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02/04/2024 | FRANCE | N°23/10529

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 5/section 1, 02 avril 2024, 23/10529


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY


JUGEMENT CONTENTIEUX DU 02 AVRIL 2024
SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND


Chambre 5/Section 1
AFFAIRE: N° RG 23/10529 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YLD4
N° de MINUTE : 24/00541

DEMANDEUR

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 1], représenté par son administrateur judiciaire, Me Daniel VALDMAN-REAJIR
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Claire LERAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2551

C/

DEFENDEUR

DIRECTION NATIONALE D’INTERVEN

TIONS DOMANIALES
agissant en qualité de curateur à la succession vacante de Madame [Z] [J].
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
non...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY


JUGEMENT CONTENTIEUX DU 02 AVRIL 2024
SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND

Chambre 5/Section 1
AFFAIRE: N° RG 23/10529 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YLD4
N° de MINUTE : 24/00541

DEMANDEUR

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 1], représenté par son administrateur judiciaire, Me Daniel VALDMAN-REAJIR
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Claire LERAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2551

C/

DEFENDEUR

DIRECTION NATIONALE D’INTERVENTIONS DOMANIALES
agissant en qualité de curateur à la succession vacante de Madame [Z] [J].
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Mechtilde CARLIER, Juge,

Statuant sur délégation du président du tribunal judiciaire conformément aux dispositions de l’article 481-1 du code de procédure civile,

Assistée aux débats de Madame Zahra AIT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 27 Février 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par Madame Mechtilde CARLIER, Juge, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [J] était propriétaire des lots 7, 10 et 15 au sein de l’immeuble sis [Adresse 1]) soumis au statut des immeubles en copropriété.

Mme [J] est décédée et la Direction Nationale d’Interventions Domaniales (la DNID) a été désignée en qualité de curateur de la succession déclarée vacante de Mme [J].

Par exploit du 31 octobre 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1]) représenté par Me [S] [K] de la SELARL V&V désigné en qualité d’administrateur provisoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Bobigny du 16 juin 2021 (le syndicat des copropriétaires) a fait assigner la succession de Mme [J] à savoir la DNID devant le tribunal judiciaire de Bobigny, au visa de la loi du 10 juillet 1965, aux fins de la voir condamner au paiement des sommes suivantes:
- 34.307,31 euros au titre des charges courantes et des travaux et frais, 4e trimestre inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2020 ;
- 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Outre les dépens

Aux termes de son mémoire régularisé le 19 février 2024, la DNID demande au juge de :
- dire prescrites les demandes de charges échues antérieurement au 31 octobre 2013 soit 290,33 euros ;
- dire que la DNID ne saurait être tenue de payer des sommes excédant 34.016,88 euros au titre des charges du 31 octobre 2013 au 1er octobre 2023 ;
- statuer sur la demande en paiement pour la période du 31 octobre 2013 au 1er octobre 2023 pour un montant de 33.477,88 euros ;
- débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des frais de procédure à hauteur de 539 euros ;
- débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages-intérêts de 2.000 euros ;
- dire que la DNID n’est tenue au paiement des dettes de la succession que dans la limite et jusqu’à concurrence de l’actif successoral ;

Aux termes de ses conclusions en réponse régularisées le 21 février 2024, le syndicat des copropriétaires demande au juge, au visa des articles 10, 10-1, 14-1 et 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 et des articles 1103 et 1104, 1231-1 et 1231-6 du Code Civil, de :

- CONDAMNER la succession de Mme [J] pris en la personne de son curateur, le service national des prestations domaniales : la somme de 34.307,21 euros au titre des charges courantes et des travaux et frais, 4ème trimestre 2023 inclus, le tout assorti d’un intérêt au taux légal à compter de 29 juin 2020, date de la mise en demeure,
- CONDAMNER la succession de Mme [J] pris en la personne de son curateur, le service national des prestations domaniales au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’audience du 27 février 2024, le syndicat des copropriétaires a maintenu ses demandes dans les termes de ses dernières conclusions. La DNID n’a pas comparu.

L’affaire a été mise en délibéré au 2 avril 2024.

Interrogée par le juge le 15 mars 2024, la DNID a indiqué qu’en vertu de l’article R. 2331-10 du code général de la propriété des personnes publiques, elle était dispensée de comparaitre aux audiences et pouvait intervenir par mémoires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité des demandes de la DNID

L’article 481-1 du code de procédure civile applicable aux procédures accélérées au fond prévoit que la procédure est orale.

L’article R. 2331-8 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que lorsqu'elles sont portées devant une juridiction judiciaire, les instances mentionnées aux articles R. 2331-1 à R. 2331-3, R. 3231-1 et R. 4111-11 auxquelles l'Etat est partie sont soumises aux dispositions du code de procédure civile, sous réserve des dispositions particulières prévues par la présente sous-section.

Par dérogation, l’article R. 2331-10 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que devant le tribunal judiciaire, l'instruction des instances mentionnées aux articles R. 2331-1 à R. 2331-3, R. 3231-1 et R. 4111-11 auxquelles l'Etat est partie se fait par simples mémoires. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. Elles peuvent présenter des explications orales.

En l’espèce, la DNID défenderesse à l’instance n’a pas constitué avocat, a déposé un mémoire et n’a pas comparu à l’audience du 27 février 2024.

Si les dispositions de l’article R. 2331-10 permettent à la DNID de ne pas constituer avocat, cet article ne peut exonérer une partie de comparaitre lorsque la procédure est orale. En effet, la procédure étant orale, les parties peuvent par principe modifier leurs demandes le jour de l’audience mais l’absence de la DNID fait obstacle à cette possibilité sauf à prévoir un renvoi ce qui nuit à la scélérité inhérente à la procédure accélérée au fond.

Le code général de la propriété des personnes publiques admet que la DNID a la possibilité d’intervenir sans avocat aux instances auxquelles elle est partie et elle a la faculté de formuler des observations orales, toutefois il n’est pas établi que le texte dérogatoire a vocation à dispenser la DNID de comparaitre de sorte que sa présence reste obligatoire aux termes du code de procédure civile.

Par conséquent, les demandes de la DNID formées par mémoires mais non soutenues à l’audience du 27 février 2024 ne sont pas recevables.

Sur la demande en paiement au titre des charges de copropriété

Sur le quantum des charges

L’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose qu’à défaut du versement à sa date d'exigibilité d'une provision due au titre de l'article 14-1 ou du I de l'article 14-2, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles.

Le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l'approbation par l'assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles. Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l'article 14-2.

Ces dispositions instituent une procédure judiciaire spécifique pour le paiement des sommes qu’elles visent, dérogatoire au droit commun, confiée au président du tribunal judiciaire.

La mise en œuvre de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 est conditionnée par l’existence d’une provision due au titre de l’article 14-1 ou du I de l’article 14-2 et demeurée impayée passé un délai de trente jours après mise en demeure (Civ. 3è, 9 mars 2022, pourvoi n°21-12988).

L’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot. Ils sont également tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes et de verser au fonds de travaux la cotisation prévue par la loi, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent de l’article 5. Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges.

Par ailleurs, il est de principe que les décisions de l’assemblée générale s’imposent tant que la nullité n’en a pas été prononcée.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires produit :

- l’extrait de matrice cadastrale ;
- les extraits du compte copropriétaires de l’ancien syndic et de l’administrateur en charge de la copropriété ;
- les procès-verbaux des assemblées générales de copropriétaires des années 2018, 2019 ainsi que les décisions de l’administrateur du 14 avril 2022, du 27 février 2023 et du 27 juillet 2023 ;
- les appels de fonds ;
- le décompte de répartition des charges ;

Il ressort de ces éléments que la somme de 539 euros a été mise à la charge de la succession de Mme [J] au titre des charges de copropriété alors que ce montant correspond aux frais de recouvrement. Ils seront traités de manière autonome.

Au regard de ces éléments, il convient de condamner la DNID en qualité de curateur de la succession vacante de Mme [J] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 33.768,21 (34.307,21 – 539) euros à titre d’arriéré de charges de copropriété selon décompte arrêté au 22 septembre 2023 appel provisionnel du 4e trimestre 2023 inclus.

Sur les intérêts

En vertu de l’article 1344-1 du code civil, la mise en demeure de payer une obligation de somme d'argent fait courir l'intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d'un préjudice.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires n’a pas mis en demeure la DNID en qualité de curateur de la succession vacante. La condamnation au paiement des charges sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

Sur les frais relevant de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965

L’article 10-1 de la loi de 1965 prévoit que les frais exposés par le syndicat à compter de la mise en demeure, nécessaires pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque, ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur sont imputables au seul copropriétaire concerné.

Doivent être qualifiés de «frais nécessaires» au sens de cet article, les diligences efficientes qui marquent une étape indispensable dans le processus de recouvrement, comme la mise en demeure, prélude obligé à l’article 19-2 de la loi ou au cours des intérêts.

Ne relèvent donc pas des dispositions de l’article 10-1 précité, les honoraires du syndic pour constitution, transmission du dossier à l’avocat ou à l’huissier et suivi de procédure qui font partie des frais d’administration courante entrant dans la mission de base de tout syndic et répartis entre tous les copropriétaires au prorata des tantièmes, les honoraires d’avocat ou d’huissier qui entrent dans les frais de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens, ainsi que les frais de mises en demeure multiples et automatiques, encore appelés «frais de relance» ne présentant aucun intérêt réel.

En l’espèce, aucune mise en demeure n’a été envoyée à la DNID. La mise en demeure du 29 juin 2020 et les autres mises en demeure et frais de relance n’ont pas été nécessaires à l’introduction de la présente instance de sorte que les frais qui y sont associés n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 10-1 de la loi de 1965.

Par conséquent, la demande de prise en charge des frais de recouvrement de 539 euros par le syndicat des copropriétaires sera rejetée.

Sur la limitation de l’obligation du domaine au paiement du passif successoral

L’article 810-4 du code civil prévoit que le curateur est seul habilité à payer les créanciers de la succession. Il n'est tenu d'acquitter les dettes de la succession que jusqu'à concurrence de l'actif.

En l’espèce, la DNID sera tenue au paiement des sommes précitées à concurrence de l’actif successoral recueilli.

Il convient au vu des circonstances de la cause de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le président du tribunal judiciaire de Bobigny, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire selon la procédure accélérée au fond, par mise à disposition au greffe :

Dit irrecevables les demandes de la DNID;

Condamne la Direction nationale d’interventions domaniales, ès qualité de curateur de la succession vacante de Mme [J], à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1]) la somme de 33.768,21 euros au titre des charges arrêtées au 22 septembre 2023, provision du 3ème trimestre de l’année 2023 incluse et avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation;

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1]) de sa demande au titre des frais de recouvrement à hauteur de 539 euros;

Déboute le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la Direction nationale d’interventions domaniales, ès qualité de curateur de la succession vacante de Mme [J] est tenue au paiement des sommes précitées à concurrence et dans la limite de l’actif successoral recueilli ;

Fait au Palais de Justice, le 02 avril 2024

La minute de la présente décision a été signée par Madame Mechtilde CARLIER, Juge, assistée de Madame Zahra AIT, greffière.

LA GREFFIERE LA JUGE

Madame AIT Madame CARLIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 5/section 1
Numéro d'arrêt : 23/10529
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;23.10529 ?
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