 de Me [C] visée dans ses conclusions (page 24) est une photo et non une facture. La pièce n°32 de M. [Z] identifiée en facture dans ses conclusions n’est pas produite. Par conséquent, il n’est pas possible pour le tribunal d’identifier l’auteur des travaux sur la structure et de vérifier la conformité de l’attestation d’assurance produite avec les travaux réalisés.

Sur les travaux de réfection de la devanture, M. [Z] ne rapporte pas la preuve des griefs qu’il porte contre la société André Kerk & Associés. Les travaux intérieurs ont été opérés avec l’installation d’une rampe PMR et de WC dédiés. La devanture a été rénovée. M. [Z] ne produit aucun élément probant établissant que des travaux de mise en sécurité auraient dû être mis en œuvre. Les éléments produits sont des correspondances de M. [Z] ou des photographies prises dans des conditions méconnues ce qui ne saurait constituer une preuve suffisante des manquements allégués.

Sur la modification du local en 2017, les griefs du preneur ne sont pas caractérisés de manière suffisamment probante quant à la durée de la présence de la banderole ni sur le principe de la condamnation de la sortie de secours dont il n’est pas établi par le bailleur qu’elle serait la seule issue et que la prétendue condamnation constituerait une violation des règles de sécurité.

En l’état des pièces versées, les griefs à l’encontre de la société André Kerk et Associés ne sont pas caractérisés de manière suffisamment probante, grave et/ou répétée de sorte que la demande de résiliation judiciaire sera rejetée.

b) les manquements reprochés à la société Zen Rock

Les « photos illustrant l’ampleur des travaux réalisés par la société Zen Rock au mépris du bail » versées par M. [Z] n’établissent pas les manquements allégués aux termes du contrat de bail. Les photographies ne constituent pas des éléments de preuve suffisants et ne sauraient avoir la force probante équivalente à un constat d’huissier ou une expertise judiciaire contradictoire qui n’a pas été demandée. M. [Z] est donc défaillant dans l’administration de la preuve de ces griefs.

M. [Z] ne rapporte pas la preuve de la nécessité pour la société Zen Rock de disposer des autorisations dont il reproche l’absence. Il reproche à la société Zen Rock d’avoir opéré des travaux sans son autorisation mais les travaux ne sont pas établis de manière probante ni dans leur existence, ni dans leur étendue de sorte que les manquements ne sont pas caractérisés.

Sur l’activité exercée, le bail commercial a été conclu pour l’activité de « restauration, traiteur et vente à emporter ». Les griefs afférents au changement de spécialisation pour exercer l’activité de bar et de salle de concerts n’apparaissent pas établis. L’activité de débit de boisson est accessoire à l’activité de restauration et relève de la responsabilité du preneur pour ce qui est de la conformité de son activité avec les autorisations administratives. Pour ce qui est des concerts, il n’est pas établi qu’il s’agirait d’une activité en tant que telle. En outre, les griefs de M. [Z] quant à la gêne occasionnée aux résidents, ils ne sont pas établis étant d’ailleurs souligné que ce dernier se plaint d’un préjudice personnel alors qu’il vit en Corée depuis 2021. Aucun élément probant ne vient confirmer les manquements allégués.

Pour ce qui est de l’installation d’un store sur la voie publique, M. [Z] n’est pas propriétaire de la voie publique ou des trottoirs et ne peut se substituer à la mairie de [Localité 6]. Le grief n’est donc pas un manquement contractuel. Quant à l’impact sur le mur pignon, M. [Z] ne produit pas de constat d’huissier ni de rapport d’expertise judiciaire contradictoire établissant les conséquences de l’installation et la nature des travaux d’entretien ou d’aménagement.

L’assurance de la société Zen Rock est conforme à l’activité exercée à savoir de la restauration, qu’elle soit rapide ou non dès lors qu’elle prévoit un espace d’accueil du public. M. [Z] ne rapporte pas la preuve du manquement allégué. Il sera débouté.

D’une manière générale, force est de constater que le preneur a maintenu en état les locaux loués afin de lui permettre de l’exploiter dans des conditions conformes au bail. Qu’il s’agisse des travaux intérieurs ou extérieurs, il n’est pas établi par le bailleur, demandeur à la présente instance, qu’ils contreviendraient au bail commercial, qu’ils auraient dû être validés par le bailleur.

Par conséquent, la demande de restitution de la franchise de loyer sera rejetée ainsi que la demande de production d’une attestation d’assurance de la société FCB.

M. [Z] sera également débouté de sa demande de résiliation judiciaire du bail ainsi que de sa demande d’expulsion, de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation et de sa demande de démontage du store.

3. Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire

3.1. Sur la demande de nullité du commandement délivré le 8 juillet 2020

La société Zen Rock ne fonde pas sa demande de nullité de l’acte du 8 juillet 2020 ni en droit ni en fait et n’expose que des moyens relatifs à la mauvaise foi du bailleur ce qui ne saurait constituer un motif de nullité du commandement du 8 juillet 2020.

Le moyen n’est pas fondé.

3.2. Sur la nullité de la clause résolutoire

L’article L. 145-41 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.

En l’espèce, la clause résolutoire invoquée par le bailleur dispose que « il est expressément stipulé que, à défaut de paiement par le preneur de tout ou partie d’un seul terme de loyer, de charge ou accessoire, impôt, taxes ou droits à son échéance ou en cas d’inexécution d’une des conditions essentielles du présent bail, et trente (30) jours calendaires après un simplement commandement de payer ou d’exécuter fait à personne ou au domicile élu contenant mention de la présente clause, resté sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, même dans le cas de paiement ou d’exécution postérieure à l’expiration du délai ci-dessus. »

La clause contractuelle prévoyant un délai de trente jours n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public prévues par la loi. La clause doit etre réputée non écrite.

Par suite, M. [Z] sera débouté de sa demande tendant à voir prononcer l’acquisition de la clause résolutoire, de sa demande d’expulsion des sociétés André Kerk et Zen Rock et de sa demande de condamnation à une indemnité d’occupation mensuelle, le bail étant toujours en vigueur.

4. Sur la demande de dommages intérêts d’un montant de 60.000 euros

La demande de M. [Z] n’est fondée ni en droit ni en fait. Elle est formulée à l’issue de l’exégèse des manquements contractuels portés par M. [Z] mais aucun élément probant ne vient corroborer l’existence d’une faute ni l’existence ou le quantum du préjudice allégué.

5. Sur la demande de la société André Kerk & Associés au titre du trouble anormal de jouissance

5.1. Sur la nullité du bail

Selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations.

Selon l’article 1131 du même code, dans sa version ancienne applicable au contrat, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

En l’espèce, le bail commercial prévoit en son préambule que le local mis en location était une boutique qu’il convenait de transformer en restaurant. Par ailleurs, l’article 2 désigne expressément les biens loués à savoir « une boutique en rez-de-chaussée, se composant d’une surface commerciale brut de décoffrage, d’une cave reliée par un escalier privatif. ». Le même article stipule que des travaux d’ampleur devaient être réalisés par le bailleur comme par le preneur à savoir le percement du mur de refend, la pose d’un conduit d’extraction, la pose d’un plafond coupe-feu 2h, l’installation d’une terrasse.

Il ressort de ces éléments que des travaux d’envergure devaient être réalisés au moment de l’entrée en jouissance. Le preneur a d’ailleurs bénéficié d’une franchise de loyer afin de procéder aux travaux mis à sa charge et destinés à lui permettre de mettre le local en état d’y exercer l’activité escomptée.

Faute de produire un état des lieux d’entrée, les conditions réelles de l’état du local au moment de la conclusion du contrat ne sont pas établies. La société André Kerk & Associés ne produit pas non plus d’éléments relatifs à l’impossibilité matérielle pour elle d’utiliser le local à raison du défaut de délivrance du local.

La société André Kerk & Associés se plaint de troubles liés à des travaux dans l’immeuble où se situe le restaurant, dans l’immeuble qui est contigu et sur la voie publique. Toutefois ces griefs ne sont pas de nature à priver de cause ou d’objet le contrat de bail commercial.

Par conséquent, la société André Kerk & Associés sera déboutée de sa demande de nullité du bail commercial, de sa demande de restitution des loyers et de remboursement des travaux.

5.2. Sur la réparation du trouble de jouissance causé par M. [Z]

Selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Selon l’article 1147 du code civil dans sa version ancienne applicable au contrat de bail, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, le bail commercial prévoit une clause de souffrance en ces termes : « le preneur supportera de la même manière les travaux qui seraient exécutés sur la voie publique ou dans les immeubles voisins, alors même qu’il en résulterait une gêne pour l’exploitation de ses activités sauf son recours contre l’Administrateur, l’entrepreneur des travaux et les propriétaires voisins s’il y a lieu ».

Il est établi que M. [Z] a fait réaliser des travaux importants au sein de l’immeuble où se situent les locaux loués ainsi qu’au sein de l’immeuble voisin. Ces travaux ont causé à la preneuse un préjudice important par les nuisances sonores et olfactives notamment. Ils ont amoindri la capacité de développement commercial de la société André Kerk & Associés dont l’attractivité du restaurait a été nécessairement réduite à raison des nuisances relevées. Il est établi que les travaux réalisés par M. [Z] ont privé la preneuse des avantages qu’elle tient du bail.

Les travaux litigieux n'avaient pas le caractère de réparations urgentes au sens de l'article 1724 du code civil mais ont consisté en une opération de restructuration lourde voulu par le bailleur sur plus de quatre années. La société locataire a subi des troubles dépassant la tolérance raisonnablement attendue dans de telles circonstances.

Il convient donc de procéder à une réfaction de 50% du montant du loyer en raison du trouble de jouissance établi pour la période de septembre 2015 à décembre 2017 puis de janvier 2019 à septembre 2019. Durant cette période de 36 mois, le loyer versé s’est élevé à 144.000 euros hors taxe. M. [Z] sera condamné à verser à la société André Kerk & Associés la somme de 72.000 euros hors taxe.

La réfaction du loyer permet de réparer le préjudice prévisible de la société André Kerk & Associés. Par conséquent, elle sera déboutée de sa demande de réparation du préjudice économique par une évaluation du gain manqué résultant de la perte de marge.

En revanche, il ressort de l’expertise de M. [T] que les travaux ont, par leur durée et par leur ampleur, dévalorisé le fonds de commerce de la société André Kerk & Associés. Il convient d’entériner le rapport d’expertise judiciaire sur ce point et de condamner M. [Z] à verser à la société André Kerk & Associés la somme de 20.000 euros.

6. Sur les demandes en paiement de la société Zen Rock

6.1. Pour inexécution de son obligation d’entretien

Selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

En l’espèce, l’article 2 du bail commercial prévoit que le preneur s’engage à réaliser un plafond coupe-feu ainsi que l’installation d’une terrasse. Cet article ne met pas expressément à la charge de la société Zen Rock, venant aux droits de la société André Kerk & Associés, la réfection de la façade en bois lors de l’entrée en jouissance. Par conséquent, la réfection et l’entretien étaient et sont restés à la charge du bailleur nonobstant les clauses 6.2 et 6.4 qui ne prévoient pas expressément la réfection des extérieures lors de l’entrée en jouissance mais seulement les réparations et réfection à opérer en cours de bail et dus à la vétusté ou à des injonctions administratives.

De surcroit, il est établi que la société Zen Rock a demandé au bailleur de procéder à la réfection en question et que ce dernier l’a refusé profitant d’imposer la création d’une terrasse couverte.

Le manquement de M. [Z] est ainsi caractérisé. Quant au préjudice, force est de constater que la société Zen Rock ne fonde pas sa demande en fait dans la partie de ses conclusions dédiée à cette prétention. Faute de fonder sa demande en fait, elle sera déboutée.

6.2. Pour exécution déloyale du bail

L’article 1134 du code civil dans sa version ancienne applicable en l’espèce prévoyait que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l’espèce, la société Zen Rock ne fonde pas sa demande en fait. Elle mentionne l’équité dans la prise en charge des frais de justice faisant ainsi référence aux frais irrépétibles. En application du texte précité, il n’est pas établi que M. [Z] serait de mauvaise foi. La société Zen Rock sera déboutée de sa demande.

7. Sur la demande de délivrance des quittances de loyer

L'article 11 de la loi 77-1457 du 29 décembre 1977 énonce que “tout locataire ou occupant de bonne foi peut exiger la remise d'une quittance ou d'un reçu à l'occasion d'un règlement effectué par lui”. En cas de paiement partiel, il appartient au bailleur de délivrer des quittances pour les termes effectivement réglés, en imputant les versements effectués à chaque échéance successive.

En l’espèce, la société Zen Rock produit un extrait de compte bancaire établissant le versement de la somme de 4.200 euros en juin 2020. Ce document ne permet pas de connaitre le destinataire des fonds. En outre, aucun autre élément ne vient établir la réalité des paiements opérées. Le tribunal ne dispose donc pas des éléments permettant d’enjoindre précisément à M. [Z] de délivrer les quittances qui sont dues en vertu de la loi.

Par conséquent, la demande de délivrance de quittances de loyer sous astreinte sera rejetée.

8. Sur les autres demandes

8.1. Sur les dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

M. [Z], partie qui succombe, sera condamné aux dépens.

8.2. Sur les frais irrépétibles

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, M. [Z], condamné aux dépens, sera condamné à payer à la société André Kerk & Associés la somme de 3.500 euros et à la société Zen Rock la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

8.3. Sur l’exécution provisoire

En vertu des articles 514 et suivants du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En l’espèce, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire sans qu’il soit nécessaire pour le tribunal de l’ordonner ou le rappeler.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort

Déboute M. [Z] de sa demande d’inopposabilité de la cession de fonds de commerce du 18 octobre 2019 entre la société André Kerk & Associés et la société Zen Rock ;

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription des manquements contractuels dénoncés par M. [Z] ;

Déboute M. [Z] de sa demande de résiliation judiciaire du bail commercial du 21 mai 2015 ainsi que par suite de sa demande d’expulsion et de sa demande de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation ;

Déboute M. [Z] de sa demande de restitution de la franchise ;

Déboute M. [Z] de sa demande de démontage du store ;

Dit que la clause résolutoire contenue au bail du 15 mai 2015 est réputée non écrite ;

Déboute M. [Z] de sa demande d’acquisition de clause résolutoire ainsi de sa demande d’expulsion des sociétés André Kerk & Associés et Zen Rock et de sa demande de condamnation à une indemnité d’occupation ;

Déboute M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts ;

Déboute la société André Kerk & Associés de sa demande de nullité du bail commercial, de sa demande de restitution des loyers et de remboursement des travaux ;

Condamne M. [Z] à verser à la société André Kerk & Associés la somme de 72.000 euros hors taxe ;

Déboute la société André Kerk & Associés de sa demande de réparation du préjudice économique par une évaluation du gain manqué résultant de la perte de marge ;

Condamne M. [Z] à verser à la société André Kerk & Associés la somme de 20.000 euros ;

Déboute la société Zen Rock de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’obligation d’entretien ;

Déboute la société Zen Rock de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale ;

Déboute la société Zen Rock de sa demande de délivrance de quittances de loyers ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

Condamne M. [Z] à verser à la société Zen Rock la somme de 3.500 euros et à la société André Kerk & Associés la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Fait au Palais de Justice, le 27 juin 2024

La minute de la présente décision a été signée par Madame Mechtilde CARLIER, Juge, assistée de Madame Zahra AIT, greffière, présente lors du prononcé.

LA GREFFIERE LA JUGE

Madame AIT Madame CARLIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 5/section 2
Numéro d'arrêt : 22/05351
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;22.05351 ?
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