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24/06/2024 | FRANCE | N°23/02446

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 3, 24 juin 2024, 23/02446


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 24 JUIN 2024


Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 23/02446 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XLJR
N° de MINUTE : 24/00432


S.A.S.U. JOAILLERIE DES SUDS
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0046, postulant et Me Frédéric FRANC, avocat au barreau d’AVIGNON, plaidant

DEMANDEUR

C/

S.A. VERSPIEREN, prise tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant en France de la Soc

iété HUBENER VERSICHERUNG
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Maître Karima TAOUIL de la SCP BOSQUE ET ASSOCIES, avocats au b...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 24 JUIN 2024

Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 23/02446 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XLJR
N° de MINUTE : 24/00432

S.A.S.U. JOAILLERIE DES SUDS
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0046, postulant et Me Frédéric FRANC, avocat au barreau d’AVIGNON, plaidant

DEMANDEUR

C/

S.A. VERSPIEREN, prise tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant en France de la Société HUBENER VERSICHERUNG
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Maître Karima TAOUIL de la SCP BOSQUE ET ASSOCIES, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 173, postulant et Maître Pascal FOURNIER de la SCP FOURNIER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, plaidant

COMPAGNIE HUBENER VERSICHERUNG, intervenant volontaire, société de droit allemand
Ballindam
[Adresse 4]
ALLEMAGNE
représentée par Maître Karima TAOUIL de la SCP BOSQUE ET ASSOCIES, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 173, postulant et Maître Pascal FOURNIER de la SCP FOURNIER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, plaidant

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DEROUAULT, juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 29 Avril 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 24 Juin 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par l’intermédiaire de la société Verspieren, courtier en assurances, la société Joaillerie des Suds a conclu un contrat d’assurances « Globale Fabricants Grossistes » avec la compagnie d’assurances Hübener Versicherung, suivant acte sous seing privé du 17 mars 2017.

M. [K], en qualité de dirigeant de la société Joaillerie des Suds, a été victime d’un vol d’une collection de bijoux le 19 février 2021 sur le parking d’un enseigne de grande distribution sis [Adresse 1]).

La société Joaillerie des Suds a déclaré le sinistre à son assureur, lequel a opposé un refus de garantie.

Par acte d'huissier en date du 17 février 2023, la société Joaillerie des Suds a assigné devant le tribunal judiciaire de Bobigny la société Verspieren aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2023, la société Joaillerie des Suds demande au tribunal de :
- condamner la société Hübener Versicherung à payer la somme de 126 201,40 euros, avec intérêts de droit à compter de la déclaration de sinistre ;
- à titre subsidiaire, condamner la société Verspieren à payer la somme de 126 201,40 euros, avec intérêts de droit à compter de la déclaration de sinistre ;
- condamner in solidum la société Hübener Versicherung et la société Verspieren à payer la somme de 25 000 euros au titre de la résistance abusive ;
- condamner in solidum la société Hübener Versicherung et la société Verspieren à payer la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 février 2024, la société Verspieren et la société Hübener Versicherung demandent au tribunal de :
- prononcer la mise hors de cause de la société Verspieren ;
- débouter la société Joaillerie des Suds de ses demandes ;
- à titre reconventionnel, condamner la société Joaillerie des Suds à payer la somme de 10 000 euros au titre de la procédure abusive ;
- condamner la société Joaillerie des Suds à payer la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2024.

L'affaire a été inscrite au rôle de l'audience du 29 avril 2024, où elle a été appelée.

Sur quoi elle a été mise en délibéré au 24 juin 2024 afin qu'y soit rendue la présente décision.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de préciser que la "mise hors de cause" ne correspond, sur le plan juridique, ni à une prétention ni à un moyen de défense, et que le tribunal ne dispose pas du pouvoir de sortir une partie d'une procédure en cours, si ce n'est pour constater l'existence d'une cause d'extinction de l'instance à son égard. Dans ces conditions, il ne sera pas statué sur la demande de mise hors de cause à proprement parler, mais seulement sur les moyens de défense qu'elle peut recéler.

I. Sur l’intervention volontaire de la société Hübener Versicherung

Aux termes de l'article 325 du code de procédure civile, l’intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

En l’espèce, il est acquis que l’intervention volontaire de la société Hübener Versicherung, contre qui est adressée la demande principale, présente un lien suffisant avec le litige.

Elle sera donc déclarée recevable.

II. Sur la mobilisation de la garantie

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, le contrat d’assurances prévoit que « les marchandises se trouvant dans un véhicule appartenant au porteur (en propre sous forme de location financière) laissé sans surveillance sont couvertes uniquement entre 7H et 22 H et aux conditions expresses et cumulatives que :
- toutes les portes, glaces, parebrises et autres ouvertures du véhicule soient closes, fermées à clef et convenablement verrouillées,
- et que le véhicule soit équipé d’un système d’alarme […]
- et à la condition expresse que les marchandises soient enfermées dans le coffre du véhicule sécurisé par une fermeture mécanique verrouillée, indépendante du verrouillage central du véhicule et que ledit coffre ne soit pas accessible depuis l’habitacle ou soit équipé d’un coffret métallique fixé au châssis du véhicule. »

Or, bien que la société demanderesse affirme dans ses écritures que le coffre du véhicule n’est pas accessible depuis l’habitacle et que le vol des bijoux qui y étaient entreposés n’a été rendu possible que par la dégradation de la plage arrière, il résulte – d’une part – du rapport d’expertise diligenté par l’assureur que l’expert a constaté que l’accès au coffre du véhicule pouvait se faire à partir de l’habitacle, et – d’autre part – du dépôt de plainte réalisé par le représentant de la société que ce dernier n’a pas fait mention des dégradations de la plage arrière, et s’est contenté d’indiquer que « j’ai découvert que ma voiture avait été fracturée. En effet la vitre arrière droit avait été brisée. En vérifiant à l’intérieur de mon véhicule, j’ai pu constater qu’il y manquait un sac contenant une collection de joaillerie ».

Dans ces conditions, il sera retenu que le coffre du véhicule était accessible depuis l’habitacle et que le vol a pu être réalisé de ce fait.

En conséquence, les conditions encadrant la mobilisation de la garantie ne sont pas réunies.

La société demanderesse sera déboutée de sa demande principale.

III. Sur le défaut de conseil de la société Verspieren

Il résulte de l’article L.521-1 du code des assurances que le courtier doit agir de manière honnête, impartiale et professionnelle et ce, au mieux des intérêts du souscripteur ou de l'adhérent.

Il incombe au courtier d’assurances une obligation d’information et de conseil à l’égard de son client.

En vertu de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, la société demanderesse reproche à la société Verspieren de ne pas avoir vérifié si le contrat était adapté aux besoins de l’assuré, ni si le véhicule de l’assuré présentait les caractéristiques nécessaires à la mise en œuvre de la garantie.

Cependant, ce moyen ne saurait prospérer dès lors que les conditions générales relatives à la garantie vol à l’extérieur des locaux de l’assuré ne souffrent d’aucune ambiguité ; que la société Joaillerie des Suds en a pris connaissance sans signaler de difficultés ; qu’il ne peut être reproché au courtier de ne pas s’être enquis du modèle de véhicule utilisé par une société professionnelle de la bijouterie dès lors que l’exercice normal de cette activité exclut en principe l’entrepôt de bijoux – dont la valeur est évaluée en l’espèce à plus de 120 000 euros – dans le coffre d’un véhicule de type Renault Twingo laissé sans surveillance.

En conséquence, aucune faute ne peut être reprochée à la société Verspieren.

La société Joaillerie des Suds sera déboutée de sa demande.

IV. Sur les demandes relatives au droit d’agir

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

A. Sur la résistance abusive

En l’espèce, dès lors que la société demanderesse a été déboutée de ses demandes, il convient de la débouter également de sa demande au titre de la résistance abusive.

B. Sur la procédure abusive

La société Verspieren et la société Hübener Versicherung sollicitent une indemnisation au titre d’un abus du droit d’agir, sans caractériser en quoi l’introduction du présent litige relève d’une attitude déloyale ou de mauvaise foi.
Elles seront déboutées de leur demande de ce chef.

V. Sur les mesures de fin de jugement

A. Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à charge de l'autre partie.

La société Joaillerie des Suds sera condamnées aux dépens.

B. Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

L’équité commande de débouter chacune des parties de sa demande au titre des frais irrépétibles.

C. Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il sera rappelé l’exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,

DECLARE recevable l’intervention volontaire de la société Hübener Versicherung ;

DEBOUTE la société Joaillerie des Suds de ses demandes ;

DEBOUTE la société Verspieren et la société Hübener Versicherung de leur demande au titre de la procédure abusive ;

CONDAMNE la société Joaillerie des Suds aux dépens ;

DEBOUTE chacune des parties de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l’exécution provisoire du jugement.

La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 3
Numéro d'arrêt : 23/02446
Date de la décision : 24/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-24;23.02446 ?
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