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27/05/2024 | FRANCE | N°23/06280

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 3, 27 mai 2024, 23/06280


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 27 MAI 2024


Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 23/06280 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X3HZ
N° de MINUTE : 24/00350



Madame [T] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Dian DIALLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 0990

DEMANDEUR

C/

S.A. PACIFICA
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Eric MANDIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 046

DEFENDEUR



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DERO

UAULT, juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 27 MAI 2024

Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 23/06280 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X3HZ
N° de MINUTE : 24/00350

Madame [T] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Dian DIALLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 0990

DEMANDEUR

C/

S.A. PACIFICA
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Eric MANDIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 046

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DEROUAULT, juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 18 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 27 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [T] [I] a souscrit une police d’assurance multirisque habitation auprès de la SA PACIFICA pour couvrir un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 4].

Le 1er mars 2022, elle a déposé une plainte auprès du service départemental de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis pour un vol avec effraction.

Madame [T] [I] a déclaré le sinistre auprès de la SA PACIFICA et a transmis un état des pertes pour un montant de 80.769,40 euros. Une expertise amiable a été diligentée auprès du cabinet ELEX France.

Par acte de commissaire de justice délivré le 27 juin 2023, Madame [T] [I] a fait assigner la SA PACIFICA afin qu’elle soit condamnée :
- au paiement de la somme de 80.769,40 euros,
- au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La clôture de l’instruction est intervenue le 8 novembre 2023 par ordonnance du même jour et l’affaire a été renvoyée pour plaidoiries à l’audience à juge unique le 18 mars 2024 devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

Par conclusions notifiées le 18 septembre 2023, Madame [T] [I] reprend les chefs de demandes contenus dans son assignation.

Au soutien ses prétentions, au visa de l’article 1359 alinéa 1er du code civil et de l’article L.113-2.4° du code des assurances Madame [T] [I] estime que la SA PACIFICA a l’obligation de l’indemniser dans la mesure où elle prouve l’existence d’un contrat d’assurance habitation garantissant le vol et où elle a respecté ses obligations contractuelles tendant à porter à la connaissance de son assureur le vol accompagné d’un inventaire des objets dérobés et des justificatifs que ces derniers étaient bien en sa possession.

Elle considère que, conformément aux articles 1358 et 2276 du code civil et à la jurisprudence, elle rapporte, certes par tout moyen, la preuve du sinistre grâce à la plainte déposée et de la possession des objets dérobés par le biais de factures et photographies.

Elle soutient qu’en application des articles 1353 du code civil et L112-4-3, L112-4, L113-1 et L211-1 du code des assurances, il appartient à la SA PACIFICA de rapporter la preuve des exclusions de garanties qu’elle invoque. Elle précise que le vol des biens mobiliers, y compris des objets précieux et de valeur, est bien couvert par le contrat d’assurance, qu’il n’existe aucune exclusion de garantie à ce sujet et que ce contrat ne stipule pas que l’assuré doive fournir une facture ou un certificat de dédouanement pour être indemnisé.

Au visa des articles L.121-6 alinéa 1er du code de la consommation et de l’article 1103 du code civil, elle allègue de ce que la SA PACIFICA ne saurait se soustraire à ses obligations contractuelles en exigeant des conditions d’indemnisation qui ne sont pas prévues au contrat. Elle affirme que le vol s’est bien produit dans l’appartement assuré, que la mention « RDC » dans la plainte alors qu’elle habite au 1er étage, résulte d’une erreur matérielle commise par l’officier de police judiciaire qui a enregistré sa plainte ; qu’elle n’a pas tenté de dissimuler la première page de la déclaration de plainte dans la mesure où l’intégralité de la plainte a été envoyée à la SA PACIFICA. Elle ajoute que la défenderesse ne saurait exiger une facture ou un certificat de dédouanement comme mode de preuve de la possession des biens dérobés.

Par conclusions notifiées électroniquement le 25 octobre 2023, la SA PACIFICA sollicite :
- à titre principal, que Madame [T] [I] soit déboutée de l’intégralité de ses demandes,
- à titre subsidiaire, que l’indemnisation due à Madame [T] [I] à la somme de 22.000 euros,
- en tout état de cause, qu’elle soit condamnée au paiement de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, la SA PACIFICA invoque les articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile pour rappeler qu’il appartient à l’assuré de rapporter la preuve de la survenance du sinistre et de la réalité des pertes. Elle précise en outre qu’il s’agit là de conditions de mobilisation de sa garantie et non d’exclusions de garantie. Elle expose que Madame [I] échoue à démontrer la réalisation du sinistre, le seul dépôt de plainte étant insuffisant à démontrer la réalisation du risque, une incertitude existant sur le lieu du vol puisque la plainte signée par la demanderesse mentionne un appartement au rez-de-chaussée alors que le contrat garantit un appartement en étage. Selon la SA PACIFICA, Madame [I] échoue également à démontrer la possession des objets dérobés et leur présence au sein de son domicile au moment du sinistre en ne produisant que deux factures concernant l’achat d’un sac pour 1.330 euros et d’une paire de chaussures pour 575 euros. Elle s’étonne de l’absence de factures ou de certificats de dédouanement concernant des bijoux et sacs d’une valeur supérieure à 10.000 et 20.000 euros achetés à l’étranger.

Elle rappelle qu’en vertu de l’article 31 du code de procédure civile et de l’article 50 octies du code général des impôts, aucune demande indemnitaire ne saurait être admise au titre du vol d’objets détenus de façon illicite sur le territoire français.

Subsidiairement, la SA PACIFICA se prévaut de l’exigence de bonne foi avec laquelle les contrats doivent être exécutés afin de justifier l’insertion dans le contrat d’assurance d’une clause de déchéance de garantie en cas de fausse déclaration de l’assuré. Elle estime que les fausses déclarations de Madame [I] sont caractérisées s’agissant de l’étage de l’appartement cambriolé qu’elle aurait tenté de dissimuler en ne produisant pas la première page de sa plainte et s’agissant de l’étendue du sinistre en affirmant avoir acquis des biens volés à l’étranger et en sollicitant l’indemnisation d’un téléviseur LCD mentionné sur l’état de perte à titre d’exemple.

A titre infiniment subsidiaire, la SA PACIFICA rappelle le plafond de garantie de 22.000 euros concernant les objets précieux aux termes des conditions particulières du contrat d’assurance.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur les demandes principales

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Aux termes de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui demande l'exécution d'une obligation d'en rapporter la preuve. Enfin, en application de l’article 1358 du même code, hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen.

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.

En l’espèce, la réalité du contrat d’assurance liant la SA PACIFICA à Madame [T] [I] n’est pas contestée.

Le contrat d’assurance habitation signé électroniquement est versé aux débats et permet d’attester
que le logement assuré est situé en étage au [Adresse 1] à [Localité 4], que le risque de vol est garanti par la SA PACIFICA avec les plafonds d’indemnisation suivants :
- 106.000 euros pour le mobilier,
- 40.000 euros pour les objets de valeurs,
- 22.000 euros pour les objets précieux.

Les conditions générales du contrat d’assurance stipulent (page 42) qu’en cas de vol, l’assuré doit justifier de l’existence et de l’état du bien. La SA PACIFICA est donc bien fondée à solliciter, sans que cela ne constitue une nouvelle exclusion de garantie au sens du code de la consommation comme le soutient Madame [I], des justificatifs quant à l’existence des biens déclarés volés.

Il est également précisé qu’en cas de sinistre, « si vous faites intentionnellement de fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances, les conséquences du sinistre ou sur l’état du bien assuré, ou si vous produisez des documents falsifiés, la garantie ne vous sera pas acquise, et ce, pour la totalité du sinistre ».

Par ailleurs, en application des dispositions précitées, il appartient à Madame [I] de rapporter par tout moyen la preuve de la survenue du sinistre ainsi que de ses conséquences, la SA PACIFICA n’imposant à Madame [I] aucune obligation non prévue au contrat en sollicitant la preuve de la survenue et de l’objet du sinistre.

Madame [I] produit aux débats son dépôt de plainte, amputé de la première page, tandis que la SA PACIFICA communique intégralement ce document. Le tribunal observe que le logement assuré suivant le contrat d’assurance concerne un logement en étage. Or, il résulte de la première page du dépôt de plainte que le vol allégué a eu lieu à la même adresse, mais dans un logement situé au rez-de-chaussée. Madame [I] ne peut valablement soutenir qu’il s’agit là d’une erreur de frappe ou de compréhension du policier rédacteur dès lors qu’elle a apposé sa signature à la fin du procès-verbal. Il sera retenu que cette discordance entre le contrat d’assurance et la plainte, dont le tribunal n’aurait pu avoir connaissance si la SA PACIFICA n’avait pas produit le dépôt de plainte dans son intégralité, jette le doute sur la survenance effective du sinistre dans le logement assuré. De surcroît, la plainte de Madame [I] n’est corroborée par aucun autre élément. Il n’est versé en procédure ni procès-verbal de constat par huissier de justice, ni même de photographies de la porte d’entrée fracturée ou de la serrure cassée. Madame [I] ne produit pas non plus de justificatifs – à l’exception de deux factures relatives à une paire d’escarpins de marque Louboutin d’une valeur de 575 euros du 13 février 2022 et d’un sac de marque Louis Vuitton d’une valeur de 1330 euros du 13 février 2022 – de la présence des biens de luxe qu’elle déclare volés pour un total de 80.769,40 euros.

Dans ces conditions, il convient de considérer que la déclaration de vol faite par Madame [I] est insuffisante à caractériser la réalité du vol par effraction et que la demanderesse échoue à rapporter la preuve de la soustraction frauduleuse, au moyen d’une effraction, des biens dont elle revendique l’indemnisation par son assureur.

Il sera précisé au surplus qu’à supposer le vol établi dans sa matérialité, le fait, pour Madame [I], d’avoir déclaré auprès de la SA PACIFICA le cambriolage de l’appartement qu’elle avait assuré auprès d’elle en étage alors que le dépôt de plainte fait référence à un cambriolage dans un appartement situé au rez-de-chaussée, constitue une fausse déclaration intentionnelle sur les circonstances du sinistre donnant lieu à déchéance de garantie.

II. Sur les mesures de fin de jugement
 
Sur les dépens
 
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
 
Madame [T] [I], qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens.
 
Sur les frais irrépétibles
 
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Compte tenu de la situation économique des parties, il y a lieu de débouter chacune des parties de leur demande de ce chef.
 
Sur l’exécution provisoire

Il est rappelé qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DEBOUTE Madame [T] [I] de ses demandes ;

CONDAMNE Madame [T] [I] aux dépens ;

DEBOUTE les parties de leur demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 3
Numéro d'arrêt : 23/06280
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;23.06280 ?
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