La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2024 | FRANCE | N°23/04630

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 3, 27 mai 2024, 23/04630


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 27 MAI 2024


Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 23/04630 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XUEE
N° de MINUTE : 24/00348


S.C.I. SOMON
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Véronique BAUDASSE de la SELARL CB Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C0639

DEMANDEUR

C/

Monsieur [K] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Maître Adel FARES de la SELEURL FARES & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B 280

Madame [P]

[D] épouse [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Adel FARES de la SELEURL FARES & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vest...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 27 MAI 2024

Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 23/04630 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XUEE
N° de MINUTE : 24/00348

S.C.I. SOMON
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Véronique BAUDASSE de la SELARL CB Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C0639

DEMANDEUR

C/

Monsieur [K] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Maître Adel FARES de la SELEURL FARES & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B 280

Madame [P] [D] épouse [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Adel FARES de la SELEURL FARES & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B 280

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DEROUAULT, juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 18 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 27 Mai 2024.
JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique du 1er juillet 2022, la SCI Somon, en qualité de venderesse, a conclu avec M. et Mme [Y] – ci-après dénommés les époux [Y] – en qualité d’acquéreurs, une promesse unilatérale de vente portant sur plusieurs biens immobiliers sis [Adresse 1]), moyennant le prix de 695 000 euros, sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier.

La promesse prévoyait notamment :
- l’expiration du délai d’option le 14 octobre 2022 à 16 heures ;
- le montant de l’indemnité d’immobilisation à hauteur de 69 500 euros.

Les époux [Y] ont versé entre les mains de Maître [T], notaire à [Localité 6], la somme de 34 750 euros au titre de séquestre.

Les contractants sont convenus d’une prorogation du délai de la condition suspensive jusqu’au 31 octobre 2022.

Les époux [Y] n’ont pas obtenu de prêt et n’ont pas levé l’option.

Par acte d'huissier en date du 9 mai 2023, la SCI Somon a assigné devant le tribunal judiciaire de Bobigny les époux [Y] aux fins de paiement de l’indemnité d’immobilisation et de libération de la somme séquestrée.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2023, la SCI Somon demande au tribunal de :
- condamner in solidum M. et Mme [Y] à payer à la SCI Somon la somme de 69 500 euros, dont celle de 34 750 euros séquestrée à l’étude de Maitre [T] ;
- ordonner la libération de la somme de 34 750 euros séquestrée au profit de la SCI Somon ;
- débouter les époux [Y] de leurs demandes ;
- condamner in solidum les époux [Y] à payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023, les époux [Y] demandent au tribunal de :
- débouter la SCI Somon de ses demandes ;
- ordonner la libération de la somme séquestrée de 34 750 euros à leur profit ;
- à titre subsidiaire, octroyer des délais de paiement sur une durée de 24 mois ;
- condamner la SCI Somon à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2023.

L'affaire a été inscrite au rôle de l'audience du 18 mars 2024, où elle a été appelée.

Sur quoi elle a été mise en délibéré au 27 mai 2024 afin qu'y soit rendue la présente décision.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur l’indemnité d’immobilisation

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1304-3 du même code précise que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Il résulte par ailleurs des dispositions d'ordre public de l'article L313-41 du code de la consommation que :
- lorsque la promesse de vente immobilière indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement ;
- que la durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement ;
- que lorsque la condition suspensive n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit ;
- que les parties ne peuvent imposer à l'acquéreur un délai intermédiaire pour déposer sa demande de prêt (voir en ce sens Cass, Civ 3, 12 février 2014, 12-27.182), ni lui imposer de notifier au vendeur la non-obtention du prêt dans le délai prévu (voir en ce sens Cass, Civ 1, 9 mai 1996, 94-12.133) ;
- que les parties peuvent en revanche exiger de l'acquéreur qu'il justifie avoir sollicité plusieurs établissements de crédit (voir en ce sens Cass, Civ 3, 21 juillet 1998) ;
- qu'il appartient au bénéficiaire de la promesse de vente de démontrer qu'il a bien sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse, auquel cas, il revient au promettant de rapporter la preuve que le bénéficiaire a empêché l'accomplissement de la condition suspensive.

L’emprunteur qui sollicite un prêt non conforme aux caractéristiques définies dans la promesse n’est pas fautif dès lors que la banque lui aurait en toute hypothèse refusé le prêt en raison de la faiblesse de ses capacités financières (3e Civ, 12 septembre 2007, n°06-15.640 ; 3e Civ, 15 septembre 2016, n°14-29.438).

En l’espèce, il est constant que les époux [Y] étaient tenus, aux termes de la promesse de chercher le financement de l’opération immobilière au moyen d’un prêt immobilier correspondant aux caractéristiques suivantes :
- montant maximal de la somme empruntée : 695 000 euros ;
- durée maximale de remboursement : 20 ans ;
- taux nominal d’intérêt maximal : 1,80 % l’an (hors assurance).

Il résulte également de la promesse que les époux [Y] se sont engagés, « en cas de non-obtention du financement demandé, à justifier de deux refus de prêt répondant aux caractéristiques ci-dessus ».

Les époux [Y] produisent aux débats deux refus de prêt :
- l’un émanant de la banque LCL en date du 21 octobre 2022 ;
- l’autre émanant de la banque Société Générale en date du 25 novembre 2022.

Le tribunal observe que ces deux courriers révèlent que les époux [Y] ont effectué des demandes de prêt non conformes aux critères stipulés dans la promesse, ce qui n’est au demeurant pas contesté par eux. Ainsi, il apparaît que la demande faite auprès de la LCL mentionne un montant d’emprunt à hauteur de 723 125 euros – dépassant ainsi le plafond de 695 000 euros contractuellement prévu – et que celle effectuée auprès de la Société Générale vise une durée de remboursement de 25 mois – supérieure à celle contractuellement prévue.

Les époux [Y] produisent aux débats leur avis d’impôts 2022 sur les revenus de l’année 2021 afin de montrer que les demandes de prêt, fussent-elles conformes aux caractéristiques de la promesse, n’auraient pu aboutir compte tenu de leur capacité financière. Cependant, le tribunal juge cette seule pièce, en l’absence d’autres avis d’impôts, notamment celui de 2023 portant sur les revenus 2022, et en l’absence de tout calcul produit par un établissement de crédit, insuffisante à démontrer leurs allégations.

Dans ces conditions, il sera retenu que les époux [Y] n’ont pas accompli les diligences conformément à la promesse unilatérale de vente, ce dont il résulte que la condition suspensive, qui avait été stipulée dans leur intérêt, doit être analysée comme étant réalisée en application de l’article 1304-3 du code civil.

Or, il résulte de la promesse que « les parties conviennent de fixer le montant de l’indemnité d’immobilisation à la somme forfaitaire de 69 500 euros. Sur laquelle somme le bénéficiaire verse au promettant, et ainsi qu’il résulte de la comptabilité du rédacteur des présentes celle de 34 750 euros représentant partie de l’indemnité d’immobilisation ci-dessus fixée et dont quittance d’autant est donnée ».

Dès lors, c’est au terme d’un raisonnement erroné que les époux [Y] soutiennent à titre subsidiaire qu’ils ne sont redevables que de la somme de 34 750 euros déjà séquestrée, ladite clause prévoyant simplement que la somme séquestrée doive être imputée sur le montant de l’indemnité d’immobilisation.

En conséquence, les époux [Y] seront condamnés à payer à la SCI Somon la somme de 69 500 euros au titre de l’indemnité forfaitaire d’immobilisation.

Il sera ordonné la libération de la somme de 34 750 euros séquestrée entre les mains de Maître [T], cette somme devant être imputée sur le montant de l’indemnité d’immobilisation.

En application de l’article 1343-5 du code civil, le paiement de la somme due sera reporté de 24 mois à compter de la signification du présent jugement.

II. Sur les mesures de fin de jugement

A. Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux
dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à charge de l'autre partie.

Les époux [Y] seront condamnés aux dépens.

B. Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

Compte tenu de l’économie générale du litige, l’équité commande de débouter chacune des parties de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

C. Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il sera rappelé l’exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,

CONDAMNE M. et Mme [Y] à payer à la SCI Somon la somme de 69 500 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation ;

ORDONNE la libération de la somme de 34 750 séquestrée entre les mains de Maître [T], notaire à Charenton le Pont, au profit de la SCI Somon ;

DIT que cette somme sera déduite de la somme de 69 500 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation ;

OCTROYE, au bénéfice de M. et Mme [Y], un report de paiement de vingt-quatre mois à compter de la signification de la présente décision ;

CONDAMNE M. et Mme [Y] aux dépens ;

DEBOUTE chacune des parties de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l’exécution provisoire du jugement.

La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 3
Numéro d'arrêt : 23/04630
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;23.04630 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award