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29/04/2024 | FRANCE | N°22/10011

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 3, 29 avril 2024, 22/10011


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 AVRIL 2024


Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/10011 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WYE4
N° de MINUTE : 24/00263


SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 2], représenté son son syndic CABINET S.R.I, pris en la personne de Monsieur [B] [G] - Gérant,
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Nathalie FAULIOT HAUCHARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: C0802

DEMANDEUR

C/

Monsieur [M] [P]
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentÃ

© par Me Carla HERDEIRO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1074

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 1]
[Localité 6]
r...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 AVRIL 2024

Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/10011 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WYE4
N° de MINUTE : 24/00263

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 2], représenté son son syndic CABINET S.R.I, pris en la personne de Monsieur [B] [G] - Gérant,
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Nathalie FAULIOT HAUCHARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: C0802

DEMANDEUR

C/

Monsieur [M] [P]
[Adresse 5]
[Localité 8]
représenté par Me Carla HERDEIRO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1074

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître François BLANGY de la SCP CORDELIER & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0399

S.A. MMA IARD
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître François BLANGY de la SCP CORDELIER & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0399

S.A.S. PLISSON IMMOBILIER
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Maître François BLANGY de la SCP CORDELIER & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0399

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DEROUAULT, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 19 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 29 Avril 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 23 mars 2016, l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] a :
- désigné le cabinet Plisson Immobilier comme syndic de copropriété, assuré auprès de la société Covea Risks aux droits de laquelle viennent les MMA ;
- a voté des travaux d’étanchéité des cours de l’immeuble ;
- a donné mandat au conseil syndical quant au choix de l’entreprise dans la limite d’une prestation à hauteur de 67 300 euros.

Ces travaux ont été confiés à M. [P] et réalisés entre les mois de mai et d’octobre de l’année 2016.

Aucune assurance dommages-ouvrage n’a été souscrite ; aucune réception des travaux n’a eu lieu.

Le syndicat des copropriétaires s’est plaint de malfaçons et d’une mauvaise gestion des travaux par le syndic Plisson Immobilier.

Le cabinet Cosi Immobilier a succédé au cabinet Plisson Immobilier en qualité de syndic à compter du 18 juin 2018.

Par actes d’huissier en date des 25, 26 et 30 juin 2020, le syndicat des copropriétaires a fait assigner M. [P], le cabinet Plisson Immobilier et la société MMA Iard devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire portant sur les travaux d’étanchéité des cours de l’immeuble.

Par ordonnance de référé en date du 18 janvier 2021, le juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné M. [T] [J] en qualité d’expert judiciaire.

L’expert a déposé son rapport le 18 mars 2022.

Par actes d'huissier en date des 15, 20 et 28 septembre 2022, le syndicat des copropriétaires a fait assigner le cabinet Plisson Immobilier, M. [P] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de solliciter l’indemnisation de son préjudice.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2023, la société MMA Iard est intervenue volontairement à la procédure comme venant aux droits de Covea Risks, en sa qualité d’assureur responsabilité civile de la société Plisson Immobilier.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2023 par ordonnance du même jour, et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 19 février 2024.

Le jugement a été mis en délibéré au 29 avril 2024, date de la présente décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 avril 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal judiciaire de Bobigny, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
condamner solidairement ou in solidum, M. [P], la société Plisson Immobilier et son assureur les MMA à lui payer la somme de :126 745 euros avec indexation sur l’indice BT01 à compter de l’assignation sur la somme de 116 992 euros, coût des travaux de reprise et avec intérêts au taux légal sur la somme de 9 753 euros ; 31 670 euros au titre des frais de maitre d’œuvre et des honoraires du syndic pour le suivi des travaux de reprise ;condamner la société Plisson Immobilier à lui payer à titre principal, la somme de 2 674,78 euros et à titre subsidiaire la somme de 502,73 euros au titre des honoraires de gestion indument perçus par le syndic pour les travaux d’étanchéité, avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation ;condamner toute partie perdante aux dépens, incluant les frais et honoraires de l’expertise judiciaire pour un montant de 11 000 euros ;condamner solidairement ou in solidum M. [P], la société Plisson Immobilier et son assureur les MMA à lui payer la somme de 6 228 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre de M. [P], le syndicat des copropriétaires fait valoir, au visa des articles 1792 du code civil et L241-1 du code des assurances, que M. [M] [P] a manqué à ses obligations contractuelles d’une part en acceptant de réaliser des travaux d’étanchéité pour lesquels il n’avait pas les compétences requises et d’autre part en réalisant ces travaux sans assurance décennale pourtant obligatoire. Le syndicat des copropriétaires soulève que l’intervention de M. [P] n’a pas remédié aux défauts d’étanchéité et les a même dans certains cas empirés, constituant des fautes contractuelles susceptibles d’engager sa responsabilité de droit commun au sens des articles 1217 et 1231-1 du code civil.

Pour s’opposer aux moyens développés par M. [P], le syndicat des copropriétaires considère tout d’abord qu’il ne justifie pas avoir sollicité en vain une assurance de garantie décennale et qu’en tout état de cause il ne pouvait ignorer la nécessité d’en avoir une avant d’accepter les travaux. De plus, le syndicat des copropriétaires précise qu’il n’a pas choisi M. [P] en raison des coûts attractifs de ses travaux. La mention dans le procès-verbal de l'assemblée d'une "possibilité d'envisager une solution sans garantie décennale" ne signifiait pas qu’il acceptait des travaux sans cette garantie, mais simplement qu’il voulait vérifier si les travaux prévus étaient soumis ou non à l'obligation de garantie décennale. En tout état de cause, le syndicat des copropriétaires estime que cette mention n’empêchait pas M. [P] de souscrire au moins à une assurance de responsabilité professionnelle. En ce qui concerne les malfaçons, le syndicat des copropriétaires affirme que l'état de vétusté de l'immeuble n'est pas lié aux désordres constatés. De plus, ces désordres ont été implicitement reconnus par M. [P], qui aurait proposé de réparer les travaux.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre du cabinet Plisson Immobilier, son ancien syndic, le syndicat des copropriétaires fait valoir, au visa des articles 1992 du code civil, L242-1 et R243-2 du code des assurances, que la responsabilité du syndic peut être engagée en raison de manquement à ses obligations contractuelles. Le syndicat des copropriétaires affirme que le syndic professionnel a manqué à son devoir de conseil en ne l'informant pas de l'obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrages et en ne le mettant pas en garde contre les conséquences de confier les travaux à une entreprise sans assurance. De plus, même si le choix d'une entreprise sans assurance avait été fait en connaissance de cause, le syndic professionnel aurait dû au moins vérifier les compétences de l'entrepreneur et ne pas se comporter en simple exécutant en négligeant d'alerter le syndicat sur les conséquences préjudiciables de ses choix. Enfin, le syndicat des copropriétaires reproche au syndic d'avoir manqué à son devoir de surveillance en ne vérifiant pas la bonne exécution des travaux, en ne réalisant aucune visite de chantier ni réception des travaux, en ne contrôlant pas les achats de fournitures et en surfacturant ses honoraires.

S’agissant des préjudices, le syndicat des copropriétaires estime que les manquements de M. [P] et du cabinet Plisson lui ont causé des préjudices financiers correspondant aux travaux de reprise, de montage des gouttières, de réparation dans le tunnel technique ainsi que des frais de maitre d’œuvre et de syndic.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023, M. [P] demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :
à titre principal, débouter le syndicat des copropriétaires de l’intégralité de ses demandes formulées à son encontre ;à titre subsidiaire, condamner la société Plisson Immobilier, les MMA à le garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;en toute état de cause :écarter l’exécution provisoire ;condamner le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens y compris le coût de l’expertise judiciaire.
A titre principal, pour s’opposer à la demande de dommages et intérêts formulée par le syndicat des copropriétaires, M. [P] soutient qu'aucune responsabilité basée sur la garantie décennale ne peut être invoquée car aucune réception des travaux n'a eu lieu. Il explique qu'il a effectué les démarches pour obtenir cette garantie, mais que celles-ci n'ont pas abouti en raison du début de son activité en France. Il ajoute que le syndicat des copropriétaires et le syndic étaient informés de l'absence de cette garantie.
Il soutient qu’aucune responsabilité de droit commun ne peut non plus lui être opposé en ce que les fautes soulevées par le syndicat des copropriétaires ne sont pas caractérisées. M. [P] souligne l'état de vétusté préexistant de l'immeuble, qui a été aggravé par le report des travaux, ainsi que le choix délibéré de son entreprise pour des raisons économiques. Il assure avoir réalisé les travaux tels que décrits dans le devis et conteste le cahier des charges fourni par le syndicat des copropriétaires, car il date de deux ans avant les travaux et ne lui a pas été communiqué. Il ajoute qu'aucune preuve n'a été fournie pour démontrer que les désordres constatés sont imputables aux travaux qu'il a réalisés.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2023, la société Plisson Immobilier et son assureur les MMA demandent au tribunal judiciaire de Bobigny de :
débouter le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] de l’ensemble de ses demandes formulées à leur encontre ;débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes formulées à leur encontre ;écarter l’exécution provisoire ;condamner le syndicat des copropriétaires ou tout succombant, à payer à la société Plisson Immobilier la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont recouvrement direct au profit de Me François Blangy – SCP Cordelier et Associés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Pour s’opposer à la demande de dommages et intérêts formulée par le syndicat des copropriétaires, le cabinet Plisson Immobilier argue qu'aucun manquement à son devoir de conseil n'a été démontré, car il n'a commis aucune négligence, il a effectué toutes les vérifications nécessaires et a informé le syndicat des copropriétaires de l'absence de garantie décennale de l'entrepreneur. Le cabinet Plisson Immobilier estime que le syndicat des copropriétaires a pris sa décision en toute connaissance de cause et qu'en tant que syndic, il devait simplement exécuter les décisions prises en assemblée générale. De plus, le cabinet Plisson Immobilier souligne que le choix d'un entrepreneur sans garantie décennale signifiait qu'aucune assurance dommages-ouvrage ne pouvait être envisagée, et qu'il n'a donc pas manqué à son devoir en n'en proposant pas au syndicat des copropriétaires. Il nie également tout défaut de suivi du chantier, aucune preuve n'ayant été présentée par la partie adverse. Enfin, le cabinet Plisson Immobilier s'oppose au remboursement en réfutant toute surfacturation, les honoraires du syndic étant entièrement justifiés.
Le cabinet Plisson soutient qu'en tout état de cause, aucun lien de causalité entre les désordres et ses prétendus manquements n'a été établi puisque d'une part, les désordres étaient préexistants aux travaux en raison de l'état de vétusté important de l'immeuble et du report des travaux d'étanchéité et d'autre part, les désordres sont dus uniquement à l'intervention de M. [P]. Le cabinet Plisson conteste également le montant du préjudice, qui inclut des travaux d'amélioration ne figurant pas dans le devis, notamment concernant l'installation des VMC et les évents.
Pour s’opposer à la demande de garantie formulée par M. [P], le cabinet Plisson et la société MMA estime que la demande n’est pas justifiée et qu’en tout état de cause elle est infondée en l’absence de faute du syndic.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, l’intervention volontaire de la société MMA Iard sera déclarée recevable.

Sur la responsabilité de M. [P]

Sur la responsabilité décennale

L’article 1792 du code civil prévoit que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

La responsabilité décennale n’est susceptible d’être engagée que s’il y a eu réception des travaux.

Selon l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

En l’espèce, aucune réception des travaux n’a eu lieu. Le rapport d’expertise en page 16 fait état de cette absence de réception et aucune pièce ne vient démontrer une réception expresse ou tacite des travaux réalisés par M. [P].

Ainsi, la responsabilité décennale ne peut pas s’appliquer.

Sur la responsabilité contractuelle

L'article 1103 du code civil dans sa rédaction applicable au litige dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, sans quoi la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut, selon l'article 1217 du même code, refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, et/ou demander réparation des conséquences de l'inexécution, le tout cumulable avec l'octroi de dommages et intérêts au sens de l'article 1231-1 du même code.

L’article 1194 du même code ajoute que les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

En l’espèce, il est constant que des travaux d’étanchéité dans les cours de l’immeuble ont été confiés à M. [P] par le syndicat des copropriétaires.

Il résulte du rapport d’expertise que M. [P] n’avait aucune compétence pour entreprendre ces travaux ni la qualification d’étancheur. Il n’était pas ailleurs pas assuré pour ce type de travaux, ce qu’il ne conteste pas au demeurant. Il sera relevé que dans la cour A/B, ayant fait l’objet d’une réfection totale, des fuites anciennes et d’autres encore actives ont été observées par l’expert. Dans les trois autres cours, les travaux ont consisté en des reprises ponctuelles et des colmatages de fissures du revêtement ; l’expert précise qu’ils n’ont pas été réalisés dans les règles de l’art et « ne peuvent en aucun cas apporter une quelconque garantie de résultat quant à la résolution des infiltrations dans la galerie ». L’absence d’étanchéité et la présence de fuites d’eau ont également été constatées par la visite d’un architecte en date du 3 mars 2018 et par le constat d’huissier en date du 8 juin 2018, soit environ deux années après l’intervention de M. [P]. Il est établi par l’expert que les travaux opérés par M. [P], non seulement n’ont pas remédié aux défauts d’étanchéité préexistants – ce qui constitue un manquement à son obligation de résultat – mais ont pu de surcroît les aggravés.

En ne réalisant pas les travaux pour lesquels il avait été missionné dans les règles de l’art, M. [P] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur la responsabilité du cabinet Plisson Immobilier

L’article 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 prévoit que le syndic est chargé d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien, et en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

Tout syndic professionnel est tenu à une obligation de conseil vis-à-vis de l’ensemble des copropriétaires et engage sa responsabilité s’il y manque. En outre, l’obligation de procéder à l’exécution des résolutions de l’assemblée générale ne dispense pas le syndic de son devoir de conseil, en ce sens qu’il lui appartient d’attirer l’attention des copropriétaires sur les irrégularités dont pourraient être entachées certaines décisions et d’apporter les éclaircissements nécessaires aux membres du syndicat, en sa qualité de professionnel.

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, le cabinet Plisson Immobilier ne démontre pas avoir informé de manière suffisante le syndicat des copropriétaires sur les conséquences préjudiciables du choix d’un entrepreneur sans assurance de garantie décennale. A cet égard, la lettre en date du 5 février 2018 du syndic au conseil syndical (pièce n°10), intervenue après les travaux, ne permet pas de démontrer que l’information a été donnée préalablement au choix de l’entrepreneur.

Bien qu’il n’appartienne pas au syndic de vérifier la compétence de l’entrepreneur choisi par le conseil syndical, le syndic professionnel est soumis à une obligation de conseil, l’astreignant à informer et conseiller le syndicat des copropriétaires pour qu’il fasse les choix les plus éclairés. En ce sens, rien ne prouve à la lecture du procès-verbal d’assemblée général du 23 mars 2016 que le syndic professionnel a déconseillé le choix d’un entrepreneur sans garantie décennale ou sans garanties facultatives, ni averti le syndicat des copropriétaires sur les conséquences potentiellement préjudiciables d’un tel choix. En outre, le rapport d’expertise en page 16 souligne que le syndic professionnel n’a pas vérifié que l’entrepreneur est assuré pour ce type de travaux et a validé le devis sans s’alerter sur l’absence de précision sur les techniques et matériaux mis en œuvre, les délais de réalisation et sur le taux de TVA à 23%.

Par ailleurs, le syndic professionnel n’a pas correctement exécuté son obligation de suivi du chantier et de gestion des travaux à laquelle il est soumis. Le rapport de gestion en date du 21 février 2018 met en avant l’absence de supervision des achats de M. [P] ainsi qu’une gestion des travaux insuffisante pour un syndic professionnel. Le rapport d’expertise en page 16 précise également qu’aucune visite de chantier, ni aucun contrôle des situations et des remboursements des factures de M. [P] n’ont été réalisés par le syndic.

Ainsi, le cabinet Plisson a manqué à ses obligations en tant que syndic professionnel à l’égard du syndicat des copropriétaires.

Il sera indiqué que les MMA ne contestent pas devoir leur garantie à l’endroit du cabinet Plisson Immobilier. L’action du syndicat des copropriétaires à leur endroit, fondée sur l’article L.124-3 du code des assurances, est à même de prospérer dans son principe.

Sur les préjudices

En application de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté peut, outre provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution, étant précisé que les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées et que des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Les dommages et intérêts s’entendent de la perte subie par le créancier ou le gain manqué. La perte de chance d’un gain est réparable dès lors qu’il est rapporté la preuve d’une disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

En application de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En l’espèce, le préjudice matériel – qui se rapporte aux travaux de reprise – a été chiffré dans le rapport d’expertise, en page 15, à la somme de 116 992 euros correspondant :
- aux travaux nécessaires à la reprise de l’étanchéité et du revêtement de la cour A/B (devis Sertec) ;
- aux travaux de dépose du système mis en place et à la réalisation d’une ventilation dans la galerie (devis AMPMP, pour les postes des VMC/soupiraux/longrines) ;
- aux travaux de dépose des gouttières, des évents à la réfection des rives (devis Bain).
Il sera relevé que l’expert a pris en compte la vétusté préexistante de l’immeuble dans l’évaluation des travaux de reprise, laquelle se rapporte exclusivement à la réparation des malfaçons et des désordres consécutifs à l’intervention de M. [P]. Conformément au rapport d’expertise, il convient d’ajouter à ce montant la somme de 9 753 euros correspondant au montage des gouttières et à la réparation de l’étanchéité dans le tunnel technique, portant ainsi le préjudice matériel total à la somme de 126 745 euros. Contrairement à ce qu’affirme le cabinet Plisson et les MMA, le préjudice arrêté par l’expert n’inclut pas la pose d’une VMC et d’évents.

Rien ne justifie que les intérêts courent à compter d’une autre date que le présent jugement, sur le fondement de l’article 1231-7 du code civil dès lors que M. [P] n’a pas manqué à une obligation de somme d’argent.

Le syndicat des copropriétaires sollicite également le paiement de frais de maîtrise d’œuvre. A cet égard, le tribunal observe qu’aucune prestation de maîtrise d’œuvre n’avait été retenue par le syndicat des copropriétaires au moment de décider la réalisation des travaux d’étanchéité. De tels frais doivent en conséquence s’analyser comme une amélioration, méconnaissant ainsi le principe de réparation intégrale du préjudice selon lequel la victime du dommage doit être replacée dans la situation qui aurait été la sienne s’il ne s’était pas produit, sans perte ni profit. Le syndicat des copropriétaires sera donc débouté de sa demande de ce chef.

S’agissant des honoraires du syndic pour les travaux à venir, le syndicat des copropriétaires ne produit aucune pièce permettant d’établir le montant objectif de son préjudice. Il sera débouté de sa demande de ce chef.

Le préjudice consécutif aux manquements du cabinet Plisson Immobilier ne peut être identique à celui occasionné par la prestation défectueuse de M. [P]. En effet, le cabinet Plisson Immobilier n’a pas concouru directement à la survenance du préjudice matériel. La faute contractuelle retenue à l’encontre du syndic consistant en un manquement à l’obligation d’information et de conseil, le préjudice qui en découle ne peut consister qu’en une perte de chance. Il sera indiqué au syndicat des copropriétaires qu’il est indifférent que le syndic ne l’ait pas suffisamment informé des conséquences de l’absence de souscription d’une assurance dommages-ouvrage par lui-même, et/ou de l’absence de souscription d’une assurance responsabilité décennale par M. [P], dès lors que ni l’une ni l’autre n’auraient été susceptibles d’être mobilisées, faute de réception des travaux. C’est pourquoi la seule perte de chance possible consiste en celle de n’avoir pas conclu un marché de travaux avec un artisan assuré au titre d’une responsabilité civile professionnelle avec garanties facultatives et ainsi de ne pas être exposé aux frais de travaux de reprise. Cette perte de chance sera évaluée à hauteur de 10 % du préjudice matériel – en ce exclu les frais de suivi par le syndic. Le tribunal justifie cette faible proportion au regard des pièces versées au débat et notamment des procès-verbaux d’assemblée générale du 24 avril 2014 et du 23 mars 2016, qui révèlent que le syndicat des copropriétaires s’est orienté vers la solution la plus économique proposée et que la souscription d’un contrat avec un artisan couvert par les garanties précitées relève d’un scénario possible mais improbable.

En conséquence, M. [P], le cabinet Plisson Immobilier et les MMA seront condamnés in solidum à payer la somme de 12 674,50 euros au titre du préjudice matériel. Il sera dit que cette somme sera indexée sur l’indice BT 01 à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise.

M. [P] sera condamné à payer la somme de 114 070,50 euros au syndicat des copropriétaires au titre du reliquat du préjudice matériel. Il sera dit qu’une partie de cette somme, à hauteur de 104 317,50 euros, sera indexée sur l’indice BT 01 à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise – un tel découpage étant rendu nécessaire afin de ne pas statuer ultra petita.

M. [P] sera condamné à payer la somme de 1 476 euros au syndicat des copropriétaires au titre des frais de syndic.

Il sera dit que toutes ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur la demande de remboursement des sommes indument perçues

Il résulte du procès-verbal d’assemblée générale que le syndicat des copropriétaires a voté la résolution 17-5 consistant à « approuver les honoraires du syndic qui s’élèvent à 4 % hors taxe du montant hors taxe des travaux sans architecte ».

Les parties s’accordent à dire que l’assemblée générale a été annulée par décision du tribunal judiciaire de Bobigny du 2 mai 2017 (p. 4 des conclusions du cabinet Plisson Immobilier ; p. 4 des conclusions du syndicat des copropriétaires). Le tribunal regrette que le jugement ne soit pas produit aux débats.

Dès lors que les parties admettent l’annulation de cette assemblée générale, et que le cabinet Plisson Immobilier n’est pas en mesure de justifier d’une autre source d’obligation au paiement de ses honoraires au titre du suivi de travaux pour la somme de 2 674,78 euros, il y a lieu de le condamner à restituer cette même somme au syndicat des copropriétaires.

Sur la demande en garantie formulée par M. [P]

En application de l’article L124-3 du code des assurances, un assureur ne peut être tenu à garantie envers le tiers lésé ou son assureur subrogé, que si la personne responsable du dommage a souscrit un contrat couvrant sa responsabilité civile.

En l’espèce, M. [P] ne justifie pas de cette demande en garantie et n’invoque au demeurant aucun moyen pour soutenir celle-ci.

Ainsi, la demande de garantie sera rejetée.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, M. [P], le cabinet Plisson et les MMA seront condamnés in solidum aux dépens, comprenant les frais d’expertise – dont le montant ne sera pas précisé, faute pour le tribunal d’avoir été destinataire de l’ordonnance de taxe.

Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, M. [P] et le cabinet Plisson et les MMA seront condamnés in solidum à payer au syndicat des copropriétaires une somme qu’il est équitable de fixer à 6 228 euros. Sont pris en compte notamment les frais de syndic pour le suivi de la procédure, les frais d’intervention de l’architecte, les frais d’intervention de l’ARC, et la note de la société Neuilly et Couverture qui a effectué des sondages à la demande de l’expert.

Les demandes formulées par M. [P] et le cabinet Plisson et les MMA au titre de l’article 700 seront rejetées.

Sur l’exécution provisoire

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En l’espèce, aucune raison ne commande d’écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE recevable l’intervention volontaire de la société MMA Iard ;

CONDAMNE in solidum M. [P], le cabinet Plisson Immobilier et les MMA à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 12 674,50 euros au titre du préjudice matériel ;

DIT que cette somme sera indexée sur l’indice BT 01 à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise ;

CONDAMNE M. [P] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 114 070,50 euros au titre du reliquat du préjudice matériel ;

DIT qu’une partie de cette somme, à hauteur de 104 317,50 euros, sera indexée sur l’indice BT 01 à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise ;

CONDAMNE le cabinet Plisson Immobilier à restituer la somme de 2 674,78 euros au syndicat des copropriétaires ;

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de ses autres demandes ;

DEBOUTE M. [P] de son appel en garantie à l’encontre du cabinet Plisson Immobilier et des MMA ;

CONDAMNE in solidum M. [P], le cabinet Plisson Immobilier et les MMA aux dépens, en ce compris les frais d’expertise ;

CONDAMNE in solidum M. [P], le cabinet Plisson Immobilier et les MMA à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 6 228 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les autres parties de leur demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que toutes les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement ;

RAPPELLE l’exécution provisoire.

La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 3
Numéro d'arrêt : 22/10011
Date de la décision : 29/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-29;22.10011 ?
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