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10/06/2024 | FRANCE | N°23/04021

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 4, 10 juin 2024, 23/04021


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 10 JUIN 2024


Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 23/04021 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XPTW
N° de MINUTE : 24/00331


Monsieur [J] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Maître Romain ROSSI LANDI de la SELEURL ROSSI-LANDI AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D0014

DEMANDEUR

C/

S.A.S. NR IMMOBILIER
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Céline MOUNY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 2235

DEFENDEUR



C

OMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 10 JUIN 2024

Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 23/04021 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XPTW
N° de MINUTE : 24/00331

Monsieur [J] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Maître Romain ROSSI LANDI de la SELEURL ROSSI-LANDI AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D0014

DEMANDEUR

C/

S.A.S. NR IMMOBILIER
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Céline MOUNY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 2235

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 4 Avril 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 10 Juin 2024..

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN,Vice-Président, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.
EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous signature privée, monsieur [J] [K] a confié à la SAS NR Immobilier un mandat de recherche et d’assistance (pour la recherche d’un partenaire pour financer et d’entreprises pour réaliser les travaux, et pour assurer le suivi des travaux) pour l’acquisition d’un bien immobilier destiné à la location, moyennant le paiement d’une « rémunération forfaitaire de (…) 30.000 € TTC pour l’ensemble des missions prévues (…) versée par le Mandant de la manière suivante :
1) Au titre de sa mission d’assistant à la maîtrise d’ouvrage, décrite à l’Annexe 2, pour un montant de (…) 15 000 € TTC.
2) Au titre de sa mission de mandataire immobilier, décrite par le présent mandant, pour un montant de (…) 15.000 € TTC.
La rémunération due au Mandataire à ce titre, lui sera versée au moment de la signature du présent mandat ».

L’annexe 2 audit mandat, relative à la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage, prévoit le versement de la somme de 15.000 euros TTC à la signature du mandat.

Par avenant sous signature privée du 10 septembre 2020, les parties ont convenu de nouvelles modalités de paiement de la rémunération de la société NR Immobilier, prévoyant notamment un acompte de 10.000 euros à la signature du contrat, effectivement réglée par monsieur [J] [K] le 5 octobre 2020.

Par courrier recommandé du 21 novembre 2022, reçue le 23 novembre 2022, monsieur [J] [K] a mis la société NR Immobilier en demeure de lui restituer l’acompte de 10.000 euros.

C’est dans ce contexte que, par acte d’huissier enrôlé le 24 avril 2023, monsieur [J] [K] a fait assigner la SAS NR Immobilier devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 octobre 2023, monsieur [J] [K] sollicite, outre le rejet des prétentions et moyens adverses :
la résolution judiciaire du mandat de recherche, d’assistance et de mise en location confié à la société NR Immobilier ; la condamnation de la société NR Immobilier à lui restituer la somme de 10.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2022 ; la condamnation de la société NR Immobilier aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; le bénéfice de l’exécution provisoire de droit.
A l'appui de ses prétentions, il soutient que la société NR Immobilier, qui n’a émis aucune réserve sur la mission de recherche immobilière confiée et s’était ainsi engagée à lui proposer, pendant huit mois, au moins six biens par mois correspondant à ses critères, n’a pas respecté les termes du contrat (six biens présentés au total entre août et décembre 2021, ne correspondant pas au cahier des charges et sans mention du taux de rentabilité ou des éléments permettant de le calculer) et a admis par la suite ne pas être compétente sur l’ensemble de la zone géographique convenue ; que le contrat doit ainsi être résilié et l’acompte versé, restitué ; que les moyens opposés en défense sont inopérants et contradictoires entre eux ; que l’impact de la crise sanitaire ne doit pas être pris en compte, s’agissant d’une donnée existante à la signature du mandat, en août 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 août 2023, la SAS NR Immobilier demande au tribunal de rejeter les prétentions adverses, à défaut d’écarter l’exécution provisoire, à défaut encore d’ordonner la consignation des sommes allouées auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations ; accessoirement, de condamner monsieur [K] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle soutient que la demande de remboursement de l’acompte n’est pas justifiée ; que l’exécution de sa mission a été compliquée, dans son contenu et sa durée, par la crise sanitaire, outre que le demandeur a lui-même demandé une suspension du contrat ; que c’est par pure mauvaise foi que le demandeur a refusé les biens proposés, lesquels couvraient l’ensemble de la zone convenue et présentaient une rentabilité intéressante compte tenu de l’état du marché ; qu’elle n’était tenue qu’à une obligation de moyens et non de résultat ; que le contrat doit ainsi être résilié conformément à l’article 12 du contrat, lequel exclut toute restitution de l’acompte.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties, il sera renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la mise en état a été fixée au 20 décembre 2023 par ordonnance du même jour.

A l'audience du 4 avril 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 10 juin 2024, date du présent jugement.

MOTIFS

Sur les demandes principales

Sur la restitution de la somme de 10.000 euros versée
L’article 1103 du code civil dispose que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Il résulte par ailleurs de l’article 6-I de la loi 70-9 du 2 janvier 1970 qu'aucune somme d'argent n'est due, à quelque titre que ce soit, au mandataire chargé d’une mission d’entremise immobilière avant que l'opération pour laquelle il a reçu un mandat écrit ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte contenant l'engagement des parties.

En l’espèce, la lecture combinée des articles 9 du mandat litigieux et 4 de l’annexe 2 à ce mandat, ainsi que de l’avenant du 10 septembre 2020, fait apparaître que la somme de 10.000 euros versée par monsieur [J] [K] à la signature du contrat correspond à un acompte sur la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage, et non sur celle d’assistance à la transaction immobilière ; il ne pourrait du reste en être autrement compte tenu des dispositions d’ordre public précitées de la loi du 2 janvier 1970 dite Hoguet.

Il résulte en outre de l’article 11 du mandat litigieux que celui-ci, conclu pour une durée déterminée, est arrivé à échéance, pour avoir pris effet à sa date de signature, au plus tard le 10 septembre 2020 (date de l’avenant), pour une durée maximale de huit mois, expirant, déduction faite de la période de suspension intervenue, selon l’accord des parties, entre décembre 2020 et septembre 2021, le 10 février 2022, les dispositions invoquées en défense tirées des mesures gouvernementales liées à la lutte contre le covid-19 n’ayant pas eu pour effet de proroger la durée des contrats, mais seulement de neutraliser les sanctions applicables en cas d’inexécution d’une diligence attendue pendant la période de confinement et les quelques semaines suivantes.

Aucune stipulation du contrat ne permet au mandataire, en pareille hypothèse d’arrivée du terme – qui se distingue de celle d’une résiliation en cours de contrat –, de prétendre à une quelconque rémunération et/ou de conserver l’acompte versé sur la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage, d’autant qu’il n’est nullement justifié que cette mission, divisée en une phase préliminaire (recherche d’entreprises pour l’établissement de devis relatifs aux travaux nécessaires à la mise en location du bien et conclusions de marchés de travaux) et une phase de réalisation des travaux (suivi du chantier et assistance à réception), a été, ne serait-ce que partiellement, accomplie par la société NR Immobilier.

C’est ainsi à bon droit que monsieur [J] [K] réclame la restitution de la somme de 10.000 euros versée à titre d’acompte, avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2022, date de réception de la mise en demeure de restituer adressée à la défenderesse, conformément à l’article 1231-6 du code civil.

Sur la résolution du contrat
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, sans quoi la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut, selon l'article 1217 du même code, refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, et/ou demander réparation des conséquences de l'inexécution, le tout cumulable avec l'octroi de dommages et intérêts au sens de l'article 1231-1 du même code.

Conformément aux articles 1224 et 1227 du même code, la résolution du contrat – même arrivé à terme (voir en ce sens Cass, Com, 19 septembre 2006, 03-19.132) – peut être demandée en justice en cas d’inexécution suffisamment grave.

Il résulte enfin de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à celui qui se prévaut d'un préjudice d'en rapporter la preuve ; qu'il soit entier ou résulte d'une perte de chance, ce préjudice, pour être indemnisable, doit être certain, actuel et en lien direct avec le manquement commis.

En l’espèce, à les supposer établis, les manquements reprochés par monsieur [J] [K] à la société NR Immobilier dans la conduite de sa mission d’assistance à la transaction immobilière, sont insuffisamment graves pour justifier la résolution du contrat, dans la mesure où l’obligation confiée au mandataire de trouver un bien immobilier adéquat ne constituait qu’une obligation de moyens, et où au moins six biens ont effectivement été soumis au demandeur, ce qui traduit la réalité du travail accompli, même imparfaitement.

La demande de résolution sera ainsi rejetée.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En application de l'article 700 du même code, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En conséquence, la société NR Immobilier, partie perdante, sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à monsieur [J] [K] une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens fixée, en équité et en l'absence de justificatif, à 3.000 euros.

Enfin, aucun élément ne justifie d'écarter l'exécution provisoire de droit, laquelle est compatible avec la nature de l'affaire au sens de l'article 514-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige, ni de l’assortir de modalités particulières.
PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et rendu en premier ressort,

Condamne la SAS NR Immobilier à restituer à monsieur [J] [K] la somme de 10.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2022 ;

Déboute monsieur [J] [K] de sa demande de résolution judiciaire du mandat litigieux ;

Condamne la SAS NR Immobilier aux dépens ;

Condamne la SAS NR Immobilier à payer à monsieur [J] [K] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit du présent jugement ou à l’assortir de modalités particulières ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La minute est signée par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

Le greffier,Le president,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 4
Numéro d'arrêt : 23/04021
Date de la décision : 10/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-10;23.04021 ?
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