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26/08/2024 | FRANCE | N°23/00370

France | France, Tribunal judiciaire de Béthune, 1ère chambre civile, 26 août 2024, 23/00370


1ère chambre civile

[R] [T]
, [V] [B]

c/
[E] [L]
, [N] [L]
























copies et grosses délivrées
le

à Me CAPELLE
à Me DEWATTINE (BOULOGNE SUR MER)
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉTHUNE

N° RG 23/00370 - N° Portalis DBZ2-W-B7H-HVII
Minute: /2024


JUGEMENT DU 26 AOUT 2024


DEMANDEURS

Monsieur [R] [T]
né le 24 Octobre 1986 à BULLY LES MINES (PAS-DE-CALAIS), demeurant 19 Rue Jean Jaurès - 62580 GIVENCHY EN GOHELLE

reprÃ

©senté par Me Jean-louis CAPELLE, avocat au barreau de BETHUNE

Madame [V] [B]
née le 20 Mars 1990 à LILLE (NORD), demeurant 19 Rue Jean Jaurès - 62580 GIVENCHY EN GOHELLE

représentée par Me Jean-louis CAPELLE, ...

1ère chambre civile

[R] [T]
, [V] [B]

c/
[E] [L]
, [N] [L]

copies et grosses délivrées
le

à Me CAPELLE
à Me DEWATTINE (BOULOGNE SUR MER)
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉTHUNE

N° RG 23/00370 - N° Portalis DBZ2-W-B7H-HVII
Minute: /2024

JUGEMENT DU 26 AOUT 2024

DEMANDEURS

Monsieur [R] [T]
né le 24 Octobre 1986 à BULLY LES MINES (PAS-DE-CALAIS), demeurant 19 Rue Jean Jaurès - 62580 GIVENCHY EN GOHELLE

représenté par Me Jean-louis CAPELLE, avocat au barreau de BETHUNE

Madame [V] [B]
née le 20 Mars 1990 à LILLE (NORD), demeurant 19 Rue Jean Jaurès - 62580 GIVENCHY EN GOHELLE

représentée par Me Jean-louis CAPELLE, avocat au barreau de BETHUNE

DEFENDEURS

Monsieur [E] [L], demeurant 21 rue Jean Jaurès - 62580 GIVENCHY EN GOHELLE

représenté par Maître Alex DEWATTINE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

Monsieur [N] [L], demeurant 21 Rue Jean Jaurès - 62580 GIVENCHY EN GOHELLE

représenté par Me Alex DEWATTINE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Présidente : LEJEUNE Blandine, Juge, siègeant en Juge Unique

Assistée lors des débats de SOUPART Luc, greffier principal.

DÉBATS:

Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 Avril 2024 fixant l’affaire à plaider au 21 Mai 2024 à l’audience de juge unique.

A la clôture des débats en audience publique, l’affaire a été mise en délibéré et les parties ont été avisées que le jugement serait mis à la disposition au Greffe au 26 Août 2024.

Le tribunal après avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort.
EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [L] et Mme [E] [L], propriétaires de la parcelle 808, située 21 rue Jean Jaurès à Givenchy-en-Gohelle (62580), sont voisins de M. [R] [T] et Mme [V] [B], propriétaires de la parcelle 250, située 19 rue Jean Jaurès à Givenchy-en-Gohelle.

Par une ordonnance en date du 29 septembre 2021, le juge des référés a désigné M. [Y], expert judiciaire, au sujet d'infiltrations d'eau évoquées par M. [T] et Mme [B] au niveau de l'extension construite sous un chéneau recueillant les eaux des deux immeubles.

L’expert a déposé son rapport le 19 février 2022.

Par acte de commissaire de justice en date du 25 janvier 2023, M. [R] [T] et Mme [V] [B] a assigné M. [N] [L] et Mme [E] [L] devant le tribunal aux fins de condamnation sous astreinte de leurs voisins à prendre des mesures aux fins de récupérer les eaux de pluie sur leur immeuble.

M. [N] [L] et Mme [E] [L] ont comparu à l'instance.

L'instruction de la procédure a été confiée au juge de la mise en état qui a ordonné sa clôture le 10 avril 2024 et qui a fixé l'affaire pour plaidoiries à l'audience des débats du 21 mai 2024 devant le juge unique. A l'issue des débats, le prononcé de la décision a été reporté pour plus ample délibéré au 26 août 2024.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 décembre 2023, M. [R] [T] et Mme [V] [B] demandent au tribunal de :
-les accueillir en leur action et les déclarer recevables et bien fondés;
en conséquence :
-condamner sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, les
défendeurs à prendre toute mesure de façon à récupérer sur leur immeuble, leurs eaux de pluie;
-les condamner également solidairement au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des
dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en l'intégralité des dépens en ce compris
les dépens liés à la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire
-déclarer irrecevable et en tous les cas mal fondée, l'argumentation développée par les époux [L] et
-les débouter de leurs prétentions formulées reconventionnellement

M. [T] et Mme [B] se prévalent des dispositions de l'article 681 du Code civil. Ils exposent que les eaux de pluie provenant tant de leur extension que de celle celle de leurs voisins arrivent dans un chéneau qui se trouve sur leur propriété. Ils précisent que ce chéneau est sous-dimensionné, ce qui leur cause un préjudice en raison des débordements en cas de fortes pluies.

S'opposant au moyen tiré de l'acquisition par les époux [L] d'une servitude d'écoulement des eaux de pluie par prescription, les demandeurs exposent que l'existence d'un empiètement illicite fait obstacle à la reconnaissance d'une telle servitude. M. [T] et Mme [B] ajoutent que les époux [L] ne démontrent pas l'existence d'une possession continue, non interrompue, paisible et non équivoque à titre de propriétaire, en application de l'article 2261 du Code civil. Ils contestent plus particulièrement les caractères non-équivoque et public de la prescription invoquée par les défendeurs.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2024, M. [N] [L] et Mme [E] [L] demandent au tribunal de :
- rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions présentées par M. [R] [T] et Mme
[V] [B] ;
-écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
-condamner M. [R] [T] et Mme [V] [B] à leur verser la somme de 4 000 euros
sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [R] [T] et Mme [V] [B] aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les époux [L] se prévalent de l'existence d'une servitude de déversement, en application des dispositions de l'article 690 du Code civil. Ils exposent que les travaux ayant conduit à la pose du chéneau litigieux ont été réalisé en 1990, et que le mur comporte un débord sur le terrain voisin depuis sa construction. Ils arguent des caractères continu et apparent de la servitude, en raison d'un léger débord de leur toiture sur la propriété de M. [T] et Mme [B]. Ils estiment que l'existence d'un débord en surplomb de la propriété voisine ne fait pas obstacle à la reconnaissance de l'acquisition d'une servitude de déversement par prescription.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions visées ci-dessus.

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur la demande de condamnation sous astreinte à récupérer les eaux de pluie

L'article 681 du Code civil dispose que tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin.

L'article 690 dudit Code précise que les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par possession de trente ans.

L'article 545 prévoit enfin que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Il résulte de ces dispositions qu'une servitude d'écoulement des eaux pluviales, qui a nécessairement un caractère continu, peut être acquise par prescription trentenaire, sous réserve de son caractère apparent. Néanmoins, une servitude ne peut conférer le droit d'empiéter sur la propriété d'autrui.

Il sera par ailleurs rappelé qu'en application des dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, les parties fournissent des éléments de cadastre, sans qu'un géomètre-expert n'ait pu intervenir pour établir la position des éléments de construction sur l'un et l'autre des fonds. Un géomètre-expert a été mandaté par M. [T] et Mme [B], et a établi un rapport de carence, en date du 18 juillet 2022, les époux [L] ne s'étant pas présentés à la réunion fixée pour établir les limites respectives de propriété. Il apparaît par ailleurs qu'en dépit de la demande qui a été faite en ce sens auprès de l'expert judiciaire, ce dernier n'a pas fait appel à un sapiteur en qualité de géomètre-expert.

S'agissant du chéneau, le rapport d'expertise judiciaire énonce : « à partir des observations faites, il semble de façon presque certaine que ce chéneau se situe sur la propriété de M. [T] ». Le rapport d'expertise amiable conclut également à sa présence sur la propriété de Mme [T].

Aux termes de leurs écritures, les époux [L] ne contestent pas que les eaux pluviales provenant de leur toiture se déversent dans le chéneau situé sur la propriété de M. [T] et Mme [B], évoquant au contraire l'existence au profit de leur fonds d'une servitude de déversement sur celui de leurs voisins.

Il y a donc lieu de considérer que le chéneau litigieux se trouve sur la propriété de M. [T] et Mme [B].

S'agissant de l'existence d'un débord de toiture provenant du fonds des époux [L], aucun élément produit au débat ne permet d'en relever l'existence. Il n'y a donc pas lieu de considérer qu'il existe un empiètement faisant obstacle à la reconnaissance d'une servitude de déversement acquise par prescription.

Il résulte des pièces produites au débat que l'écoulement émanant du toit des époux [L] vers le chéneau situé sur la propriété de leurs voisin revêt un caractère apparent, compte-tenu de la disposition des lieux. Il est en effet manifeste que le pan de toiture des époux [L] rejoint celui de l'extension de M. [T] et Mme [B], de manière à ce que l'eau s'écoule au niveau du chéneau dont s'agit.

En ce qu'il concerne les seules eaux pluviales, cet écoulement revêt un caractère continu.

S'agissant de la date de mise en place de cette situation concrète, l'expert judiciaire considère que « ce chéneau semble récupérer les eaux de pluie de la toiture [L] depuis très longtemps, et a priori depuis au moins trente ans selon la facture de travaux jointe ».

Le rapport d'expertise amiable établi à la demande de M. [T] et Mme [B] précise à ce sujet que « sans connaître l'historique des travaux nous déduisons de la situation actuelle, que la toiture [L] disposait d'une gouttière avant que l'un des anciens propriétaires de la parcelle [T] entreprenne des travaux et remplace cette gouttière par un chéneau encaissé posé sur le mur séparatif [T] lors de la construction de l'extension ».

Les consorts [L] produisent par ailleurs au débat une facture de réfection de pignon et de couverture, établie le 23 avril 1990 au nom de M. [J] [F], rue Jean-Jaurès à Givenchy-en-Gohelle. Le numéro de rue n'est pas précisé sur la facture, et les époux [L] ne produisent aucun élément complémentaire tendant à démontrer qu'il s'agit d'un ancien propriétaire du bien qu'ils ont acquis.

Ils produisent par ailleurs au débat un extrait des archives du cadastre non daté et illisible, ne permettant pas de vérifier la présence de l'extension d'où proviennent les écoulement dont s'agit, plus de trente ans auparavant.

Dès lors, il y a lieu de considérer que les époux [L], sur lesquels repose la charge de la preuve, ne démontrent pas l'existence de l'écoulement des eaux dont s'agit sur le fonds voisin depuis plus de trente ans.

Compte-tenu de ces éléments, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de l'acquisition, par le fonds des époux [L] d'une servitude d'écoulement sur celui de M. [T] et Mme [B] par l'effet de la prescription acquisitive.

En conséquence, les époux [L] seront condamnés, sous astreinte selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision, à mettre en œuvre les mesures nécessaires à l'évacuation des eaux de pluie sur leur fonds ou sur la voie publique.

Sur l'exécution provisoire et les frais du procès

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit, en application de l'article 514-1 du Code de procédure civile

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une partie. Elle peut également être condamnée à payer à l'autre une somme que le juge détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. A cet égard, le juge tient compte, dans tous les cas, de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Parties ayant succombé au sens de ces dispositions, les époux [L] seront condamnés aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire. Ils seront également condamnée à payer à M. [T] et Mme [B] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et rendu en premier ressort ;

CONDAMNE M. [N] [L] et Mme [E] [L] à prendre toute mesure destinées à récupérer leurs eaux de pluie sur leur immeuble

DIT qu'à défaut d'y procéder dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, M. [N] [L] et Mme [E] [L] seront condamnés au paiement d'une astreinte provisoire d'un montant de 30 euros par jour pour une durée de 180 jours

CONDAMNE M. [N] [L] et Mme [E] [L] aux dépens en compris les frais d'expertise judiciaire ;

CONDAMNE M. [N] [L] et Mme [E] [L] à payer à M. [R] [T] et Mme [V] [B] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Béthune
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00370
Date de la décision : 26/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-26;23.00370 ?
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