TRIBUNAL DE PROXIMITÉ DU RAINCY
[Adresse 3]
[Localité 5]
Téléphone : [XXXXXXXX01]
@ : [Courriel 8]
REFERENCES : N° RG 23/03035 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YP42
Minute : 24/414
S.A.R.L. B-SQUARED INVESTMENTS SARL
Représentant : Me Sylvie LANGLAIS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 7
C/
Madame [U] [C]
Exécutoire délivrée le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée le :
à :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT
Jugement rendu et mis à disposition au greffe du tribunal de proximité du Raincy en date du 02 Mai 2024 par Madame Céline MARION, en qualité de juge des contentieux de la protection assistée de Madame Sandra GAGNOUX, greffier ;
Après débats à l'audience publique du 07 Mars 2024 tenue sous la présidence de Madame Céline MARION, juge des contentieux de la protection, assistée de Madame Sandra GAGNOUX, greffier ;
ENTRE DEMANDEUR :
S.A.R.L. B-SQUARED INVESTMENTS SARL,
demeurant [Adresse 4]
[Localité 9]
[Localité 9]
représentée par Me Sylvie LANGLAIS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
D'UNE PART
ET DÉFENDEUR :
Madame [U] [C],
demeurant [Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 6]
non comparante, ni représentée
D'AUTRE PART
EXPOSE DU LITIGE
Selon convention de compte en date du 27 novembre 2019, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a consenti à Madame [U] [C] l'ouverture en ses livres d'un compte de dépôt n°[XXXXXXXXXX02].
Selon avenant au contrat du 6 février 2021, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a consenti à Madame [U] [C] une autorisation de découvert d'un montant maximum de 1000 euros, sur le compte courant avec intérêts au taux débiteur de 12%, pour une durée illimitée.
La CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a adressé à Madame [U] [C] une mise en demeure d'avoir à régulariser le solde débiteur du compte à hauteur de 8643,52 euros par lettre recommandée en date du 22 février 22.
Selon acte de cession du 21 décembre 2022, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a cédé à la SARL B-SQUARED INVESTMENTS la créance à l'encontre de Madame [U] [C] au titre du contrat. La cession a été notifiée à Madame [U] [C] par lettre du 27 juin 2023.
Par acte de commissaire de justice en date du 1er décembre 2023, la SARL B-SQUARED INVESTMENTS a fait assigner Madame [U] [C] devant le juge des contentieux de la protection afin de :
"La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,
"condamner Madame [U] [C] au paiement des sommes suivantes :
o9539,04 euros, selon décompte au 27 novembre 2023, avec intérêts au taux légal l'an à compter du 22 février 2022 jusqu'au jour du parfait paiement,
o800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
A l'audience la SARL B-SQUARED INVESTMENTS, représentée, maintient ses demandes.
Elle indique que la créance relative au solde débiteur d'un compte bancaire a été cédée par la Caisse d'Epargne et la cession notifiée à Madame [U] [C]. Elle précise que la forclusion biennale n'est pas encourue, le dernier solde créditeur se situant au 4 septembre 2021 et qu'elle est dès lors bien fondée à obtenir la condamnation de la défenderesse au paiement du solde des sommes dues augmentées des intérêts au taux contractuel, au visa des articles L311-1 et suivants du code de la consommation. Elle précise qu'aucune offre de contrat de crédit n'a été proposée. Elle a également pu émettre ses observations sur le respect des règles d'ordre public fixées par le code de la consommation.
Madame [U] [C], régulièrement assignée par procès verbal de recherches infructueuses ne comparait pas et n'est représentée. La lettre recommandée adressée par le commissaire de justice à la dernière adresse connue est revenue avec la mention non réclamée.
L'affaire a été mise en délibéré au 2 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Conformément à l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait alors droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la demande principale :
Sur l'office du juge
En application de l'article R632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application.
L'article L314-26 du code de la consommation précise que les dispositions des chapitres II et III et des sections II à VII du chapitre IV du code de la consommation sont d'ordre public.
En l'espèce, la SARL B-SQUARED INVESTMENTS a évoqué la régularité de l'offre de prêt et a pu formuler ses observations quant au respect des dispositions d'ordre public des articles L312-1 et suivants du code de la consommation.
Sur la recevabilité de la demande
Si contrat souscrit plus de deux ans avant l'assignation :
En application de l'article R312-35 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat du 27 novembre 2019, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Cet événement est caractérisé par le dépassement, au sens du 13° de l'article L311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L 312-93.
En l'espèce, il ressort de l'historique de compte que le dépassement non régularisé du solde du compte est intervenu au 4 septembre 2021 et que l'assignation a été signifiée le 1er décembre 2023. Dès lors, la demande en paiement est recevable.
Sur la preuve du contrat :
Conformément aux articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.
Il résulte des articles 1892, 1895 et 1902 du code civil, que le prêt d'une somme d'argent est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine somme énoncée au contrat, à la charge par cette dernière de lui rendre au terme convenu.
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Il appartient au prêteur de prouver la remise de la somme d'argent et l'intention de prêter.
Selon l'article 1359 du code civil, la preuve des actes juridiques excédant 1500 euros doit être faite par écrit.
En application des articles 1361 et 1362 du code civil, il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.
Aux termes de l'article 1316-3 du code civil, l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier.
L'article 1316-4 du code civil dispose que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur et manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte ; que lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie.
L'article 2 du décret du 30 mars 2001 prévoit que la fiabilité du procédé de signature électronique est présumée jusqu'à preuve contraire, lorsque le procédé met en œuvre une signature électronique sécurisée grâce à un dispositif sécurisé de création de signature électronique et que la signature repose sur l'utilisation d'un certificat électronique qualifié ;
En l'espèce, le contrat initial est signé par signature électronique.
La demanderesse ne communique pas de certificat électronique, si bien que la preuve et les conditions de recueil et de conservation de la signature électronique n'est pas établie.
En l'absence du certificat électronique, la fiabilité du procédé de recueil de la signature n'est pas démontrée. Il s'ensuit que la preuve du consentement de Madame [C] au contrat ne peut être établie par le seul contrat, ne comportant aucune signature fiable.
Au regard des pièces communiquées, notamment l'historique de compte, il est démontré des mouvements a crédit et au débit du compte.
Les mises en demeure adressées à l'adresse du défendeur ont été distribuées ou présentées.
Le contrat électronique constitue un commencement de preuve par écrit, corroboré par les autres pièces communiquées par la banque. Ces éléments démontrent l'existence de l'obligation de remboursement des sommes versées.
La demanderesse rapporte en conséquence la preuve de l'existence du contrat et dès lors de l'obligation de restituer les sommes empruntées.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
En application des articles L312-92 et L312-93 du code de la consommation, lorsqu'un dépassement au sens de l'article L311-1 13°, soit un découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise un emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l'autorisation de découvert convenue, se prolonge au-delà d'un mois, le prêteur informe l'emprunteur sans délai du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais et intérêts sur arriérés qui sont applicables. Lorsque le dépassement se prolonge plus de trois mois, le prêteur propose sans délai un autre type d'opération de crédit au sens de l'article L311-1 du code de la consommation.
Aux termes de l'article L341-9 du même code, le prêteur qui n'a pas respecté les formalités prescrites au dernier alinéa de l'article L312-92 et à l'article L312-93 ne peut réclamer à l'emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement mentionné à ces articles.
En l'espèce, il ressort de l'examen des pièces versées aux débats que le compte bancaire comporte une autorisation expresse de découvert de 1000 euros. L'examen de l'historique de compte laisse apparaître un dépassement de ce montant à partir du 4 septembre 2021, qui s'est prolongé pendant une durée supérieure à trois mois.
Or, la SARL B-SQUARED INVESTMENTS ne justifie ni de l'envoi d'une lettre d'information après le délai d'un mois, ni de la présentation d'une offre de crédit distincte respectant les conditions du code de la consommation après le délai de trois mois.
En conséquence, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts.
Sur les sommes dues :
En application de l'article L341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, et les sommes perçues au titre des intérêts sont restituées à l'emprunteur ou imputées sur le capital restant dû.
En outre, la déchéance du droit aux intérêts exclut la possibilité pour le prêteur d'obtenir le paiement de l'indemnité prévue par les articles L312-39 et D312-16 du code de la consommation.
Conformément à l'article L 341-8 précité, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital et la déchéance s'étend également aux primes ou cotisations d'assurances.
En l'espèce, il ressort des pièces produites par la demanderesse, notamment de la convention de compte et de l'historique de compte, et de la cession de créance, que la créance de la SARL B-SQUARED INVESTMENTS est établie.
Elle s'élève au montant du solde débiteur du compte courant, d'un montant de 8752,99 euros, sous déduction de l'ensemble des intérêts et frais perçus au titre du découvert par l'établissement, à hauteur de 892,49 euros, soit la somme totale de 7860,50 euros.
En conséquence, il convient de condamner Madame [U] [C] au paiement de cette somme.
Sur les intérêts :
En application de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Selon l'article L313-3 du code monétaire et financier, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire. Le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.
Par ailleurs, le Juge doit assurer l'effectivité de la sanction prévue par le droit communautaire (Cour de Justice de l'Union Européenne, 27 mars 2014, C-565/12).
Sur ce point, la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) statuant sur une demande de décision préjudicielle du tribunal d'instance d'Orléans relève qu'il appartient à la juridiction nationale de comparer, dans les circonstances de l'affaire dont elle est saisie, les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l'hypothèse où il aurait respecté ses obligations avec ceux qu'il percevrait en application de la sanction de la violation de ces mêmes obligations , et que dès lors que les montants dont il est déchu sont inférieurs à ceux résultant de l'application des intérêts au taux légal majoré ou si les montants susceptibles d'être perçus par lui ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s'il avait respecté ses obligations, le régime de sanctions en cause au principal n'assure pas un effet réellement dissuasif à la sanction encourue .
La CJUE rappelle qu'une juridiction nationale, saisie d'un litige opposant exclusivement des particuliers, est tenue, lorsqu'elle applique les dispositions du droit interne, de prendre en considération l'ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive applicable en la matière pour aboutir à une solution conforme à l'objectif poursuivi par celle-ci.
Elle estime que l'article 23 de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à l'application d'un régime national de sanctions en vertu duquel, en cas de violation par le prêteur de ses obligations , le prêteur est déchu de son droit aux intérêts conventionnels, mais bénéficie de plein droit des intérêts au taux légal, exigibles à compter du prononcé d'une décision de justice condamnant l' emprunteur , lesquels sont en outre majorés de cinq points si, à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit ce prononcé, celui-ci ne s'est pas acquitté de sa dette .
En l'espèce, compte tenu du taux contractuel de %, il apparaît que les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal, s'élevant entre 0,77% et 0,76 % pour l'année 2022, et de 2,06% pour le premier semestre 2023, pour les créanciers professionnels, majoré de plein droit de cinq points deux mois après la signification du jugement, en application de l'article L313-3 du code monétaire et financier, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont il aurait pu bénéficier s'il avait respecté ses obligations.
Si le débiteur peut solliciter, après condamnation, l'exonération de la majoration, une telle mesure ne reste que facultative, subordonnée à la mise en œuvre d'un recours au stade de l'exécution. Or le prononcé d'une condamnation impliquant la majoration automatique du taux d'intérêt contrevient aux objectifs du droit communautaire, puisque la possible exonération par le juge de l'exécution demeure aléatoire, ce qui laisse subsister dans l'ordonnancement juridique des décisions portant une sanction non effective.
Il convient dès lors également d'écarter la majoration des intérêts afin d'assurer le caractère effectif et dissuasif de la sanction de déchéance du droit aux intérêts.
En conséquence, il convient de condamner Madame [U] [C] à payer à la SARL B-SQUARED INVESTMENTS la somme de 7860,50 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 1er décembre 2023, date de l'assignation.
Sur les demandes accessoires :
En application des dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile, il convient de condamner Madame [U] [C] aux dépens de l'instance.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SARL B-SQUARED INVESTMENTS les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance. Il convient de condamner Madame [U] [C] à lui payer la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant en audience publique, par jugement réputé contradictoire en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe le jour de son délibéré,
DECLARE recevable la demande en paiement,
CONDAMNE Madame [U] [C] à payer à la SARL B-SQUARED INVESTMENTS la somme de 7860,50 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 1er décembre 2023,
CONDAMNE Madame [U] [C] à payer à la SARL B-SQUARED INVESTMENTS la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame [U] [C] aux dépens,
DEBOUTE la SARL B-SQUARED INVESTMENTS de ses autres demandes et prétentions.
LE GREFFIER LE JUGE