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27/05/2024 | FRANCE | N°22/10024

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 3, 27 mai 2024, 22/10024


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 27 MAI 2024


Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/10024 - N° Portalis DB3S-W-B7G-W3AC
N° de MINUTE : 24/00345


Monsieur [H] [R]
né le 11 Juin 1988 à [Localité 7] (CAMEROUN)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Elie SULTAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1129

DEMANDEUR

C/
SCCV [6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Christian LEFEVRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 385

DEFENDEUR



CO

MPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DEROUAULT, juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 27 MAI 2024

Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/10024 - N° Portalis DB3S-W-B7G-W3AC
N° de MINUTE : 24/00345

Monsieur [H] [R]
né le 11 Juin 1988 à [Localité 7] (CAMEROUN)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Elie SULTAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1129

DEMANDEUR

C/
SCCV [6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Christian LEFEVRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 385

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DEROUAULT, juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 18 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 27 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 19 décembre 2019, un contrat de vente en l’état futur d’achèvement a été conclu entre Monsieur [H] [R] – en qualité d’acquéreur – et la SCCV [6] – en qualité de venderesse – portant sur un appartement (n°101 - 1er étage / lot 2002) et un emplacement de parking au sous-sol (n°4 / lot 2034) au sein d’un ensemble immobilier situé [Adresse 1] et [Adresse 5] (Seine-Saint-Denis).

La livraison du bien a eu lieu le 16 juillet 2021.

Par acte de commissaire de justice en date du 6 octobre 2022, Monsieur [H] [R] a fait assigner la SCCV [6] devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
- 16.594,66 euros à titre d’indemnité de retard de livraison,
- 8.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- 15.000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices liés aux manquements de la SCCV [6] à ses engagements contractuels,
- 5.000 euros de dommages et intérêts en raison de la résistance abusive de la SCCV [6]
- 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La clôture de l’instruction est intervenue le 8 novembre 2023 par ordonnance du même jour l’affaire a été renvoyée pour plaidoirie à l’audience à juge unique le 18 mars 2024 devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

Au terme de l’audience du 18 mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 27 mai 2024.

Par conclusions notifiées électroniquement le 30 mai 2023, Monsieur [H] [R] sollicite :
- la condamnation de la SCCV [6] au paiement des sommes suivantes :
16.594,66 euros à titre d’indemnité de retard de livraison,8.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,15.000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériels liés aux manquements de la SCCV [6] à ses engagements contractuels,5.000 euros de dommages et intérêts en raison de la résistance abusive de la SCCV [6],- le rejet des demandes reconventionnelles formées par la SCCV [6],
- l’octroi de délais de paiement afin de s’acquitter du solde du prix de vente,
- la condamnation de la SCCV [6] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Sur le fondement des articles 1103, 1104, 1193 et 1194 du code civil, Monsieur [H] [R] explique qu’aux termes de l’acte authentique de vente, la livraison du bien devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2020 alors qu’elle n’a eu lieu qu’avec réserves le 16 juillet 2021, soit avec 196 jours de retard pendant lesquels il a continué à payer le loyer et les charges de son logement ; que ce retard est dû à une mauvaise gestion par la SCCV [6] qui, au surplus, n’a pas donné suite à sa mise en demeure du 7 décembre 2021 ; que malgré le gel de 104 jours liés à la Covid-19, le retard reste caractérisé, de telle sorte que la responsabilité de la SCCV [6] est engagée. S’agissant du calcul de l’indemnité de retard, Monsieur [H] [R] se prévaut des dispositions de l’article 1611 du code civil et de l’article R.231-14 du code de la construction et de l’habitation et sollicite la somme de 16,594,66 euros calculée sur la base de 1/3 000 du prix convenu, soit 254.000 euros, par jour de retard, soit 196 jours.
Sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, Monsieur [H] [R] indique avoir subi un préjudice à hauteur de 15.000 euros lié aux manquements de la SCCV [6] à ses engagements contractuels pris aux termes du protocole d’accord signé le 16 juillet 2021. Il rappelle que la SCCV [6] s’était engagée à ne pas encaisser le chèque correspondant au solde du prix de vente tant que les désordres faisant l’objet des réserves n’étaient pas réglés, à procéder à la recherche de la fuite impactant l’appartement de Monsieur [H] [R] et à reprendre les dégradations engendrées par cette fuite. Monsieur [H] [R] ajoute que les travaux permettant de régler le problème de fuite et de reboucher le trou du placard ont eu lieu le 14 novembre 2022, qu’il s’agit d’une exécution très tardive des engagements de la SCCV [6], laquelle, au surplus, aurait manqué de loyauté en proposant un protocole transactionnel prévoyant que Monsieur [H] [R] renonce à se prévaloir d’un préjudice financier.

Au soutien de sa demande au titre du préjudice moral, M. [R] expose avoir subi un état de stress et d’anxiété majeur en raison de l’impact des manquements allégués tirés du retard à la livraison et des manquements au protocole d’accord.

S’agissant du solde du prix de vente, Monsieur [H] [R] reconnaît son exigibilité à partir du 14 novembre 2022, date de remise en état de l’appartement, mais sollicite des délais de paiement à hauteur de 24 mois, sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil. Il indique être en difficulté pour s’acquitter de ses impôts malgré un salaire mensuel de 2.500 euros en raison des charges importantes de son ménage.

Pour s’opposer à la demande de condamnation à des pénalités de retard, Monsieur [H] [R] conteste la durée du retard de règlement des appels de fonds « hors d’eau » et « cloisons achevées » ainsi que le calcul des pénalités qui n’est pas opéré au taux légal par la SCCV [6].

Par conclusions notifiées électroniquement le 12 septembre 2023, la SCCV [6] demande au tribunal :
- que Monsieur [H] [R] soit débouté de toutes ses demandes en paiement,
- à titre reconventionnel, qu’il soit condamné au paiement des sommes suivantes :
12.700 euros au titre du solde du prix de vente,3.175 euros au titre des pénalités contractuelles de retard avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2023,5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec distraction au profit de Maître LEFEVRE conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Pour s’opposer à la demande de Monsieur [H] [R] portant sur le paiement de la somme de 16.594,66 euros au titre de l’indemnité de retard de livraison, la SCCV [6] estime qu’il n’existe pas de retard de livraison en raison d’une part, de la période de gel de 104 jours liée à la COVID 19 prévue par les ordonnances 2020-306 du 25 mars 2020 et 2020-560 du 13 mai 2020 qui constitue une cause légitime de suspension du délai de livraison, et d’autre part, des reports injustifiés par Monsieur [H] [R] des rendez-vous de livraison prévus le 18 février 2021 et 16 mars 2021, ainsi que de son refus illégitime d’accepter la livraison le 30 avril 2021 puisqu’il l’a acceptée le 16 juillet 2021 alors que le bien se trouvait dans le même état. Selon la SCCV [6], les reports des rendez-vous de livraison restent injustifiés malgré la mise en demeure du 7 décembre 2021 puisque la SCCV [6] y a répondu le 31 décembre suivant en justifiant de ses démarches pour lever les réserves et en refusant d’indemniser Monsieur [H] [R] au titre du retard expliquant qu’il n’existait pas de retard.

Au surplus et au visa de l’article 1353 du code civil, la SCCV [6] indique que Monsieur [H] [R] ne rapporte pas la preuve de son préjudice économique et qu’il porte sa demande à 16.594,66 euros alors qu’il sollicitait 6.500 euros dans sa mise en demeure,
sans fournir de justificatif supplémentaire.

S’agissant de la demande de Monsieur [H] [R] portant sur la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice moral lié au retard de livraison, se fondant sur la jurisprudence de la Cour de Cassation, la SCCV [6] indique que la responsabilité contractuelle de droit commun n’est pas applicable en matière de vente en l’état futur d’achèvement. Elle rappelle au surplus n’avoir pas manqué à ses obligations contractuelles et estime que cette demande est en réalité la même que la précédente et que Monsieur [H] [R] ne justifie pas de son préjudice.

Pour s’opposer à la demande de Monsieur [H] [R] portant sur la somme de 15.000 euros en réparation des préjudices liés à la non-exécution par la SCCV [6] de ses engagements contractuels aux termes du protocole d’accord signé le 16 juillet 2021, elle indique avoir exécuté ses obligations y afférant dans la mesure où elle a dû faire réaliser des investigations pour rechercher la provenance de la fuite et où les réparations qu’elle a fait réaliser ne lui incombaient finalement pas mais incombaient au propriétaire de l’étage du dessus. Elle ajoute que les désordres étaient minimes s’agissant de tâches d’humidité et de peinture écaillée dans un placard situé dans l’entrée, insusceptibles de caractériser un préjudice de jouissance, ce d’autant que Monsieur [H] [R] n’en justifie pas.

La demande reconventionnelle tendant à la condamnation de Monsieur [H] [R] au paiement de la somme de 12.700 euros correspondant au solde du prix de vente et de la somme de 3.175 euros correspondant aux indemnités de retard au paiement de deux appels de fonds est fondée sur les articles 1103 et suivants du code civil.
La SCCV [6] s’oppose à l’octroi de délais de paiement pour le solde du prix de vente dans la mesure où cette somme aurait dû être payée à la livraison le 16 juillet 2021, soit il y a plus de 2 ans, où Monsieur [H] [R] ne respecte pas le protocole transactionnel et où ses difficultés financières ne seraient pas démontrées notamment au regard de son salaire de 3.096,95 euros net, ou, à tout le moins, résulteraient de sa mauvaise foi.

La SCCV [6] rappelle le taux contractuel mensuel de 1 % du montant de l’appel de fonds et indique que deux appels de fonds ont été payés avec retard : l’appel portant sur le « hors d’eau » d’un montant de 25.400 euros payé avec 7 mois de retard, correspondant à une pénalité de 1.651 euros et celui portant sur les « cloisons achevées » d’un montant de 38.100 euros payé avec 4,5 mois de retard, correspondant à une pénalité de 1.524 euros.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur le retard à la livraison

L'article 1601-1 du code civil dispose que la vente d'immeuble à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Selon l'article 1611 du code civil, dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Le décret 2020-2020-260 du 16 mars 2020 prévoit qu’afin de prévenir la propagation du virus covid-19, est interdit jusqu'au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile à l'exception des déplacements pour les motifs suivants, dans le respect des mesures générales de prévention de la propagation du virus et en évitant tout regroupement de personnes:

1° Trajets entre le domicile et le ou les lieux d'exercice de l'activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d'être différés. Cette mesure de confinement liée à la pandémie a été prolongée jusqu’au 11 mai 2020.

En l’espèce, l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement conclu le 19 décembre 2019 entre Monsieur [H] [R] et la SCCV [6] stipule à la page 9 une date de livraison dans le courant du quatrième trimestre 2020, soit au plus tard le 31 décembre 2020, « sauf survenance d’un cas de force majeure ou autre cause légitime de suspension de délai ».

A la page 34, il est mentionné qu’en cas de force majeure ou de cause légitime de suspension du délai de livraison, l’époque prévue pour l’achèvement des travaux serait différée d’un temps égal à celui pendant lequel l’évènement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux.

La livraison a eu lieu le 16 juillet 2021, soit 196 jours après l’échéance conventionnellement fixée.

Si l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 et l’ordonnance 2020-506 du 13 mai 2020 prévoient une période de gel entre le 12 mars 2020 et le 23 juin, 2020, elles ne sont pas applicables en l’espèce dans la mesure où leurs dispositions sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus alors que le délai de livraison expirait en l’espèce le 31 décembre 2020.

En revanche, la période de confinement du 17 mars au 11 mai 2020 constitue une cause légitime, revêtant les caractéristiques de la force majeure, de suspension du délai de livraison dans la mesure où il s’agit d’une cause extérieure à la SCCV [6] et imprévisible s’agissant d’un contrat signé le 19 décembre 2019 avant la survenue de la pandémie. Elle était également une cause irrésistible puisque prescrite par décret du Premier Ministre et interdisant tout déplacement hormis les déplacements professionnels insusceptibles d’être différés, ce qui n’est pas le cas des déplacements pour la construction d’un immeuble d’habitation.

Le délai de livraison a donc été suspendu pendant 55 jours.

Par ailleurs, la SCCV [6] verse au débat un courriel émis par Monsieur [H] [R] le 17 février 2021 aux termes duquel ce dernier explique qu’il ne pourra honorer le rendez-vous « de remise de clé » prévu le lendemain, soit le 18 février 2021, ce dernier ne disposant pas encore des 12.700 euros correspondant au solde du prix de vente. Un nouveau rendez-vous fixé au 16 mars 2021 à 9 heures 30 mais n’a pas été honoré par Monsieur [H] [R] comme en atteste Monsieur [Z] [L], présent de l’entreprise France Revêtements Sols, qui était présent à la résidence à cette date jusqu’à midi. Enfin, Monsieur [H] [R] ne conteste pas avoir refusé la livraison le 13 avril 2021.

Monsieur [H] [R] ne saurait valablement soutenir que son refus de prendre livraison de l’appartement est lié à l’absence de réponse par la SCCV [6] à la mise en demeure datée du 7 décembre 2021 puisqu’une réponse lui a été adressée le 31 décembre 2021 et que cet échange a manifestement eu lieu après la livraison.

Il ressort de ce qui précède que l’absence de livraison entre le 18 février 2021 et le 16 juillet 2021 est imputable à l’inertie de Monsieur [H] [R], l’appartement étant en état de livraison au 18 février 2021, de telle sorte que le demandeur, à qui la livraison tardive est imputable, ne peut reprocher à la SCCV [6] d’avoir manqué à son obligation contractuelle de livraison dans les délais.

L’addition des jours de retard dus à l’épisode de covid-19 et au refus de Monsieur [H] [R] de se rendre disponible ou de prendre possession du bien porte le nombre total de jours de retard justifiés à 203 jours, de telle sorte qu’il n’existe aucun retard à la livraison du bien par la SCCV [6].

Monsieur [H] [R] sera donc débouté de sa demande en paiement de la somme de 16.594,66 euros à titre d’indemnité de retard de livraison.

II. Sur le protocole d’accord transactionnel

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, applicable en l’espèce en l’absence de garantie légale, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Par ailleurs, l’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

A. Sur les manquements contractuels

Monsieur [H] [R] allègue des manquements de la SCCV [6] à ses obligations contractuelles découlant du protocole d’accord signé le 16 juillet 2021.

Aux termes de ce protocole d’accord signé le 16 juillet 2021, la SCCV [6] s’engageait à ne pas encaisser le solde du prix de vente tant que les réserves émises lors de la livraison n’étaient pas levées, à poursuivre et finaliser la recherche de fuite qui impactait un placard du logement de Monsieur [H] [R], et à reprendre, une fois le problème traité, les enduits, peintures, parquets et autres dégradations éventuelles causées par ce désordre.

L’examen de la correspondance produite par le demandeur révèle que ce dernier s’est inquiété auprès de la SCCV [6] à trois reprises, entre la signature du protocole d’accord le 16 juillet 2021 et décembre 2021, de l’absence d’intervention d’un expert, sans que celle-ci ne justifie de l’accomplissement d’aucune diligence sur cette période. S’il est acquis, au terme des écritures des parties, que plusieurs interventions – partiellement infructueuses – ont eu lieu en 2022 aux fins de mettre un terme à la fuite dans le placard et qu’il a été remédié au désordre définitivement le 14 novembre 2022, il n’en demeure pas moins que la SCCV a laissé courir presque six mois à compter de la signature du protocole avant de poursuivre la recherche de fuite, de telle sorte que l’accomplissement tardif de son obligation contractuelle constitue une faute de nature à engager sa responsabilité. Il est indifférent à cet égard qu’il n’incombait pas à la SCCV [6] – mais au propriétaire du dessus – de procéder à la reprise de l’origine de la fuite dès lors que ce n’est pas la reprise tardive, mais l’identification tardive de la cause de la fuite, qui est retenue comme étant constitutive d’une faute.

La responsabilité de la SCCV CARRRE ROYAL est engagée.

B. Sur les préjudices

Le tribunal observe que de deux demandes indemnitaires se rapportent aux manquements contractuels du protocole 16 juillet 2021 :
- une demande en paiement à hauteur de 8 000 euros au titre du préjudice moral ;
- une demande en paiement à hauteur de 15 000 euros « en réparation des préjudices matériels engendrés par l’exécution tardive de ses engagements [par la SCCV] ».

Il y a lieu d’observer que Monsieur [H] [R] ne justifie, dans ses écritures, ni du principe, ni du quantum de son préjudice qu’il a évalué à la somme de 15 000 euros. Il en sera donc débouté.

S’agissant du préjudice moral, il sera retenu que l’exécution tardive de ses engagements par la SCCV a occasionné du tracas et une charge mentale indue. Etant considéré que la SCCV a entrepris des diligences aux fins d’identifier la fuite dès 2022 après avoir tardé pendant seulement de six mois, il y a lieu de réduire significativement le préjudice moral, lequel sera fixé à la somme de 500 euros.

La SCCV [6] sera condamnée à payer la somme de 500 euros à Monsieur [H] [R] au titre du préjudice moral.

III. Sur le solde du prix de vente

A. Sur le bien-fondé de la demande

Conformément à l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement conclu le 19 décembre 2019 prévoyait que le solde du prix de vente, soit 5 % de 254.000 euros, devait être versé par Monsieur [H] [R] à la livraison du bien. Par ailleurs, aux termes du protocole d’accord signé le 16 juillet 2021, Monsieur [H] [R] et la SCCV [6] étaient convenus que le chèque de 12.700 euros correspondant au solde du prix de vente, ne serait encaissé qu’à la levée des réserves émises par Monsieur [H] [R].

Les réserves ont été levées le 14 novembre 2022. Cependant, le chèque émis par Monsieur [H] [R] étant périmé à cette date, la SCCV [6] n’a pas pu l’encaisser de sorte que le solde du prix de vente reste dû, ce que Monsieur [H] [R] ne conteste pas.

Dans ces conditions, il y a lieu de condamner Monsieur [H] [R] au paiement de 12.700 euros au titre du solde du prix de vente avec intérêt au taux légal à compter 14 février 2023, date de signification des conclusions n°1 de la SCCV [6].

B. Sur la demande de délais de paiement

En application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut :
- compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
- par décision spéciale et motivée, ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital
- subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette,
La décision du juge suspendant les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard n’étant pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

En l’espèce Monsieur [H] [R] fait état de difficultés financières compte tenu des charges importantes de son ménage. Il produit un bulletin de salaire faisant mention d’un salaire net de 2.592,31 euros ainsi qu’une mise en demeure de payer de l’administration fiscale pour un montant de 2.848 euros. Contrairement à ce que soutient la SCCV [6], la mauvaise foi de Monsieur [H] [R] ne saurait être déduite des seules majorations mentionnées sur la mise en demeure.

Il convient de considérer que la mise en demeure de payer les impositions liées aux prélèvements sociaux de l’année 2021, la taxe foncière de 2022 et la contribution audiovisuelle de 2022 démontrent les difficultés financières rencontrées par Monsieur [H] [R] justifiant qu’il soit fait application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil.

En conséquence, il conviendra d’octroyer à Monsieur [H] [R] des délais de paiement. Il devra s’acquitter de la somme de 12.700 euros par douze mensualités de 1.058 euros, le dernier versement étant majoré du solde de la dette, dans les conditions prévues au dispostif. A défaut de paiement d'une seule échéance à sa date et quinze jours après mise en demeure restée infructueuse, la totalité de la somme restante due sera immédiatement exigible.

IV. Sur les indemnités de retard

Conformément à l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Par ailleurs, l’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l’espèce, l’acte authentique de vente stipule aux page 28 et 29 que « toute somme formant partie du prix qui ne serait pas payée à son exacte échéance serait de plein droit, et sans qu’il soit besoin de former une mise en demeure, passible d’une pénalité de retard au taux légal, sans que celle-ci, calculée sur une période d’un mois, ne puisse excéder 1 % ».

Il ressort des pièces versées aux débats que le retard au paiement de deux appels de fonds est établi. En effet, l’appel de fonds « hors d’air/hors d’eau », d’un montant de 25.400 euros, a eu lieu le 3 juillet 2020, payable au plus tard 15 juillet 2020. Il a été réglé le 2 février 2021 par Monsieur [H] [R], soit avec 6 mois et 17 jours de retard. L’appel de fonds « cloisons achevées », d’un montant de 38.100 euros, a eu lieu le 22 septembre 2021, payable au plus tard le 6 octobre 2020, pour un paiement le 2 février 2021 soit avec un retard de 3 mois et 26 jours.

S’agissant du calcul du montant des pénalités de retard, la SCCV [6] sollicite la condamnation de Monsieur [H] [R] au paiement de la somme de 3.175 euros en application du taux mensuel maximal de 1 % prévu au contrat.

En ne justifiant pas du taux légal applicable, la SCCV [6] ne démontre pas que le taux maximal de 1 % contractuellement prévu devait constituer la base de calcul des indemnités de retard dues par Monsieur [H] [R].

Dans ces conditions, elle ne justifie pas de la somme sollicitée et sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement de la somme de 3.175 euros au titre des pénalités de retard.

V. Sur les mesures de fin de jugement
 
A. Sur les dépens
 
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
 
La SCCV [6] sera condamnée aux dépens.
 
B. Sur les frais irrépétibles
 
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer 1° à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Au regard de l’économie générale du litige, il y a lieu de débouter les parties de leur demande de ce chef.
 
C. Sur l’exécution provisoire

 
Il est rappelé qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant en audience publique, par jugement contradictoire en premier ressort, mis à disposition au greffe,

CONDAMNE la SCCV [6] à payer à Monsieur [H] [R] la somme de 500 euros au titre de son préjudice moral ;

DEBOUTE Monsieur [H] [R] du reste de ses demandes indemnitaires ;

CONDAMNE Monsieur [H] [R] à payer à la SCCV [6] la somme de 12.700 euros au titre du solde du prix de vente ;

DIT que Monsieur [H] [R] pourra se libérer de ladite somme par douze mensualités de 1.058 euros payables le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la présente décision, le dernier versement étant majoré du solde de la dette ; 
 
DIT qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à sa date et quinze jours après mise en demeure restée infructueuse, la totalité de la somme restante due sera immédiatement exigible ; 
 
RAPPELLE qu'aux termes de l'article 1343-5 alinéa 4 du code civil ces délais suspendent les voies d'exécution et que les majorations d’intérêts ou pénalités ne sont pas encourues pendant ces délais ;

DEBOUTE la SCCV [6] de sa demande en paiement de la somme de 3.175 euros au titre des pénalités de retard ;

CONDAMNE la SCCV [6] aux dépens ;

DEBOUTE chacune des parties de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l’exécution provisoire du présent jugement.

La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 3
Numéro d'arrêt : 22/10024
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;22.10024 ?
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