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23/05/2024 | FRANCE | N°22/12438

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 9/section 1, 23 mai 2024, 22/12438


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY


JUGEMENT CONTENTIEUX DU 23 MAI 2024



AFFAIRE N° RG 22/12438 - N° Portalis DB3S-W-B7G-XDLV
N° de MINUTE : 24/00291
Chambre 9/Section 1


DEMANDERESSE

S.A. JURIDICA
[Adresse 1]
[Localité 3] / FRANCE
représentée par Maître Romain PICHOT de la SELEURL RPA SELARL, avocats au barreau de PARIS,

C/

DÉFENDERESSE

DIRECTION DES GRANDES ENTREPRISES
Direction Générale des Finances Publiques
[Adresse 2]
[Localité 4] / FRANCE
Dispensée du ministère d’avocat

r>COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS

Président : Monsieur Ulrich SCHALCHLI, Vice-Président siégeant à juge rapporteur, conformément aux dispositions des...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 23 MAI 2024

AFFAIRE N° RG 22/12438 - N° Portalis DB3S-W-B7G-XDLV
N° de MINUTE : 24/00291
Chambre 9/Section 1

DEMANDERESSE

S.A. JURIDICA
[Adresse 1]
[Localité 3] / FRANCE
représentée par Maître Romain PICHOT de la SELEURL RPA SELARL, avocats au barreau de PARIS,

C/

DÉFENDERESSE

DIRECTION DES GRANDES ENTREPRISES
Direction Générale des Finances Publiques
[Adresse 2]
[Localité 4] / FRANCE
Dispensée du ministère d’avocat

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS

Président : Monsieur Ulrich SCHALCHLI, Vice-Président siégeant à juge rapporteur, conformément aux dispositions des articles 805 et suivants du code de procédure civile, ayant rendu compte au tribunal dans son délibéré
Assisté de Madame Anyse MARIO, Greffière.

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monsieur Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président,
Madame Anne BELIN, Première Vice-Présidente,
Monsieur Ulrich SCHALCHLI, Vice-Président,

DÉBATS

Audience publique du 21 Mars 2024
Délibéré fixé le 23 mai 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Exposant qu’elle commercialise au sein du groupe AXA une garantie protection juridique spécifique à l’assurance multirisque agricole proposée par le groupe AXA, exclusivement afférente aux risques liés à l’activité agricole, couvrant le droit du travail, les locaux professionnels et baux ruraux et les relations avec les fournisseurs et clients, qu’elle a considéré que les primes versées au titre de cette garantie étaient exonérées de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance en application de l’article 995 12° du CGI en raison de son objet et de son lien étroit avec la Multirisque agricole, que l’administration lui a cependant adressé le 25 novembre 2021une proposition de rectification de 995183 € au titre des exercices 2018 et 2019 qu’elle a contestée et que la réclamation contentieuse qu’elle a régularisé le 6 octobre 2022 a été rejetée le 25 octobre 2022, la société JURIDICA demande, par assignation du 15 décembre 2022, que soit constaté le dégrèvement total de la TSCA mise à sa charge pour 995183 € au titre des exercices 2018 et 2019, qu’il soit ordonné au Trésor public de lui rembourser cette somme avec intérêts de retard au taux légal et que le trésor soit condamné à lui payer la somme de 5500 € au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir :

- que l’article 1001 du CGI qui prévoit un taux spécifique de TSCA pour les garanties juridiques a pour objet le tarif de la taxe et non son champ d’application;

- que l’article 995 12° du CGI exonère de la TSCA “les contrats d’assurance de toute nature afférents aux récoltes, cultures, cheptel vif, cheptel mort, bâtiments affectés aux exploitations agricoles et exclusivement nécessaires au fonctionnement de celles-ci”; que si, par analogie avec la jurisprudence de la cour de cassation relative aux contrats d’assurance de véhicules terrestres à moteur, seules les garanties couvrant des risques indissociables par nature d’une activité agricole doivent être exonérés, il résulte de l’exposition particulière des professionnels, notamment de l’agriculture, aux risques juridiques, eu égard à l’ensemble de leurs obligations légales/contractuelles et à la complexité croissante des relations juridiques, qu’une garantie de protection juridique couvre nécessairement des risques indissociables de l’activité agricole ;

- que la garantie en cause couvre exclusivement les risques inhérents à l’exercice professionnel d’une activité agricole et non les risques juridiques privés.

- que le nombre d’informations juridiques délivrées dans le cadre de la garantie est plus du double du nombre de litiges traités, ce qui différencie la garantie litigieuse de la défense recours qui n’est mise en oeuvre qu’en cas de litige ;

- que la très grande majorité des sinistres traités sont en lien avec l’énumération de l’article 995 12° et ont donc un lien avec le cycle de production et les moyens mis en oeuvre dans ce cadre;

L’administration conclut au débouté de la société JURIDICA en ses prétentions en faisant valoir

- qu’en application des articles 991 et 1001 du CGI les assurances de protection juridiques sont assujetties à une taxe de 13,4% des primes versées ;

- que conformément à la jurisprudence de la cour de cassation relative à la garantie protection juridique en matière d’assurance des véhicules terrestres à moteur, la garantie protection juridique litigieuse ne peut être considérée comme couvrant les seuls risques de toute nature afférents à l’activité agricole, l’exonération dérogatoire de l’article 995 12° étant d’interprétation stricte.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 991 du CGI, toute convention d'assurance conclue avec une société ou compagnie d'assurances ou avec tout autre assureur français ou étranger est soumise à une taxe annuelle et obligatoire perçue sur le montant des sommes stipulées au profit de l'assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l'assuré; la taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que les droits d'enregistrement ;

Selon l’article 995 12° du CGI, sont exonérés de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances les contrats d'assurance couvrant les risques de toute nature afférents aux récoltes, cultures, cheptel vif, cheptel mort, bâtiments affectés aux exploitations agricoles et exclusivement nécessaires au fonctionnement de celles-ci ;

Selon l’article 1001 5°ter du CGI, le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurances est fixé à 12,5 % pour les primes ou cotisations échues à compter du 1er janvier 2016 et à 13,4 % pour les primes ou cotisations échues à compter du 1er janvier 2017, pour les assurances de protection juridique définies aux articles L. 127-1 du code des assurances ;

Il s’agit de déterminer si l’assurance de protection juridique souscrite au sein d’un contrat support couvrant les “risques agricoles” en est indissociable et bénéficie de ce fait de l’exonération de la taxe prévue par l’article 995 12° comme le prétend le demandeur, ou si elle en est dissociable par analogie avec la solution retenue par la cour de cassation pour l’assurance de protection juridique souscrite au sein d’un contrat d’assurance d’un véhicule terrestre à moteur ;

Le seul fait que l’article 1001 5°ter du CGI détermine un taux spécifique de la taxe pour les assurances de protection juridique ne permet évidemment pas de répondre à la question puisque ce n’est pas la nature abstraite du risque qui détermine l’exonération de l’article 995 12° mais le fait qu’il pèse sur l’exploitant agricole; ainsi, l’incendie est un risque auquel est soumis tout propriétaire d’un bâtiment, mais l’exonération est limitée à l’assurance incendie des bâtiments affectés à l’exploitation agricole ;

Il s’agit donc d’apprécier in concreto si la couverture du risque visé par le contrat de protection juridique est limitée ou non aux instances ou démarches juridiques consécutives aux sinistres afférents aux récoltes, cultures, cheptel vif, cheptel mort, bâtiments affectés aux exploitations agricoles ;

Le principe énoncé par l’article 991 étant l’assujettissement à la taxe de tout contrat d’assurance, il appartient à l’assureur qui invoque une exonération de prouver qu’il en remplit les conditions;

A cet égard, la société JURIDICA invoque :

- l’exposition particulière aux risques juridiques des professionnels y compris les professionnels de l’agriculture ;

- la restriction de la couverture aux risques inhérents à l’exercice professionnel d’une activité agricole, notamment les risques relatifs au droit du travail, aux locaux professionnels, aux baux ruraux ainsi qu’aux relations avec les fournisseurs et les clients, à l’exclusion des risques juridiques privés ;

- la part prépondérante dans les sinistres traités de ceux afférents au cycle de production ;

- l’importance quantitative des informations juridiques délivrées ;

Ainsi, la société JURIDICA estime-t-elle que la totalité des litiges auxquels est exposé un exploitant agricole dans l’exercice de sa profession relève des risques dont l’assurance est exonérée de la taxe par l’article 995 12°, y compris les litiges avec ses salariés ( droit du travail visé en page 45 des conditions générales) ou avec les bailleurs des terres nues (baux ruraux visés idem) ;

Or, force est de constater que l’exonération de l’article 995 12°n’a pas pour objet les risques afférents à la profession d’agriculteur mais ceux afférents aux récoltes, cultures, cheptel vif, cheptel mort, bâtiments affectés aux exploitations agricoles, ce qui ne saurait inclure a priori les litiges prud’homaux ou ceux relatifs à l’exécution des baux de terres nues ;

A cet égard, la prépondérance statistique de la mise en oeuvre de la garantie pour des sinistres afférents aux risques visés par l’article 995 12°, à la supposer établie, ne change rien au fait que les risques couverts contractuellement excèdent notablement ceux ouvrant droit à exonération;

Dès lors, le champ de la protection juridique excédant celui de l’exonération, la société JURIDICA ne rapporte pas la preuve de ce que l’assurance de protection juridique est indissociable de l’assurance des risques visés par l’article 995 12° ;

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL
Statuant par jugement public, contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

- DÉBOUTE la société JURIDICA de ses demandes ;

- CONDAMNE la société JURIDICA aux dépens.

La minute a été signée par Monsieur Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président et Madame Anyse MARIO, greffière présente lors de la mise à disposition.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

Anyse MARIOBernard AUGONNET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 9/section 1
Numéro d'arrêt : 22/12438
Date de la décision : 23/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-23;22.12438 ?
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