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03/06/2024 | FRANCE | N°23/00112

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 4, 03 juin 2024, 23/00112


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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY


JUGEMENT CONTENTIEUX DU 03 JUIN 2024



AFFAIRE N° RG 23/00112 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XBDW
N° de MINUTE : 24/00311
Chambre 6/Section 4


Monsieur [R] [O] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté par Me Fabio BONAGLIA, LAWAL Avocats AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 948

Madame [P] [H] [W] [G]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Fabio BONAGLIA, LAWAL Avocats AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 948

DEMANDEURS

C/

La compagnie

d’assurance ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES
[Adresse 6]
[Localité 7]
représentée par Me Franck REIBELL, SELARL d’A...

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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 03 JUIN 2024

AFFAIRE N° RG 23/00112 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XBDW
N° de MINUTE : 24/00311
Chambre 6/Section 4

Monsieur [R] [O] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté par Me Fabio BONAGLIA, LAWAL Avocats AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 948

Madame [P] [H] [W] [G]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Fabio BONAGLIA, LAWAL Avocats AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 948

DEMANDEURS

C/

La compagnie d’assurance ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES
[Adresse 6]
[Localité 7]
représentée par Me Franck REIBELL, SELARL d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0290

La SCCV [Adresse 9]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Alain CIEOL, avocat (postulant) au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB03; Me Erwan LE BRIQUIR avocat (plaidant) au barreau de LILLE

Maître [X] [F] es qualité de mandataire judiciaire de la société SCCV [Adresse 9], dont le siège social est situé au [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, par jugement du tribunal de commerce de VALENCIENNES du 7 juillet 2023 (RG n°2023003110), publiée au BODACC n°142 A du 26 juillet 2023 ;
[Adresse 2]
[Localité 5]
non comparant

intervenant forcé
DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

A l’audience du 25 Mars 2024, tenue en audience publique devant Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président et Monsieur François DEROUAULT, magistrat rapporteur qui, sans opposition des avocats, ont tenu l’audience, et après avoir entendu les conseils des parties en ont rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de Procédure civile.

Lors des débats

Président : Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice -Président, Magistrat ayant fait rapport à l’audience
Assesseur : Monsieur François DEROUAULT, Juge

Assisté aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier

DÉBATS

Audience publique du 25 Mars 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 03 Juin 2024

Lors du délibéré

Président :Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice -Président
Assesseurs :Monsieur David BRAC-ARBUS, Juge
Monsieur François DEROUAULT, Juge

Assisté au délibéré : Madame Reine TCHICAYA, Greffier

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, signé par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, assisté de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant acte authentique reçu le 28 juin 2019, la SCCV [Adresse 9], assurée auprès de la SA Abeille IARD & santé, a vendu en l’état futur d’achèvement à M. [Z] et Mme [G] un bien immobilier en copropriété situé [Adresse 3], moyennant un prix de 570 000 euros, devant être livré au plus tard au cours du premier trimestre 2020.

Le délai de livraison a été repoussé à plusieurs reprises.

Une pré-livraison est intervenue le 17 juin 2021 et le bien a été livré le 25 novembre 2021.
Soutenant que la surface du bien livré était inférieure à celle convenue, M. [Z] et Mme [G] ont, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2022, mis en demeure la SCCV [Adresse 9] d’avoir à les indemniser de leurs préjudices, une copie du courrier ayant été adressée à la SA Abeille IARD & santé.

C’est dans ces conditions que M. [Z] et Mme [G] ont, par actes d’huissier du 22 novembre 2022, fait assigner la SCCV [Adresse 9] et la SA Abeille IARD & santé devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l’indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 17 juillet 2023, le tribunal de commerce de Valenciennes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SCCV [Adresse 9] et désigné, en qualité de mandataire judiciaire, Me [X] [F].

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 septembre 2023, distribuée le 27 septembre 2023, M. [Z] et Mme [G] ont déclaré une créance de 128 282,41 euros auprès de Me [F].

Par acte du 28 novembre 2023, M. [Z] et Mme [G] ont assigné en intervention forcée Me [X] [F], en sa qualité de mandataire judiciaire, devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

La jonction des deux procédures a été prononcée par mention au dossier.

Avisé à étude, Me [X] [F] n'a pas constitué avocat.

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Le présent jugement, susceptible d’appel, sera réputé contradictoire, conformément aux dispositions des articles 473 (en cas de défendeur unique) et 474 (en cas d’une pluralité de défendeurs dont un au moins ne comparaît pas) du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 31 janvier 2024 par ordonnance du même jour, et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 25 mars 2024.

Le jugement a été mis en délibéré au 3 juin 2024, date de la présente décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 juin 2023, M. [Z] et Mme [G] demandent au tribunal judiciaire de Bobigny de :

- débouter la SA Abeille IARD & Santé de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l’assignation introductive d’instance pour vice de forme, car irrecevable ou, subsidiairement, non-fondée ;

A titre principal,
- condamner in solidum la SCCV [Adresse 9] et la SA Abeille IARD & Santé à leur payer les sommes suivantes :
*48 871,42 euros au titre de l’indemnisation du défaut de superficie de leur appartement ;
*35 100 euros au titre de l’indemnisation de leur préjudice de jouissance subi du fait du retard de livraison ;
*15 000 euros au titre de l’indemnisation de leur préjudice moral ;
*7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
- débouter la SCCV [Adresse 9] et la SA Abeille IARD & Santé de leurs demandes.

Au soutien de leurs prétentions, M. [Z] et Mme [G] font valoir :
- que l’exception de nullité de l’assignation est irrecevable faute d’avoir été présentée au juge de la mise en état (conformément à l’article 789 du code de procédure civile) et infondée dès lors qu’ils ont bien exposé leurs moyens de fait et de droit (article 56 du code de procédure civile) ; qu’au demeurant, la SA Abeille IARD & santé ne rapporte la preuve d’aucun grief (article 114 du code de procédure civile) et que, s’agissant d’une nullité pour vice de forme, elle est désormais couverte (article 115 du code de procédure civile) ;
- au visa de l’article 1792 du code civil, que les superficies contractuellement définies n’ont pas été respectées ; qu’il résulte en effet d’une attestation de géomètre expert que l’appartement fait 83,60 m2 (loi Carrez) et non 91,44 m2 ; que la perte de superficie est significative s’agissant des chambres ; que cet état porte atteinte à l’habitabilité de l’appartement ;
- subsidiairement, au visa de l’article 1617 du code civil, que le vendeur en l’état d’achèvement expose sa responsabilité du fait du défaut de contenance ; que le défaut de contenance est supérieur au seuil de 5% prévu par l’article 1619 du code civil ;
- au visa des articles 1103, 1610 et 1611 du code civil, que le vendeur en l’état d’achèvement expose sa responsabilité du fait du retard de livraison ; que le vendeur n’est pas fondé à se prévaloir de causes légitimes de suspension du délai de livraison lorsqu’il n’a jamais justifié de ce retard dans les conditions prévues au contrat ; qu’en l’espèce, le contrat stipule que la justification de la survenance de l’une des circonstances sera apportée par le vendeur à l’acquéreur par une lettre du maître d’œuvre ; que le vendeur n’a jamais apporté le moindre justificatif au soutien de ses multiples courriers de prorogation du délai ; que les différentes causes de report du délai de livraison son inopérantes en l’espèce.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2023, la SCCV [Adresse 9] demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :

A titre principal,
- débouter M. [Z] et Mme [G] de leurs demandes ;

A titre reconventionnel,
- condamner M. [Z] et Mme [G] à lui payer la somme de 750 euros due au titre de l’acquisition d’un second emplacement de stationnement, outre intérêts de retard et actualisation jusqu’à parfait paiement ;

En tout état de cause,
- condamner M. [Z] et Mme [G] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SCCV [Adresse 9] fait valoir en substance que le retard ne lui est pas imputable et que le défaut de contenance n’est pas démontré dès lors que les demandeurs se fondent sur un simple diagnostic de performance énergétique comportant une erreur de plume.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 février 2023, la SA Abeille IARD & santé demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :

- déclarer irrecevables et en tout état de cause mal fondées les demandes dirigées contre elle ;
A titre principal,
- déclarer nulle l’assignation délivrée le 22 novembre 2022 à l’encontre de la SA Abeille IARD & santé ;

A titre subsidiaire,
- débouter M. [Z] et Mme [G] de leur demande de condamnation ;

A titre infiniment subsidiaire,
- faire application des limites et plafonds de la police d’assurance ;

En tout état de cause,
- condamner M. [Z] et Mme [G] ou tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la SA Abeille IARD & santé fait valoir :
- au visa de l’article 56 du code de procédure civile, que l’assignation délivrée le 22 novembre 2022 est nulle en cela que les consorts [Z] ne visent aucun texte permettant d’obtenir la mobilisation des garanties de la police souscrite par la SCCV [Localité 8] ; qu’elle n’est ainsi pas en mesure de savoir à quel titre sa garantie est recherchée ;
- que le défaut de contenance de 11,74 m2 (au demeurant non établi) et le retard de livraison ne constituent pas des désordres au sens de l’article 1792 du code civil susceptibles de mobiliser les garanties de sa police ;
- que les demandeurs n’établissent pas que le retard de livraison n’entre pas dans les causes légitimes de retard prévues au contrat de vente en l’état futur d’achèvement ; qu’aucune faute de la SCCV n’est ainsi caractérisée ;
- que le montant des préjudices allégués n’est pas justifié ;
- en cas de condamnation, qu’elle peut opposer les plafonds et limites de garantie de sa police.

*

Pour un plus ample exposé des moyens développés par la ou les parties ayant conclu, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exception de nullité de l’assignation

En application des articles 73 et 74 du code de procédure civile, l’exception de nullité constitue une exception de procédure qui, en vertu de l’article 789 du code de procédure civile, relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état, les parties n’étant plus recevables à la soulever ultérieurement, à moins qu’elle ne survienne ou ne soit révélée postérieurement au dessaisissement de ce juge.

L’exception de nullité de l’assignation soulevée par la SA Abeille IARD & santé sera déclarée irrecevable en ce qu’elle se heurte aux dispositions précitées.

Sur la recevabilité des demandes présentées par et contre la SCCV [Adresse 9]

L'article 68 du code de procédure civile dispose que les demandes incidentes, au rang desquelles figurent les demandes additionnelles et les demandes reconventionnelles, sont faites à l'encontre des parties défaillantes dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance.

L’article 369 du même code prévoit par ailleurs que l’instance est interrompue par l’effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire, jusqu’à reprise de l’instance par l’intervention, volontaire ou forcée, du liquidateur judiciaire et, le cas échéant, déclaration de la créance dont le paiement est requis.

Il résulte enfin des articles L. 622-21 (sauvegarde judiciaire), L. 631-14 (redressement judiciaire) et L. 641-3 (liquidation judiciaire) du code de commerce, que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit et interrompt toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Les créanciers concernés doivent, en effet, déclarer leur créance au mandataire judiciaire dans les délais impartis, conformément aux dispositions des articles L. 622-24, L. 631-14 et L. 641-3 du même code.

Les articles L. 624-2, L. 631-18 et L. 641-3 et suivants du même code ajoutent que le juge-commissaire, au vu des propositions du mandataire, décide de l'admission ou du rejet des créances, ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence ; ce n'est que dans cette dernière hypothèse que le créancier recouvre son droit d'agir à l'encontre du débiteur devant la juridiction compétente, en vue de faire constater sa créance et fixer son montant, en présence du débiteur et du mandataire judiciaire (sauvegarde et redressement judiciaires ; L. 622-23 et R. 624-5) ou du seul liquidateur ès-qualité (liquidation judiciaire ; L. 641-9).

En l’espèce, les mandataires judiciaires de la SCCV [Adresse 9] n’ont pas constitué avocat, de sorte que :
- le tribunal n’est plus saisi des prétentions et moyens présentés par la SCCV [Adresse 9] avant son placement en redressement judiciaire, en ce que ces prétentions et moyens n’ont pas été repris par les nouveaux représentants de la SCCV [Adresse 9] ;
- les prétentions présentées contre la SCCV [Adresse 9] par la SA Abeille IARD & santé (article 700 du code de procédure civile et dépens) sont irrecevables, en ce qu’elles n’ont pas été signifiées par voie d’huissier aux nouveaux représentants de la SCCV [Adresse 9].

A l’inverse, les demandes présentées par M. [Z] et Mme [G] contre la SCCV [Adresse 9] sont recevables, en ce qu’elles ont été signifiées par voie d’huissier au mandataire judiciaire de cette dernière (par l’assignation en intervention forcée) et qu’elles ont fait l’objet d’une déclaration de créance aux organes de la procédure collective par courrier du 25 septembre 2023, soit dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc le 26 juillet 2023.

Sur la demande principale en paiement au titre du défaut de contenance

Sur le fondement de la garantie décennale

Les désordres cachés au jour de la réception – qui incluent les désordres ayant fait l'objet d'une réserve à réception, mais qui ne se sont révélés que par la suite dans leur ampleur et leurs conséquences – relèvent de la garantie décennale prévue par les articles 1792 et 1792-2 du code civil, laquelle couvre, d'une part, les dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination, et, d'autre part, les dommages affectant la solidité des éléments d'équipement de l'ouvrage faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

A ce titre, il convient de rappeler que, selon les articles 1646-1 et 1792-1 du même code, sont réputés constructeurs de l’ouvrage le vendeur d'immeuble à construire, tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire, ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

En l’espèce, le défaut de contenance allégué (-7,84 m², soit -8,3% de la surface convenue) ne constitue pas un dommage à l’ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil, qui implique une atteinte à l’intégrité ou au bon fonctionnement des constructions, et ne rend en tout cas pas le bien impropre à sa destination puisqu’il demeure parfaitement habitable.

Le moyen sera ainsi rejeté.

Sur le fondement du défaut de contenance

Aux termes des articles 1616 et 1617 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer la contenance telle qu'elle est portée au contrat. Si la vente d'un immeuble a été faite avec indication de la contenance, à raison de tant la mesure, le vendeur est obligé de délivrer à l'acquéreur, s'il l'exige, la quantité indiquée au contrat. Et si la chose ne lui est pas possible, ou si l'acquéreur ne l'exige pas, le vendeur est obligé de souffrir une diminution proportionnelle du prix.

L’article 1619 du code civil dispose que l’expression de la mesure ne donne lieu à aucun supplément de prix, en faveur du vendeur, pour l’excédent de mesure, ni en faveur de l’acquéreur, à aucune diminution du prix pour moindre mesure, qu’autant que la différence de la mesure réelle à celle exprimée au contrat est d’un vingtième en plus ou en moins.

Conformément à la jurisprudence, l’article 46 de la loi de 10 juillet 1965 (dite loi Carrez), n’est pas applicable à la vente en l’état futur d’achèvement, quand bien même le lot vendu serait compris dans une copropriété (voir en ce sens : Cass. Civ. 3ème 11 janvier 2012 n°1022.924).

La surface stipulée à l’acte de vente en l’état futur d’achèvement s’entend de la surface habitable au sens de l’article R. 111-2 du code de la construction et de l’habitation.

Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, l’article 1353 du code civil disposant, qu’en matière contractuelle, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, et que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Sauf exception, cette preuve peut être rapportée par tous moyens, notamment par expertise. A cet égard, toutefois, une expertise extrajudiciaire ne peut servir de fondement exclusif de la décision sans être corroborée par d’autres éléments, quand bien même l’autre partie y a été convoquée ou y a assisté (voir en ce sens Cass, Civ 1, 26 juin 2019, 18-12.226 et Cass, Civ 2, 19 mars 2020, 19-12.254).

En l’espèce, il résulte de l’acte de vente que la « surface habitable » convenue est de 91,44 m2.

Le diagnostic de performance énergétique, qui mentionne une surface de 79,70 m2, n’est pas probant dès lors qu’il est indiqué que cette donnée provient d’un « document fourni » et non d’une mesure réalisée par le professionnel.

M. [Z] et Mme [G] produisent cependant une attestation de superficie privative établie contradictoirement (les parties ayant été appelées) par un géomètre expert, indiquant une superficie Carrez de 83,6 m2.

Or, la superficie Carrez se distingue de la « surface habitable » retenue en matière de vente en l’état futur d’achèvement, de sorte que le tribunal n’est pas en mesure d’établir avec certitude l’existence d’un défaut de contenance de plus de 5% par rapport à la surface convenue.

Par ailleurs, cette attestation de superficie s’analyse en une expertise extrajudiciaire, qui n’est pas corroborée par d’autres éléments de preuve, de sorte qu’elle est insuffisamment probante au regard des règles de preuve.

La demande sera ainsi rejetée.

Sur la demande principale en paiement au titre du retard de livraison

L'article 1103 du code civil dans sa rédaction applicable au litige dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, sans quoi la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut, selon l'article 1217 du même code, refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, et/ou demander réparation des conséquences de l'inexécution, le tout cumulable avec l'octroi de dommages et intérêts au sens de l'article 1231-1 du même code.

En particulier, l'article 1611 du code civil dispose que, dans tous les cas, en ce compris celui de la vente d'immeuble à construire prévu par l'article 1601-1 du même code, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, l’article 1353 du code civil disposant, qu’en matière contractuelle, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, et que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Sauf exception, cette preuve peut être rapportée par tous moyens, notamment par expertise. A cet égard, toutefois, une expertise extrajudiciaire ne peut servir de fondement exclusif de la décision sans être corroborée par d’autres éléments, quand bien même l’autre partie y a été convoquée ou y a assisté (voir en ce sens Cass, Civ 1, 26 juin 2019, 18-12.226 et Cass, Civ 2, 19 mars 2020, 19-12.254).
Sur la responsabilité de la SCCV [Adresse 9]

En l’espèce, il est constant que le bien devait être livré au plus tard le premier trimestre 2020, soit le 31 mars 2020 (page 27 de l’acte de vente).

S’agissant de la livraison, constituée par l’achèvement des travaux, la remise des clefs et l’entrée en jouissance du bien, il convient de retenir le plus tardif des deux procès-verbaux versés aux débats, soit le 25 novembre 2021, laissant apparaitre un retard de 604 jours.

Si le tribunal n’est plus saisi des prétentions et moyens présentés par la SCCV [Adresse 9], force est de relever que l’application des clauses relatives aux causes légitimes de suspension du délai de livraison demeurent dans les débats, l’assureur faisant valoir que la pandémie de Covid-19 et les difficultés de raccordement avec les concessionnaires empêchent l’indemnisation des demandeurs.

S’agissant des causes légitimes autorisant un retard de livraison, le contrat stipule que :

« Le délai d’exécution ne pourra être augmenté qu’en cas de force majeure ou plus généralement d’une cause légitime de suspension du délai de livraison. Sont notamment considérées comme causes légitimes de suspension du délai de livraison :
- les intempéries suivant attestation du Maître d’œuvre accompagnées des relevés de la station météo la plus proche et des conséquences de ces intempéries sur le chantier […] ;
- grève générale ou partielle affectant le chantier ou les fournisseurs.
- retard résultant de la liquidation des biens, l’admission au régime du règlement judiciaire, du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire ou la déconfiture des ou de l’une des entreprises ou de ses sous-traitants […]
- retard provenant de la défaillance d’une entreprise ou de ses sous-traitants […] ;
- retards provenant d’anomalies du sous-sol […]
- injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d’arrêter les travaux […]
- trouble résultant d’hostilités, cataclysmes, accidents de chantier, attentats ou terrorisme.
- retards imputables aux compagnies concessionnaires […]
- retards de paiement de l’acquéreur tant en ce qui concerne la partie principale, que les intérêts de retard et les éventuels travaux supplémentaires ou modificatifs que le vendeur aurait accepté de réaliser.

S’il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de retard, l’époque prévue pour l’achèvement serait différée d’un temps égal à celui pendant lesquels l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux. Dans un tel cas, la justification de la survenance de l’une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l’acquéreur par une lettre du Maître d’œuvre. »

Sur l’incidence de l’épidémie de Covid-19

Les défendeurs se prévalent de l’impact des mesures gouvernementales décidées dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, qu’il y a lieu de retenir s’agissant d’un motif dont la nature est conforme au contrat, mais dans la limite des 56 jours (38 jours ouvrés) de confinement national, du 16 mars au 11 mai 2020, en l’absence d’élément permettant d’établir et quantifier une incidence plus conséquente sur le chantier litigieux, en terme d’insuffisance de personnel, de ralentissement des tâches ou de difficultés d’approvisionnement.
Sur les difficultés de raccordement avec les concessionnaires

Aucun élément de preuve n’étant versé aux débats, cette cause sera écartée.

Sur la fixation du retard

Au surplus, le tribunal observe qu’aucun élément de preuve n’est aujourd’hui versé aux débats s’agissant des autres causes légitimes de retard invoquées par la SCCV avant son placement en redressement judiciaire (intempéries nécessitant d’être attestées par un document du maître d’œuvre, défaillances et redressements judiciaire d’entreprises intervenant sur le chantier, désorganisation du chantier qui ne constitue au demeurant pas une cause légitime contractualisée, vols et difficultés d’approvisionnement, retard de paiement des acquéreurs, rescrit fiscal).

Il résulte de ce qui précède que la livraison est intervenue avec (604 – 56 =) 548 jours de retard injustifiés, qui exposent la responsabilité contractuelle de la SCCV à l’égard de M. [Z] et Mme [G].

Sur la garantie de la SA Abeille IARD & santé

Conformément à l'article L. 124-3 du code des assurances, tout tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, auquel cas l'assureur peut, selon l'article L. 112-6 du même code, opposer au tiers lésé toutes les exceptions qu'il aurait pu opposer à son assuré.

En l’espèce, il résulte des conditions particulières de la police « construction globale chantier » qu’ont été souscrites les garanties « tous risques chantier », « constructeur non réalisateur » et « dommages ouvrage », qui ne couvrent pas les retards de livraison.

S’agissant de la responsabilité civile, il résulte des conditions générales que « sont garanties, les conséquences pécuniaires de la Responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle relevant des articles 1240 à 1244 du Code civil, pouvant incomber à l’Assuré en raison de dommages corporels et/ou matériels et immatériels, de nature imprévisible et inéluctable, causés à un Tiers et qui sont directement imputables :
- à l’exécution des travaux qui trouvent leur origine sur le site ;
- à l’un des intervenants ayant la qualité d’Assuré aux conditions particulières lorsqu’il revient sur le chantier dans les 12 mois qui suivent la réception, pour l’accomplissement des seules obligations contractuelles qui lui incombent conformément au marché initial. »

Or, les retards de livraison ne sont pas « directement imputables à l’exécution des travaux qui trouvent leur origine sur le site » et ne ressortent donc pas de l’objet de la garantie.
La demande dirigée contre la SA Abeille IARD & santé sera ainsi rejetée.

Sur l’évaluation des préjudices et l’obligation à la dette

Sur le préjudice de jouissance subi du fait du retard de livraison

M. [Z] et Mme [G] soutiennent qu’ils doivent être indemnisés du préjudice résultant de la privation de jouissance du bien litigieux durant la période de retard injustifié.
Il leur sera répondu que le trouble subi dans la jouissance d’un bien suppose l’occupation effective de ce bien, sans quoi seul le préjudice économique lié au coût d’un bien de substitution peut être réparé, ce qui n’est pas argué en l’espèce.

Le préjudice de jouissance peut en outre résulter du fait que les conditions de jouissance du logement occupé durant le temps de retard de livraison sont, dans leur principe et leur étendue, moins bonnes que celles qui auraient été celles des demandeurs au sein du logement litigieux, ce qui n’est pas argué en l’espèce.

A cet égard, si les demandeurs produisent des attestations de proches les ayant hébergés de juillet à novembre 2021, aucun élément objectif ne permet d’évaluer la perte de jouissance entre le bien litigieux et les conditions d’occupation chez leurs proches, qui pourra cependant trouver réparation sur le terrain de l’indemnisation du préjudice moral.

Il s’ensuit que la demande sera rejetée.

Sur le préjudice moral

Il n’est pas contestable que les faits d’avoir dû supporter plusieurs prorogations du délai de livraison pour un retard total de 548 jours, d’avoir dû loger chez des proches ou louer des appartements dans l’attente de la livraison du bien sans que le promoteur n’offre d’horizon clair quant au délai et d’avoir dû entreprendre une procédure judiciaire soient source d’un préjudice moral qui sera justement réparé par l’allocation d’une indemnité de 10 000 euros, qui sera fixée au passif de la procédure collective ouverte contre la SCCV [Adresse 9].

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, les dépens et l'indemnité déterminée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile trouvent leur cause dans la décision judiciaire elle-même, nécessairement postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective.

La partie perdante, la SCCV [Adresse 9], étant soumise au régime d’une procédure collective, les dépens seront fixés au passif de ladite procédure.

Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).
Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, la somme de 4 000 euros sera fixée au passif de la procédure collective ouverte contre la SCCV [Adresse 9].

Sur l’exécution provisoire

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE irrecevable l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la SA Abeille IARD & santé ;

DECLARE irrecevables les demandes formées par la SCCV [Adresse 9] ;

DECLARE irrecevables les prétentions formées par la SA Abeille IARD & santé à l’encontre de la SCCV [Adresse 9] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens;

DEBOUTE M. [Z] et Mme [G] de leurs demandes en paiement au titre du défaut de contenance ;

DEBOUTE M. [Z] et Mme [G] de leurs demandes en paiement au titre du préjudice de jouissance ;

FIXE la créance de M. [Z] et Mme [G] au passif du redressement judiciaire de la SCCV [Adresse 9] à la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral ;

DEBOUTE M. [Z] et Mme [G] de leurs demandes en paiement dirigées contre la SA Abeille IARD & santé au titre du retard de livraison ;

FIXE au passif de la procédure collective de la SCCV [Adresse 9] les dépens de l'instance ;

FIXE au passif de la procédure collective de la SCCV [Adresse 9] la créance de M. [Z] et Mme [G] à la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SA Abeille IARD & santé de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.

La minute a été signée par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 4
Numéro d'arrêt : 23/00112
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;23.00112 ?
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