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30/04/2024 | FRANCE | N°21/00011

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 5/section 4 - lc, 30 avril 2024, 21/00011


COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY



JUGEMENT DU 30 AVRIL 2024




Greffe des loyers commerciaux
Affaire N° RG 21/00011 - N° Portalis DB3S-W-B7F-VCPW
Chambre 5/Section 4 - LC
Minute n° 24/00655


DEMANDEURS

Madame [A] [V]
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentée par Maître Séverine SPIRA de l’ASSOCIATION CABINET SPIRA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0252

Madame [E] [V] épouse [M]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Maître Séverine SPIRA de l’ASSOCIATION CABINET

SPIRA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0252

Monsieur [H] [V]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Maître Séverine SPIRA de l’ASSOCIAT...

COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

JUGEMENT DU 30 AVRIL 2024

Greffe des loyers commerciaux
Affaire N° RG 21/00011 - N° Portalis DB3S-W-B7F-VCPW
Chambre 5/Section 4 - LC
Minute n° 24/00655

DEMANDEURS

Madame [A] [V]
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentée par Maître Séverine SPIRA de l’ASSOCIATION CABINET SPIRA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0252

Madame [E] [V] épouse [M]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Maître Séverine SPIRA de l’ASSOCIATION CABINET SPIRA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0252

Monsieur [H] [V]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Maître Séverine SPIRA de l’ASSOCIATION CABINET SPIRA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0252

C/

DEFENDEUR

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE IDF
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Romain LAFONT de la SELEURL RL AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B0758

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Madame Mechtilde CARLIER, Juge, statuant par délégation du Président du Tribunal et dans les conditions prévues aux articles R145-23 et suivants du code de commerce, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 05 Mars 2024

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Mechtilde CARLIER, Juge des loyers commerciaux, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 11 juin 2009, M. [F] [V] et Mme [A] [V] ont consenti à bail à la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance Île-de-France un local commercial dans un immeuble sis [Adresse 4], à [Localité 11] (93).

Mmes [A] et [E] [V] et M. [H] [V], venant aux droits des bailleurs initiaux, ont fait délivrer, par exploit du 27 mars 2019, à la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance Île-de-France, un congé avec offre de renouvellement à effet au 1er octobre 2019.

Le 18 janvier 2021, les bailleurs ont notifié un mémoire sollicitant la fixation du loyer à la somme de 80.620 euros et, par acte du 24 mars 2021, ils ont saisi le tribunal judiciaire de Bobigny.

Par jugement du 15 décembre 2021, le juge des loyers commerciaux a constaté le renouvellement du bail à la date du 1er octobre 2019 et, avant dire droit sur le prix du bail de renouvellement, ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [L] [C] avec pour mission de donner son avis motivé sur le montant du loyer applicable à compter du renouvellement du bail.

M. [C] a déposé son rapport d’expertise judiciaire le 8 novembre 2023. Il y relève qu’un débat porte sur le périmètre du bail sans être saisi de cette question. Sur l’emplacement du local, M. [C] retient que la ville de [Localité 11] est composée à 70% d’habitations à loyers modérés, 20% de résidences et pavillons, 5% de complexes sportifs et 5% d’usines désaffectées et ateliers vides. L’expert retient que malgré l’évolution favorable de la population de [Localité 11] avec la disparition d’usines et l’arrivée massive de nouveaux résidents au pouvoir d’achats plus important, la ville de [Localité 11] reste une cité populaire et l’augmentation des prix de l’immobilier n’a que peu de répercussions sur sa médiocre commercialité. Les locaux loués sont situés dans un environnement constitué d’immeubles résidentiels et desservis par la ligne 9 du métro (station Croix de Chavaux). L’expert retient une surface totale pondérée de 109,57m²P pour la partie commerciale, 161m²P pour les bureaux et une surface forfaitaire de 1m² pour la chambre de service. Il estime la valeur locative au 1er octobre 2019, à 290€/m²P pour la partie boutique et à 230€/m²P pour la partie bureaux. Par suite, l’expert retient une valeur locative de 72.200 euros HT et HC par an sans la chambre de service et de 72.600€ HT et HC par an avec la chambre de service.

Mme [A] [V] est décédée le 9 septembre 2021. Ses ayants-droits, Mme [K] [V] épouse [P] et M. [R] [V] sont intervenus volontairement à l’instance.

Aux termes de leur mémoire notifié à la société Caisse d’Epargne le 29 février 2024, Mme [K] [V], épouse [P], M. [R] [W] [V], Mme [E] [V] épouse [M], M. [H] [V] (les consorts [V]) demandent au juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bobigny de :
- fixer le loyer annuel à un montant de 83.049 €, à compter du 1er octobre 2019, outre les charges prévues au bail et l’augmentation corrélative du dépôt de garantie,
- imposer au preneur le règlement des intérêts légaux en application de l’article 1155 du Code civil, à compter du 1er octobre 2019, avec capitalisation à compter du 1er Octobre 2020,
- débouter la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE de ses demandes, fins et conclusions, en particulier sur le fondement de l’article 700 du CPC,
- la condamner au paiement d’une indemnité de 5.000 €, au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

Aux termes de son mémoire notifié aux consorts [V] le 29 février 2024, la société Caisse d’Epargne demande au juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bobigny, au visa des articles L. 145-33 et L145-34 et L 145-36 et suivants du Code de commerce, de 1’article R145-7 du Code de commerce, de l’article R145-11 du Code de commerce, des articles 1231 et 1231-1 à 1231-7 du Code Civil et de l’article 1343-2 du Code Civil, de :

- fixer à la somme de 47.671,12 € hors taxes et hors charges par an (chambre du 7ème étage exclue), et pour ordre à la somme de 47.966,93 € (chambre du 7e étage comprise), à compter du 1er octobre 2019, date d’effet non contestée par les parties.

- dire et juger que le différentiel de trop versé de loyer à compter de la date d’effet du bail ne portera pas intérêts au profit de la CAISSE D’EPARGNE et au débit du bailleur, au taux de droit à compter du point de départ du bail renouvelé, par application des dispositions des articles 1231 et 1231-1 à 1231-7 du Code civil, et que de même les intérêts porteront pas eux-mêmes intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code Civil,

- prononcer 1’exécution provisoire de toute décision à intervenir et la condamnation du bailleur à régler à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE la somme de 10.000 € au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les frais d’expertise en totalité.

Il est renvoyé aux mémoires précités des parties pour un exposé de leurs prétentions et de leurs moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 5 mars 2024 et mise en délibéré au 30 avril 2024.

MOTIFS

Sur le montant du loyer du bail en renouvellement

* sur le périmètre du bail – exclusion de la chambre de service

Les bailleurs soulignent que la chambre de service doit etre exclue du périmètre du bail ce que la locataire ne conteste pas. Il convient d’entériner la position des parties et de ne retenir que les surfaces des sous-sol, rez-de-chaussée et 1er étage.

* sur le principe du déplafonnement

La locataire retient que le loyer doit être fixé à la valeur locative. Les bailleurs s’y accordent également.

Il convient d’entériner la position des parties sur ce point.

* Sur les surfaces

La société Caisse d’Epargne estime que la pondération des surfaces devrait donner lieu à une pondération de 83,44m²P pour le rez-de-chaussée, de 64,40m²P pour les bureaux du 1er étage que l’expert judiciaire a oublié d’inclure dans le calcul total des surfaces pondérées et à 13,32m²P pour la cave, outre une surface forfaitaire de 1 pour la chambre de service le cas échéant.

Les bailleurs s’accordent pour suivre la position de l’expert judiciaire lequel retient une surface du local de 109,57m²P pour le rez-de-chaussée et le sous-sol, outre 161m² pour le 1er étage sans pondération et exclusion faite de la chambre de service.

En l’espèce, la surface pondérée établie par l’expert judiciaire hors chambre de service comprend (i) 95,17 m²P pour le rez-de-chaussée et 14,40 m²P pour le sous-sol soit 109,57 m²P pour la surface commerciale, (ii) 161 m²P pour le premier étage équipé de bureaux soit un total de 271,11 m²P.

La locataire demande à ce qu’une autre répartition des locaux soit prise en compte pour la pondération des surfaces basée sur l’usage des locaux et non sur le critère de l’éloignement des différentes surfaces avec la devanture. Toutefois, à l’instar de la réponse de M. [C], l’usage des locaux peut être amené à évoluer alors que le critère de l’éloignement, adopté usuellement par la pratique et notamment par la charte de l’expertise, permet de calculer une valeur locative résultat de la visibilité et de l’importance de la façade sur la rue. Il convient donc de retenir l’évaluation et la pondération des surfaces opérées par l’expert judiciaire pour le rez-de-chaussée.

Pour ce qui est de la surface pondérée des bureaux, le fait que l’accès ne soit possible que par l’escalier et que les bureaux soient à l’usage de la clientèle ne saurait avoir pour conséquence une pondération différente des usages en la matière. En effet, il est d’usage au vu de la charte des experts que si les bureaux en étages sont accessibles directement par le local en rez-de-chaussée, il convient de les pondérer comme la boutique étant précisé que la société Caisse d’Epargne n’établit pas que les bureaux du 1er étage seraient des bureaux purement administratifs et que les conseillers n’y recevraient pas de clients.

Pour ce qui est de la cave, elle est incluse dans l’assiette du bail depuis l’origine. Si la société Caisse d’Epargne n’en a pas fait usage, il importe de maintenir sa présence aux conditions prévues initialement. Le fait que la cave soit localisée sous un autre bâtiment est sans incidence sur la faculté pour la locataire de l’utiliser dès lors qu’elle y a accès. Quant au fait que la cave est utilisée, il appartient à la locataire de faire le nécessaire pour récupérer l’usage du bien auquel les bailleurs lui ont effectivement donné accès. Par conséquent la demande de pondération à hauteur de 0,05 n’apparait pas fondée.

Il convient donc de retenir l’évaluation de l’expert judiciaire pour la pondération des surfaces.

* sur la valeur locative

Selon l’article L 145-33 du code de commerce, la valeur locative doit être fixée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Les bailleurs soutiennent que la valeur locative unitaire des locaux, eu égard à leur bonne situation géographique au cœur de la ville de [Localité 11] et à l’activité bancaire, doit être fixée à 420 euros par m²P.

La locataire estime quant à elle que la valeur locative unitaire doit être la même pour toutes les parties de l’établissement et qu’elle doit s’élever, à 290€/m²P pour l’ensemble du local compte tenu des spécificités de l’emplacement, de la pondération des bureaux du 1er étage à laquelle la locataire prétend.

L’expert judiciaire a opéré une distinction entre les locaux purement commerciaux destinés à l’accueil et à l’orientation de la clientèle à savoir le rez-de-chaussée et le sous-sol et les locaux de bureaux situés au 1er étage. L’expert relève des valeurs locatives pour des prises de bail de boutiques situées à [Localité 11] pour des montants compris entre 218 et 380 €/m²P. Il relève des prix de loyers en renouvellement de baux de boutiques compris entre 205 et 450 €/m²P. Il relève enfin des valeurs en renouvellements judiciaires comprises entre 290 et 300 €/m²P à [Localité 10]. Pour la partie boutique du rez-de-chaussée, l’expert retient une valeur locative unitaire de 290€/m²P

Pour ce qui est des bureaux, l’expert judiciaire intègre les locaux loués dans le secteur de la 1ère couronne Est et une surface de bureaux inférieure à 500m². L’estimation tient également compte des qualités intrinsèques du bien, de la qualité de l’immeuble, de son appartenance à un secteur géographique et à sa localisation ainsi que de sa superficie. Au vu de l’évolution du marché locatif et des données de références comparatives présentées, l’expert retient une valeur locative unitaire de 230€/m²P.

Les éléments d’évaluation retenus par l’expert apparaissent bien fondés. Les parties n’apportent pas d’éléments suffisamment probants permettant d’infléchir la proposition de l’expert judiciaire.

En sus, l’expert retient un correctif de 5% pour la communication entre locaux adjacents faisant ainsi application d’une majoration conforme aux usages judiciaires. La locataire entend réduire le coefficient à 2 ou 3% compte tenu de la taille modeste des locaux adjacents ainsi que de leur défaut d’accès à la rue. Il ressort toutefois des termes du rapport d’expertise que le local adjacent bénéficie d’un accès via les lieux loués, la liaison entre les deux locaux ayant précisément permis aux locaux de l’autre immeuble d’accéder directement à la rue et la locataire bénéficie grâce à cette ouverture d’un espace d’accueil du public supplémentaire par l’installation de bureaux supplémentaires. Il convient donc de maintenir le coefficient de majoration de 5%

Par conséquent, la valeur locative des locaux loués sera fixée :
- pour la partie commerciale (rez-de-chaussée et sous-sol) : 109,57 x 290 = 31.775€
- pour les bureaux du 1er étage : 161 x 230 = 37.030€
Soit un total de 68.805 €
Soit après majoration un total de 72.246€

Le loyer en renouvellement sera fixé au prix de 72.246 euros par an HT et HC à compter du 1er octobre 2019.

Sur les autres demandes

Le loyer de renouvellement étant supérieur au loyer contractuel appelé, il y a lieu de constater que des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer contractuel ayant couru depuis le renouvellement le 1er octobre 2019, et le loyer finalement dû, à compter de l’assignation de la société bailleresse, 24 mars 2021, puis au fur et à mesure des échéances échues.

Il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des loyers de condamner au paiement d’intérêts de retard ni d’ordonner la capitalisation des intérêts.

La procédure et l’expertise ayant été nécessaires pour fixer les droits respectifs des parties, il convient d’ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d’expertise.

Compte tenu du partage des dépens ainsi ordonné, les demandes formées au titre des frais irrépétibles par les deux parties seront rejetées.

La présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire conformément à l’article 514 du code de procédure civile sans qu’il soit nécessaire de le prononcer ou de le rappeler.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Fixe le prix du bail renouvelé pour neuf années à compter du 1er octobre 2019 entre d’une part Mme [K] [V], épouse [P], M. [R] [W] [V], Mme [E] [V] épouse [M] et M. [H] [V] et d’autre part la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance Île-de-France et portant sur des locaux situés [Adresse 4], à [Localité 11] (93) à la somme de 72.246 euros (soixante-douze mille deux cent quarante-six euros), en principal, hors taxes et charges, par an à compter du 1er octobre 2019,

Dit que des intérêts au taux légal ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû, à compter du 24 mars 2021 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après la date de l’assignation,

Partage les dépens, en ce inclus les coûts d’expertise, par moitié entre les parties,

Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Fait au Palais de Justice, le 30 avril 2024

La minute de la présente décision a été signée par Madame Mechtilde CARLIER, Juge des Loyers Commerciaux, assistée de Madame Zahra AIT, greffière, présente lors du prononcé.

LA GREFFIERE LA JUGE DES DES LOYERS
COMMERCIAUX

Madame AIT Madame CARLIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 5/section 4 - lc
Numéro d'arrêt : 21/00011
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;21.00011 ?
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