TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 24 JUIN 2024
Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 21/10354 - N° Portalis DB3S-W-B7F-VW4X
N° de MINUTE : 24/00427
S.A.S. TDS
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Ghizlane BOUKIOUDI de la SELARL CABINET LOCTIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E0283
DEMANDEUR
C/
S.A.R.L. INEADOMO
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Peter SCHMID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2066
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur François DEROUAULT, juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.
DÉBATS
Audience publique du 29 Avril 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 24 Juin 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant marché de construction dont le cahier des clauses administratives particulières a été signé le 16 juin 2017 et dont l’acte d’engagement a été signé le 27 juillet 2017, la société Ineadomo a confié à la société TDS la réalisation de la construction d’un immeuble et d’une maison sis [Adresse 2] (Seine-Saint-Denis) moyennant le prix de 1 716 045,38 euros TTC.
Le marché prévoyait un délai d’exécution de seize mois à compter de la notification de l’ordre de service de démarrage par le maître de l'ouvrage.
Les parties ne s’accordent pas sur la date de réception des travaux, ni sur le solde des comptes.
Par acte d'huissier en date du 23 avril 2020, la société Ineadomo a résilié unilatéralement le marché de travaux.
Par acte d'huissier en date du 26 octobre 2021, la société TDS a assigné devant le tribunal judiciaire de Bobigny la société Ineadomo aux fins d’indemnisation de son préjudice.
Par ordonnance du 5 décembre 2022, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer sollicitée par la société Ineadomo dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise concernant un autre chantier, à [Localité 6], étranger au périmètre du présent litige.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2023, la société TDS demande au tribunal de :
- débouter la société Ineadomo de ses demandes ;
- la condamner à payer la somme de 95 366,91 euros TTC au titre du solde des comptes ;
- la condamner à payer la somme de 2 388,06 euros au titre du préjudice financier ;
- la condamner à payer la somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral ;
- la condamner à payer la somme de 24 810,99 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2023, la société Ineadomo demande au tribunal de :
- écarter la pièce adverse n°6 des débats ;
- déclarer irrecevable la demande indemnitaire de la société TDS au titre du solde du marché ;
- débouter la société TDS de ses demandes ;
- à titre subsidiaire, fixer la réception des travaux judiciairement à la date du 31 décembre 2020 ;
- condamner la société TDS à payer la somme de 40 694,10 euros TTC au titre du préjudice matériel ;
- condamner la société TDS à payer la somme de 203 252 euros au titre des pénalités contractuelles ;
- en cas de compensation, condamner la société TDS à payer la somme de 158 377,80 euros ;
- assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2020, avec capitalisation des intérêts ;
- condamner la société TDS à payer la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;
- condamner la société TDS à payer la somme de 25 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
- très subsidiairement, ordonner une mesure d’expertise judiciaire aux fins d’examiner la réalité des réserves et des désordres invoqués.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2023.
L'affaire a été inscrite au rôle de l'audience du 29 avril 2024, où elle a été appelée.
Sur quoi elle a été mise en délibéré au 24 juin 2024 afin qu'y soit rendue la présente décision.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur la demande tendant à écarter la pièce n°6 produite par la société TDS et sur la demande tendant à déclarer irrecevable la demande de la société TDS au titre du solde de marché
La société Ineadomo fait valoir qu’en application des articles 6 et 9 du code de procédure civile, il appartient au demandeur de prouver les faits propres à fonder sa prétention ; qu’en application des articles L.441-9 du code de commerce, toute facture doit comporter des mentions obligatoires ; que les 1231 et 1344 du code civil érigent la mise en demeure précontentieuse comme une formalité obligatoire ; que l’article 19.6 de la Norme Afnor NFP 03-001 auquel renvoie le CCAP précise que « si le décompte général n’est pas notifié dans ce délai de [30 jours à dater de la réception du projet de décompte final] le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté le projet de décompte final remis au maître d’œuvre, après mise en demeure adressée par l’entrepreneur au maître de l'ouvrage et restée infructueuse pendant 15 jours » ; qu’en l’espèce, la seule produite par la société TDS au soutien de sa demande pécuniaire au titre du solde de marché est sa pièce n°6 consistant en un courriel du 19 mars 2023 auquel était joint un document intitulé « facture 20/0311 DGD » qui ne présente aucune des mentions obligatoires.
***
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il appartient au juge d’apprécier la force probante des pièces produites par les parties.
Est irrecevable en justice la preuve obtenue de façon déloyale.
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l’espèce, les moyens soutenus par la société Ineadomo sont inopérants à écarter la pièce adverse n°6 des débats dès lors qu’ils portent sur sa valeur probante et non sur son mode d’obtention.
De la même façon, à supposer établie la non-conformité de la facturation produite du fait de l’absence de mentions obligatoires, ou encore l’absence de mise en demeure préalable, celles-ci ne sauraient constituer des fins de non-recevoir mais se rapportent au bien-fondé de la demande adverse.
Par conséquent, la société Ineadomo sera déboutée de sa demande tendant à écarter la pièce n°6 produite par la société TDS et de sa demande tendant à déclarer irrecevable la demande de la société TDS au titre du solde du marché.
II. Sur les demandes indemnitaires des parties
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
1. Sur la réception des travaux
Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
En l’espèce, la société TDS produit un procès-verbal de réception des travaux avec réserves daté du 17 mars 2020, signé du maître de l'ouvrage, ainsi que de l’entrepreneur – avec cette particularité que ce dernier a signé le procès-verbal le 20 mars 2020, soit trois jours après le maître de l'ouvrage avec « remarques et observations » consistant notamment en des contestations de certaines réserves.
La société Ineadomo produit quant à elle un courriel du 31 mars 2020 auquel était joint le même procès-verbal de réception des travaux, annoté par elle en réponse aux remarques et observations qu’y avait apposées la société TDS.
Eu égard à la nature unilatérale de la réception des travaux, il convient de retenir que la réception des travaux a eu lieu le 17 mars 2020, peu important à cet égard que la société TDS ait signé le procès-verbal trois jours plus tard, que ce procès-verbal était en discussion entre les parties depuis 2019 ou encore que la société Ineadomo ait « annoté » ledit procès-verbal postérieurement au 17 mars 2020. Il convient de rappeler qu’en signant ce document le 17 mars 2020 – ce qui n’est pas au demeurant pas contesté – le maître de l'ouvrage a déclaré vouloir réceptionner l’ouvrage. Le fait que cette réception soit accompagnée de réserves, qui ont été contestées partiellement par l’entrepreneur et dont le périmètre a pu évoluer postérieurement à la signature de l’acte, n’implique pas de considérer que la réception des travaux soit intervenue à la date des annotations de la société Ineadomo le 31 mars 2020.
Partant, la réception des travaux est intervenue le 17 mars 2020.
2. Sur la résiliation du marché
Aux termes de l'article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.
Le tribunal observe que la résiliation du marché de travaux intervenue le 23 avril 2020 procède de la commission par le représentant de la société TDS de menaces et de chantage le 16 mars 2020 sur la personne de M. [X] et Mme [C] – gérants de la société Ineadomo – ayant entraîné un rappel à la loi par le procureur de la République en date du 10 août 2021.
Il sera retenu la société Ineadomo était bien fondée à procéder à la résiliation du marché de travaux aux torts exclusifs de la société TDS, laquelle a commis une faute dans l’exécution de sa prestation, et à lui empêcher l’accès aux lieux des chantiers.
3. Sur les effets de la réception des travaux et de la résiliation
En vertu de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
a) Sur le principe du paiement du solde
Il résulte de l’article 3.8.3 du CCAP que « dans le délai de 120 jour à dater de la réception ou de la résiliation, l’entrepreneur remet au maître d’œuvre le mémoire définitif des sommes qu’il estime lui être dues en application du marché. Les travaux y sont évalués aux conditions du marché ou des avenants. Si le mémoire définitif n’a pas été remis au maître d’œuvre dans le délai fixé ci-dessus, le maître de l'ouvrage peut, après mise en demeure restée sans effet, le faire établir par le maître d’œuvre aux frais de l’entrepreneur. L’entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter par écrit ses observations éventuelles au maître d’œuvre et pour en aviser simultanément le maître de l'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations. Le maître d’œuvre n’établira le décompte général définitif de l’entrepreneur qu’après remise :
- de l’ensemble des quitus de levée des réserves ;
- des DOE ;
- de l’ensemble des documents nécessaires au rapport final du bureau de contrôle ;
- d’une attestation justifiant que celui-ci est en règle d’une attestation d’assurance justifiant de l’existence d’une police en état de validité »
En l’espèce, il est constant – et justifié – que la société TDS a envoyé le 19 mars 2020, soit deux jours après la réception des travaux, un courriel auquel était joint un décompte final, à la société Ineadomo, mais aussi au maître d’œuvre en la personne de M. [X], placé en copie. La société Ineadomo ne peut reprocher à la société TDS d’avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne précisant pas à M. [X] – qui est aussi coreprésentant légal de la société Ineadomo en sus de sa qualité de maître d’œuvre – qu’elle s’adressait à lui spécifiquement en cette dernière qualité, alors même que la nature de la pièce transmise se rapporte sans aucun doute possible aux missions de maîtrise d’œuvre.
Si les dispositions contractuelles rappelées ci-dessus prévoient l’établissement d’un DGD par le maître d’œuvre, et non par l’entrepreneur de façon unilatérale, le tribunal observe qu’aucune des parties ne produit un décompte général définitif établi par le maître d’œuvre, et en l’état des pièces et des écritures, il apparaît que ce décompte général définitif n’a pas été réalisé, de telle sorte qu’il ne peut en être tenu rigueur à la société TDS.
De surcroît, la réception des travaux emporte pour le maître de l'ouvrage obligation de paiement du solde intégral des travaux à l’endroit de l’entrepreneur, sauf à ce que le premier justifie au second de moins-values.
L’examen du décompte opéré par la société TDS, ainsi que de la pièce n°14 de la société TDS (paiement partiel par la société Ineadomo à hauteur de 45 237,43 euros) et de la pièce n°26 produite par la société Ineadomo (paiement partiel à hauteur de 9 798,85 euros en lien avec la prestation contractuellement prévue de fourniture et de pose d’un carrelage au sol) révèle une créance de 85 568,06 euros de la société TDS à l’égard du maître de l'ouvrage.
En conséquence, la société Ineadomo sera condamnée à payer la somme de 85 568,06 euros à la société TDS.
b) Sur l’existence de réserves
La société Ineadomo sollicite le paiement de sommes engagées aux fins de lever des réserves.
La société TDS soutient que :
- la société Ineadomo est forclose en son action fondée sur l’article 1792-6 du code civil ;
- l’existence d’éventuelles réserves non levées n’a pas été établie contradictoirement ;
- les devis versés par la société Ineadomo ne peuvent être reliés à une défaillance de la société TDS dans la levée des réserves ;
- la société TDS n’a plus eu accès au chantier à compter de la résiliation du 23 avril 2020.
***
Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné. En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant. L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement. La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage. En cas de contestation, il incombe à l'entrepreneur de rapporter la preuve qu'il a accompli les travaux nécessaires à la levée des réserves, conformément à l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.
En l’espèce, le tribunal rappelle que les moyens relatifs à la forclusion s’analysent en une fin de non-recevoir, qui en vertu de l’article 789 du code de procédure civile, relève de la compétence du juge de la mise en état et non du présent tribunal.
A la date de la résiliation, il est acquis que la société Ineadomo était créancière à l’égard de la société TDS d’une obligation de lever certaines réserves dénoncées.
En effet, il résulte du procès-verbal de réception des travaux que celle-ci est intervenue avec réserves. Postérieurement à la réception des travaux, la société Ineadomo a dénoncé de nouvelles réserves à la société TDS le 13 octobre 2020, sans pour autant justifier de leur matérialité. En conséquence, seules seront retenues les réserves visées au procès-verbal de réception des travaux du 17 mars 2020. A cet égard, la demande subsidiaire de la société Ineadomo aux fins d’expertise relative aux réserves sera rejetée dès lors qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.
La société Ineadomo produit plusieurs factures et justifie du lien de chacun d’entre elles avec la levée des réserves :
- facture Elysée Bat à hauteur de 10 200 euros TTC en lien avec les réserves n°1, 2, 5, 15, 18 et 24 ;
- facture Goplast à hauteur de 669,10 euros TTC en lien avec les mêmes réserves ;
- facture Rey-couverture à hauteur de 500 euros TTC en lien avec la réserve n°24 ;
- devis Mallube à hauteur de 12 540 euros TTC en lien avec les réserves n°20, 21, 22, 25 ;
- devis ST2E à hauteur de 408 euros TTC en lien avec la réserve n°4 ;
- devis AP Design à hauteur de 1 800 euros TTC en lien avec la réserve n°6 ;
- devis Zepp à hauteur de 8 980 euros TTC en lien avec la réserve n°14.
Le montant total correspondant à la levée des réserves incombant ainsi à la société TDS est de 35 097,10 euros TTC.
La société TDS sera condamnée à payer à la société Ineadomo la somme de 35 097,10 euros TTC.
En application de l’article 1231-7 du code civil, cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.
Il sera ordonné la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil.
c) Sur les préjudices financier et moral de la société TDS
La société TDS soutient avoir subi un préjudice financier du fait d’une saisie conservatoire ordonnée par le juge de l’exécution le 4 février 2022, sans démontrer en quoi ladite saisie l’a privée de la possibilité de réaliser une opération économique fructueuse, et sans en démontrer le quantum. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
La société TDS soutient avoir subi un préjudice moral sans démontrer en quoi son image ou sa réputation aurait été écornée. Il sera rappelé que le préjudice moral doit être personnel, en conséquence de quoi le préjudice moral subi par ses représentants (personnes physiques) est insusceptible d’indemnisation. La société TDS sera déboutée de sa demande de ce chef.
d) Sur les pénalités de retard alléguées par la société Ineadomo contre la société TDS
En l’espèce, l’article 3 de l’acte d’engagement du marché prévoit que « le délai d’exécution pour l’ensemble des travaux est de seize mois à compter de l’ordre de service qui permettra à l’entrepreneur de commencer ».
Le CCAP précise quant à lui que « le délai d’exécution part de l’ordre de service n°1 adressé à l’entreprise ».
Or, le tribunal observe que la société Ineadomo produit un ordre de service du 16 juin 2017 qui porte la mention « remis en main propre » sans pour autant être signé de la société TDS.
Dans ces conditions, s’il est acquis que la société Ineadomo a nécessairement reçu ordre de service – sans quoi elle n’aurait pas pu entamer le chantier –, il y a lieu de considérer pour autant qu’en ne produisant pas la preuve de la notification du point de départ du délai d’exécution à la société TDS, elle échoue à démontrer le retard qu’elle impute à son cocontractant.
En conséquence, la société Ineadomo sera déboutée de sa demande au titre des pénalités de retard.
e) Sur le préjudice moral de la société Ineadomo
En l’espèce, la société Ineadomo se prévaut d’un préjudice moral consécutif aux agissements de nature pénale des représentants de la société TDS.
Cependant, le tribunal entend rappeler le caractère personnel du préjudice et la distinction entre personne physique et personne morale, de telle sorte que si les représentants de la société Ineadomo ont pu subir un préjudice moral, il n’en est pas de même pour la société Ineadomo elle-même, à l’égard de laquelle le préjudice moral n’est pas démontré en l’absence de conséquence sur son image ou sa réputation.
La société Ineadomo sera déboutée de sa demande au titre du préjudice moral.
f) Sur la compensation des créances
Aux termes de l'article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
Aux termes de l'article 1347-1 du code civil, sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. Sont fongibles les obligations de somme d'argent, même en différentes devises, pourvu qu'elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre.
En l’espèce, il apparaît que la société TDS et la société Ineadomo détiennent des créances réciproques qui répondent aux critères de l’article 1347-1.
Partant, il sera ordonné la compensation des créances.
III. Sur les mesures de fin de jugement
A. Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à charge de l'autre partie.
La société TDS sera condamnée aux dépens.
B. Sur les frais irrépétibles
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Chacune des parties sera déboutée de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
C. Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Il sera rappelé l’exécution provisoire du jugement.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,
DEBOUTE la société Ineadomo de sa demande tendant à écarter la pièce n°6 produite par la société TDS ;
DEBOUTE la société Ineadomo de sa demande tendant à déclarer irrecevable la demande de la société TDS au titre du solde du marché ;
DEBOUTE la société Ineadomo de sa demande subsidiaire de fixation judiciaire d’une date de réception des travaux ;
CONDAMNE la société Ineadomo à payer à la société TDS la somme de 85 568,96 euros TTC au titre du solde de marché ;
CONDAMNE la société TDS à payer à la société Ineadomo la somme de 35 097,10 euros TTC au titre des réserves non levées, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement et capitalisation des intérêts ;
ORDONNE la compensation des créances ;
DEBOUTE la société TDS de ses autres demandes indemnitaires ;
DEBOUTE la société Ineadomo de ses autres demandes indemnitaires ;
CONDAMNE la société TDS aux dépens ;
DEBOUTE chacune des parties de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE l’exécution provisoire.
La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT