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20/03/2024 | FRANCE | N°23/10906

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 8/section 2, 20 mars 2024, 23/10906


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
20 Mars 2024

MINUTE : 24/262

RG : N° 23/10906 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YNLP
Chambre 8/Section 2


Rendu par Monsieur UBERTI-SORIN Stephane, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assisté de Madame MOUSSA Anissa, Greffière,

DEMANDEUR

Monsieur [P] [W] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 5]

assisté par Me TSIKA-KAYA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS - PB 128

ET

DÉFENDERESSE

S.A. IN’LI
[Adresse 3]
[Locali

té 4]

représentée par Me Christine GALLON, avocat au barreau de Paris - P 431


COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS

Monsieur UBERTI-SORIN, ju...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
20 Mars 2024

MINUTE : 24/262

RG : N° 23/10906 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YNLP
Chambre 8/Section 2

Rendu par Monsieur UBERTI-SORIN Stephane, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assisté de Madame MOUSSA Anissa, Greffière,

DEMANDEUR

Monsieur [P] [W] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 5]

assisté par Me TSIKA-KAYA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS - PB 128

ET

DÉFENDERESSE

S.A. IN’LI
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Christine GALLON, avocat au barreau de Paris - P 431

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS

Monsieur UBERTI-SORIN, juge de l’exécution,
Assisté de Madame MOUSSA, Greffière.

L'affaire a été plaidée le 21 Février 2024, et mise en délibéré au 20 Mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé le 20 Mars 2024 par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit du 26 octobre 2023, Monsieur [P] [W] [Y] a fait assigner la SA IN'LI pour bénéficier d'une mesure de sursis à expulsion de 36 mois poursuivie en exécution d’un jugement rendu le 30 août 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Aubervilliers, signifié le 14 septembre 2023, suivi d'un commandement de quitter les lieux du 25 septembre 2023.

L'affaire a été retenue à l'audience du 21 février 2024 et la décision mise en délibéré au 20 mars 2024, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées.

A l'audience, Monsieur [P] [W] [Y] a soutenu sa demande. Il explique avoir été licencié au mois de février 2022 alors qu'il occupait un poste de gardien d'immeuble pour lequel il bénéficiait d'un logement de fonction duquel il a été expulsé. Il déclare vivre en concubinage, son concubine ayant un enfant à charge, et bénéficier d'une retraite mensuelle de 1.000 euros.

Dans ses conclusions déposées à l’audience, le conseil de la SA IN'LI s'est opposé à la demande de sursis au motif que le tribunal de proximité d'Aubervilliers s'est déjà prononcé sur la demande de délai, et que sa décision a autorité de chose jugée. Il précise que la dette de loyer s'élève actuellement à plus de 7.000 euros, et que le requérant a, de fait, déjà bénéficié d'un large délai alors même qu'il ne justifie d'aucune démarches réelles en vue de son relogement. Il sollicite la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à la requête précitée et, le cas échéant, aux dernières écritures des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité de la demande en raison de l'autorité de la chose jugée

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l'article 1355 du Code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, par décision rendue le 30 août 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Aubervilliers a ordonné l'expulsion de Monsieur [P] [W] [Y] et l'a débouté de sa demande de délai pour quitter les lieux.

Pour justifier de sa demande dans le cadre de la présente instance, ce dernier verse aux débats diverses pièces notamment une attestation de renouvellement régionale de demande de logement locatif social du 3 mars 2023, faisant état d'un dépôt d'une demande initiale du 13 mars 2022. Cette pièce est antérieure au jugement du 30 août 2023 et ne constitue donc pas un élément nouveau. Tel est également le cas des copies de chèques qu'il produit pour justifier du paiement des loyers lesquelles sont toutes antérieures à la date du jugement précité.

En revanche, Monsieur [P] [W] [Y] produit une notification de retraite établie le 10 février 2024 par l'assurance retraite d'Île-de-France. Cette pièce constitue un élément nouveau.

En conséquence, la demande de délai formulée par Monsieur [P] [W] [Y] sera déclarée recevable.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Aux termes des dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution ne peut délivrer de titre exécutoire hors les cas prévus par la loi et est dépourvu des pouvoirs juridictionnels pour accorder des délais de grâce lorsqu'aucune procédure d'exécution forcée n'est en cours.

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Conformément à l'article L. 412-4 du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction en vigueur à compter du 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur [P] [W] [Y] perçoit, à compter du 1er janvier 2024, une retraite mensuelle nette avant impôt sur le revenu de 771 euros. Celui-ci déclare vivre en concubinage avec Madame [L] [N], mais ne justifie pas des revenus de cette dernière. En revanche, il produit la copie intégrale d'un acte de naissance aux termes duquel il est justifié que sa concubine est mère d'un enfant né le [Date naissance 1] 2009.

Si le requérant justifie du renouvellement d'une demande de logement locatif social du 3 mars 2023 (demande initiale du 13 mars 2022), il ne produit aucun élément actualisé, par exemple un recours dans le cadre du droit au logement opposable (DALO).

Enfin, il ressort du relevé de compte produit par la défenderesse, actualisé au 2 février 2024, que la dette de loyer s'élève à 7.244,45 euros. Il ressort de se relever que Monsieur [P] [W] [Y] a effectué des versements réguliers de l'ordre de 700 euros par mois, mais qu'à compter du 31 mai 2023, il n'a plus rien versé sauf 586,31 euros.

Même si les justificatifs produits par le requérant sont partiels, il apparaît que sa retraite reste moderne et qu'ainsi ses ressources ne lui permettent plus de payer chaque mois l'intégralité de l'indemnité d'occupation mise à sa charge.

Par ailleurs, la SA IN'LI n'allègue ni ne prouve que l'absence de paiement du loyer courant serait de nature à lui causer une préjudice mettant en péril son activité, ni un besoin urgent de reprendre le logement litigieux.

Or, une mesure d'expulsion aurait pour Monsieur [P] [W] [Y] de graves conséquences.

Pour ces raisons, il conviendra de faire droit à la demande de sursis de Monsieur [P] [W] [Y]. Cependant, ce délai sera nécessairement bref en raison de l'impossibilité pour Monsieur [P] [W] [Y] de régler l'intégralité de l'indemnité d'occupation mise à sa charge.

En conséquence, le délai du sursis sera fixé 4 mois, soit jusqu'au 20 juillet 2024, pour permettre à Monsieur [P] [W] [Y] de mener à bien sa demande de logement social et ainsi éviter son expulsion.

Compte tenue de la faiblesse des revenus de Monsieur [P] [W] [Y], le délai ainsi accordé ne sera pas subordonné au paiement régulier de l'indemnité d'occupation telle que définie par l'ordonnance rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Aubervilliers le 30 août 2023. Cependant, il est rappelé qu'elle reste due et qu'il appartient à Monsieur [P] [W] [Y] de s'en acquitter en fonction de ses facultés financières.

Sur les demandes accessoires

a) Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Monsieur [P] [W] [Y] supportera la charge des éventuels dépens et ce, malgré le succès de sa prétention, l'instance ayant été introduite dans le seul objectif d'obtenir des délais pour quitter les lieux.

b) Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Par suite, la SA IN'LI sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au Greffe,

ACCORDE à Monsieur [P] [W] [Y], et à tout occupant de son chef, un délai de QUATRE mois, soit jusqu'au 20 juillet 2024 inclus, pour se maintenir dans les lieux situés [Adresse 2] à [Localité 6] ;

DIT que Monsieur [P] [W] [Y], ainsi que tout occupant de son chef, devra quitter les lieux le 20 juillet 2024 au plus tard, faute de quoi la procédure d'expulsion, suspendue pendant ce délai, pourra être reprise ;

DÉBOUTE la SA IN'LI de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [P] [W] [Y] aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé au Palais de Justice de Bobigny le 20 mars 2024.

Le Greffier, Le juge de l'exécution,
Anissa MOUSSAStéphane Uberti-Sorin


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 8/section 2
Numéro d'arrêt : 23/10906
Date de la décision : 20/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-20;23.10906 ?
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