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18/03/2024 | FRANCE | N°22/08017

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 6/section 3, 18 mars 2024, 22/08017


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 18 MARS 2024


Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/08017 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WVDX
N° de MINUTE : 24/00179


Monsieur [W] [N]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Maître Eric SIMONNET de la SELARL SIMONNET AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E0839

Madame [I] [H] épouse [N]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Maître Eric SIMONNET de la SELARL SIMONNET AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E0839

DEMANDEURS

C/


S.A.R.L. IMMO & CO
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Claude BENHAMOU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiair...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 18 MARS 2024

Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/08017 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WVDX
N° de MINUTE : 24/00179

Monsieur [W] [N]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Maître Eric SIMONNET de la SELARL SIMONNET AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E0839

Madame [I] [H] épouse [N]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Maître Eric SIMONNET de la SELARL SIMONNET AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E0839

DEMANDEURS

C/
S.A.R.L. IMMO & CO
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Claude BENHAMOU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 196

Société ONEY INSURANCE (PPC) LIMITED, société d’assurance de droit maltais
[Adresse 2],
[Localité 10]
00000 MALTA
défaillant

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur François DEROUAULT, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 15 Janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 18 Mars 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

M. et Mme [N] sont propriétaires des deux biens suivants :
- un appartement sis à [Adresse 7], donné à bail à Mme [F] et à M. [T] par contrat du 6 juillet 2017 ;
- un appartement sis à [Adresse 9], donné à bail Mme [R] et M. [C] par contrat du 16 janvier 2018.

Les baux d’habitation ont été conclu par l’intermédiaire de l’agence immobilière Immo & Co, à qui les époux [N] ont confié la gestion locative de ces deux biens, suivant contrat du 20 juillet 2017.

Concomitamment à la conclusion des deux baux d’habitation, les époux [N], par l’intermédiaire de la société Immo & Co, ont souscrit, pour chacune des deux locations, un contrat intitulé garantie loyers impayés auprès de la société Oney Insurance (PCC) Limited – ci-après désignée la société Oney.

Les locataires ont cessé de payer leur loyer.

Les époux [N] allèguent que la société Oney n’a pas exécuté en totalité le contrat d’assurance.

Par actes d'huissier en date des 3 et 5 août 2022, les époux [N] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Bobigny la société Immo & Co et la société Oney Insurance (PPC) Limited aux fins de demander au tribunal de :
- condamner la société Oney à payer la somme de 28 371,54 euros en exécution des deux contrats garantie loyers impayés ;
- condamner la société Oney à payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
- à titre subsidiaire, condamner la société Immo & Co à payer la somme de 28 371,54 euros au titre de dommages-intérêts ;
- condamner la société Immo & Co à payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
- condamner in solidum les sociétés Oney et Immo & Co à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 mai 2023, la société Immo & Co demande au tribunal de :
- débouter les époux [N] de leurs demandes ;
- les condamner à payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2023.

L'affaire a été inscrite au rôle de l'audience du 15 janvier 2024, où elle a été appelée.

Sur quoi elle a été mise en délibéré au 18 mars 2024 afin qu'y soit rendue la présente décision.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur les demandes contre la société Oney

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Il est acquis que les époux [N] ont souscrit deux garanties loyers impayés auprès de la société Oney, lesquels se rapportent respectivement à l’un et l’autre des logements mis en location.

Il résulte des conditions générales produites par les demandeurs que ces contrats prévoient, en cas de loyers impayés, la prise en charge par l’assureur :
- des loyers, charges et taxes prévus au bail et non payés par le locataire ;
- des indemnités d’occupation des lieux, dues par le locataire, dans la limite du loyer fixé au contrat de location initial ;
- des frais de procédure de recouvrement (frais et honoraires d’huissier, d’avocat, d’avoué dont l’intervention est rendue nécessaire ainsi que ceux visant à l’expulsion du Locataire défaillant)
- des frais de procédure d’expulsion (frais d’intervention du serrurier, du commissaire de police, frais de déménagement et de garde meuble) ;
- de la période d’inoccupation consécutive au départ furtif du locataire ou au décès du locataire et, jusqu’à trois mois après la date de récupération des lieux.

La lecture des conditions particulières révèle qu’aucune franchise n’est prévue et que la garantie s’applique, pour chaque contrat, dans les limites d’un plafond de 70 000 euros.

Il est justifié par les demandeurs que les impayés de loyer et autres frais s’y rapportant s’élèvent à :
- pour l’appartement sis à [Localité 6] : 9 812,01 euros ;
- pour l’appartement sis à [Localité 8] : 16 638,89 euros.

Les demandeurs indiquent et prouvent que la société Oney a versé :
- la somme de 3 260 euros au titre des impayés des locataires de l’appartement sis à [Localité 6] ;
- la somme de 5 000 euros à titre d’avance sur les fonds dans les deux sinistres.

Partant, la société Oney sera condamnée à payer aux demandeurs la somme de 18 190,90 euros au titre des deux garanties loyers impayés.

L’inexécution contractuelle de la société Oney a occasionné un préjudice moral aux demandeurs qu’il convient de fixer à hauteur de 1 000 euros et qu’elle sera condamnée à leur payer.

II. Sur les demandes contre la société Immo & Co

A. Sur la demande au titre des loyers impayés

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, le tribunal, qui n’a pas fait droit en totalité à la demande en paiement au titre des loyers impayés des demandeurs, est tenu d’examiner leur demande subsidiaire formulée contre la société Immo & Co.

Cependant, il convient d’observer que le tribunal a fait droit à leur demande dans la limite des documents produits par eux aux fins de justifier de leur perte de revenus locatifs, de telle sorte, que, la société Immo & Co ne peut être condamnée à payer le surplus correspondant à un préjudice dont les époux [N] n’ont pas rapporté la preuve.

B. Sur le préjudice moral

Aux termes de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

En l’espèce, la demande en paiement au titre du préjudice moral s’analyse comme une demande en réparation des conséquences de l’inexécution.

Il convient donc pour le tribunal de caractériser l’existence d’un préjudice, d’une faute contractuelle et d’un lien de causalité.

Au terme du contrat de gestion de locative, la société Immo & Co était tenue de « souscrire, signer ou résilier tout contrat d’assurance relevant de la gestion courante du bien ou encore de sa protection, mettre en œuvre les garanties accordées par le contrat » et de « faire toute déclaration de sinistre, en assurer la gestion et en percevoir toutes indemnités versées par les compagnies d’assurance ».

En l’espèce, s’agissant de l’appartement de [Localité 6], les demandeurs ne peuvent, pour soutenir que la société Immo & Co a commis une faute dans l’exécution de son contrat de gestion locative en s’appuyant sur des informations fausses concernant la situation professionnelle de Mme [F] et M. [T], se fonder uniquement sur leur pièce n°16 consistant en un courrier de l’assureur Oney qui procède à une telle affirmation, sans qu’aucun autre élément de la procédure ne soit à même de la confirmer, et alors même, que la société Immo & Co justifie de ce que le contrat de travail du locataire n’avait pas été démenti par l’employeur. Par ailleurs, la société Immo & Co justifie des démarches effectuées auprès de l’assureur, de telle sorte que c’est à tort que les demandeurs lui reprochent une faute.

S’agissant de l’appartement de [Localité 8], c’est à raison que les demandeurs allèguent que la société Immo & Co ne justifie pas de diligences auprès de l’assureur afin que les époux [N] obtiennent leur indemnité et s’est contentée de donner mandat au mandataire de l’assureur pour agir en justice à l’encontre des locataires débiteurs sans opérer de suivi et sans chercher à obtenir l’indemnisation qui était la contrepartie contractuelle d’un tel mandat. En effet, la société Immo & Co, qui était tenue de déclarer le sinistre et d’en assurer le suivi, ne peut valablement soutenir que le fait de donner mandat à l’assureur d’engager et suivre toute action amiable ou contentieuse contre les locataires s’assimile à la gestion du sinistre déclaré à l’assureur aux fins de mobilisation de la garantie loyers impayés, une telle obligation lui incombant en vertu du contrat de gestion locative. En n’assurant pas ce suivi, la société Immo & Co a commis une faute dans l’exécution de son contrat de nature à engager sa responsabilité, dont elle ne peut s’exonérer au motif que les époux [N] n’ont pas eux-mêmes effectué de diligences auprès de l’assureur, ce qu’ils n’avaient pas à faire dans la mesure où ils avaient confié la réalisation de ces démarches à la société Immo & Co.

Un tel manquement contractuel a occasionné aux demandeurs un préjudice moral qu’il convient de fixer à hauteur de 500 euros.

II. Sur les mesures de fin de jugement

A. Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à charge de l'autre partie.

L’article 699 du code de procédure civile prévoit que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

La société Oney sera condamnée aux dépens.

Il sera autorisé l’application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

B. Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

La société Oney sera condamnée à payer aux époux [N] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

C. Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il sera rappelé l’exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort et en audience publique et mis à disposition au greffe,

CONDAMNE la société Oney Insurance (PCC) Limited à payer à M. et Mme [N] la somme de 18 190,90 euros au titre des deux garanties loyers impayés ;

CONDAMNE la société Oney Insurance (PCC) Limited à payer à M. et Mme [N] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la société Immo & Co à payer à M. et Mme [N] la somme de 500 euros au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la société Oney Insurance (PCC) Limited aux dépens ;

CONDAMNE la société Oney Insurance (PCC) Limited à payer à M. et Mme [N] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société Immo & Co de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE l’exécution provisoire du jugement.

La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 6/section 3
Numéro d'arrêt : 22/08017
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;22.08017 ?
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