La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/2024 | FRANCE | N°23/00756

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 5, 22 avril 2024, 23/00756


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 22 AVRIL 2024


Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 23/00756 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XGH2
N° de MINUTE : 24/00259



Monsieur [O] [P]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Georges SITBON de la SCP PEREZ-SITBON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 0198

Madame [N] [P]
née le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Georges SITBON de la SCP PEREZ-SITBON,

avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 0198

DEMANDEURS

C/

ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL -ACM IARD SA
[Adresse 3]
[Localité 4]
rep...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 22 AVRIL 2024

Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 23/00756 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XGH2
N° de MINUTE : 24/00259

Monsieur [O] [P]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Georges SITBON de la SCP PEREZ-SITBON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 0198

Madame [N] [P]
née le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Georges SITBON de la SCP PEREZ-SITBON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 0198

DEMANDEURS

C/

ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL -ACM IARD SA
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Catherine KLINGLER, membre de la AARPI LEKTOS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L 192

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur David BRACQ-ARBUS, statuant en qualité de Juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 05 Février 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 22 Avril 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur David BRACQ-ARBUS, assisté de Madame Reine TCHICAYA, greffier.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé du 3 décembre 2020, Mme [P] a fait assurer auprès de la SA ACM IARD un véhicule BMW X5 4.0D XD M sport acquis le même jour.

Le 31 mars 2021, M. [P] a déclaré à la police que ce véhicule avait été volé.

Suivant expertise extrajudiciaire diligentée par l’assureur, la VRADE a été fixée à 21 800 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juillet 2022, le conseil des époux [P] a mis en demeure l’assureur d’avoir à les indemniser du vol.

Par courrier du 25 juillet 2022, la SA ACM IARD a indiqué qu’elle ne procèderait pas à l’indemnisation faute de justification des conditions d’achat du véhicule.

C’est dans ces conditions que Mme et M. [P] ont, par acte d’huissier du 11 janvier 2023, fait assigner la SA ACM IARD devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l’indemnisation de leur préjudice.

*

La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 février 2023 par ordonnance du même jour, laquelle a été révoquée par ordonnance du 19 juin 2023.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 octobre 2023 par ordonnance du même jour, et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 5 février 2024.

Le jugement a été mis en délibéré au 22 avril 2024, date de la présente décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leur assignation introductive d’instance, Mme et M. [P] demandent au tribunal judiciaire de Bobigny de :

- condamner la SA ACM IARD à leur payer la somme de 21 800 euros au titre de l’indemnisation de leur véhicule ;
- condamner la SA ACM IARD à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- condamner la SA ACM IARD à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
- rappeler l’exécution provisoire de droit.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2023, la SA ACM IARD demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :

- débouter les époux [P] de leurs demandes ;
- le cas échéant leur enjoindre sous astreinte de 300 euros par jour de communiquer la copie des relevés d’opérations bancaires justifiant toutes les opérations qu’ils allèguent dans l’attestation art.202 de Mme [P], y compris le paiement de 11 500 euros par le frère de M. [P] ;
- laisser les dépens à leur charge ;
- les condamner à payer la somme de 5 000 euros aux ACM au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- très subsidiairement en cas de condamnation des ACM à payer le principal, débouter les époux [P] de toutes leurs autres demandes et appliquer la franchise de 430 euros qui viendra en déduction des sommes demandées.

*

Pour un plus ample exposé des moyens développés par la ou les parties ayant conclu, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales en paiement

L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1194 du même code ajoute que les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

A défaut d’exécution du contrat, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment, selon l'article 1217 du même code, agir en exécution forcée et/ou réclamer des dommages et intérêts.

Toutefois, l'article 1231-6 du même code précise que les dommages et intérêts dus en raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent ne consistent que dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, et l'éventuel préjudice indépendant de ce retard, qui ne serait pas réparé par les seuls intérêts moratoires, ne peut être indemnisé qu'en cas de mauvaise foi du débiteur.

Par ailleurs, l'article L113-1 du même code précise que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur :
- sauf exclusion conventionnelle - à la condition qu'elle soit formelle (claire et ne laissant aucune place à l'interprétation), limitée (ne vidant pas la garantie accordée de toute substance) et rédigée en caractères très apparents au sens de l'article L112-4 du même code -,
- sauf exclusion légale en cas de faute intentionnelle - lorsque l'assuré a voulu le dommage tel qu'il s'est réalisé - ou dolosive de l'assuré - lorsque l'assuré adopte délibérément un comportement dont il ne peut ignorer qu'il rend inéluctable la réalisation du risque assuré.

La clause de déchéance de garantie n’est par ailleurs opposable à l’assuré qu’à la seconde condition supplémentaire que l’assureur apporte la preuve de la déclaration frauduleuse du sinistre (Cass. 2 civ., 5 juill. 2018, n° 17-20.488 et n° 17-20.491).

Conformément à l'article 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, il incombe à l'assuré de justifier que les conditions nécessaires à l'application de la garantie d'assurance sont réunies, et à l'assureur qui s'en prévaut de démontrer que les conditions nécessaires à l'application d'une clause de déchéance ou d’exclusion de garantie sont réunies.

En l’espèce, M. et Mme [P] sollicitent l’application de la garantie « vol » de la police souscrite auprès de la SA ACM IARD.

La SA ACM IARD oppose d’une part les dispositions de l’article L. 561-10 du code monétaire et financier et d’autre part la clause de déchéance de garantie stipulée en page 7 des conditions générales.

Sur l’application de l’article L. 561-10 du code monétaire et financier

Les dispositions de l'article L. 561-10-2 et suivants du code monétaire et financier, qui mettent à la charge des assureurs un devoir de vigilance, s'inscrivent dans le cadre des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme.

Cependant, le versement à l'assuré, dans les conditions de la garantie, d'une indemnité d'assurance ensuite d'un sinistre par application du contrat régulièrement souscrit ne relève pas de ce texte, d'autant que l'assureur n'excipe d'aucune déclaration de soupçon auprès de Tracfin, et le défaut de justification des conditions de financement du véhicule assuré ne constitue pas une cause de déchéance de garantie contractuellement prévue.

Sur la clause de déchéance de garantie

Il est stipulé en page 7 des conditions générales :

« Vous devez […] nous communiquer sans délai tous les documents nécessaires à l’expertise dont la facture d’achat du véhicule ou tout autre justificatif prouvant le prix d’achat ; […]

Si vous, ou toute personne assurée, faites de fausses déclarations, exagérez le montant des dommages, prétendez détruits ou volés des objets n’existant pas lors du sinistre, dissimulez tout ou partie des objets assurés, employez comme justification des documents inexacts ou usez de moyens frauduleux, vous perdrez pour ce sinistre le bénéfice des garanties de votre contrat ».

Cependant, si les demandeurs ont fait des déclarations contradictoires quant aux conditions de financement du véhicule, force est de constater que cet élément est étranger à la clause dont l’application est sollicitée.

En effet, ils ont déclaré un prix d’achat constant de 20 500 euros et en ont justifié par la production d’une facture.
Ainsi, ni le lieu d’achat, ni la façon dont le véhicule a été financé ne sont des éléments réclamés par la clause ci-dessus reproduite, pas davantage qu’ils n’entrent en compte dans l’évaluation de l’indemnisation due aux assurés.

Dès lors que les variations dans les déclarations des époux [P] étaient insusceptibles d’accroitre leur droit à indemnisation, leur mauvaise foi n’est pas caractérisée.

Il s’ensuit que les époux [P] réclament légitimement l’indemnisation de leur véhicule, dans les conditions stipulées à la clause « 2. ESTIMATION ET INDEMNISATION DES BIENS », en page 8 des conditions générales.

L’indemnisation due est donc égale à la valeur de remplacement à dire d’expert (21 800 euros), dont il convient de déduire la franchise contractuelle (430 euros).

La SA ACM IARD sera ainsi condamnée à payer aux époux [P] la somme de 21 370 euros au titre de l’indemnisation du sinistre.

Sur la demande principale en paiement à titre de dommages et intérêts

En l’espèce, dès lors que les époux [P] ont varié dans leurs déclarations et transmis à l’assureur des éléments contradictoires susceptibles de jeter le doute sur les conditions d’acquisition du véhicule, il ne saurait être considéré que la SA ACM IARD a abusivement refusé l’indemnisation, le caractère abusif ne pouvant se déduire du seul fait qu’elle succombe à l’instance.

La demande sera ainsi rejetée.

Sur la demande de production de pièces sous astreinte

Les pièces sollicitées n’étant pas utiles à la solution du litige, la demande sera rejetée.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de la SA ACM IARD, succombant à l’instance.

Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).

Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, la SA ACM IARD, condamnée aux dépens, sera condamnée à payer à M. et Mme [P] une somme qu’il est équitable de fixer à 3 000 euros.

Sur l’exécution provisoire

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE la SA ACM IARD à payer à M. et Mme [P] la somme de 21 370 euros au titre de l’indemnisation du sinistre ;

DEBOUTE M. et Mme [P] de leur demande en paiement à titre de dommages et intérêts tirée de la résistance abusive de la SA ACM IARD ;

DEBOUTE la SA ACM IARD de sa demande de production de pièces sous astreinte ;

MET les dépens à la charge de la SA ACM IARD ;

CONDAMNE la SA ACM IARD à payer à M. et Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SA ACM IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.

La minute a été signée par Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 5
Numéro d'arrêt : 23/00756
Date de la décision : 22/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-22;23.00756 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award