TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 MARS 2024
SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND
Chambre 5/Section 2
AFFAIRE: N° RG 23/12033 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YFFP
N° de MINUTE : 24/00389
DEMANDEUR
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, la SAS 2ASC IMMOBILIER, représentée par son président, Monsieur [T] [Z].
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Mélody OLIBÉ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1028
C/
DEFENDEUR
Monsieur [M] [B]
[Adresse 3]
[Localité 4]
dispensé de représentation
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Charlotte THINAT, Présidente,
Statuant sur délégation du président du tribunal judiciaire conformément aux dispositions de l’article 481-1 du code de procédure civile,
Assistée aux débats de Madame Zahra AIT, greffier.
DÉBATS
Audience publique du 09 Janvier 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Charlotte THINAT, Présidente, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [M] [B] est propriétaire des lots n°2, 3, 12 et 14 de l'immeuble sis [Adresse 1] (93).
Par exploit du 20 décembre 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1]), représenté par son syndic, la SAS 2ASC IMMOBILIER, a assigné Monsieur [M] [B] devant le Président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant selon la procédure accélérée au fond aux fins de :
- DIRE que les demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] sont recevables et bien fondées ;
- DIRE que les votes, par les assemblées générales en date du 12 juin 2019, 18 mai 2021 et 20 decembre 2022, des budgets prévisionnels des années 2020, 2021, 2022 et 2023 sont définitifs ;
- DIRE que les provisions non encore échues au titre de l’année 2024, en application des articles 14-1 ou 14-2 de la loi du 10 juillet 1965, deviennent pour Monsieur [B] immédiatement exigibles, les mises en demeure qui lui ont été adressées étant restées infructueuses dans un délai de
trente jours ;
- CONDAMNER Monsieur [B] a verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 5 241,60 euros au titre des appels de charges et fonds de travaux échus au 6 décembre 2023, somme augmentée des intérêts légaux a compter du 5 novembre
2020, date de la première mise en demeure restée vaine ;
- CONDAMNER Monsieur [B] a verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] les provisions en application des articles 14-1 ou 14-2 de la loi du 10 juillet 1965, au titre de l’année 2024, somme augmentée des intérêts légaux a compter de l'acte introductif
d’instance ;
- CONDAMNER Monsieur [B] a verser au syndicat des copropriétaires la somme de 2 500,00 euros a titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
- CONDAMNER Monsieur [B] aux dépens ainsi qu'a verser au syndicat des copropriétaires la somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, dont distraction sera faite a Maître [P] [E].
Il est expressément renvoyé à cette assignation, valant conclusions, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 09 janvier 2024.
A l'audience, le syndicat des copropriétaires a exposé que Monsieur [M] [B] , propriétaire de plusieurs lots au sein de l’immeuble et par conséquent redevable à ce titre de charges de copropriété conformément à l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, ne règle plus celles-ci régulièrement. Il a fait valoir que le compte individuel de ce copropriétaire présente un solde débiteur au titre des charges. Le syndicat des copropriétaires a également soutenu que le non-paiement des charges de copropriété, occasionne un préjudice aux autres copropriétaires, direct et distinct des intérêts moratoires, et s’estime dès lors bien fondé à obtenir la condamnation de Monsieur [M] [B] au paiement des charges impayées ainsi qu'à des dommages et intérêts dès lors que la mise en demeure qui leur a été adressée est restée infructueuse.
Monsieur [M] [B] a comparu. Il a précisé avoir acquis l'appartement au mois de décembre 2020 et que le montant des dettes de l'ancien propriétaire avait été séquestré lors de la vente afin de purger celles-ci. Il conteste être redevable de la totalité de la somme demandée et ne reconnaît devoir que 50% de celle-ci. Il remet des copies d'échange de courriels avec le syndic aux fins de justifier de sommes réclamées par erreur par ce dernier ainsi que la copie de deux chèques de paiement de ses charges de copropriété.
Il a été mis dans les débats l'absence de mise en demeure au dossier et les conséquences juridiques qui en découlent.
L'affaire a été mise en délibéré au 12 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes
L’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose qu’à défaut du versement à sa date d'exigibilité d'une provision due au titre de l'article 14-1, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application dudit article 14-1 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles. Le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l'approbation par l'assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles.
Ces dispositions instituent une procédure judiciaire spécifique pour le paiement des sommes qu’elles visent, dérogatoire au droit commun, confiée au président du tribunal judiciaire.
En l'espèce, le syndicat des copropriétaires, bien que fondant sa demande sur les dispositions précitées de l'article 19-2 et agissant par conséquent dans le cadre de la procédure accélérée au fond, ne communique aucune mise en demeure en tant que telle. Il transmet en effet des relances datées des 05 novembre 2020, 16 décembre 2020, 21 avril 2022 et 03 octobre 2023 ainsi qu'une sommation de payer du 07 avril 2021. Outre leur ancienneté au regard de la date de mise en oeuvre de la présente procédure, ces actes ne répondent pas aux exigences de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965. Il en est de même de la relance du 03 octobre 2023. Bien que celle-ci mentionne expressément “nous vous prions de considérer la présente comme valant MISE EN DEMEURE SOUS HUITAINE”, force est de constater que celle-ci ne met pas en demeure Monsieur [B] de régler une provision mais l'ensemble d'un arriéré de charges, d’un montant de 6.741,60 euros et ce, dans un délai de 8 jours en lieu et place du délai légal de trente jours.
Ainsi, elle ne permet pas au copropriétaire débiteur de comprendre qu'en cas de paiement d'une seule provision, il ne pourra être poursuivi sur le fondement de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 pour le paiement de l'intégralité de son arriéré de charges ainsi que des provisions non encore échues au titre de l'exercice en cours.
Ce n'est en effet qu'en cas de non paiement après mise en demeure de payer une provision dans un délai de trente jours que le syndicat des copropriétaires est en droit de saisir le président du tribunal judiciaire aux fins d'obtenir la condamnation du copropriétaire défaillant au paiement de cette provision, des provisions non encore échues en application de l'article 14-1 et des sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes. De surcroît, dès lors que l'article 19-2 susvisé énonce que ce n'est qu'après mise en demeure restée infructueuse que la totalité des charges impayées restant dues, ainsi que les provisions non encore échues, deviennent immédiatement exigibles, la mise en demeure ne peut inclure les sommes restant dues puisque, aux termes de cet article, celles-ci ne sont pas encore exigibles à la date de son établissement.
Enfin, considérer que la procédure accélérée au fond prévue à l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 pourrait valablement être mise en oeuvre, en l'absence de paiement par le copropriétaire défaillant de la totalité de sa créance après mise en demeure, reviendrait à faire perdre tout sens à la procédure de droit commun devant le tribunal judiciaire. Celle-ci n'aurait en effet plus lieu d'être dès lors que le syndicat des copropriétaires se verrait offrir la possibilité d'assigner ledit copropriétaire devant le président de la juridiction, dans le cadre d'une procédure plus rapide et donc moins coûteuse, aux fins de recouvrir la totalité de sa créance.
En conséquence, la relance valant mise en demeure du 03 octobre 2023 ne répondant pas à ces exigences, il y a lieu de déclarer les demandes du syndicat des copropriétaires fondées sur les dispositions de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 irrecevables.
Sur les mesures accessoires
Il sera rappelé que, conformément à l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit.
Le syndicat des copropriétaires supportera la charges des dépens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant en audience publique par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare les demandes du syndicat des copropriétaires des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1]), représenté par son syndic, la SAS 2ASC IMMOBILIER, irrecevables ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1]), représenté par son syndic, la SAS 2ASC IMMOBILIER, aux entiers dépens ;
Rappelle, conformément à l’article 481-1 du code de procédure civile que le délai pour faire appel de la présente décision est de 15 jours ;
Rappelle que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Fait au Palais de Justice, le 12 mars 2024
La minute de la présente décision a été signée par Madame Charlotte THINAT, Présidente, assistée de Madame Zahra AIT, greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Madame AIT Madame THINAT