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17/06/2024 | FRANCE | N°23/09857

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 5, 17 juin 2024, 23/09857


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 17 JUIN 2024


Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 23/09857 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YFXV
N° de MINUTE : 24/00382



Madame [B] [U] [J]
née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 6] (MARTINIQUE)
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Blandine ARENTS, avocat au barreau de MEAUX, membre de la SCP Inter-Barreaux ARENTS-TRENNEC

Monsieur [S] [Z], [K] [P]
né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Blandine

ARENTS, avocat au barreau de MEAUX, membre de la SCP Inter-Barreaux ARENTS-TRENNEC


DEMANDEURS

C/

Monsieur [X] [M]
[Adresse 2]
[Lo...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 17 JUIN 2024

Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 23/09857 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YFXV
N° de MINUTE : 24/00382

Madame [B] [U] [J]
née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 6] (MARTINIQUE)
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Blandine ARENTS, avocat au barreau de MEAUX, membre de la SCP Inter-Barreaux ARENTS-TRENNEC

Monsieur [S] [Z], [K] [P]
né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Blandine ARENTS, avocat au barreau de MEAUX, membre de la SCP Inter-Barreaux ARENTS-TRENNEC

DEMANDEURS

C/

Monsieur [X] [M]
[Adresse 2]
[Localité 5]
non comparant

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur David BRACQ-ARBUS, statuant en qualité de Juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

DÉBATS

Audience publique du 22 Avril 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 17 juin 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par Monsieur David BRACQ-ARBUS, assisté de Madame Reine TCHICAYA, greffier.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [J] et M. [P] sont propriétaires d’un bien immobilier sis [Adresse 1].

M. [M] est propriétaire de la parcelle voisine, sise [Adresse 2].

Par courrier du 3 août 2021, la mairie d’[Localité 5] a demandé à M. [M] de tailler ou élaguer la végétation « luxuriante » qui dépasse de sa propriété et d’évacuer les « objets hétéroclites, les déchets putrescibles et organiques » de la parcelle.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 février 2022 (pièce n° 7), le conseil de Mme [J] et M. [P] a mis en demeure M. [M] d’avoir à nettoyer le lierre proliférant sur sa parcelle.

Par arrêté du 30 juin 2022, le préfet de la Seine-Sait a mis en demeure M. [M] d’avoir à débarrasser l’ensemble les déchets et encombrants, désinsectiser, dératiser, nettoyer, désinfecter sa parcelle, et élaguer la végétation.

C’est dans ces conditions que Mme [J] et M. [P] ont, par acte d’huissier du 17 octobre 2023, fait assigner M. [M] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l’indemnisation de leur préjudice.

Avisé à étude, M. [M] n'a pas constitué avocat.

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Le présent jugement, susceptible d’appel, sera réputé contradictoire, conformément aux dispositions des articles 473 (en cas de défendeur unique) et 474 (en cas d’une pluralité de défendeurs dont un au moins ne comparaît pas) du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 novembre 22023 par ordonnance du même jour, et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 22 avril 2024.

Le jugement a été mis en délibéré au 17 juin 2024, date de la présente décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leur assignation introductive d’instance, Mme [J] et M. [P] demandent au tribunal judiciaire de Bobigny, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de condamner M. [M] à :

- supprimer son lierre ;
- supprimer la palissade sur le mur de M. [P] et Mme [J] ;
- supprimer la porte en fer qui se trouve sur la propriété de M. [P] et Mme [J], sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;
- leur payer la somme de 20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour troubles anormaux de voisinage ;
- leur payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par la ou les parties ayant conclu, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le fond des demandes principales

Sur le lierre

Est responsable de plein droit, en application du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, celui qui est l'auteur d'un trouble excédant les inconvénients qu'il est habituel de supporter entre voisins, qu'il soit propriétaire occupant ou non, occupant non propriétaire avec ou sans titre, ou encore voisin occasionnel, tel l’entrepreneur qui réalise des travaux, sans possibilité, pour ledit voisin, de s'exonérer en tout ou partie de sa responsabilité à l'égard de son voisin en invoquant le fait d'un tiers, sauf à ce qu'il présente les caractères de la force majeure.

Par ailleurs, l’article 673 du code civil dispose que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper.

En application des articles L. 131-1 et L. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision. L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.

L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.

En l’espèce, il est établi par la combinaison du procès-verbal de constat d’huissier du 7 janvier 2022, des photographies produites et des multiples injonctions des autorités administratives que la végétation du fonds de M. [M] avance sur celui des demandeurs et qu’un arbre enserre le câble électrique.

Compte-tenu du débordement sur leur fonds et des pannes induites par le fait que la végétation touche l’alimentation électrique/internet, M. [P] et Mme [J] subissent un trouble anormal du voisinage.

En cet état, M. [M] sera condamné à supprimer son lierre et ce sous astreinte tel qu’il sera dit au dispositif.

Sur la porte en fer

Les demandeurs n’apportent aucun élément objectif permettant d’établir que la porte en fer soit source d’un trouble anormal du voisinage, étant observé qu’un éventuel empiètement sur leur fonds, qui relève des dispositions de l’article 545 du code civil, n’est pas davantage démontré (absence d’indication précise quant à la localisation de la porte).

La demande sera ainsi rejetée.

Sur la palissade

Selon l’article 658 du code de procédure civile, tout copropriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen ; mais il doit payer seul la dépense de l'exhaussement et les réparations d'entretien au-dessus de la hauteur de la clôture commune ; il doit en outre payer seul les frais d'entretien de la partie commune du mur dus à l'exhaussement et rembourser au propriétaire voisin toutes les dépenses rendues nécessaires à ce dernier par l'exhaussement.

S’agissant de la palissade, le tribunal relève :
- que, dans l’hypothèse où le mur serait leur propriété, ce qui n’est ni argué ni démontré, l’édification de la palissade s’analyserait en un empiètement relevant des dispositions de l’article 545 du code civil, non soulevées en l’espèce, le tribunal n’étant pas tenu de relever d’office un moyen de droit, conformément aux dispositions de l’article 12 du code de procédure civile ;
- que, dans l’hypothèse où le mur serait mitoyen, le propriétaire d'un tel mur peut décider de le surélever à la condition de respecter des règles de hauteur – aucun élément n’est ici rapporté sur ce point - et de ne pas nuire au voisin ;
- à ce dernier égard, que les demandeurs n’allèguent ni ne démontrent aucun trouble anormal résultant de son édification (préjudice esthétique, perte de vue, d’ensoleillement…), critère essentiel de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

La demande sera ainsi rejetée.

Sur la demande indemnitaire

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le fait, pour M. [M], de ne pas avoir élagué sa végétation en dépit des multiples demandes et injonctions qui lui ont été faites constitue une faute exposant sa responsabilité à l’égard de Mme [J] et M. [P].

Ces derniers ont ainsi subi un préjudice de jouissance, constitué par les pannes électriques qui ne sont au demeurant pas étayées dans leur ampleur, qui sera justement réparé par l’allocation d’une indemnité de 1 500 euros.

M. [M] sera condamné à payer à Mme [J] et M. [P] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de M. [M], succombant à l’instance.

Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).

Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, M. [M], condamné aux dépens, sera condamné à payer à Mme [J] et M. [P] une somme qu’il est équitable de fixer à 3 000 euros.

Sur l’exécution provisoire

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE M. [M] à supprimer le lierre de sa propriété sous astreinte de dix (10) euros par jour de retard à compter d’un délai de vingt (20) jours débutant à partir de la signification de la présente décision ;

DIT que cette astreinte provisoire courra pendant un délai maximum de sept (7) mois, à charge pour Mme [J] et M. [P], à défaut d'exécution à l’expiration de ce délai, de solliciter du juge de l’exécution la liquidation de l’astreinte provisoire et le prononcé de l’astreinte définitive ;

DEBOUTE Mme [J] et M. [P] de leurs demandes de démolition de la porte de fer et de la palissade ;

CONDAMNE M. [M] à payer à Mme [J] et M. [P] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

MET les dépens à la charge de M. [M] ;

CONDAMNE M. [M] à payer à Mme [J] et M. [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.

La minute a été signée par Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 5
Numéro d'arrêt : 23/09857
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;23.09857 ?
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