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13/06/2024 | FRANCE | N°21/12699

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 5/section 2, 13 juin 2024, 21/12699


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 13 JUIN 2024


Chambre 5/Section 2
AFFAIRE: N° RG 21/12699 - N° Portalis DB3S-W-B7F-V4KJ
N° de MINUTE : 24/00850


DEMANDEUR

Etablissement public OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE L’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE
EPIC enregistré au RCS de Bobigny sous le n° 482741071,
Dont le siège social est situé [Adresse 2],
[Localité 3],
Représenté par son représentant légal en exercice
Domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 2]
[Localité 3]r>représentée par Maître Emmanuel SOURDON de la SELEURL SOURDON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0290

C/

DEFENDEUR...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 13 JUIN 2024

Chambre 5/Section 2
AFFAIRE: N° RG 21/12699 - N° Portalis DB3S-W-B7F-V4KJ
N° de MINUTE : 24/00850

DEMANDEUR

Etablissement public OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE L’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE
EPIC enregistré au RCS de Bobigny sous le n° 482741071,
Dont le siège social est situé [Adresse 2],
[Localité 3],
Représenté par son représentant légal en exercice
Domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Emmanuel SOURDON de la SELEURL SOURDON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0290

C/

DEFENDEUR

S.A.R.L. RICH’ART
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Karine KANOVITCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1438

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Mechtilde CARLIER, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Khedidja SEGHIR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 28 Mars 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Mechtilde CARLIER, assistée de Madame Khedidja SEGHIR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 1er avril 2009, l’Office Public d’Habitation Plaine Commune Habitat (l’OPH) a donné à bail commercial à la société Rich’Art un local sis [Adresse 1], à [Localité 3] d’une surface de 140 m² pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 2009 et jusqu’au 31 mars 2018, moyennant un loyer annuel de 16.800 euros HT et HC pour y exercer l’activité de « vente de linge de maison, décoration ».

Aux termes d’un avenant du 1er octobre 2013, l’OPH et la société Rich’Art sont convenus de porter le montant du loyer à 17.274,28 euros à compter du 1er octobre 2013.

Courant 2015 et 2016 plusieurs sinistres ont été déclarés par la société Rich’Art et pris en charge par l’assureur de cette dernière.

Le bail a été renouvelé à son échéance à compter du 1er avril 2018.

Par ordonnance du 25 juin 2018, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a dit n’y avoir lieu a référé sur la demande d’acquisition de clause résolutoire formée par l’OPH et a condamné la société Rich’Art au paiement de la somme de 18.531,93 euros au titre des loyers et charges impayés du 1er trimestre 2017 au 2ème trimestre 2018 avec faculté de payer en 12 échéances mensuelles.

Le preneur indique avoir subi de nouveaux dégâts des eaux en avril, mai et août 2021 ayant tous leur origine dans les parties communes.

Par exploit du 8 novembre 2021, l’OPH a fait signifier à la société Rich’Art un commandement de payer la somme de 39.518,41 euros au titre des loyers et charges impayés et visant la clause résolutoire.

Par exploit du 13 décembre 2021, la société Rich’Art a fait assigner l’OPH devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de voir constater l’existence d’une contestation sérieuse quant à la créance alléguée par l’OPH.

Par exploit du 21 décembre 2021, l’OPH a assigné la société Rich’Art devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et de voir condamner la société Rich’Art au paiement de 91.230,07 euros au titre des loyers et charges impayés.

Les deux affaires ont été jointes.

Par exploit du 2 juin 2023, l’OPH faisait signifier un nouveau commandement de payer la somme de 121.486,97 euros hors frais et visant la clause résolutoire.

Par ordonnance du 7 septembre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la demande d’expertise judiciaire formée par la société Rich’Art.

Aux termes de ses conclusions régularisées par voie électronique le 20 octobre 2023, l’OPH demande au tribunal, au visa des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce et des articles 1224 et suivants du Code civil, de :

« DIRE l’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE recevable et bien fondée en ses demandes.

A titre principal,

CONSTATER l’acquisition de la clause résolutoire et/ou DIRE ET JUGER acquise la clause résolutoire insérée au bail daté du 1 er avril 2009 régularisé entre l’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE et la SARL RICH’ART, et visée au commandement de payer du 8 novembre 2021, et la résiliation dudit bail à compter rétroactivement du 8 décembre 2021, en application des articles 1224 et suivants du Code civil.

A titre subsidiaire,

PRONONCER la résolution judiciaire du bail daté du 1 er avril 2009 régularisé entre l’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE et la SARL RICH’ART pour non paiement des loyers, en application des articles 1224 et suivants du Code civil.

En toutes hypothèses,

ORDONNER en conséquence l’expulsion de la SARL RICH’ART , ainsi que celle de tout occupant de son chef des lieux loués situés au [Adresse 1] à [Localité 3], en la forme habituelle, au besoin accompagné d’un serrurier et du commissaire de Police.

ORDONNER la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués et appartenant au locataire, dans tel garde meubles qu’il plaira au Tribunal de désigner, et ce aux frais, risques et périls des locataires.

FIXER à la somme de 1.654,07 euros par mois l’indemnité d’occupation due par la SARL RICH’ART à l’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE à compter rétroactivement du 8 décembre 2021 jusqu’au jour effectif de l’expulsion, ladite indemnité d’occupation étant payable par mois et d’avance.

CONDAMNER la SARL RICH’ART au paiement de ladite indemnité d’occupation.

CONDAMNER la SARL RICH’ART à verser à l’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE une somme de 131.376, 05 euros au titre de l’arriéré de loyer et d’indemnité d’occupation arrêté au 30 septembre 2023.

DEBOUTER la SARL RICH’ART de ses demandes.

CONDAMNER la SARL RICH’ART à verser à l’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la SARL RICH’ART aux entiers dépens de la procédure. »

L’OPH soutient que
- la clause résolutoire est acquise en vertu de l’article 1224 du code civil et des termes du contrat de bail. L’impayé n’a pas été régularisé dans le délai d’un mois du commandement du 8 novembre 2021.
- subsidiairement, le défaut de paiement des loyers constitue une faute suffisamment grave justifiant que le contrat soit résilié en vertu de l’article 1227 du code civil.
- les griefs de la société Rich’Art ne permettent pas d’exonérer le preneur du paiement du loyer : il n’est pas établi que l’accès au magasin serait dangereux, aucun dégât des eaux postérieur à 2015 et 2016 n’est établi de manière probante.
- la contestation afférente aux charges ne peut exonérer le preneur du paiement du loyer. S’il entend s’en prévaloir, il doit demander l’autorisation judiciaire de consigner les loyers sauf s’il est dans l’impossibilité absolue d’utiliser les lieux. Le chiffre d’affaires de la société Rich’Art établit qu’elle n’a pas cessé son activité.
- Les charges sont facturées au forfait selon les termes du bail commercial. En toute hypothèse, les loyers hors charges ne sont pas contestés, ils restent dus et n’ont pas été payés.
- la dette est trop importante et le preneur a bénéficié de délais particulièrement longs justifiant le rejet de nouveaux délais.

Aux termes de ses conclusions régularisées par voie électronique le 26 octobre 2023, la société Rich’Art demande au tribunal, au visa des articles 1719 et suivants du code civil, des articles 1217 et suivants du code civil, de l’article L.145-41 du code de commerce, et des articles 145 et 789 alinéa 4 du code de procédure civile, de

« - CONSTATER que l’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE n’a pas déduit les loyers correspondant à la période pendant laquelle la société RICH’ART n’a pu exploiter les locaux du fait des dégâts des eaux,
- CONSTATER la carence du bailleur à justifier des comptes et régularisation de charges pour les années 2017, 2018, 2019, 2020,2021, 2022 et 2023 et ordonner que les sommes y afférentes soient déduites du décompte des sommes facturées,
- CONSTATER que les frais de poursuites, soit 504,09€ viendront en déduction des loyers impayés,
- CONSTATER la défaillance d’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE dans la maintenance et l’entretien du local commercial.
- ENJOINDRE au bailleur de réaliser les travaux d’accessibilité.
- DECLARER IRRECEVABLE la demande de condamnation à une indemnité d’occupation d’un montant de 1654,07€.

A titre subsidiaire,
- RECEVOIR le preneur en sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire et lui accorder 24 mois de délais pour solder sa dette, déduction faite des sommes qui seront portées au crédit du compte.
- CONDAMNER OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
- CONDAMNER OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE aux entiers dépens. »

La société Rich’Art soutient que :
- le bailleur manque à ses obligations de délivrance, d’entretien et de jouissance paisible prévues à l’article 1719 du code civil. Il ne tient pas compte des difficultés qu’il rencontre pour exploiter le local notamment en raison de l’enclavement du local, des problèmes d’encombrement ainsi que de saletés ou détritus présents devant et à l’intérieur du local loué brassés par le vent.
- les charges étaient dues à titre provisionnel et régularisables annuellement ce qui n’a pas été fait. Les charges n’étaient pas forfaitaires. Le décompte joint au commandement de payer mentionne des montants erronés et incohérents.
- la demande d’indemnité d’occupation n’est pas fondée en son montant faute pour le bailleur de démontrer le bien fondé du calcul des charges.

Il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour un exposé de leurs prétentions et de leurs moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 10 novembre 2023 par ordonnance du même jour.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 28 mars 2024 et mise en délibéré au 13 juin 2024.

MOTIFS

A titre liminaire

Il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de « dire/juger/constater » qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

En l’espèce, les demandes de la société Rich’Art tendant à (i) CONSTATER que l’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE n’a pas déduit les loyers correspondant à la période pendant laquelle la société RICH’ART n’a pu exploiter les locaux du fait des dégâts des eaux, (ii) CONSTATER la carence du bailleur à justifier des comptes et régularisation de charges pour les années 2017, 2018, 2019, 2020,2021, 2022 et 2023 et (iii) CONSTATER la défaillance d’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE dans la maintenance et l’entretien du local commercial, ne contiennent aucune prétention au sens des dispositions précitées en ce que la société Rich’Art ne demande pas au tribunal qu’une mesure efficace et avec un effet concret soit mise en œuvre. Ces « demandes » correspondent aux moyens développés in extenso dans la discussion des conclusions. Il n’appartient pas au tribunal d’interpréter la teneur de ces dispositions et de déterminer quelles conséquences la société Rich’Art a entendu porter à ces éléments.

Les « demandes » précitées n’étant pas des prétentions, le tribunal n’en est pas saisi et n’a donc pas à statuer sur leur sort.

Par conséquent, il convient de relever que le tribunal est valablement et effectivement saisi des demandes suivantes :

« - ordonner que les sommes y afférentes soient déduites du décompte des sommes facturées,
- CONSTATER que les frais de poursuites, soit 504,09€ viendront en déduction des loyers impayés,
- ENJOINDRE au bailleur de réaliser les travaux d’accessibilité.
- DECLARER IRRECEVABLE la demande de condamnation à une indemnité d’occupation d’un montant de 1654,07€.

A titre subsidiaire,
- RECEVOIR le preneur en sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire et lui accorder 24 mois de délais pour solder sa dette, déduction faite des sommes qui seront portées au crédit du compte.
- CONDAMNER OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
- CONDAMNER OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE aux entiers dépens. » 

Sur la dette de la société Rich’Art

Sur les loyers impayés

Selon l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales dont l’obligation de payer le prix du bail aux termes convenus.

Aux termes des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée en bon état de réparation de toute espèce, il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives et il doit en faire jouir paisiblement le preneur.

L’article 1219 du code civil dispose qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Pour que le non-paiement de loyers ne soit pas illicite et qu’il corresponde effectivement pour le locataire à l’exercice de l’exception d’inexécution, il importe pour le débiteur de notifier son intention de suspendre le paiement des loyers et de les verser entre les mains d’un séquestre.

En outre, au regard de l’exigence de gravité posée par l’article 1219 du code civil, l’exception d’inexécution du paiement des loyers au motif de désordres dans les locaux loués ne peut être opposée qu’au cas de l’impossibilité de les utiliser.

En l’espèce, la société Rich’Art produit des correspondances d’où il ressort que le local a eu à connaitre de plusieurs dégâts des eaux pendant le cours du bail dues à un défaut d’entretien des canalisations de l’immeuble. LA société Rich’Art se plaint également du défaut de conception de l’immeuble dont la configuration entraine une accumulation de feuilles mortes et détritus à l’entrée du magasin. Afin d’illustrer son propos, il ressort du dossier que le 17 novembre 2015, la société Rich’Art a fait constater que le magasin a été intégralement inondé à la suite de l’effondrement des dalles de faux plafond et que l’écoulement des eaux et de déchets a contaminé l’ensemble du magasin. Le 2 juin 2016, la société Rich’Art a fait constater que des réparations sur les conduites d’eaux de pluie à l’extérieur du magasin ont été réalisées dans des conditions telles que le magasin reste inondé ce qui a dégradé le magasin et une partie des marchandises qui y sont entreposées. Le 19 avril 2021, la société Rich’Art a fait constater que le plafond du magasin était humide ainsi que le sol et des marchandises entreposées à l’intérieur du local. Le 12 août 2021, la société Rich’Art a fait constater qu’un nouveau dégât des eaux était intervenu. Le faux plafond présente des coulures d’eau permanentes. Le sol est jonché d’une flaque d’eau, des gouttes tombent en permanence du faux plafond. Le commissaire de justice constate la dégradation des marchandises présentes au sein du local. Quant aux détritus et saletés, le 22 juillet 2020, la société Rich’Art a fait constater qu’un amoncellement de feuilles et de détritus divers est déposé devant le rideau de la devanture du magasin. Le commissaire de justice constate que les feuilles mortes entrent dans le magasin pendant son intervention. Par ailleurs, il constate que le rideau de la devanture au long de la rue n’est pas réparé. La société Rich’Art produit également plusieurs déclarations de sinistres portant sur des dégâts des eaux survenus le 17 février 2022 et le 5 septembre 2023.

L’accumulation de dégâts des eaux affectant le local loué est patent et révèle un défaut d’entretien des parties communes de l’immeuble propriété de l’OPH. Le manquement à ce titre est caractérisé en l’espèce. Toutefois force est de constater que l’impossibilité d’exploiter les locaux n’est pas démontrée de manière probante et contradictoire. Aucun échange, courrier, mise en demeure n’est produit établissant que la preneuse aurait notifié au bailleur son intention de suspendre le paiement des loyers ni qu’elle aurait mis en place le versement des loyers suspendus entre les mains d’un séquestre. La société Rich’Art ne précise pas les mois pour lesquels elle entendrait se prévaloir de l’exception d’inexécution.

La présence de détritus, de saletés et de feuilles mortes ne saurait être reprochée au bailleur. Ces événements sont naturels.
Il n’est pas établi qu’ils seraient dus à un manquement du bailleur à son obligation de jouissance, ce dernier ne pouvant pas se voir reprocher un manquement à raison d’une configuration des lieux inappropriée. La faute du bailleur sera écartée.

Enfin, pour ce qui est du grief lié à la réparation du rideau de fer. Le constat d’huissier du 22 juillet 2020 est insuffisant pour établir de manière probante une faute de l’OPH à ce titre. Le courrier du 25 novembre 2019 mentionne des difficultés d’accès au local sans établir de manière probante ni l’origine du problème, ni la portée des difficultés rencontrées et ce alors qu’il n’est pas contesté que l’accès au local était assuré par la porte latérale. Il n’est donc pas établi que l’accès au local était impossible. En l’état, aucun élément n’est produit par la société Rich’Art pour caractériser un manquement du bailleur.

Les contestations de la société Rich’Art ne sauraient être retenues pour venir en réduction du montant du loyer lequel est donc dû intégralement.

Sur les charges

Selon les articles 1103 et 1353 du code civil, le bailleur ne peut solliciter le paiement par son preneur de sommes que s’il établit le bien-fondé de leur calcul au regard des conditions contractuellement prévues. Est en conséquence indue et donne lieu à restitution, une somme payée par le preneur au titre de charges dont le bailleur n’établit pas qu’elle a été définie et calculée conformément aux prévisions du contrat.

En l’espèce, le contrat du 1er avril 2009, renouvelé au 1er avril 2018, prévoit que « le preneur devra acquitter en sus du loyer, le montant de l’impôt foncier et 10% de charges provisionnelles calculées sur le montant hors taxe du loyer régularisables 1 fois par an » puis que « Le règlement des charges par le preneur se fera par le versement d’une provision calculée trimestriellement par rapport aux charges antérieures, ces provisions viendront en déduction des charges réelles calculées annuellement pour la première location. Les provisions seront payables par trimestre dans les conditions et aux dates de paiement du loyer telles qu’indiquées ci-dessus. Le bailleur effectuera un arrêté annuel des comptes. En conséquence, il s’engage à fournir au preneur un décompte exacte des charges locatives pour l’année écoulée qui devra être adressé dans un délai de six mois à l’expiration de ladite année, chaque année prise en considération étant une année civile. Si en fin d’année les provisions se révèlent inférieures aux charges réelles, le preneur s’engage à rembourser, sur premier appel du bailleur, toutes les sommes qui seront nécessaires pour compenser le montant total des charges réelles. Les sommes trop versées viendraient en déduction des provisions de l’année en cours »

Ainsi, et contrairement aux allégations de l’OPH, les charges n’étaient pas forfaitaires mais étaient des provisions devant donner lieu à une régularisation annuelle. La société Rich’Art justifie avoir demandé à plusieurs reprises au bailleur de procéder aux régularisations sans que l’OPH ne défère à son obligation contractuelle ce qui constitue un manquement de sa part.

L’OPH est donc défaillant dans l’administration de la preuve du quantum des demandes financières appelées au titre des charges et devra les rembourser.

Il ressort du décompte produit par l’OPH que le bailleur a envoyé des appels de provisions sur charges d’un montant total de 21.122,68 euros entre le 8 octobre 2013 et le 19 octobre 2023.

Pour les années 2017, 2018, 2019, 2020,2021, 2022 et 2023, le bailleur a appelé un total de 14.721,35 euros :

Date
Provision
Total
31/03/2017
494,22 €
494,22 €
30/06/2017
494,22 €
988,44 €
30/09/2017
494,22 €
1 482,66 €
31/12/2017
494,22 €
1 976,88 €
31/03/2018
511,24 €
2 488,12 €
30/06/2018
543,64 €
3 031,76 €
30/09/2018
543,64 €
3 575,40 €
31/12/2018
543,64 €
4 119,04 €
31/03/2019
543,64 €
4 662,68 €
30/06/2019
543,64 €
5 206,32 €
30/09/2019
543,64 €
5 749,96 €
31/12/2019
543,64 €
6 293,60 €
31/03/2020
543,64 €
6 837,24 €
30/06/2020
543,64 €
7 380,88 €
30/09/2020
543,64 €
7 924,52 €
31/12/2020
543,64 €
8 468,16 €
31/03/2021
584,41 €
9 052,57 €
30/06/2021
584,41 €
9 636,98 €
30/09/2021
584,41 €
10 221,39 €
31/12/2021
584,41 €
10 805,80 €
31/03/2022
584,41 €
11 390,21 €
30/06/2022
584,41 €
11 974,62 €
30/09/2022
584,41 €
12 559,03 €
31/12/2022
584,41 €
13 143,44 €
31/03/2023
525,97 €
13 669,41 €
30/06/2023
525,97 €
14 195,38 €
30/09/2023
525,97 €
14 721,35 €

Ces provisions n’ayant pas fait l’objet d’une régularisation malgré les obligations contractuelles et les demandes de la société Rich’Art, il convient de les déduire des montants appelés.

Sur les frais de poursuite

Selon les articles 1103 et 1353 du code civil, le bailleur ne peut solliciter le paiement par son preneur de sommes que s’il établit le bien-fondé de leur calcul au regard des conditions contractuellement prévues.

En l’espèce, il ressort du décompte de l’OPH que des frais de poursuite ont été facturés pour un total de 827,03 euros :

31/07/2017
237,12
31/07/2017
16,43
31/01/2018
52,96
31/01/2018
16,43
31/07/2108
489,2
31/07/2018
14,89
 
827,03

Dans ses écritures, la société Rich’Art ne détaille pas les frais de poursuite correspondant aux 504,09 euros qu’elle invoque ; elle ne fournit pas suffisamment d’explications quant aux frais devant être déduits de sorte que le tribunal n’est pas en mesure d’apprécier le bien fondé des frais et de la demande de restitution.

La société Rich’Art sera déboutée de sa demande de remboursement des « frais de poursuite ».

Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire

Principe

L’article L. 145-41 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l’espèce, le bail du 1er avril 2009 prévoit que « A défaut de paiement à son échéance d’un seul terme de loyers ou d’exécution de l’une quelconque des clauses du présent contrat et après un simple commandement de payer ou mise en demeure adressée par acte extrajudiciaire, resté sans effet et exprimant la volonté du bailleur de se prévaloir de la présence clause, le bail sera résilié immédiatement et de plein droit sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire et nonobstant toutes offres ou consignation ultérieures. »

Le commandement de payer visant la clause résolutoire inscrite au bail du 1er avril 2009 a été délivré le 8 novembre 2021. A cette date, la société Rich’Art présentait un impayé de loyers et charges de 39.218,78 euros après déduction par le bailleur de la somme de 52.011,29 euros correspondant à la période liée au dégât des eaux avant 2018.

Entre 2017 et 2021 ont également été facturées les charges appelées à titre de provision pour un total de 10.221,39 euros.

Ce montant, dont il est établi que l’OPH est mal fondé à en demander le paiement, doit être déduit du montant réclamé au moment de la signification du commandement de payer le 8 novembre 2021.

Ainsi, au moment de la délivrance du commandement de payer, la société Rich’Art était effectivement débitrice de la somme de 28.997,39 euros.

Cette somme n’a pas été payée par la société Rich’Art dans le délai d’un mois de sorte qu’il convient de constater l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 8 décembre 2021.

Depuis le 9 décembre 2021, la société Rich’Art est occupante sans droit ni titre des lieux loués de sorte que son expulsion sera ordonnée ainsi que l’expulsion de tous occupants de son chef dans les conditions fixées au dispositif.

La société Rich’Art sera condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer contractuel hors charges tel qu’appelé en dernier lieu. Il ressort du décompte produit par l’OPH que le loyer appelé en dernier lieu en octobre 2021 était de 4.318,57 euros soit la somme de 1.439,52 euros par mois. La société Rich’Art sera condamnée à verser cette somme mensuellement à l’OPH et jusqu’à libération des lieux.

Suspension

L’article L. 145-41 du code de commerce prévoit que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l’espèce, la dette de la société Rich’Art est particulièrement élevée. La bonne foi de la société Rich’Art est remise en question compte tenu de l’absence totale de paiement ou de séquestre des loyers depuis 2017.

Par conséquent, la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire sera rejetée.

Sur la demande de condamnation au paiement de l’arriéré de loyer et d’indemnité d’occupation

Selon l’article 1728 du code civil, il incombe au preneur de payer son loyer.

En l’espèce, il ressort du décompte produit au débat et des termes du présent jugement que la société Rich’Art est débitrice de son loyer pour la période du 31 octobre 2013 au 8 décembre 2021 et d’une indemnité d’occupation à compter du 9 décembre 2021.

Au vu du décompte produit, il convient de déduire des sommes appelées les charges pour lesquelles l’OPH n’établit pas le bienfondé de ses demandes. Ainsi, la dette de la société Rich’Art pour la période antérieure au 8 décembre 2021 s’élève à 81.008,68 euros (=91.230,07 - 10.221,39).

L’indemnité d’occupation pour la période à compter du 9 décembre 2021 au 30 septembre 2023 doit être versée à raison de 1.439,52 euros par mois soit :
- 1.021,59 euros pour le mois de décembre (22 jours)
- 30.229,92 euros pour la période de janvier 2022 à septembre 2023 inclus (21 mois)
Soit un total de 31.251,51 euros.

La société Rich’Art sera donc condamnée à payer les sommes de
- 81.008,68 euros au titre des loyers arrêtés au 8 décembre 2021 ;
- 31.251,51 euros au titre de l’indemnité d’occupation pour la période du 9 décembre 2021 au 30 septembre 2023, terme de septembre 2023 inclus.

La société Rich’Art sera condamnée à poursuivre le paiement de l’indemnité d’occupation mensuelle jusqu’à la libération effective des lieux.

Sur la demande de réalisation des travaux d’accessibilité

En vertu de l’article 1353 du code civil, la charge de la preuve incombe au demandeur.

En l’espèce, la demande tendant à « enjoindre au bailleur de réaliser les travaux d’accessibilité » n’est accompagnée d’aucune précision quant à des difficultés d’accessibilité. Dans ses écritures, la société Rich’Art invoque l’obligation de délivrance du bailleur sans établir de manière suffisamment précise et probante en quoi l’accès au local loué serait altéré. S’il est effectivement fait mention d’un rideau de fer cassé, aucun élément n’est produit ni même invoqué quant à une dangerosité d’accès. Au contraire, la société Rich’Art se plaint de détritus présent devant sa porte mais à aucun moment, elle ne fait état d’une impossibilité d’accéder au local.

La société Rich’Art est défaillante dans l’administration de la preuve des griefs allégués, elle sera déboutée de sa demande de travaux.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Chaque partie succombant partiellement conservera à sa charge les frais et dépens engagés dans la présente instance.

Sur les frais irrépétibles

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

L'équité commande de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

Constate que les demandes de la société Rich’Art tendant à voir (i) « CONSTATER que l’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE n’a pas déduit les loyers correspondant à la période pendant laquelle la société RICH’ART n’a pu exploiter les locaux du fait des dégâts des eaux », (ii) « CONSTATER la carence du bailleur à justifier des comptes et régularisation de charges pour les années 2017, 2018, 2019, 2020,2021, 2022 et 2023 » et (iii) « CONSTATER la défaillance d’OPH COMMUNAUTAIRE DE PLAINE COMMUNE dans la maintenance et l’entretien du local commercial » ne constituent pas des prétentions dont le tribunal serait valablement saisi ;

Déboute la société Rich’Art de sa demande de remboursement des « frais de poursuite » ;

Ordonne à l’OPH de déduire la somme de 14.721,35 euros du montant de la dette de la société Rich’Art ;

Constate l’acquisition de la clause résolutoire inscrite au bail commercial du 1er avril 2009, à la date du 8 décembre 2021 à minuit ;

Ordonne l’expulsion de la société Rich’Art des lieux qu’elle occupe au sein du local sis [Adresse 1], à [Localité 3], dans un délai de trois (3) mois à compter de la signification du présent jugement ;

Dit qu’à défaut, elle pourra être expulsée ainsi que ses biens et toute personne occupant les lieux avec elle et de son chef, et ce, avec le concours de la force publique s’il y a lieu ;

Ordonne le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers de la société Rich’Art garnissant les lieux dans un garde-meuble ou tout lieu adapté au choix de la bailleresse et ce en garantie de toutes les sommes qui pourraient être dues ;

Déboute la société Rich’Art de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire et de sa demande de délais de paiement ;

Condamne la société Rich’Art à payer à l’OPH la somme de 81.008,68 euros au titre des loyers dus au 8 décembre 2021 ;

Fixe à 1.439,52 euros l’indemnité d’occupation due par la société Rich’Art à l’OPH ;

Condamne la société Rich’Art à payer à l’OPH au titre de l’indemnité d’occupation :
- la somme de 31.251,51 euros due pour la période du 9 décembre 2021 au 30 septembre 2023, terme de septembre 2023 inclus
- la somme de 1.439,52 euros à compter du 1er octobre 2023 et jusqu’à la libération effective des lieux ;

Déboute la société Rich’Art de sa demande de travaux

Dit que les parties conserveront la charge des dépens qu’elles ont engagés ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

La minute de la présente décision a été signée par Madame CARLIER, Juge, assistée de Madame Khedidja SEGHIR, Greffier présente lors de son prononcé.

LE GREFFIERLE JUGE

MADAME SEGHIRMADAME CARLIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 5/section 2
Numéro d'arrêt : 21/12699
Date de la décision : 13/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-13;21.12699 ?
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