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18/03/2024 | FRANCE | N°22/11858

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 3, 18 mars 2024, 22/11858


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 18 MARS 2024


Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/11858 - N° Portalis DB3S-W-B7G-W3ZP
N° de MINUTE : 24/00180


Madame [O] [C] [L] [J]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Maître Aurore MIQUEL de la SELARL AM AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, vestiaire : 55

DEMANDEUR

C/

Maître [H] [G], Notaire associée de l’Etude Notariale de [Localité 9].
[Adresse 2]
[Localité 9]
représenté par Me Marc PANTALONI, avocat au barreau de PARIS, vestiai

re : P0025

Monsieur [T] [S] [P] [E]
né le 06 Novembre 1965 à [Localité 8] (ALGÉRIE)
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me Estelle C...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 18 MARS 2024

Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/11858 - N° Portalis DB3S-W-B7G-W3ZP
N° de MINUTE : 24/00180

Madame [O] [C] [L] [J]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Maître Aurore MIQUEL de la SELARL AM AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, vestiaire : 55

DEMANDEUR

C/

Maître [H] [G], Notaire associée de l’Etude Notariale de [Localité 9].
[Adresse 2]
[Localité 9]
représenté par Me Marc PANTALONI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0025

Monsieur [T] [S] [P] [E]
né le 06 Novembre 1965 à [Localité 8] (ALGÉRIE)
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me Estelle CORDEGLIO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0975

S.A.R.L. AGENCE ORPI EST HABITAT
[Adresse 1]
[Localité 9]
défaillant

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DEROUAULT, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 15 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 18 Mars 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé établi par l’Agence Orpi Est Habitat en date du 26 août 2021, Mme [J] a consenti au bénéfice de M. [E] un compromis de vente portant sur un bien se trouvant au [Adresse 5] à [Localité 10] (Seine-Saint-Denis) constitué d’un appartement de type deux pièces agrémenté d’une cave et d’un emplacement de parking extérieur, moyennant le versement d’un prix de 200 000 euros.

Il était prévu une condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier au plus tard le 26 octobre 2021.

Le compromis de vente prévoyait également la clause suivante :
« La somme de 10.000 euros sera déposée à titre d’acompte entre les mains de Maître [H] [G], choisie pour séquestre par les parties. Ce dépôt interviendra au plus tard dans un délai de dix jours à compter de la signature des présentes par virement. Il s’imputera sur le prix, frais et honoraires convenus y compris honoraires de l’agence sauf en cas de non-réalisation de l’une des conditions suspensives contenues dans la présente convention. »

L’acte fixait également une clause pénale à hauteur de 20 000 euros en cas de non-réitération de la vente.

La vente n’a pas été réitérée.

Par acte d'huissier en date des 7 et 17 novembre 2022, Mme [J] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Bobigny la société Agence Orpi Est Habitat, M. [E] et Maître [G] aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 avril 2023, Mme [J] demande au tribunal de :
- condamner M. [E] à payer la somme de 20 000 euros au titre de la clause pénale ;
- condamner M. [E] à payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
- condamner l’agence Orpi à payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice financier et moral ;
- condamner Maître [G] à payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice financier et moral ;
- condamner in solidum les défendeurs à payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
- ordonner l’exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2023, M. [E] demande au tribunal de :
- débouter la demanderesse de ses demandes ;
- à titre subsidiaire, modérer la clause pénale.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2023, Maître [G] demande au tribunal de :
- débouter la demanderesse de ses demandes ;
- la condamner à payer la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

L’agence Orpi n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2023.

L'affaire a été inscrite au rôle de l'audience du 15 janvier 2023, où elle a été appelée.

Sur quoi elle a été mise en délibéré au 18 mars 2024 afin qu'y soit rendue la présente décision.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur les demandes contre M. [E]

A. Sur la responsabilité

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1304-3 du même code précise que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Il résulte par ailleurs des dispositions d'ordre public de l'article L313-41 du code de la consommation que :
- lorsque la promesse de vente immobilière indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement ;
- que la durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement ;
- que lorsque la condition suspensive n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit ;
- que les parties ne peuvent imposer à l'acquéreur un délai intermédiaire pour déposer sa demande de prêt (voir en ce sens Cass, Civ 3, 12 février 2014, 12-27.182), ni lui imposer de notifier au vendeur la non-obtention du prêt dans le délai prévu (voir en ce sens Cass, Civ 1, 9 mai 1996, 94-12.133) ;
- que les parties peuvent en revanche exiger de l'acquéreur qu'il justifie avoir sollicité plusieurs établissements de crédit (voir en ce sens Cass, Civ 3, 21 juillet 1998) ;
- qu'il appartient au bénéficiaire de la promesse de vente de démontrer qu'il a bien sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse, auquel cas, il revient au promettant de rapporter la preuve que le bénéficiaire a empêché l'accomplissement de la condition suspensive.

En l’espèce, le compromis de vente prévoit que « la présente vente est conclue sous la condition suspensive de l’obtention du ou des prêts dans les conditions ci-après arrêtées.
[…]
L’acquéreur s’engage à déposer, dans les plus brefs délais, des dossiers complets de demande de prêts répondant aux caractéristiques ci-avant définies auprès de tout organisme prêteur ayant son siège social en France et dans au moins trois établissements financiers ou banques et à en justifier au vendeur et au rédacteur des présentes dans un délai maximum de quinze jours à compter du dépôt de la demande.
[…] la réception de cette ou de ces offres de prêt devra intervenir au plus tard le 26 octobre 2021 ».

En l’espèce, M. [E] ne conteste pas ne pas avoir effectué de diligences aux fins d’obtenir un prêt immobilier dans les conditions du compromis.

M. [E] allègue qu’il a été placé en garde-à-vue le 10 septembre 2021, puis à nouveau courant octobre 2021, puis en détention provisoire entre le 26 novembre 2021 et le 24 mai 2022 et se prévaut ainsi d’un cas de force majeure.

Le tribunal rappelle que la force majeure suppose, pour être caractérisée, que l’événement soit extérieur, imprévisible et irrésistible : au cas présent, le placement en garde-à-vue à deux reprises entre le moment de signature du compromis de vente et la date butoir d’obtention du prêt ne rend pas irréalisable l’exécution de diligences à cette fin. Le moyen tiré de la force majeure est donc inopérant.

Partant, la condition suspensive d’obtention de prêt, stipulée dans l’intérêt de M. [E], est réputée accomplie.

Partant, en manquant à ses obligations contractuelles, M. [E] voit sa responsabilité engagée.

B. Sur les préjudices

En vertu de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Il est acquis que la clause pénale prévue dans le compromis fixe l’indemnisation du créancier à hauteur de 20 000 euros en cas de non-réitération de la vente par l’une des parties défaillantes.
Le tribunal entend modérer cette clause qui apparaît disproportionnée dans son montant en comparaison du préjudice effectivement subi. Ladite clause sera ainsi réduite à la somme de 5 000 euros.

Mme [J] ne peut prétendre à l’indemnisation de son préjudice moral dès lors que son préjudice est d’ores et déjà réparé par la clause pénale, même réduite, laquelle doit s’analyser précisément en une évaluation conventionnelle du préjudice résultant de l’inexécution contractuelle du débiteur.

Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

II. Sur les demandes contre l’agence Orpi et Me [G]

L'agent immobilier engage sa responsabilité pour les dommages subis par les personnes parties à une opération immobilière en raison des fautes qu'il commet dans l'exercice de sa mission d'intermédiaire dans une vente d'immeuble. Le fondement de cette responsabilité est contractuel à l’égard de ses clients et délictuel à l’égard des autres parties.

En l’espèce, Mme [J] reproche à l’agence Orpi de ne pas avoir vérifié le versement d’un acompte de la somme de 10 000 euros à la signature du compromis auprès de Me [G] désigné séquestre.

Elle reproche à Me [G] de n’avoir pas non plus vérifié ce versement, de ne s’être pas manifesté auprès du vendeur pour indiquer ne pas avoir reçu les fonds, et ce, alors qu’il a confirmé avoir reçu le compromis le 8 septembre 2021.

Elle indique avoir subi un préjudice consistant en ne pouvoir bénéficier du versement prévu et donc percevoir une partie du montant de la clause pénale (ainsi requalifiée par le tribunal, la demanderesse évoquant, dans ses écritures, une indemnité d’immobilisation).

Le tribunal n’entend pas faire droit aux demandes de Mme [J] dès lors que le lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice allégué n’est pas caractérisé ; il l’eût été si Mme [J] avait démontré l’insolvabilité du débiteur et son incapacité à honorer le montant de la clause pénale, ce qui n’est pas le cas.

Elle sera donc déboutée de ses demandes.

III. Sur les mesures de fin de jugement

A. Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à charge de l'autre partie.

M. [E] sera condamné aux dépens.

B. Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

M. [E] sera condamné à payer la somme de 1 500 euros à Mme [J] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [G] sera déboutée de sa demande de ce chef.

C. Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il sera rappelé l’exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort et en audience publique et mis à disposition au greffe,

CONDAMNE M. [E] à payer à Mme [J] la somme de 5 000 euros au titre de la clause pénale ;

DEBOUTE Mme [J] de ses autres demandes ;

CONDAMNE M. [E] aux dépens ;

CONDAMNE M. [E] à payer à Mme [J] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Me [G] de sa demande en paiement en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l’exécution provisoire du jugement.

La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 3
Numéro d'arrêt : 22/11858
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;22.11858 ?
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