TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
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Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/00357 - N° Portalis DB3S-W-B7I-Y42G
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 14 JUIN 2024
MINUTE N° 24/01654
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Nous, Madame Anne BELIN, Première Vice-Présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Madame Fatma BELLAHOYEID, Greffière,
Après avoir entendu les parties à notre audience du 06 Mai 2024 avons mis l'affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l'article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :
ENTRE :
LA SOCIETE SCIA 12B. [Adresse 1], dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Gilles DE BIASI de la SELEURL HERMEXIS AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D0951
ET :
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 3] , pris en la personne de son Syndic, HELLO SYNDIC, ayant son siège au [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, défendeur
représentée par Me Stéphane LAGET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0325
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EXPOSE DU LITIGE
Le 13 juillet 2018, la SCIA 12 B [Adresse 1] a acquis les lots n°51 et 101, au sein d'un ensemble immobilier situé à [Adresse 1].
Arguant de ce que le mur séparatif d'avec l'immeuble situé [Adresse 3] présentait de l'humidité, la SCIA 12 B [Adresse 1] a sollicité en référé la désignation d'un expert.
L'expert a déposé son rapport au mois de mars 2023.
Par acte du 14 février 2024, et autorisée en cela par ordonnance du 16 février 2024, la SCIA 12 B [Adresse 1] a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 3] devant le président de ce tribunal aux fins :
-que les entrepreneurs qu'elle diligentera puissent être autorisés provisoirement à passer par le [Adresse 3] et à installer un échafaudage le long du mur litigieux pour la durée des travaux de reprise, soit 6 mois ;
-que le syndicat des copropriétaires soit condamné à lui verser une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, outre la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre à sa charge les entiers dépens.
L'affaire a été appelée à l'audience du 22 mars 2024.
A titre liminaire, le syndicat des copropriétaires a sollicité du juge des référés qu'il :
-juge nulle l'assignation délivrée à son encontre par la SCIA 12 B [Adresse 1] en ce qu'il n'y est pas précisé le fondement de la demande;
-renvoie la SCIA 12 B [Adresse 1] à mieux se pourvoir en raison d'une litispendance et à tout le moins d'une connexité avec l'instance au fond introduite en 2023 devant le tribunal judiciaire de Paris, en ouverture de rapport, procédure qui est encore en cours ;
-subsidiairement, rejette comme irrecevables les demandes de la SCIA 12 B [Adresse 1] au motif que le litige principal portant sur un trouble anormal de voisinage, la demanderesse devait impérativement faire précéder sa demande en justice d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative.
En réplique, la SCIA 12 B [Adresse 1] a fait valoir que ses demandes sont recevables dès lors que :
-l'acte introductif d'instance est parfaitement fondé en fait comme en droit ; qu'en tout état de cause, en l'absence de toute précision sur le fondement de la demande, il appartient au juge d'examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit applicables ; et que le syndicat des copropriétaires ne justifie d'aucun grief ;
-la présente procédure est indépendante de celle actuellement pendante devant le tribunal judicaire de Paris ;
-l'obligation de conciliation préalable ne concerne que les demandes en paiement inférieures à 5.000 euros ou les actions mentionnées aux articles R 211-3-4 et R 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire, et qu'en conséquence la demande d'accès temporaire n'est pas concernée ; et qu'à supposer qu'elle soit concernée, il est justifié d'une urgence manifeste.
Sur le fond, la SCIA 12 B [Adresse 1] a sollicité du juge des référés qu'il :
-déboute le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes ;
-autorise provisoirement les entrepreneurs qu'elle diligentera à passer par le [Adresse 3] et à installer un échafaudage le long du mur litigieux pour la durée des travaux de reprise, soit 6 mois à compter du début des travaux ;
-condamne le syndicat des copropriétaires à lui verser une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, outre la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre à sa charge les entiers dépens.
Sur le fond, le syndicat des copropriétaires a demandé au juge des référés de:
-débouter la SCIA 12 B [Adresse 1] de toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre ;
-la condamner à lui régler la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner la SCIA 12 B [Adresse 1] aux entiers dépens qui seront recouvrés directement par Maître Stéphane LAGET conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
A titre plus subsidiaire, il a demandé de fixer les conditions suivantes à l'éventuelle intervention au titre d'une servitude de tour d'échelle :
Réalisation d'un état des lieux préalable aux travaux, en présence de l'ensemble des parties ; Définition du mode de protection des sols, végétaux et surfaces fragiles - comme les conduites de gaz - par l'entreprise ; un descriptif précis des travaux accompagné du marché de l'entreprise sera joint au protocole ;Date et heure de début prévisionnel des travaux : A FIXER ;Date et heure de fin prévisionnelle des travaux : A FIXER. En cas de dépassement pour quelque raison que ce soit du délai normalement nécessaire pour achever les travaux une pénalité forfaitaire de 500 euros par jour calendaire sera versée par la SCIA 12 B [Adresse 1] jusqu'à ce qu'elle ait pu faire constater la remise en état des lieux dans leur état d'origine ; Jour(s) et horaire(s) de présence des ouvriers sur les lieux du chantier : Les ouvriers pourront être présents le … A FIXERLeur accès ne sera autorisé que de 9h00 à 17h00 uniquement en semaine et ni les jours fériés ni les week-endsL'accès des ouvriers et du matériel de chantier s'effectuera via le [Adresse 1] avec l'aide d'une télécommande qui sera restituée au plus tard le dernier jour des travaux. Sa perte donnera lieu à facturation ;Les travaux ne devront pas être de nature à empêcher ou entraver de quelque manière que ce soit l'entrée et la sortie du garage. Sur ce point la largeur du passage au plus étroit n'est que de 2,55 m au plus étroit soit déjà moins que ce que prévoit la norme NF P91-120 dans son article 5.1.2. à savoir 2,80 m en sens unique ; L'échafaudage sera mis en place en tenant compte des conditions de circulation du site (passage en encorbellement ou passage laissé libre selon contraintes du site) ;
En cas de gêne manifeste (limitation, voire privation d'accès à la copropriété et à son garage), la SCIA 12 B [Adresse 1] s'engage à verser une juste indemnité à la copropriété du [Adresse 1] sous 24h de 100 euros par jour ;Les prestataires mandatés par la SCIA 12 B [Adresse 1] devront se stationner en dehors de la copropriété du [Adresse 1] ;En cas de dégradation, démolition, salissures, la SCIA 12 B [Adresse 1] et son prestataire mandaté s'engagent à remettre en l'état, à l'identique et sans délai la copropriété du [Adresse 1] à leurs frais avancés. Une consignation à hauteur de 10.000 euros sera effectuée sur un compte séquestre afin d'assureur la garantie à première demande. Il en sera justifié avant tout démarrage des travaux. En outre la SCIA 12 B [Adresse 1] aura fait réaliser un constat avant travaux dont copie sera fournie au syndicat des copropriétaires au plus tard le jour du démarrage du chantier ;Définition des modalités d'évacuation des déchets/gravats car il n'est pas question de les entreposer au niveau de la voie d'accès au parking du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] qui devra durant toute la durée des travaux pouvoir y accéder normalement (enlèvement quotidien à prévoir) ;Communication des pièces : kbis et copie de la police d'assurance responsabilité civile professionnelle garantissant les dommages aux existants et aux avoisinants (avec un plafond par sinistre d'au moins 300.000 euros) de l'entreprise en cours de validité. La souscription d'une assurance tous risques chantier couvrant tous les dommages pouvant être occasionnés durant le chantier avec renonciation à tout recours contre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] apparait nécessaire.
Il a également sollicité qu'il soit rejeté :
-toute demande de dommages-intérêts lesquels ne sont pas justifiés ni dans leur principe, - une solution amiable ayant été rejetée par la requérante au motif qu'elle voulait que tout soit gratuit -, ni dans leur quantum ;
-toute demande au titre des frais irrépétibles, une solution amiable ayant été rejetée par la requérante au motif qu'elle voulait que tout soit gratuit.
Par ordonnance du 29 mars 2024, le juge des référés a d'abord rejeté les exceptions de procédures et déclaré recevables les demandes de la SCIA 12 B [Adresse 1].
Il a ensuite ordonné la réouverture des débats afin que la SCIA 12 B [Adresse 1] communique des éléments de réponse aux questions suivantes :
-Quelles seront les conditions d'installation de l'échafaudage (localisation précise, emprise au sol, durée d'installation et d'enlèvement) ?
-A quel moment les salariés de l'entreprise de travaux devront-ils avoir accès à la propriété du syndicat des copropriétaires en dehors de l'installation et de l'enlèvement de l'échafaudage ? à quelles périodes et pour la réalisation de quels travaux ? par quels moyens y accéderont-ils ? Existe-t-il la possibilité d'accéder à l'échafaudage par la propriété de la SCIA 12 [Adresse 1] ?
-En fonction des travaux à réaliser côté propriété du syndicat des copropriétaires, quelles seront les protections utilisées pour maintenir en l'état sa propriété ?
-Y sera-t-il entreposé autre chose que l'échafaudage ?
outre toute précision technique utile sur le déroulé des travaux ;
et a réservé dans cette attente les demandes des parties.
A l'audience du 6 mai 2024, la SCIA 12 B [Adresse 1] a maintenu sa demande de tour d'échelle, avec les précisions apportées dans ses écritures. Elle actualise à la somme de 20.000 euros la demande formée à titre de dommages et intérêts provisionnels, et à 5.000 euros la demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure.
En réplique, le syndicat des copropriétaires a exprimé son désaccord sur la décision de rejet des exceptions de procédure par le juge des référés, et a demandé le débouté de la demande principale de la SCIA 12 B [Adresse 1]. Il explique en outre qu'il n'est pas démontré la nécessité de pénétrer sur sa propriété pour faire réaliser les travaux prévus par la demanderesse. Il actualise à 5.000 euros sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, il précise des modalités de mise en œuvre de la servitude de tour d'échelle.
Conformément à l'article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé des moyens formés par les parties à l'appui de leurs prétentions, il est renvoyé à l'assignation introductive d'instance et aux écritures déposées et développées oralement à l'audience.
MOTIFS
Sur la procédure
Il est rappelé que dans l'ordonnance du 29 mars 2024, le juge des référés a rejeté les exceptions de procédure et déclaré recevables les demandes de la SCIA 12 B [Adresse 1].
Sur la demande de tour d'échelle
En application de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Et l'article 835 du même code prévoit que le président du tribunal judiciaire, dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Enfin, l'article 637 du code civil dispose qu'" une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire " et l'article 639 précise que la servitude " dérive ou de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les propriétaires ".
En particulier, constitue une servitude dérivant de la situation naturelle des lieux la servitude dite " du tour d'échelle " qui permet un passage temporaire sur une propriété voisine pour la réalisation de travaux nécessaires à la réparation ou à la finition d'un ouvrage, qui ne pourraient être réalisés par un autre moyen.
Ce sont les seules conditions dont la demanderesse doit démontrer qu'elles sont remplies.
En l'espèce, il est établi que :
-la SCIA 12 B [Adresse 1] doit faire réaliser le ravalement du mur séparatif d'avec l'immeuble situé [Adresse 3] ;
-compte tenu de la nature des travaux, il n'existe aucun autre accès à ce mur que par la propriété du syndicat des copropriétaires ;
-l'utilisation d'un échafaudage pour la réalisation de ces travaux est la solution la plus adaptée.
Dans ces circonstances, le refus du syndicat des copropriétaires de laisser l'accès à sa propriété caractérise un trouble manifestement illicite, justifiant de prescrire un droit de passage temporaire.
Dès lors, il sera fait droit à la demande, dans les conditions précisées par la convention de tour d'échelle proposée par la société demanderesse, et selon les modalités de la note technique pour l'installation de l'échafaudage établie par la société Troispar3conseils, sous réserve des précisions apportées au dispositif, et sous astreinte provisoire, dont le juge des référés ne se réserve pas la liquidation.
Sur la demande de provision
Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge peut, en référé, accorder une provision au créancier.
Et l'article 1240 du code civil précise que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Au cas présent, par sa résistance, le syndicat des copropriétaires a causé un préjudice à la demanderesse, laquelle a dû reporter à plusieurs reprises son projet, alors qu'elle avait pris le soin de proposer des conditions d'intervention appropriées.
En réparation, il sera condamné à lui verser la somme provisionnelle de 2.000 euros.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante, le syndicat des copropriétaires sera condamné au paiement des dépens.
Enfin, il est inéquitable de laisser à la SCIA 12 B [Adresse 1] la charge de ses frais irrépétibles, de sorte que le syndicat des copropriétaires sera condamné à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort ;
Rappelons que dans l'ordonnance du 29 mars 2024, le juge des référés a rejeté les exceptions de procédure et déclaré recevables les demandes de la SCIA 12 B [Adresse 1] ;
Autorisons la SCIA 12 B [Adresse 1] à accéder à la parcelle appartenant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 3], pour y installer un échafaudage et réaliser des travaux sur le mur séparatif, et ce pour une durée de 6 mois à compter du premier jour d'installation de l'échafaudage, dans les conditions précisées par la convention de tour d'échelle proposée par la société demanderesse et produite aux débats (pièce 26 de la demanderesse), et selon les modalités de la note technique pour l'installation de l'échafaudage établie par la société Troispar3conseils (pièce 25 de la demanderesse) ;
Disons que la SCIA 12 B [Adresse 1] préviendra par tout moyen le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 3] de la date de début des travaux, au mois 8 jours ouvrés avant le début de ceux-ci ;
Disons que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 3] devra laisser l'accès à sa propriété à cette fin, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de cette date, et pendant deux mois ;
Condamnons le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 3] à verser à la SCIA 12 B [Adresse 1] la somme provisionnelle de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Rejetons toutes les autres demandes ;
Condamnons le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 3] aux dépens ;
Condamnons le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Adresse 3] à payer à la SCIA 12 B [Adresse 1] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rappelons que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.
AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 14 JUIN 2024.
LA GREFFIÈRE
Fatma BELLAHOYEID
LA PRÉSIDENTE
Anne BELIN