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29/04/2024 | FRANCE | N°22/10201

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 3, 29 avril 2024, 22/10201


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 AVRIL 2024


Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/10201 - N° Portalis DB3S-W-B7G-W3AF
N° de MINUTE : 24/00264


Madame [O] [S]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître Sandrine GODEMER de la SAS AGORA AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : GV

Monsieur [D] [V]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Maître Sandrine GODEMER de la SAS AGORA AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : GV

DEMANDEURS

C/
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br>S.A. MIC INSURANCE COMPANY
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Emmanuel PERREAU de la SELASU CABINET PERREAU, avocats au bar...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 AVRIL 2024

Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/10201 - N° Portalis DB3S-W-B7G-W3AF
N° de MINUTE : 24/00264

Madame [O] [S]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître Sandrine GODEMER de la SAS AGORA AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : GV

Monsieur [D] [V]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Maître Sandrine GODEMER de la SAS AGORA AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : GV

DEMANDEURS

C/

S.A. MIC INSURANCE COMPANY
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Emmanuel PERREAU de la SELASU CABINET PERREAU, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P130

S.A.S. SOCOREBAT
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillant

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DEROUAULT, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 19 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 29 Avril 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [V] et Mme [O] [S] (ci-après consorts [V] – [S]) ont confié à la société Socorebat, assurée auprès de la société Mic Insurance Company, la réalisation des travaux de surélévation de leur maison pour un montant total de 80 622,90 euros.

Les consorts [V] – [S] ont payé à la société Socorebat la somme de 52 418,01 euros.

Les travaux ont commencé le 7 juillet 2021.

Les consorts [V] – [S] se sont plaints au cours de l’été 2021 de la survenance de désordres – un dégât des eaux au premier étage et l’apparition de deux fissures au rez-de-chaussée – ainsi qu’un abandon de chantier.

Par courrier en date du 1er octobre 2021, les consorts [V] – [S] ont résilié unilatéralement le contrat.

Le Cabinet Lamy Expertise mandaté par les consorts [V] – [S] a relevé un avancement des travaux à hauteur de 18% et a constaté de nombreux désordres et malfaçons. La société Socorebat ne s’est pas présentée à la réunion d’état des lieux du 11 octobre 2021.

Par acte d'huissier en date des 4 et 13 octobre 2022, les consorts [V] – [S] ont fait assigner la société Socorebat et la société Mic Insurance Company devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de solliciter l’indemnisation de ses préjudices.

Par ordonnance en date du 14 mars 2022, la société Socorebat a été condamnée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny à payer aux consorts [V] – [S], la somme provisionnelle de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Malgré les diligences accomplies par l’huissier conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, la société Socorebat n’a pas été citée ; elle n’a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2023 par ordonnance du même jour, et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 19 février 2024.

Le jugement a été mis en délibéré au 29 avril 2024, date de la présente décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2023, M. [D] [V] et Mme [O] [S] demandent au tribunal judiciaire de Bobigny, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
condamner in solidum, la société Socorebat et la société Mic Insurance Company à lui payer la somme de 66 685,43 euros TTC décomposée comme suit :1 356,70 euros au titre des conséquences de l’absence de mise hors d’eau de la maison ;24 362,40 euros au titre des travaux nécessaires à la remise en état de la maison ;16 404,72 euros au titre des travaux nécessaires à la reprise des malfaçons ;1 060 euros au titre du non-respect du calendrier contractuel ;23 501,61 euros au titre du surcoût des travaux liés aux contrats de substitution ;condamner in solidum, la société Socorebat et la société Mic Insurance Company à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ; condamner la société Socorebat à lui payer la somme de 12 905,59 euros au titre du trop-perçu pour des travaux non réalisés ;condamner la société Socorebat et la société Mic Insurance Company à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la société Socorebat et la société Mic Insurance Company aux dépens.

Au soutien de leur demande en paiement, M. [D] [V] et Mme [O] [S] font valoir, au visa de l’article 1217 et 1231-1 du code civil que, la société Socorebat a manqué à ses obligations contractuelles en n’exécutant pas les prestations prévues, en les exécutant imparfaitement ou tardivement et que ces manquements leur ont causé un certain nombre de préjudices.

S’agissant du préjudice financier, les consorts [V] – [S] précisent que l’absence de mise hors d’eau de la maison a provoqué d’importants sinistres et a obligé les demandeurs à engager des frais pour pallier la carence de la société Socorebat. Ils font également valoir que de nombreuses malfaçons des travaux réalisés par la société Socorebat ont été constatées, notamment sur l’aspect extérieur de la maison, au niveau de l’escalier d’accès au 1er étage et de la cheminée. En outre, les consorts [V] – [S] estiment que le retard dans l’exécution du calendrier contractuel leur a causé un préjudice de jouissance en les obligeant à louer un appartement sur la durée excédant l’échéance initiale des travaux. Enfin, ils ajoutent que hormis les prestations d’installation de chantier et les prestations de maçonnerie réalisées respectivement à hauteur de 60% et 50%, aucune prestation prévue au contrat n’a été réalisée, ce qui les a ainsi contraint à conclure de nouveaux contrats pour achever les travaux initialement prévus avec diverses entreprises.

S’agissant du préjudice moral, les consorts [V] – [S] soutiennent que l’absence de réalisation des travaux et la privation de jouissance de leur maison ont porté atteinte à leurs conditions d’existence notamment d’agrément de leur lieu de vie et ont altéré leur état de santé, ce qui justifie d’engager la responsabilité de la société Socorebat assurée par la société Mic Insurance Company.

Les consorts [V] - [S] font valoir qu’ils sont bien fondés à demander la condamnation in solidum de la société Socorebat et de son assureur Mic Insurance Company au motif que la police d’assurance contractée par la première auprès de la seconde couvre sa responsabilité décennale et civile professionnelle avant et après réception des travaux. Ils estiment par ailleurs que la réception des travaux est intervenue le 11 octobre 2021 par l’acceptation de M. [D] [V] des travaux avec réserves. Ils précisent que les désordres allégués ainsi que les frais de remise en état sont le fruit des travaux relevant de la garantie souscrite par la société Socorebat et sont couverts par la police d’assurance. En outre, les consorts [V] – [S] soutiennent que l’abandon des travaux par le constructeur ne peut pas constituer une cause d’exonération des garanties, en ce que la clause d’exclusion intégrée au contrat d’assurance est illégale dès lors qu’elle s’applique sans distinction à l’assurance responsabilité civile professionnelle mais également à l’assurance responsabilité décennale. Ils ajoutent par ailleurs que cette clause ne peut pas leur être opposée puisque, sans mention sur l’attestation d’assurance transmise par la société Socorebat, ils n’en ont pas eu connaissance.

Subsidiairement, les consorts [V] – [S] invoquent, au visa de l’article 1240 du code civil, que l’attestation d’assurance est imprécise en ce qu’elle ne mentionne aucun des cas d’exclusion figurant dans les conditions particulières du contrat d’assurance et ne leur a pas permis d’apprécier l’étendue de la garantie dont ils pouvaient bénéficier, le cas échéant, en cas de défaillance ou de carence de la société Socorebat. Selon les consorts [V] – [S], cette imprécision de l’attestation d’assurance permet d’engager la responsabilité délictuelle de la société Mic Insurance Company en réparation des mêmes préjudices.

S’agissant du trop-perçu, les consorts [V] – de [Y] estiment que compte tenu de l’abandon du chantier par la société Socorebat et de l’avancement des travaux à hauteur de 18%, celle-ci doit leur rembourser la somme versée au-delà de ce pourcentage.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2023, la société SA Mic Insurance Company sollicite du tribunal judiciaire de Bobigny :
le rejet de l’intégralité des demandes de M. [D] [V] et Mme [O] [S] formulées à son encontre ; la condamnation de M. [D] [V] et Mme [O] [S], ou toute partie succombant, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;la condamnation de M. [D] [V] et Mme [O] [S], ou toute partie succombant aux dépens.
Pour s’opposer à la demande de paiement des consorts [V] – [S], la société Mic Insurance Company fait valoir, au visa de l’article L112-6 du code des assurances, que la garantie de responsabilité civile professionnelle souscrite par la société Socorebat ne peut avoir pour objet de couvrir la responsabilité résultant d’inexécutions, non-façons ou malfaçons contractuelles. Elle soutient ensuite que les désordres liés aux travaux de démolition et de couverture ne relèvent pas d’une activité garantie et se trouvent donc hors du champ contractuel de la police d’assurance souscrite par la société Socorebat. La société Mic Insurance Company ajoute qu’elle ne peut pas être tenue à garantir les travaux nécessaires à la remise en état et les préjudices immatériels allégués par les consorts [V] – [S] puisqu’ils relèvent de dommages non consécutifs à un évènement garanti par le contrat d’assurance.

S’agissant de l’abandon de chantier, la société Mic Insurance Company fait valoir qu’il s’agit d’une cause d’exclusion des garanties s’appliquant à la responsabilité civile professionnelle et opposables aux tiers invoquant le bénéfice des exceptions opposables au souscripteur originaire.

Pour s’opposer à la responsabilité civile délictuelle soulevée par les consorts [V] – [S], la société Mic Insurance Company expose que les clauses d’exclusion ou de limitation de garantie opposables à son assuré sont opposables aux tiers, et ce même si elles ne sont pas reproduites dans l’attestation d’assurance.

A titre subsidiaire, s’agissant de la mobilisation de la garantie post-réception, la société Mic Insurance Company fait valoir, s’agissant de la responsabilité civile décennale, qu’aucune réception expresse n’est intervenue et que les conditions de la réception tacite ne sont pas réunies en ce que la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir les travaux fait défaut. Ainsi, la société Mic Insurance Company estime qu’aucune demande au titre de la garantie décennale formulée à son encontre ne peut prospérer. Dans l’hypothèse où le tribunal considérerait qu’une réception tacite a eu lieu ou qu’une réception judiciaire était ordonnée, la société Mic Insurance Company fait valoir, au visa de l’article 1792-6 du code civil, que les désordres étaient tous apparents à la réception et ne peuvent donc pas relever de la garantie décennale.
Concernant la responsabilité civile professionnelle, la société Mic Insurance Company estime au visa de l’article L112-6 du code des assurances, que la garantie responsabilité civile après réception est exclue pour réparer, parachever ou refaire le travail de l’assuré ainsi que pour remplacer tout ou partie du produit et qu’ainsi sa responsabilité ne peut pas être recherchée sur ce point.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la réception des travaux

L’article 1792 du code civil prévoit que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

La responsable décennale n’est susceptible d’être engagée que s’il y a eu réception des travaux.

Selon l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La réception peut être expresse mais peut également être tacite.

En l’espèce, le tribunal observe qu’aucune réception des travaux n’a eu lieu, pas même tacite. D’une part, c’est à tort que les demandeurs soutiennent qu’une réception des travaux serait intervenue avec réserves le 11 octobre 2021 dès lors qu’à cette date, l’ouvrage était largement inachevé et donc pas en état d’être réceptionné. D’autre part, le tribunal retient que la date alléguée de réception des travaux est postérieure au courrier de résiliation du contrat, que la correspondance préalable des demandeurs à l’égard de la société Socorebat insiste sur la mauvaise exécution des travaux, de telle sorte qu’en tout état de cause, leur volonté de prendre possession de l’ouvrage, fût-ce avec réserves, est équivoque et n’est en tout état de cause pas caractérisé.

Par conséquent, la responsabilité décennale de la société Socorebat ne peut être engagée, et la garantie responsabilité décennale du contrat d’assurance ne peut être non plus mobilisée.

II. Sur la responsabilité contractuelle de la société Socorebat

L'article 1103 du code civil dans sa rédaction applicable au litige dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, sans quoi la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut, selon l'article 1217 du même code, refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, et/ou demander réparation des conséquences de l'inexécution, le tout cumulable avec l'octroi de dommages et intérêts au sens de l'article 1231-1 du même code.

En l’espèce, il résulte du constat d’huissier en date du 22 septembre 2021 ainsi que de l’état des lieux du cabinet Lamy Expertise en date du 11 octobre 2021, que mises à part les prestations d’installation de chantier et celles de maçonnerie réalisées respectivement à hauteur de 60% et de 50%, aucune des prestations prévues au contrat n’a été réalisée par la société Socorebat, qu’elle n’a terminé les travaux prévus qu’à hauteur de 18%, qu’elle est à l’origine de nombreux sinistres notamment sur l’aspect extérieur de la maison et sur les escaliers menant au 1er étage et qu’en tout état de cause, elle a abandonné le chantier et n’a pas répondu aux diverses relances des consorts [V] – [S].

Ainsi, les manquements contractuels de la société Socorebat sont établis et sa responsabilité contractuelle sera engagée pour les préjudices résultant de ces manquements.

S’agissant du préjudice matériel, les consorts [V] – [S] justifient avoir exposé les coûts suivants en pure perte du fait des manquements de la société Socorebat :
1 356,70 euros au titre des conséquences de l’absence de mise hors d’eau de la maison24 362,40 euros au titre des travaux nécessaires à la remise en état de la maison16 404,72 euros au titre des travaux nécessaires à la reprise des malfaçons1 060 euros au titre du non-respect du calendrier contractuel23 501,61 euros au titre du surcoût des travaux liés aux contrats de substitution
Par conséquent, la société Socorebat sera condamnée à leur payer la somme de 66 685,43 euros en réparation du préjudice matériel.

S’agissant du préjudice moral, les consorts [V] – [S] ont indubitablement subi un préjudice moral, constitué par le fait d’avoir subi un abandon de chantier en dépit des travaux commandés et par celui de devoir se reloger dans un autre bien le temps qu’il redevienne habitable, qui sera justement réparé par l’octroi d’une indemnité de 3 000 euros, que la société Socorebat sera condamnée à leur verser.

III. Sur la mobilisation de la garantie responsabilité civile professionnelle

En application de l’article L.124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré.

Selon l’article L.112-6 du code des assurances, l’assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.

En l’espèce, le tribunal observe qu’en page 5 des conditions particulières de la police d’assurance souscrite entre la société Socorebat et son assureur, l’abandon de chantier est mentionné comme cause d’exclusion des garanties. Or, il est constant que la société Socorebat a abandonné le chantier, empêchant ainsi l’application des garanties souscrites aux consorts [V] – [S] qui en invoquaient le bénéfice.
Par ailleurs, le fait que la police d’assurance ne distingue pas si les clauses d’exclusion de la garantie s’appliquent à la responsabilité civile professionnelle ou à la responsabilité civile décennale, ne les rendent pas illégales pour autant. En effet, lesdites clauses ne peuvent porter que sur la responsabilité civile professionnelle, la responsabilité civile décennale étant une assurance obligatoire dont la garantie ne peut être exclue contractuellement. Ainsi, ce moyen ne peut qu’être rejeté.

Par conséquence, la demande visant à condamner la société Mic Insurance Company in solidum avec la société Socorebat fondée sur la responsabilité civile professionnelle sera rejetée.

IV. Sur la responsabilité délictuelle de la société Mic Insurance Company

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, la société Mic Insurance Company n’a pas reproduit les causes d’exclusion des garanties dans l’attestation d’assurance fournie aux consorts [V] – [S]. Le tribunal rappelle que l’assureur n’est pas tenu de reproduire les clauses d’exclusions de garantie dans l’attestation d’assurance, lesquelles restent opposables aux tiers qui en invoquent le bénéfice. Aussi, l’attestation d’assurance délivrée le 7 juillet 2021 doit être analysée comme étant suffisamment précise dans son contenu. Il appartenait aux demandeurs de solliciter le contrat d’assurance pour une plus ample information. En tout état de cause, aucune faute ne peut être retenue à l’encontre la société Mic Insurance Company.

Par conséquence, la demande visant à condamner la société Mic Insurance Company fondée sur la responsabilité civile délictuelle sera rejetée.

V. Sur la demande de restitution du trop-perçu

L’article 1229 du code civil dispose que la résolution met fin au contrat. La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En l’espèce, les consorts [V] – [S] ont signé un devis avec la société Socorebat le 1er juillet 2021 pour un montant total de 80 622,90 euros et lui ont payé la somme de 52 418,01 euros. Compte tenu de l’abandon de chantier par la société Socobat, le contrat a été résilié et l’état des lieux du cabinet Lamy Expertise relève un avancement des travaux à hauteur de 18%. Les consorts [V] – [S] justifient donc de leur demande en restitution du trop-perçu par la société Socorebat à hauteur de 37 905,89 euros.

Par une ordonnance en date du 14 mars 2022 du tribunal judiciaire de Bobigny, la société Socorebat a été condamnée à payer les consorts [V] – [S] à la somme de 25 000 euros à titre de provision.

Par conséquence, la société Socorebat sera condamnée à payer aux consorts [V] – [S] la somme de 12 905,59 euros au titre du trop-perçu.

VI. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de société Socorebat, succombant à l’instance.

Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, la société Socorebat sera condamnée à payer à M. [D] [V] et Mme [O] [S] une somme qu’il est équitable de fixer à 3 000 euros.

Au vu de la situation économique des parties, la demande de la société Mic Insurance Company au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Sur l’exécution provisoire

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE la société Socorebat à payer à M. [D] [V] et Mme [O] [S] la somme de 66 685,43 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier;

CONDAMNE la société Socorebat à payer à M. [D] [V] et Mme [O] [S] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

DEBOUTE M. [D] [V] et Mme [O] [S] de leurs demandes à l’encontre de la société Mic Insurance Company ;

CONDAMNE la société Socorebat à payer à M. [D] [V] et Mme [O] [S] la somme de 12 905,59 euros au titre du trop-perçu ;

CONDAMNE la société Socorebat à payer à M. [D] [V] et Mme [O] [S] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société Mic Insurance Company de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.

La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 3
Numéro d'arrêt : 22/10201
Date de la décision : 29/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-29;22.10201 ?
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